Tandis qu’à Guingamp, on s’apprêtait à rendre hommage à Yann Fouéré, j’évoquais à Troyes le massacre de Creney : 49 jeunes résistants extraits de la prison de Troyes par les SS du Bezen Perrot pour être assassinés à la veille de la Libération. Un crime de guerre laissé impuni.
C’était la suite de Miliciens contre maquisards (à la tête des assassins de Troyes se trouvait d’ailleurs Chevillotte, le responsable du groupe qui sévissait à Bourbriac). La rencontre était d’autant plus émouvante que se trouvaient dans l’assistance des enfants des résistants fusillés — et aussi la fille du prisonnier miraculeusement épargné, le cinquantième prisonnier laissé dans sa cellule car son nom avait été mal prononcé…
Ici, Jean Lefèvre, président de l’association qui m’invitait, devant l’arbre planté à la mémoire de son oncle assassiné à Creney et le mémorial où a lieu tous les ans une cérémonie.
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Une telle conférence serait, bien sûr, impossible en Bretagne (ce qui, d’ailleurs, suffit à donner une idée du poids de la censure) mais, comme la parole n’est pas interdite sur ce site, j’ai mis en ligne, sous le titre « Un crime de guerre impuni », une brève synthèse de cette conférence.
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« j’évoquais à Troyes le massacre de Creney : 49 jeunes résistants extraits de la prison de Troyes par les SS du Bezen Perrot pour être assassinés à la veille de la Libération. »
Vous attribuez ici le massacre des 49 jeunes résistants à la Bezen Perrot.
Dans l’autre texte, « Un crime de guerre impuni », vous dites : « le 22 août 1944, 49 jeunes résistants ont été sortis de la prison de Troyes, emmenés à Creney et abattus par des SS sans avoir été jugés. […] plusieurs de ces SS étaient des nationalistes bretons … »
Là, vous dites que les 49 résistants ont été abattus par des SS, et que « plusieurs » (combien ? sur combien de SS ?) étaient des « nationalistes bretons ».
Ce n’est pas du tout la même chose !
En outre, les crimes de ces « nationalistes bretons » sont de leur seule responsabilité, et pas de la responsabilité du nationalisme breton en général.
Merveilleux commentaire ! Je n’aurais pas pu souhaiter plus belle illustration de l’idéologie du mouvement breton actuel (qu’il soit de gauche ou pas).
Dès lors qu’un fait dérangeant vient à être énoncé, la même méthode s’applique invariablement :
1. Chercher un petit détail en vue de discréditer l’exposé
2. Dédouaner le nationalisme breton
Phase 1.
Ce militant extrait deux citations. Je les donne non coupées :
Citation 1 :
« Tandis qu’à Guingamp, on s’apprêtait à rendre hommage à Yann Fouéré, j’évoquais à Troyes le massacre de Creney : 49 jeunes résistants extraits de la prison de Troyes par les SS du Bezen Perrot pour être assassinés à la veille de la Libération. Un crime de guerre laissé impuni. »
Citation 2 :
« S’il fallait du courage pour m’inviter, c’est que plusieurs de ces SS étaient des nationalistes bretons enrôlés pour se battre aux côtés des nazis contre la France dans une formation baptisée Bezen Perrot et que tout ce qui les concerne est pris en charge par les nationalistes bretons actuels. »
Où est la contradiction ? Où a-t-il été dit que le Bezen agissait seul ? Il faut n’avoir aucune idée des méthodes du SD pour se l’imaginer.
Ce qui est révélateur, c’est (de la part d’un militant qui ignore manifestement tout du sujet) la défense immédiate du Bezen : les pauvres, ils n’étaient pas tout seuls, ils n’étaient pas les pires, allons donc, ils se sont laissés entraîner par de mauvais camarades.
Regardez ailleurs, vous trouverez les vrais coupables — tiens, par exemple, la France jacobine : c’est ce que fait le préfacier de K. Hamon (un autonomiste de l’UDB) qui explique que les tortionnaires du Bezen avaient une bonne raison de s’enrôler puisque l’exécution de l’abbé Perrot par la Résistance fut « un crime contre l’humanité tel qu’il fut défini à Nuremberg » et que le problème est celui que pose « le nationalisme français ».
