Le copier-coller comme arme politique

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Du Monde comme si

à l’Histoire de la Bretagne et des Bretons

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Je vais me livrer à une assez longue et pénible étude de l’utilisation du Monde comme si  par un historien qui bénéficie du soutien et de l’approbation de toutes les autorités, depuis le Centre national du Livre jusqu’à l’Académie française en passant par les institutions régionales, les médias, bref, toutes les instances de légitimation. C’est ce statut d’autorité qui m’a amenée à rédiger cette étude, fastidieuse, c’est certain, mais, je le pense, utile.

Les citations qui suivent sont extraites d’un unique chapitre de mon essai Le monde comme si  et d’un unique chapitre de l’Histoire de la Bretagne et des Bretons de Joël Cornette (tome II, Seuil, 2005).

Le Monde comme si est paru en 2002 ; la pagination ici indiquée est celle de la réédition en collection de poche (Babel, 2005).

Joël Cornette indique à une reprise, tout à la fin du chapitre, qu’une citation vient du Monde comme si mais ne mentionne jamais autrement l’origine des textes reproduits.

Il donne, au contraire, pour référence les essais de Michel Nicolas et Alain Déniel sur l’histoire du mouvement breton (des essais anciens et idéologiquement marqués). Cependant, seul Michel Nicolas est cité une fois.

L’Histoire de la Bretagne et des Bretons  a été subventionnée par le Centre national du livre et couronnée du Grand Prix d’Histoire de l’Académie française 2006.

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Sous le signe de l’hermine et du chouan

 

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 CITATIONS

 

 

            1.Le Monde comme si .

Ce qui amène Marchal, en 1918, à fonder avec deux autres étudiants, Henri Prado et Joseph de Roincé, encore sous les drapeaux, le Groupe régionaliste breton, c’est apparemment la volonté de créer un parti de stricte obédience maurassienne. Tous trois viennent de l’extrême-droite, Roincé se dit monarchiste et se retirera assez vite, constatant que les convictions des nouveaux adhérents sont incompatibles avec les siennes. Prado disparu, c’est avec Roincé seul que Marchal fait paraître en janvier 1919 le premier numéro de Breiz Atao (Bretagne toujours), organe mensuel du Groupe Régionaliste Breton. Observons au passage que Breiz Atao ne veut pas dire Bretagne toujours, au sens de à jamais, ce qui se dirait da virviken, mais au sens de encore et encore, ce qui ne peut exprimer qu’une pénible obsession ou un désir d’immobilisme. On conçoit que les bas Bretons aient considéré le titre avec perplexité. Quoi qu’il en soit, la première réunion d’adhérents de Breiz Atao se tient en juillet 1919, à Saint-Brieuc, dans les locaux de l’Action française, sous la présidence du grammairien François Vallée  (p. 199).

1.Histoire de la Bretagne et des Bretons .

Tout commence, d’une certaine manière, en 1918, quand trois jeunes gens, Maurice Marchal (1900-1963) qui deviendra « Morvan » Marchal, Henri Prado et Joseph de Roincé (ce dernier sous les drapeaux), fondent le « Groupe régionaliste breton ». Tous trois sont marqués politiquement par l’extrême-droite. Prado bientôt décédé, c’est avec « Job » de Roincé seul que Marchal fait paraître en janvier 1919 le premier numéro de Breiz Atao (Bretagne toujours), organe mensuel du Groupe Régionaliste Breton. (p. 454) […]La première réunion d’adhérents de Breiz Atao s’est tenue le 27 juillet 1919, à Saint-Brieuc, dans les locaux de l’Action française, sous la présidence du grammairien François Vallée(p. 454). 

2.Le Monde comme si .

Le premier numéro du journal intitulé Breiz Atao ! avec, pour sous-titre La Bretagne toujours !, a pour sous-sous-titre organe mensuel du Groupe Régionaliste Breton. Secrétariat : Maurice Marchal, 4 Place de Bretagne, Rennes, Ille-et-Vilaine. […] Le texte inaugural, intitulé « Ce que nous sommes », est signé de Maurice Marchal, secrétaire du Groupe Régionaliste Breton. C’est un document de base, indispensable pour comprendre la suite. Nous sommes avant tout un groupe de jeunes. Et c’est en cela que nous différons de l’U.R.B. et de la F.R.B., groupements que nous estimons et que nous admirons sans doute, mais qui ne sauraient propagander parmi les jeunes l’idée Bretonne avec la même force que ne le feront des jeunes gens. En cela nous étions un besoin. Nous saurons répandre parmi nos camarades étudiants, commerçants, ouvriers, paysans, l’amour de la Patrie Bretonne et le désir du régionalisme, gage de sa prospérité. Et cette propagande, nous la ferons par des tracts, notre petite revue, des conférences, et par la conversation personnelle. Car nous sommes Bretons, et fiers de l’être. Nous aimons tout le legs de nos ancêtres, tout ce qui fait de nous une race : la langue, les traditions, les costumes. Nous y tenons passionnément comme le montre l’Article I des statuts du Groupe. « Le Groupe Régionaliste Breton » propose de travailler activement au relèvement de la Patrie Bretonne… Il a pour but de veiller à la conservation de la langue, des costumes et des traditions  bretonnes ; d’unir plus fortement la Haute et la Basse-Bretagne ; de développer tous les liens d’amitié entre les peuples celtes. » Voilà nos buts. Or, que nous promet la conservation de tout ce qui nous est cher, qui nous assure la grandeur de notre chère Bretagne ? Le Régionalisme, l’autonomie administrative.  (p. 208) 

