C’est par le plus grand des hasards que j’ai été amenée à traduire Shakespeare : la traduction du Songe d’une nuit d’été avait été demandée par Madeleine Louarn à André Markowicz et, subitement, contraint de partir en Russie, le traducteur a déclaré forfait, me laissant la charge de traduire les rôles des artisans…
Étrange aventure qui allait nous prendre huit ans pour une traduction que nous sommes sans fin prêts à remettre sur le métier — une expérience très joyeuse, qui a commencé par une adaptation, Le Jeu du songe (dont je pensais avoir perdu le texte mais je viens d’en retrouver le dernier exemplaire)
et qui s’est poursuivie par la publication du texte avec les deux actes V (celui du Folio et celui du Quarto).
Les débats ont repris à l’occasion de la traduction du Roi Lear : depuis Le Songe d’une nuit d’été nous savions que nous traduisions de manière très différente — et nous savions aussi que nous pouvions améliorer considérablement le texte en confrontant nos versions, quitte à passer beaucoup de temps à chercher des solutions. Mais avec Le Roi Lear, la difficulté était telle que nous restions face à des nœuds inextricables ou plutôt des réseaux de significations qui nous apparaissaient clairement mais que nous ne voyions pas comment transposer. Il est apparu au cours du travail que j’arrivais à traduire avec plus de précision, mais avec moins de rigueur dans la restitution de la métrique : en fin de compte, j’ai rédigé la traduction qui a ensuite été minutieusement révisée, refaite jusqu’à ce que la versification soit assez rigoureuse pour être naturelle et pour donner aux acteurs des points d’appui aux endroits requis. La traduction a été mise en scène par Lorand Wanson au Théâtre royal de Bruxelles et j’ai décidé que ma carrière de traductrice s’arrêterait là, pour des raisons que j’aimerais bien expliquer si j’en trouve le temps un jour. En tout cas, elle a été publiée par les éditions les Solitaires intempestifs et je suis particulièrement fière d’avoir photographié l’illustration de couverture que je ne peux pas voir sans plaisir. J’aime beaucoup les livres des Solitaires intempestifs mais Le roi Lear est mon préféré.
J’ai aussi été très contente de voir l’illustration d’Arthur Rackham que j’avais proposée retenue pour la réédition du Songe d’une nuit d’été. Je rêve maintenant de publier notre traduction du Songe avec les illustrations de Rackham…