J’avais photographié un ange accordé à des vœux mélancoliques mais non, ce matin, voilà que l’AFP nous offre une merveilleuse leçon d’optimisme.
Ne me demandez pas pourquoi la municipalité de Rennes a choisi d’organiser la ville autour d’une vaste esplanade balayée par les vents tout en décidant de (je cite) « densifier l’habitat », quitte à démolir des centaines de maisons anciennes. Ne me demandez pas non plus pourquoi cette ville qui se veut en tête de la lutte écologique loge chaque année sur cette esplanade une gigantesque fête foraine avec manèges tonitruants, débauche de décibels et de lumières braillardes. Il se trouve des gens qui, pour finir dignement l’année, vont se mettre dans des nacelles en vue d’être balancés à cinquante mètres du sol les pattes en l’air et la tête en bas, ne me demandez pas non plus pourquoi. Cette année, la nacelle s’est bloquée en plein ciel. Les amateurs d’émotions fortes, au lieu de s’émerveiller de cette émotion superforte, ont, annonce l’AFP, vécu un calvaire. Mais les étapes de ce calvaire sont exposées comme autant d’épreuves menant au salut…
Le journaliste commence par exposer la situation : « Huit Rennais ont passé le réveillon du Nouvel An les pieds dans le vide à 50 mètres au-dessus de la terre ferme dans un manège bloqué pour une défaillance technique. Le calvaire a duré plus de neuf heures pour certains d’entre eux. » Il s’agissait, précise-t-il, de trois adultes et « cinq mineurs de 13 à 17 ans » qui se sont trouvés prisonniers du redoutable BOMBERMAXXX. Vers 20 h 30, le bras de BOMBERMAXXX s’est bloqué, le manège s’est arrêté, « “on a entendu des étincelles, un gros bruit de ferraille, on a imaginé le pire. J’avais peur que les sécurités des harnais lâchent”, a décrit Béatrice, mère de Louna, 13 ans, qui a passé huit heures dans les airs».
La première manifestation d’optimisme se fait jour via les commentaires du patron de BOMBERMAXXX tels que rapportés par l’AFP : en effet, il n’y a pas lieu de s’inquiéter car c’est « une pièce neuve qui a lâché ». Elle était en parfait état, mais, voulant trop bien faire sans doute, elle s’est bloquée. « C’est un incident technique qui n’était jamais arrivé avant. Heureusement, ça n’a aucune dangerosité pour les clients », explique-t-il. « La seule difficulté, c’est de les descendre ».
Le tout était, en effet, de les descendre…
Dans un premier temps, on fait appel aux pompiers. Pas n’importe quels pompiers, les pompiers du bien nommé GRIMP (Groupe de Reconnaissance et d’Intervention en Milieu Périlleux). Les cinq pompiers du GRIMP, laissant leur réveillon sans rechigner, tentent l’escalade par le sol, et, là encore, font preuve d’un merveilleux optimisme : vu que leur échelle fait trente mètres, il ne reste que vingt-deux mètres à monter, ce qu’ils s’apprêtent à faire illico, sauf qu’il ne s’agit pas que de grimper, encore faut-il descendre les prisonniers de BOMBERMAXXX.
S’en étant opportunément rendu compte, les pompiers du GRIMP font appel à DRAGON 50, « l’hélicoptère de la Sécurité civile, basé à Granville, dans la Manche » (nous découvrons au passage qu’il n’y a pas d’hélicoptère disponible en Bretagne, mais avec un peu d’optimisme…). De fait, juste avant minuit, DRAGON 50 hélitreuille un secouriste sur la nacelle de BOMBERMAXX, puis un autre secouriste le rejoint, et tous deux harnachent les huit prisonniers pour les faire descendre en rappel.
En bas, on n’oublie pas de regarder l’heure. Ding, dong, bonne année ! « À minuit, tout le monde s’embrasse dans une drôle d’ambiance. On va se réchauffer au bistrot d’à côté, dont la patronne paye une tournée de café aux pompiers» (oui, de café : il ne s’agirait pas que les hommes du GRIMP repartent pompette avec leur grande échelle). Et puis, l’heure est aux retrouvailles : deux Léo sont dans la nacelle. Or, « accoudées au bar, leurs mères se rendent compte que leurs fils sont nés à trois jours d’intervalle et qu’elles s’étaient rencontrées à la maternité dix-sept ans plus tôt ». Pour un hasard, c’est un hasard ! Dieu l’aura voulu. On trinque. Bonne année ! Et bon anniversaire, Léo !
« Vers 01 h 30, une bagarre entre des forains et des clients éclate au pied du manège» et tout se poursuit dans la fumée des gaz lacrymogènes : on tousse, on pleure, il ne manque plus que les gilets jaunes, mais ça ne semble émouvoir personne – l’habitude peut-être ? De toute façon, notez bien, alentour, la fête continue. Allons, tout ça n’est rien, bonne année !
« Un peu après 04 h 00, le premier passager descend enfin. Son arrivée est saluée par une salve d’applaudissements des badauds encore présents ».
Vous pouvez le suivre en direct, et vu du ciel encore, depuis DRAGON 50…
On tend aussitôt le micro à Nicolas, 47 ans, qui vient de « mettre pied à terre ». Il déclare : « Ça s’est relativement bien passé mais depuis deux ou trois heures, ça commençait à stresser dur. L’année prochaine, je reste chez moi avec des petits fours et du champagne. Ou alors je fais la pêche aux canards. »
La pêche aux canards ! Heureusement que ce n’est pas la chasse !
France-info ajoute pour conclure : « Tout le monde a été pris en charge par les pompiers est (sic) emmené dans une salle de spectacle. »
Après les vœux de Macron et les vœux de Poutine à la télévision russe, une petite leçon d’optimisme est toujours bonne à prendre…
Bonne année !