 2. Histoire de la Bretagne et des Bretons.

Marchal fait paraître en janvier 1919 le premier numéro de Breiz Atao !  (« Bretagne toujours ! »), « organe mensuel du Groupe Régionaliste Breton » Dans l’article manifeste inaugural, « Ce que nous sommes », Maurice Marchal, secrétaire du Groupe Régionaliste Breton, explique la philosophie du mouvement :    Nous sommes avant tout un groupe de jeunes. […]. Nous saurons répandre parmi nos camarades étudiants, commerçants, ouvriers, paysans, l’amour de la Patrie Bretonne et le désir du régionalisme, gage de sa prospérité. […]Car nous sommes Bretons, et fiers de l’être. Nous aimons tout le legs de nos ancêtres, tout ce qui fait de nous une race : la langue, les traditions, les costumes. Nous y tenons passionnément comme le montre l’Article I des statuts du Groupe. « Le Groupe Régionaliste Breton » propose de travailler activement au relèvement de la Patrie Bretonne… Il a pour but de veiller à la conservation de la langue, des costumes et des traditions  bretonnes ; d’unir plus fortement la Haute et la Basse-Bretagne ; de développer tous les liens d’amitié entre les peuples celtes. » Voilà nos buts. Or, que nous promet la conservation de tout ce qui nous est cher, qui nous assure la grandeur de notre chère Bretagne ? Le Régionalisme, l’autonomie administrative.  (p. 455) 

3.Le Monde comme si .

Pour Francis Debauvais, le troisième chef historique du mouvement breton, qui adhère juste après (il a alors quinze ans et est aide-préparateur en pharmacie), la conversion s’est justement faite par la carte. C’est à l’école primaire de la rue d’Echange à Rennes, qu’un jour de 1912, il lit dans un manuel de géographie la phrase qui décide de son destin : « Et l’on parla breton jusqu’aux rives de la Vilaine. » La Vilaine passe à Rennes, il voit la langue bretonne arrêtée là, autant dire, à sa porte, et comment faire pour lui faire passer la rivière ? Anna Youenou, sa femme, témoigne pour lui : Cette année fut, de ce fait, celle qui marqua le plus son existence : le jour où il vit une carte de Bretagne fut celui de l’illumination et il sentit qu’il était marqué du signe. Depuis lors, la Bretagne prit entièrement possession de son âme et sa pensée ne le quitta jamais plus (p. 201). 

3. Histoire de la Bretagne et des Bretons….

François Debauvais (1902-1944), un jeune préparateur en pharmaciequi deviendra Fanch (sic) (ou Fransez) Debauvais.[…] Sa femme raconte que son premier éveil nationaliste est survenu quatre ans auparavant à partir d’une phrase lue dans un livre de géographie « qui le fit réfléchir » : « Et l’on parla breton jusqu’aux rives de la Vilaine. » Cette année-là, explique-t-elle, fut, de ce fait, celle qui marqua le plus son existence : le jour où il vit une carte de Bretagne fut celui de l’illumination et il sentit qu’il était marqué du signe. Depuis lors, la Bretagne prit entièrement possession de son âme et sa pensée ne le quitta jamais plus  (p. 456). 

4.Le Monde comme si .

La plupart de ceux qui adhèrent viennent d’ailleurs des milieux catholiques travaillés par la revue Feiz ha Breiz  (Foi et Bretagne) qui s’inscrit, là encore, dans la droite ligne de la Villemarqué : ainsi le peintre Jeanne Malivel, auteur avec Jeanne du Guerny, dite Danio, d’une Histoire de la  Bretagne  d’un nationalisme fulminant. Youenn Drezen, Jakez Riou et Fañch Elies, les seuls écrivains de langue bretonne qui fassent partie des premiers adhérents, sont d’anciens séminaristes. C’est Fañch Elies qui reverra jusqu’au bout les textes de l’instituteur Yann Sohier, lui aussi d’origine gallèse, soudain converti alors qu’il était à l’Ecole normale d’instituteurs. Faisant son service militaire à Guingamp, il écrit à Debauvais : Nous sommes cinq, Uguen, Mazéas et deux séminaristes. Il note d’ailleurs aussi que les opposants les plus résolus à la propagande de Breiz Atao sont les conscrits dont le breton est la langue maternelle — mais le  militant, lui, n’a pas le choix : sa conscience le contraint à s’exprimer en langue celte. (p. 203) 

