Marie de France

Marie de France écrivant ses fables

Marie de France

Ah ! quel plaisir de traduire Marie de France !

Durant quelques années, dans les trains, les chambres d’hôtel, sur les quais de gare en attente de correspondances ou simplement dans le jardin par un beau jour d’automne bien calme et silencieux, sortir son calepin et se plonger dans la transposition de ces vers légers, lumineux, tout rayonnants d’humour et de poésie ! Que ne donnerais-pas pour avoir encore une petite fable ou un lai à traduire ! À certains moments, l’envie me vient de traduire Le Purgatoire de saint Patrice tant je suis en manque de Marie de France mais un grain de bon sens me reste et je sais que nul éditeur jamais n’en voudra. Et comme j’ai mille autres textes non publiés, je me contente de soupirer. Peut-être un jour… Il y a des passages magnifiques dans Le Purgatoire de saint Patrice, même si, bien sûr, le thème peut sembler un peu ingrat.

Ces traductions m’ont valu de connaître des personnes charmantes, gracieuses et pleines de talent, de vivre des expériences nouvelles et de découvrir des mondes pleins de richesses dont je ne soupçonnais pas même l’existence.

Sylvia Bergé, Céline Samie, Clotilde de Bayser, Elsa Lepoivre, Adeline d’Hermy, Marion Malenfant

Expérience passionnante entre toutes : la lecture des Lais et des Fables à la Comédie  française.

Être pris dans l’angoisse euphorique des derniers instants de répétition, voir dans les coulisses émerger de l’ombre un visage soudain magnifié par le maquillage, ou une silhouette virevoltante qui s’arrête, un pied levé, à l’instant de s’immobiliser pour le dernier instant avant d’entrer en scène, et soi-même, ô terreur, franchir le seuil et se trouver propulsé vers le noir aux visages flottants… Bref, pour la première fois au monde, grâce à Muriel Mayette, ces textes faits pour être dits et non pas lus ont pu être entendus ensemble, fables et lais se répondant.

La soirée a été enregistrée et diffusée par France-culture (oui, pour le moment le lien est inactif mais j’ai pu en obtenir un enregistrement que j’ai été autorisée à mettre en ligne).

France culture  a déjà donné à entendre quelques fables de Marie de France — autre belle expérience pour moi qui n’ai de cesse de travailler sur le passage de l’écrit à l’oral. Il est ainsi possible d’entendre Hervé Pierre dire « Le Chien et la Brebis » ou encore « Le renard et l’aigle », « Le lion malade et le renard », « Le voleur et les brebis ».

Et, pour la première fois, les lais et les fables ont pu être écoutés ensemble.

Je précise que si l’autorisation de donner à entendre cette émission sur mon site m’a été gracieusement offerte et s’il est possible de mettre le lien vers cette page, il est en revanche strictement interdit de mettre cette émission en ligne sur d’autres sites. Il s’agirait alors de contrefaçon.

  

*

Découverte inattendue : le monde du film d’animation. Un beau jour, une jeune réalisatrice demande le droit d’utiliser la traduction du « Lai du Bisclavret » pour un film d’animation, domaine dont j’ignore à peu près tout — et, oui,  le monde de Marie de France est un monde que l’on dirait fait pour cette technique précise, méticuleuse, délicate et fragile consistant à donner l’illusion du mouvement par une succession d’images complémentaires.

Bisclavret, le film d’Émilie Mercier a reçu je ne sais combien de prix et, merveilleuse récompense pour moi, les enfants, loin d’être déconcertés par les rimes, disent  après avoir vu le film qu’ils aiment entendre « les mots qui se répondent ». Pour ceux qui voudraient l’acheter, ce n’est pas difficile. Ou, du  moins, jusqu’à une date récente, ce n’était pas difficile : à présent, il faut acheter un coffret de dix films d’animation, pas cher, d’accord, mais Bisclavret se trouve pris dans le lot.