Un seul mot d’ordre : sauvons, sauvons, sauvons, le bon nationalisme breton.
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La manière de couper les citations est, elle aussi, remarquable .
Premier passage retranché :
« Tandis qu’à Guingamp, on s’apprêtait à rendre hommage à Yann Fouéré, »
L’hommage à Fouéré ne pose aucun problème.
« S’il fallait du courage pour m’inviter, c’est que […] que tout ce qui les concerne est pris en charge par les nationalistes bretons actuels. »
Le nationalisme actuel ne pose pas de problème non plus, ni la censure, ni la réécriture de l’histoire, ni la réhabilitation du nationalisme breton qui a amené des jeunes gens à s’enrôler sous uniforme SS, au nom de la défense d’une Bretagne fantasmée.
Phase 2
Rien que d’attendu, mais enfin, la conclusion vaut quand même son pesant d’or :
« En outre, les crimes de ces « nationalistes bretons » sont de leur seule responsabilité, et pas de la responsabilité du nationalisme breton en général. »
Les membres du Bezen : des « nationalistes bretons » entre guillemets. Pas des vrais ! Ils n’étaient pas nationalistes, même s’ils combattaient sous uniforme SS au nom de la nation bretonne. Ils combattaient au nom de la nation bretonne mais combattre au nom de la nation bretonne, c’est très bien et les nationalistes bretons sont très bons. Donc le Bezen n’était pas pas nationaliste.
C’est ce qu’on appelle un raisonnement en cercle. Un cercle destiné à préserver le dogme. Autrement dit, une forme d’idolâtrie. Inchangée depuis les origines.
Et tel est bien le problème que j’entendais poser.
Les crimes du Bezen n’étaient pas de la responsabilité du nationalisme breton ?
Si.
Ils n’ont rien à voir avec le nationalisme breton actuel ?
Si.
La preuve.
L’analyse « littéraire » que vous faites de mon commentaire est de votre responsabilité et je ne vais pas revenir dessus dans le détail.
Vous dites à la fin que les « crimes du Bezen » (Perrot) ont « à à voir avec le nationalisme breton actuel ». Et vous ajoutez « La preuve. »
Quelle « preuve » ? Quel lien je pourrais avoir, en tant que nationaliste breton actuel, avec des crimes commis à une époque où je n’étais même pas né (comme dit au loup l’agneau dans la fable), fussent-ils commis par des nationalistes bretons ? Une idéologie commune ? Le nationalisme breton n’implique pas de commettre des crimes. Son but est de libérer la Bretagne de la domination française, pas de commettre des crimes.
Réponse, encore une fois, merveilleusement représentative de la rhétorique nationaliste : le fait n’existe que s’il sert le dogme.
Exit le Bezen Perrot — totalement dénué d’intérêt pour les nationalistes bretons qui n’étaient pas nés à l’époque, pauvres agneaux.
Vous n’étiez pas né en 1532 et vous demandez quand même le retour avant le traité d’union afin de créer une nation bretonne « en vue de libérer la Bretagne de la domination française ».
Sur quelle base, cette nation ? Une base linguistique ? En ce cas, il vous faudra éliminer 99 % des jeunes puisqu’ils ne parlent pas un mot de breton. Ça fait beaucoup.
Sur une base ethnique ? En ce cas, il vous faudra celtiser de force la Bretagne gallèse. Et contraindre les Bretons à cesser de se penser français. Quitte à éliminer ceux qui entendent rester français ? Là encore, ça fait beaucoup.
Sur une base historique ? En ce cas, vous devriez vous intéresser à l’histoire du nationalisme breton. Et notamment à celle du Bezen Perrot, ce groupe de bons jeunes gens, doux comme l’agneau de la fable (et souvent bien pieux — c’étaient parfois d’anciens séminaristes), qui voulaient « libérer la Bretagne de la domination française ».