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Vigile de décembre évoque le retour par temps de neige dans une maison d’enfance qu’il va falloir vendre. Le temps de l’avent est un temps qui rappelle ces journées troubles de printemps froid et d’adolescence. Les thèmes du second livre, Buée, s’y lisent en transparence, comme les souvenirs flous qui lèvent des vieux papiers qu’il faut jeter.
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Assis dans la pénombre à brûler des lettres
On voit s’ouvrir le jour en grand rocher de verre
Qu’un souffle embue d’un voile où brille
Un givre à peine un peu plus dur que la buée
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Avec l’avancée vers Noël, ce sont les souvenirs d’enfance qui lèvent, rappelant le rouge des jours d’été et du feu au centre du premier livre, Assomption.
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Dans la maison les murs sèchent
La soie de Chine a une odeur de paille
Et l’on secoue les coussins rouges
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Plus légère et joyeuse au fil des heures
L’agile agitation des voix enjouées
S’en va rejoindre en bas les jeux d’enfance
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Odeur d’épiphanie odeur d’orange
Cannelle et pain d’épices
Pomme au four et résine du sapin
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Les bouquets de houx sont intacts
D’un cuir dur et lustré de glace
Qui semble voué au dieu de la Bible
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Puis un papillon de nuit tombe
Sur le plancher de bois
Lavé au savon noir
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Rien qu’un masque et ce rire aztèque
À peine une effigie
Éteint le cours du temps
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Happant à bruit muet
Ce par quoi dans le jour
Tout se touche et me devient proche
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Plus qu’un écho sonore
Plus que ce cuir biblique
Et ces soieries que le feu sèche.
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Cette image du papillon de nuit est celle que l’on trouvait dans Brumaire qui évoquait la Toussaint, la mort, le noir et aussi le sphinx, avec tous les sens qui s’y attachent comme si le papillon était aussi l’effigie maléfique du sphinx et son silence.
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Sphinx
Un noir de suif sur l’étamine en flamme
Pas de bruit pas même une odeur de poudre
Et tombe au bord du buvard qui l’absorbe
Un peu de cendre une ombre éparse au vent
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C’est toujours en palimpseste que les images des trois livres glissent dans le dernier livre comme les souvenirs de livres traversés.
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S’approchant de l’âtre on peut voir
Prêt à se défaire un coffret de suie
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Poussier d’argent soierie sur fond moiré
Aucun cercueil ne serait si précieux
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On cite un chant d’anthologie
Ovide une élégie d’exil devant la mer
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Insensible au miroir de la tristesse
Le feu dévoie ses reflets dans le cuivre
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Et si la suie s’effondre en chuchotant
La buée d’hiver rend le froid plus noir.
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Devant des objets retrouvés au hasard des rangements, la mémoire se condense en brusques blocs comme les images de la poésie baroque qui courent d’un bout à l’autre des quatre livres.
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Le coffret marron clair contient des fruits confits
Disposés dans leurs papiers blancs
Comme des trésors voués à Noël
Qu’abriterait le cuir damasquiné
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Tenus au secret sous les ors des reliefs
Modelant la lumière en arrondis lustrés
Ils promettent un monde de douceur
Dans la tranquillité cossue de l’opulence
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Gros cabochons d’abricots gras de sucre
Confits en dévotion comme des cardinaux
Lustrés ventrus arborant leur splendeur
Pour écraser le lourd grenat des figues
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Rouelles de citron clair rubis de cerise
Sourire en gloire au doux miroir des muses
Pour soleils en mémoire des sonnets anciens
Joyaux offerts à la mélancolie des siècles.
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La traversée du bourg et de l’église avec sa crèche et tous les personnages qui semblent avoir été rêvés donne l’impression d’une vie déjà posthume…
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Tout est poudreux fini à présent posé là
Comme en décembre un peu après Noël
Les papiers rouge et or laissés à la poussière
Miroitant trop somptueux pour être mis au feu
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Et c’est une vie qui se termine…
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Suivant le bruit du balai de genêts sur le seuil
On jette les cendres de décembre au vent clair
Et le ciel bleu s’ouvre à l’année nouvelle
Comme s’ouvre au vent la vallée transparente
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Il n’y a plus qu’à s’en aller.
C’est une histoire banale.
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Sur le site de la librairie Charybde, on pourra lire une belle note de lecture d’Hugues Robert qui a, tout au long de l’année, accompagné la parution de quatre volumes de Sur champ de sable :
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