*

Mais j’aurais dû commencer par là : traduire les fables de Marie, c’est aussi regarder les manuscrits. Qui a connu le bonheur de se voir apporter le manuscrit enluminé délicatement déposé sur son pupitre peut dire ne pas avoir vécu pour rien. Dans le silence de la Bibliothèque Nationale, contempler les loups, les renards, les aigles et les souris finement sertis de feuilles d’or, brillant sous le soleil si honni des chercheurs, et penser au clerc qui a calligraphié ces caractères dont l’encre luit doucement…

Par la suite, je me suis amusée à composer un manuscrit de fables grâce aux enluminures graciles du manuscrit généreusement mis en ligne par la Fondation Bodmer. Il est agréable de lire les fables en regardant page après page les enluminures d’un imagier du XVe siècle

Fables de Marie de France Actes Sud

Les fables de Marie de France

Les lais de Marie de France

Et puisque cette page a d’abord pour but de compléter les livres parus, et d’apporter quelques informations complémentaires, j’en profite pour rappeler, chose omise par l’éditeur, que l’enluminure de couverture des Fables représente Marie composant ses fables.

Alors que l’auteur restait généralement anonyme au Moyen Âge, le fait que plusieurs enluminures figurent Marie est exceptionnel et montre bien le statut de celle que Lagarde et Michard désignaient comme « notre première femme poète ».

Je suis particulièrement contente que l’éditeur ait accepté de reproduire l’image que je proposais car elle me semble si bien répondre à l’image de Marie telle que je l’imagine, gracieuse, attentive et légèrement distante, avec ce sourire presque imperceptible d’ange malgré tout sérieux… Depuis, je constate que tout le monde reproduit ce portrait. Il en existe un autre mais la pauvre Marie n’y est pas à son avantage.

*

On trouvera ici :

— Sous le titre Marie et Aliénorune tentative de replacer le travail de Marie de France dans son temps

— Sous le titre Marie et le vicomte, une mise au point au sujet d’une falsification admise pour vérité par de nombreux médiévistes

— Sous le titre Marie de France à l’université, le compte rendu d’une rencontre avec des universitaires

Et puis, hélas, un article sur le sort réservé à cette pauvre Marie mise au programme de l’agrégation, Marie de France et les agrégatifs.

Et depuis que j’ai rédigé ces pages une autre traduction en prose universitaire est parue dans la Pléiade. Ma traduction, quant à elle, n’est pas même mentionnée dans la bibliographie de ces universitaires.

On pourra lire une étude sur ce sujet à la suite de l’édition de La Folie Tristan aux éditions Mesures.

15 réponses à Marie de France

  1. Jeanne Balderacchi dit :

    J’ai eu la chance d’assister au spectacle de La comédie française mis en scène par Muriel Mayette en 2012 je crois .Il était enregistré par France Culture . Depuis je cherche désespérement une copie pour le revoir ou même seulement l’écouter .Pourriez vous m’indiquer une piste pour me le procurer . Cela me ferait un immense plaisir .
    Bien cordialement . J . Balderacchi

    • Françoise Morvan dit :

      C’est très facile puisque j’ai mis (ci-dessus) le lien avec la diffusion qui peut toujours être téléchargée sur France Culture. Le lien est toujours actif mais au cas où, le voici à nouveau :

      Marie de France lais et fables

      Cette soirée était une commande de Muriel Mayette mais elle avait été mise en scène par Marie Sophie Ferdane. Et j’ai toujours, moi aussi, un grand plaisir à l’écouter.

  2. Oxymoron dit :

    Bonjour,

    j’envisage de faire étudier Le Bisclavret de Marie de France avec des élèves de 5e à la rentrée. Des collègues m’ont conseillé de le faire étudier avec votre traduction qu’ils jugent excellente. Je m’aperçois, avec regret, que votre traduction des Lais de Marie de France n’est plus éditée.
    De la même façon, France Culture a changé son site internet et votre lien est cassé. Je suis un peu attristé.

    • Françoise Morvan dit :

      Bonjour,

      Merci pour votre lecture et pour votre message.