4. Histoire de la Bretagne et des Bretons.

La plupart des premiers adhérents du mouvement viennent des milieux catholiques travaillés par la revue Feiz ha Breiz  (Foi et Bretagne) dirigée depuis 1911 par l’abbé Jean-Marie Perrot : Jeanne Malivel (1895-1926), illustratrice, avec Jeanne Coroller (1882-1944), dite « Cécile Danio », d’une très nationaliste Histoire de la  Bretagne parue en 1922. Youenn Drezen (Yves  Le Drezen, 1899-1972), Jakez Riou (Jacques Riou, 1899-1937) et Fanch (sic) Elies dit Abeozen (Jean (sic) Elies, 1896-1963), sont d’anciens séminaristes. Un jeune instituteur, Yann Sohier (1901-1935) est lui aussi converti à la cause bretonne alors qu’il était à l’Ecole normale d’instituteurs de Saint-Brieuc,mais il va lui donner comme on verra une toute autre coloration politique (p. 457). 

5. Le Monde comme si .

En 1921, Breiz Atao a 250 abonnés, dont 200 qui ne sont pas à jour de leur abonnement, ce qui donne une idée de l’importance du journal. Or, à partir du 1925, au moment où l’accent est mis sur l’élaboration dans le cadre d’une Europe nordique d’une littérature et d’un art bretons, il se dote d’un supplément littéraire confié à Roparz Hemon. (p. 217)  

5.Histoire de la Bretagne et des Bretons.

En 1921, Breiz Atao ! a 250 abonnés, et les militants se heurtent au scepticisme d’une population qui ne goûte plus guère, en ce XXe siècle, au mot « autonomie ». […] Breiz Atao ! se dote en 1925, d’un supplément littéraire trimestriel intitulé Gwalarn, sous l’impulsion de Louis Némo, un jeune Brestois professeur d’anglais, connu sous le pseudonyme anagrammatique de Roparz Hémon (sic).(p. 460) 

6.              Le Monde comme si       .    

Pour donner une idée de ce qu’a pu être le fédéralisme de gauche en Bretagne, le mieux est de lire son organe, Breiz kevredel  (La Bretagne fédérale)Editorial de Goulven Mazéas  : La vérité, c’est que nos maîtres de l’heure nous arrachent morceau par morceau le sentiment de ce que nous sommes afin de nous remplir d’un ardent amour pour une prétendue patrie, patrie marâtre déjà adoptée par ceux qui ignorent leur mère patrie… Le sang qu’on nous a fait verser ne témoigne rien, si ce n’est qu’on nous a déjà fait faire fausse route, que nous avons peut-être renié une nationalité effective pour adopter une nationalité fictive à laquelle notre sang, notre race sont complètement étrangères  (sic)  (n° 1, novembre 1931).  

6. Histoire de la Bretagne et des Bretons           

      .                                                …une gauche étrange quand on lit l’éditorial du premier numéro, daté de novembre  1931:

  La vérité, c’est que nos maîtres de l’heure nous arrachent morceau par morceau le sentiment de ce que nous sommes afin de nous remplir d’un ardent amour pour une prétendue patrie, patrie marâtre déjà adoptée par ceux qui ignorent leur mère patrie… Le sang qu’on nous a fait verser ne témoigne rien, si ce n’est qu’on nous a déjà fait faire fausse route, que nous avons peut-être renié une nationalité effective pour adopter une nationalité fictive à laquelle notre sang, notre race sont complètement étrangers[1].

 

           

            7.Le Monde comme si

avec l’accession de Hitler au pouvoir, comme l’écrit Mordrel, Breiz Atao joue gagnant.  Il n’y a là rien que de normal : Dans la lutte que nous avions entreprise, tout seuls dans notre coin, contre la domination du latinisme, nous avions besoin de coéquipiers. Le pays qui était le berceau du réveil de la conscience nordique et qui, contrairement à la France, avait reconnu la valeur et la mission des bases ethniques pour une renaissance culturelle, pouvait en être un d’une exceptionnelle efficacité. Plusieurs de nos étudiants allèrent suivre des cours dans les universités allemandes et nous en revinrent les tempes rases et bottés jusqu’au genou . (p. 233) 

7. Histoire de la Bretagne et des Bretons.

Avec l’accession de Hitler au pouvoir, comme l’écrit Mordrel en 1973, Breiz Atao joue gagnant. Et d’expliquer que, dans la lutte que nous avions entreprise, tout seuls dans notre coin, contre la domination du latinisme, nous avions besoin de coéquipiers. Le pays qui était le berceau du réveil de la conscience nordique et qui, contrairement à la France, avait reconnu la valeur et la mission des bases ethniques pour une renaissance culturelle, pouvait en être un d’une exceptionnelle efficacité. Plusieurs de nos étudiants allèrent suivre des cours dans les universités allemandes et nous en revinrent les tempes rases et bottés jusqu’au genou [2]. (p. 467)*. 

