En 1992, lorsqu’on nous a demandé de traduire La Cerisaie, nous nous sommes demandé à quoi pouvait servir de donner une huitième version de la pièce (à l’époque, nous avions compté sept traductions françaises) et nous nous sommes lancés dans l’expérience sans réfléchir — à la légère, dit-on, et l’impression de légèreté est bien ce qui a caractérisé ce que nous n’oserions même pas appeler un travail : jamais aucune traduction ne nous a semblé aussi facile. C’est alors que, sans y réfléchir plus qu’au reste, nous avons inauguré notre méthode, consistant en un jeu d’échanges successifs à partir d’une version aussi proche que possible de l’intonation russe ; or, si nous avons conservé cette méthode pour toutes nos traductions de Tchekhov (puisque l’expérience s’est prolongée), elle nous a valu, pour toutes les autres pièces, des moments d’incertitude dont nous n’avons rien connu en traduisant La Cerisaie ; nous avons passé quinze jours euphoriques à nous chamailler sur le moindre détail et improviser des solutions qui nous venaient comme en rêve ; puis, au bout de ces quinze jours, le texte soumis à l’épreuve de la relecture avec le metteur en scène, Stéphane Braunschweig, la confrontation avec les autres traductions qu’il avait apportées, et le travail à la table avec les comédiens a été accepté avec la même euphorie. Au terme du premier jour de lecture, pas un mot à changer, pas un instant de doute, et nous étions, six ans après, toujours persuadés que c’était notre meilleure traduction.
Nous en étions même si bien persuadés que nous n’avons repris le texte ligne à ligne, en compagnie d’Alain Françon, que par acquis de conscience, quelques jours avant le début des répétitions à la Comédie Française. Et, dès la première réplique, nous avons compris que nous allions tout refaire…
© Françoise Morvan
Articles
Photographie prise à Odessa par un lecteur : « À cet endroit se trouvait le “jardin” dont la vente a été, pour Tchekhov, à l’origine de sa pièce La Cerisaie »…
Bonjour
Je participe à un atelier théâtre. Nous travaillons sur la Cerisaie. Je découvre ce texte, et aimerais comprendre le choix de certains mots.
Édition de poche acte sud 1992 – 2002
Un exemple : page 11 – Epikhodov » Il y a du brouillard (………)
» Notre climat est inapte à favoriser l’adéquat « (?)
N’ y a t’il pas d’ autres possibilité pour une meilleur compréhension ?
Merci pour réponse
Cordialement
Bonjour,
Epikhodov est un personnage qui parle mal : il fait de son mieux pour parler très bien mais il parle très mal. C’est ce qui le rend comique et c’est sa tragédie. Si vous normalisez son style, vous détruisez le personnage. Il est important qu’après l’avoir entendu parler sur un ton pontifiant, tout le monde se demande ce qu’il a voulu dire.
Bon atelier !