      Je constate, en effet, que France culture a coupé le lien avec la retransmission des Lais et des Fables de Marie de France. Je vais essayer de voir s’il n’y a pas un moyen de mettre quand même l’émission en ligne.
      Pour ce qui est de l’édition des deux livres en Babel, j’ai vérifié sur le catalogue d’Actes Sud et les Lais sont, comme les Fables, toujours disponibles

      http://www.actes-sud.fr/catalogue/poesie/lais

      Il suffit de faire appel à un autre libraire ou de les commander en ligne.
      Le film d’animation d’Emilie Mercier est aussi toujours disponible. Je vais mettre le lien sur mon site pour ceux qui voudraient se le procurer.

      http://www.folimage.fr/fr/livres-dvd/bisclavret-livret-dvd-_2.2.htm

      Bien cordialement,

      Françoise Morvan

      • Oxymoron dit :

        Bonjour Madame,

        merci de votre réponse. Effectivement, le livre apparaît dans le catalogue d’Actes Sud, mais sur les sites de vente en ligne, et dans nombre de librairies le livre est indiqué comme étant épuisé. J’ai été contraint de l’acheter d’occasion sur Price Minister.

        J’espère qu’Actes Sud pourra fournir de nouveaux exemplaires aux librairies.

        Espérons également que vous puissiez mettre en ligne l’émission de France Culture.

        Mes meilleures salutations.

        • Françoise Morvan dit :

          Vous avez raison. Vérification faite, les Lais sont épuisés et Actes Sud a lancé une réimpression. Merci de me l’avoir signalé. Sans vous, le livre aurait pu rester indisponible (sauf d’occasion) pendant des mois…
          Je cherche toujours l’émission de France-culture.
          Si vous travaillez sur le film Bisclavret avec les élèves, attention, deux ou trois vers sont faux : il faut partir de l’édition des Lais en Babel. N’hésitez pas à me faire part des questions des élèves;
          Encore merci !

  3. Claire Merrien dit :

    Bonjour,
    J’ai enseigné en collège (l’année de 5e était alors consacrée au Moyen-Âge) et eu le plaisir de travailler et faire travailler mes élèves à partir de votre traduction (à l’époque en Librio). Merci et bravo pour cette remarquable adaptation. Je leur faisais comparer les traductions possibles et vous étiez régulièrement plébiscitée (après qu’ils commençaient par protester, du fait de la forme assonancée).

    Et merci à titre personnel. Un pur bonheur.

    • Françoise Morvan dit :

      Quel magnifique message ! Rien ne pouvait me faire plus plaisir : j’ai vraiment rédigé cette traduction dans l’espoir qu’elle touche les collégiens. Je m’étais amusée à rédiger des notes sur tous les points d’érudition qui, depuis des lustres, opposent les médiévistes (et je pense que mes réponses étaient exactes) mais mon but était de faire que ces textes vivent… par l’école, par le spectacle ou le film (puisque le Bisclavret a donné lieu à un film d’animation pour les petits).
      Un grand merci à vous !

  4. Chère Madame, j’ai le projet de mettre en musique une fable de Marie de France. A cette fin, j’ai cherché diverses traductions pour m’offrir un éclairage plus averti sur le sens de ses mots. Quand j’ai découvert la vôtre, ce n’était plus un support sémantique qui m’était offert, mais la voix de Marie elle-même qui se faisait entendre dans une immédiate compréhensibilité. J’ai regardé plus en détail votre travail, et me réjouis que vous abordiez ainsi la poésie en musicienne, et redonniez au son et au rythme la place qui leur est due. Pour information, j’ai pu commander « vos » fables sans problème. Mais les lais sont introuvables ; dommage. Bien musicalement,

    • Françoise Morvan dit :

      Merci pour votre message. Grâce à un lecteur qui avait eu aussi la gentillesse de m’alerter, j’ai prévenu les éditions Actes Sud que le titre était à nouveau épuisé et elles ont procédé à un tirage des Lais. S’ils ne sont pas disponibles à présent, ils le seront d’ici peu.