 


[1] L’historien a modifé le texte, respecté dans Le Monde comme si. Cette citation, que j’avais choisie soigneusement, est l’unique citation de Breiz kevredel dans Le Monde comme si et l’unique citation de Breiz kevredel dans l’Histoire de la Bretagne et des Bretons.

[2] Note de l’auteur : « Cité par Françoise Morvan, Le Monde comme si, p. 209. »

* N.B. Il s’agit ici du seul endroit de l’Histoire de la Bretagne et des Bretons où l’emprunt à mon travail est signalé.

 

 

 

 

 

 

 

 

  


 


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Joël Cornette, professeur d’histoire à l’université Paris 8, a trouvé mes recherches si probantes qu’il s’est borné à les copier, avec quelques minces variantes, ce qui est un bel hommage à leur qualité : alors que les militants nationalistes bretons clament à l’envi qu’il n’y a là qu’amalgames et faits travestis (sans toutefois être en mesure de citer un seul fait à revoir), je suis naturellement sensible à cet hommage. J’y aurais cependant été plus sensible s’il avait cité ses sources (ce que tout universitaire se doit d’enseigner à ses étudiants — voir à ce sujet le site remarquable de  Jean-Noël Darde « Archéologie du copier-coller ») et s’il n’utilisait mes recherches pour leur faire dire le contraire de ce dont j’avais pensé faire la démonstration.

 

 

I. CE QUE LE MONDE COMME SI VEUT DIRE

 

Cette démonstration est simple : le kit identitaire breton actuellement promu par le lobby patronal breton et les institutions (kit identitaire selon moi hideux et réactionnaire) est issu de l’infime groupe nationaliste Breiz Atao — groupe fondé sur la défense d’une prétendue « race bretonne » à opposer à la France républicaine afin de faire advenir l’autonomie, puis l’indépendance de la nation bretonne.

Le groupe Breiz Atao a essaimé en diverses associations, groupes et partis, très tôt subventionnées par l’Abwehr, chacun œuvrant sur son terrain de prédilection, Roparz Hemon à la tête de la revue littéraire Gwalarn, René-Yves Creston à la tête du groupe artistique des Seiz Breur et de la revue Kornog (Occident), Yann Sohier cherchant à convertir les instituteurs publics aux vertus du breton surunifié, Yann Fouéré œuvrant en direction des écoles catholiques, l’abbé Jean-Marie Perrot militant à la tête de Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne), Maurice, dit Morvan, Marchal donnant une image fédéraliste au mouvement, d’autres agitant le spectre du terrorisme, le tout sur la même base idéologique et visant au même but, à savoir la défense et l’illustration de la race celtique.

Ce groupe de jeunes fanatiques, en relation avec les réseaux pangermanistes qui encourageaient naturellement l’irrédentisme en France, s’est trouvé dès avant-guerre soutenu par les nazis et a connu sous l’Occupation une période prospère.

Déconsidérés après l’Occupation et plus haïs que jamais par la population, les nationalistes ont trouvé avec l’un des leurs, Maurice, dit Morvan Lebesque, fondateur de la revue nazie Breiz da Zont et partisan du national-socialisme breton intégral, rapidement reconverti à gauche à la Libération après un passage par Je suis partout, le thuriféraire dont ils avaient besoin : son essai Comment peut-on être breton ? recycle Breiz Atao sous label démocratique (opposer la démocratie à la République permet de poursuivre le combat antirépublicain au nom de la nation bretonne).

Ainsi les socialistes peuvent-ils s’allier en Bretagne aux nationalistes et au lobby patronal qui les soutient, la fabrique identitaire ayant pour effet de produire le décor d’une Bretagne autonome, libérée des lois pesantes de la République : projet obscurantiste soutenu et développé par l’Institut de Locarn à l’origine de Produit en Bretagne.

J’ai consacré deux chapitres du Monde comme si à ce sujet : le premier, intitulé « Breiz Atao » résume l’histoire de ce groupe de jeunes nationalistes qui allaient pour bon nombre d’entre eux être condamnés à la Libération et poursuivre leur combat depuis l’Irlande ou la banlieue parisienne, selon la gravité des peines ; le second, intitulé « Comment ne pas être breton ? » analyse le double discours de Morvan Lebesque, alors collaborateur de La Nation bretonne avec bien d’autres anciens nazis.

 

 

II. CE QUE JOËL CORNETTE VEUT DIRE

 

 

Le but de Joël Cornette est rigoureusement opposé au mien : j’ai cherché à alerter sur l’utilisation de l’identitaire pour faire de la Bretagne le laboratoire expérimental d’une Europe des régions soumise à une dérèglementation généralisée ; son but, à lui, est de fournir au lobby patronal soutenu par le pouvoir socialiste un produit destiné à montrer aux Bretons qu’ils sont bretons, qu’ils doivent l’être et qu’on peut sans problème tout intégrer à la bretonnitude — la grève et le goût de l’ordre, la chouannerie et la Révolution, la Résistance et les bons militants de Breiz Atao (même si, bien sûr, il y eut quelques nazis dans le lot, et ils sont blâmés). Pour y arriver, il utilise le chapitre « Breiz Atao » mais passe totalement sous silence le chapitre « Comment ne pas être breton ? » et l’itinéraire de Morvan Lebesque. Une fois le contexte revu, il ne garde que ce qui peut servir sa démonstration, et couronne le tout d’une conclusion achevant de réduire à néant les faits que j’avais établis et qui risquaient d’appeler à vigilance.

1. Le contexte

Pour faire dire aux faits le contraire de ce qu’ils semblent dire, tout historien le sait, il faut les placer dans le contexte adéquat. Joël Cornette donne tout simplement la parole à Morvan Lebesque livrant sa version des débuts du mouvement — une version « plutôt irénique », note-t-il, mais si conviviale : « Il s’agissait de faire reconnaître la spécificité bretonne, d’enseigner l’histoire, la langue, d’imaginer un statut spécial (sic), un hymne national breton… » Bref, rien que de bien légitime, et « les revendications, explique-t-il, ne dépassèrent pas le cadre breton. »  Ce qui est, bien sûr, totalement faux[3], mais ainsi est gommée l’appartenance aux réseaux ethnistes mis en place par l’Abwehr, sujet bien étudié par Lionel Boissou, totalement ignoré, cela va de soi.

Quant aux relations avec la population, elles sont évoquées par une citation de Morvan Lebesque, d’ailleurs reprise telle quelle du Monde comme si : « Les militants de ces années se souviennent de réunions de villages improvisées sur le marchepied de quelque vieille Ford, devant des auditoires qu’il fallait surprendre, cueillir à la porte du bistrot ou de la messe et qui, les yeux ronds, considéraient les « autonomistes » à peu près comme des martiens, hésitant à leur lancer des lazzis ou des pierres. Parfois, on appelait le curé, les gendarmes, l’ivrogne local y allait de son numéro ; des mères outragées reprochaient aux orateurs de « faire ça devant les enfants » et il y avait avantage à ne pas tenir le meeting trop près d’une rivière. » Pittoresque, cette « époque héroïque des premiers combats électoraux  » évoquée « non sans nostalgie » par Morvan Lebesque. Sauf, détail omis, que les combats de Lebesque évoqués par cette citation sont les combats d’un militant national-socialiste.  L’itinéraire qui le mènera naturellement  de Breiz Atao à L’Heure bretonne  et à Je suis partout  étant  soigneusement gommé reste l’époque héroïque de valeureux combats électoraux.

Sur cette base, se donnant le luxe de l’objectivité, Joël Cornette oppose au pamphlet de Morvan Lebesque ce qu’il appelle un « contre-pamphlet », à savoir Le Monde comme si, qui pointerait «  sous les apparences d’un discours consensuel un langage explicitement raciste, lisible dès le premier numéro, en janvier 1919, du journal Breiz Atao ». À l’en croire, je suis supposée voir là  « le noyau dur d’un mouvement qui se révélera en apparence, mais en apparence seulement, extraordinairement flexible car il se dit indifféremment autonomiste, fédéraliste, indépendantiste ou séparatiste, de gauche ou de droite, suivant les conjonctures, les personnes, les groupuscules ». Une note renvoie ces contresens au Monde comme si en bloc.   On ne peut donc pas dire que Joël Cornette  ne me cite pas — sauf n’y a jamais rien eu de « consensuel » dans le discours de Breiz Atao ; je n’ai jamais parlé de la « flexibilité » du mouvement breton, qui est tout sauf flexible, et je n’ai jamais eu la sottise d’opposer autonomisme et fédéralisme, indépendantisme et séparatisme. Après m’avoir attribué en vrac ces propos stupides, l’historien, passant « au-delà de toute polémique » revient à l’objectivité de l’historien sérieux et poursuit en reprenant à son compte ce qui lui convient dans Le Monde comme si et en tronquant ce qui le dérange.

2. La démonstration

Loin de parler de « flexibilité », j’ai expliqué et démontré à partir des propos des fondateurs de Breiz Atao que ce mouvement maurassien à ses origines, antidémocratique, antirationnaliste et antifrançais, s’est caractérisé par un double jeu constant à partir d’une base inchangeable (et inchangée). C’est ce qu’Olier Mordrel désigne comme « le double jeu traditionnel des patriotes bretons » : ils sont indépendantistes et veulent faire de la Bretagne une nation celte contre la France républicaine mais peuvent jouer la carte la plus utile selon le lieu et le moment — y compris la carte communiste.