      • Julien MEYER dit :

        Bonjour Madame,

        Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter pour ces magnifiques traductions, qu’il s’agisse des lais et fables de Marie de France mais également des farces de Pathelin. C’est la première fois que j’ai l’occasion de lire des traductions de ces farces qui respectent la forme des originaux.

        Professeur de Français en Lycée, j’aimerais faire lire votre traduction des lais à mes élèves de seconde. Malheureusement elle semble épuisée sur la plupart des sites de vente en ligne et difficile à se procurer en librairie. J’ai réussi à m’en procurer un exemplaire personnel. Mais je ne peux pas me permettre de dire aux élèves de l’acheter s’il est impossible de l’obtenir. Certains arriveraient à se le procurer, d’autres pas et cela compliquerait les choses. Il semble en réimpression. J’ai tenté d’appeler actes sud pour en savoir davantage quant à la date de disponibilité afin de pouvoir m’organiser au niveau pédagogique. Ils n’ont pas réussi ou n’ont pas voulu me donner de réponse. Aussi je me permets de vous contacter afin de savoir si vous en savez davantage. Je vous remercie d’avance de votre réponse. Respectueusement. Julien

        • Françoise Morvan dit :

          Merci pour votre message et pour votre vigilance : en effet, il semble bien que les Lais soient à nouveau manquants ; cet été, les Fables devaient être réimprimées mais je ne les vois toujours pas en vente… J’ai demandé à l’éditeur ce qu’il en était et j’espère avoir une réponse rapidement. Je suis très touchée aussi de ce que vous me dites des farces de Pathelin — elles ont toujours connu un grand succès quand elles sont mises en scène et je suis sûre que les élèves aimeraient beaucoup les lire ou les jouer mais les professeurs les ignorent, ou les donnent à lire dans des traductions universitaires qui écrasent toute drôlerie. Enfin, cela changera peut-être… Le fait que les livres soient si souvent épuisés est peut-être bon signe après tout.
          Amicalement à vous,
          Françoise

        • Françoise Morvan dit :

          Bonjour,

          J’ai eu la réponse des éditions Actes Sud : les Lais ne sont pas épuisés du tout — ils sont disponibles dans toutes les librairies — et les Fables seront en librairie cette semaine. J’en profite pour vous indiquer le lien vers une lecture du « Lai du rossignol » par un professeur de français qui enregistre des textes pour ses élèves :

          https://www.youtube.com/watch?v=nD8fOdzhvbc&feature=youtu.be

          Bien amicalement

  5. Sergueï dit :

    Chère Madame Morvan,

    Auriez-vous l’amabilité de m’indiquer les éditions en ancien français d’où étaient tirés le prologue, l’épilogue ainsi que la première et la dernière fable mis dans votre édition des Fables ? Je constate certaines divergences avec le texte fourni par Jean Baptiste Bonaventure de Roquefort en 1832. Était-ce l’édition de Charles Brucker ? Malheureusement, je ne possède pas d’autres éditions en ancien français, d’où ma question.

    Je vous remercie d’avance de votre réponse.

    Bien cordialement

    • Françoise Morvan dit :

      Bonjour,

      et merci pour votre attention. Roquefort a fait un travail considérable et surtout un travail de pionnier dans le cas de Marie de France mais ses éditions ne sont pas fiables et il ne me serait pas venu à l’idée de les utiliser. Mon but en donnant quelques exemples de fables n’était pas de donner une édition destinée aux érudits mais de permettre aux lecteurs de voir la différence entre l’ancien français et le français moderne et, par là même, de comprendre mon travail de traduction (si étranger aux pratiques des médiévistes qui ne tiennent pas compte de la forme des poèmes). Je me suis expliquée à ce sujet à la fin de l’édition de La Folie Tristan (qui comporte aussi le texte médiéval du « Lai du chèvrefeuille »  que j’ai transcrit d’après le manuscrit Harley).

      Bien cordialement,

      Françoise Morvan

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