Je donne pour exemple caractéristique de ce double jeu l’instituteur Jean, dit Yann, Sohier : père de Mona Ozouf, ce militant nationaliste, membre de Breiz Atao dès le début, est la grande caution de gauche du mouvement breton car, mort en 1935, il ne peut être accusé d’avoir collaboré sous l’Occupation[4]. Ses prises de position le placent parmi les plus dangereux fanatiques de Breiz Atao : en 1931, avec Debauvais, Mordrel et Bricler, il fonde le Parti nationaliste breton (PNB) contre l’aile dite de gauche du mouvement breton ; en 1933, il approuve le programme national-socialiste SAGA de Mordrel.  Catholique, il fonde le journal Al Falz (la faucille) mais avec une croix gammée (inversée) pour compléter la faucille. La revue, « officiellement dirigée par lui » est, en fait, « officieusement contrôlée par le comité directeur de Breiz Atao », comme prévu dès le départ (je cite dans le Monde comme si son courrier à Debauvais), et c’est Debauvais (lequel mourra dans un sanatorium de la SS après avoir inscrit son fils dans les jeunesses hitlériennes) qui organise avec lui les polémiques et rédige ses articles à l’occasion. La gérante d’Ar Falz est Meavenn, future compagne de l’un des SS du Bezen Perrot avec lequel elle s’enfuira en Allemagne. Enfin, Sohier n’a que mépris pour le breton de ses élèves : il s’agit de leur inculquer le breton unifié mis au point pour la future nation, un breton qu’il a lui-même bien du mal à parler. Les instituteurs se méfient de lui comme de la peste et sa revue compte un nombre dérisoire d’abonnés.

Tout cela passe à la trappe et voilà ce qu’écrit Joël Cornette : « Cette conscience de gauche du mouvement breton fut pleinement incarnée par un nom : Yann Sohier (1901-1935). Cet instituteur laïc, lié au syndicat de la CGTU, fonda, à la fin des années 1920, dans son école de Plourivo (Côtes-d’Armor), un enseignement en breton, débarrassant ses élèves de tout sentiment de culpabilité : il reste ainsi, aux yeux de tous, le précurseur des écoles Diwan. » « Aux yeux de tous » est comique quand on voit les extraits du Monde comme si dans l’Histoire de la Bretagne et des Bretons s’arrêter juste au moment où le cas Sohier pourrait apparaître dans sa sinistre ambiguïté. «  En 1932, des enseignants convertis à sa doctrine fondent avec lui la revue Ar Falz (« La Faucille »), « bulletin mensuel des instituteurs laïcs partisans de l’enseignement du breton ». Quels enseignants convertis à quelle doctrine ? Aucune mention de Meavenn, de Debauvais et du rôle de Breiz Atao. Le « vigoureux éditorial » qui ouvre le premier numéro d’Ar Falz est cité avec enthousiasme et pourtant il se termine par une profession de foi raciste : « Il faut que le Socialisme et la langue bretonne ne fassent en Bretagne qu’un corps et qu’une âme. Leur sort est lié, et celui de la race. » Le socialisme mis au service de la race et de la nation, cela s’appelle national-socialisme.

Même éloge enthousiaste de Roparz Hemon  dont l’entreprise obscurantiste est présentée comme la modernité absolue ouvrant après la Seconde guerre mondiale sur la revue Al Liamm, « flambeau d’une littérature bretonne vivante et créative… » La création d’une « littérature nationale » rédigée dans une novlangue incompréhensible aux méprisables autochtones, l’engagement de Roparz Hemon et son équipe dans la collaboration, leur rôle décisif dans le discrédit jeté sur le breton, leurs activités politiques, leurs textes antisémites, la présence de Roparz Hemon sur la liste des agents de la Gestapo et sa fuite avec le Bezen, tout a disparu : Hemon et les autres sont les vaillants guerriers d’une époque héroïque.

Je me borne à ces deux exemples, qui sont tous deux liés à des emprunts au Monde comme si, mais tout est à l’avenant.

3. La conclusion

Dans la mesure où l’engagement massif dans la collaboration du mouvement breton issu de Breiz Atao[5]  est passé sous silence et où seuls émergent quelques militants comme Mordrel, Debauvais et Lainé dont l’itinéraire est rendu incompréhensible, les conclusions du Monde comme si passent évidemment à la trappe — et tel est bien le but recherché : avant d’ouvrir le chapitre de la Seconde Guerre mondiale, compilation de Bougeard, Hamon et Sainclivier qui donnent la version actuellement autorisée des faits, Joël Cornette rédige lui-même une conclusion en forme de mise en garde : « Pour comprendre les errances de l’« Emsav » [i. e. : du mouvement breton], sans doute convient-il de les replacer dans le contexte historique et idéologique du temps  » car, en effet, d’après ce professeur récompensé par le Grand Prix d’Histoire de l’Académie française, « dans les années 30, racisme, eugénisme, antisémitisme, colonialisme étaient des thèmes porteurs, largement diffusés en France, avec la bénédiction de bien des autorités officielles… » Le mal ne venait donc pas du racisme fondamental de Breiz Atao, ni de son alliance avec les services secrets de l’Allemagne nazie où certains allaient se former pour combattre la France, mais de la France et de l’époque… La France ? Quelle France ? La France maurrassienne des débuts de Breiz Atao, la France de Céline, en relation de longue date avec Mordrel et les autres ? Non, la France, l’air du temps en France, une certaine ambiance sans rapport avec les fondements et le développement sur base ethniste du mouvement breton… Juste la France, éternelle coupable. « Et, du reste, plus tard, l’Emsav, continuant à s’adapter à l’air du temps, sera gauchiste, maoïste, etc. » Gauchiste et maoïste… comme si les maoïstes n’étaient pas gauchistes, et si comme le passage par le maoïsme légitimait le passage par le nazisme au nom d’un effet de mode, d’une tendance naturelle à suivre la vogue, à être  dans l’air du temps…

S’il ne mentionne jamais Le Monde comme si pour source de ses emprunts, Joël Cornette cite, en revanche, à tout instant, avec référence en note de bas de page dans le chapitre sur la Seconde Guerre mondiale, ses emprunts à Bougeard, Hamon et Sainclivier. Il reste donc à conclure qu’il a effacé consciemment toute référence au Monde comme si en vue de détourner à sa guise des informations exactes mais par trop gênantes pour le mouvement breton actuel.

Infiniment plus grave que l’exploitation du texte est la manière de le détourner pour lui faire dire le contraire de ce qu’il énonçait. Des questions que j’ai posées et du débat que je souhaitais ouvrir, il ne reste, bien sûr, plus rien, pas même une ombre.

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III. DE BREIZ ATAO À LA BIGOUDÈNE SUR CANAPÉ

 

Pourquoi avoir détourné les informations données dans ce chapitre ? Mais pour en arriver à chanter les louanges de la Bretagne à l’identité forte — une Bretagne dont l’identité fait vendre… Admirable illustration du « monde comme si  », l’historien qui n’a pu manquer de noter les pages que je consacre au rôle de l’Institut de Locarn, à l’origine de l’association Produit en Bretagne, dans la dérive identitaire que je dénonce et qui le réjouit, réussit l’exploit d’effacer toute relation directe entre l’Institut de Locarn et Produit en Bretagne, association dont il est dit qu’elle a été fondée en 1995 mais s’inscrit « depuis 1994 dans une vaste nébuleuse » d’où est sorti… l’Institut de Locarn ! Et de faire l’apologie non seulement de l’identitaire vendeur mais de l’Europe des ethnies qui va permettre à la Bretagne, digne héritière de Breiz Atao, de prendre son autonomie, en attendant l’indépendance :

« C’est bien dans un cadre multinational, européen, que la Bretagne peut aujourd’hui et demain assumer pleinement son irréductible identité. Jean Monnet avait l’habitude de dire que l’Europe devait rapprocher les peuples et non pas les États. […] Dans cet esprit, le Parlement européen n’a cessé de multiplier mesures et résolutions : « Charte communautaire des langues et cultures régionales », « Charte des droits des minorités ethniques » (16 octobre 1981); promotion des langues et des cultures minoritaires (11 février 1983); affectation de ressources du FEDER et du Fonds social européen à des projets et à des programmes visant à promouvoir les cultures régionales (11 février 1987). Quant aux accords de Maastricht de février 1992, ils affirment que « la Communauté contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale ». Et le Conseil de l’Europe a adopté le 29 juin 1992 la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Le Parlement de Strasbourg a pris une position favorable aux minorités ethnoculturelles le 18 novembre 1988. Le contexte européen peut offrir un cadre favorable à la consolidation, à l’épanouissement d’une Bretagne maîtresse de son propre destin, au-delà des atteintes et des altérations portées par l’État français. »

 

Telle était déjà la conclusion de la première édition de cette Histoire de la Bretagne et des Bretons, et telle est encore la conclusion de la toute récente réédition sous forme abrégée et illustrée.

Mais il y a mieux : d’une part, l’iconographie et ses commentaires changent la perspective de l’ensemble ; d’autre part, l’auteur a fait en sorte de tout faire converger vers le bouquet final, l’apothéose, l’histoire de la Bretagne réalisée dans une ultime haut fait, la révolte des Bonnets rouges.

 1. Breiz Atao, Creston et la Bigoudène

 Dans cette nouvelle édition, la teneur du chapitre sur Breiz Atao reste identique, à cela près qu’il s’ouvre sur une illustration en pleine page : le choix d’une affiche propagandistique de Creston donne, bien sûr, un tout autre sens, et à l’analyse historique et aux propos qui me sont attribués avec référence au Monde comme si. L’affiche, remarquablement hideuse, montre une Bigoudène au poing gigantesque faisant quelque chose comme un doigt d’honneur à un enfant bien endoctriné déjà puisque tenant un drapeau breton dans le poing gauche, le tout illustrant l’injonction KOMZIT BREZONEG D’HO PUGALE (PARLEZ BRETON À VOS ENFANTS).

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Les commentaires sont :  « Il s’agit de la plus célèbre affiche de René-Yves Creston (1898-1964), signant volontiers “Kreston”, l’un des fondateurs des Seiz Breur (Sept Frères), un mouvement réunissant quelques dizaines d’artistes pour promouvoir “la création d’un art national moderne”. Militant pour le maintien de la langue bretonne, cette affiche fut éditée pour la première fois dans la revue Kornog (Occident), fondée par les Seiz Breur ».

Création d’un art national breton, référence à l’Occident… « Pour adhérer aux Seiz Breur, il faut être de sang breton (article 1 : Être né en Bretagne ou à l’étranger de parents bretons) ». Une phrase du Monde comme si que Joël Cornette n’a pas cru devoir reprendre…

2. Fouéré, le business et la Bigoudène

 Peu après, et comme faisant pendant, une autre illustration pleine page reproduisant une affiche du MOB, parti nationaliste créé par le fasciste Fouéré à son retour d’Irlande, montre une figure d’enfant assez inquiétante sortant sur fond rouge sang d’un papier crevé — bizarre accouchement portant l’injonction ACHETEZ BRETON !…

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PARLEZ BRETON et ACHETEZ BRETON : nous voilà bien dans le monde de Locarn. Du MOB (parti fondé par Fouéré, agent de la Gestapo, et d’autres nationalistes du même genre) , la légende de l’image donne une aimable vision : « Soutenant les actions du CELIB (Comité d’études et de liaison des intérêts bretons), recherchant une assise populaire, le MOB joua un rôle important dans la vie politico-culturelle bretonne ». Cet excellent parti a donné lieu à l’UDB…

Pour illustration, une autre Bigoudène, blanche sur fond noir, avec rouge à lèvres gras et portées jaunes à la place des yeux : la légende indique qu’il s’agit d’une affiche pour le KAN AR BOBL, la Bretagne traditionnelle étant figurée par cette « image sexy d’une Bretagne décrispée et émancipée de toute mauvaise conscience ». Décrispée mais aveugle, comme Bécassine était muette.

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3. Locarn, les bonnets rouges et la Bigoudène

Pourquoi la Bretagne serait-elle « émancipée de toute mauvaise conscience » ? Quelle  mauvaise conscience ? C’est le mouvement breton qui a collaboré massivement, pas les Bretons. Mais « la Bretagne » est désormais identifiée au mouvement breton qui parle pour elle.

On conçoit pourquoi il fallait détourner le chapitre « Breiz Atao » du Monde comme si et faire enfin passer ce passé qui ne passe pas pour faire advenir la Bretagne nouvelle : en conclusion, voici que nous est présentée l’icône, l’effigie de cette Bretagne nouvelle — une bigoudène, encore une bigoudène,  mais sur canapé et fumant le cigare… Sur canapé de nylon rose, une rockeuse capitaliste à gros cigare, lunettes noires et coiffe bigoudène, heureuse synthèse de la dentelle et du cuir noir, de l’affalement et de la prise de décision urgente, du cigare et de la coiffe, de la bigoudène et du chef d’entreprise, le tout présenté comme une icône : quel symbole !

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Une ultime page, ajoutée à la conclusion de la première édition, célèbre la gloire du mouvement des Bonnets rouges et du slogan « Vivre, décider et travailler en Bretagne », chante les « “États généraux de la Bretagne” » qualifiés de « nouveau rappel d’un passé révolutionnaire » (comme si la révolte des bonnets rouges était un épisode révolutionnaire) et vante les propositions des Bonnets rouges, confortant les merveilleux souhaits du patronat ultralibéral soucieux de libéraliser, d’expérimenter et de déréglementer.

L’Histoire de la Bretagne et des Bretons s’ouvre par une image montrant une procession…

 

 

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… elle se termine par une image montrant une manifestation sous drapeau et bonnet…

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Entre la Foi et la Bretagne, l’éternel enrôlement du Breton sous bannière donne une image de lui qui s’apparente à celle de la Bigoudène : la coiffe pour l’une, le drapeau pour l’autre et le reste peut suivre…

Et, pour finir, Joël Cornette donne la parole à l’autonomiste Romain Pasquier, célébrant dans Le Monde du 15 novembre 2013, le mouvement des Bonnets rouges, signe que la Bretagne est devenue « un laboratoire idéal ».

Laboratoire idéal, de fait… Dans ce même numéro du Monde, j’exposais mon point de vue sur l’enrôlement des Bretons dans une croisade identitaire à relents ethnistes… On pourra lire ici les deux articles.

 Bonnets rouges : un laboratoire idéal de la démocratie territoriale

 Bonnets rouges : des dérives autonomistes derrière les revendications sociales

Ils sont la conclusion de la réécriture du chapitre « Breiz Atao » du Monde comme si : l’histoire est une arme politique. Le copier-coller aussi.

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© Françoise Morvan
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Ne nous étonnons pas de voir le professeur Cornette au nombre des conférenciers invités par l’Institut de Locarn, lobby patronal qui a entrepris d’écrire l’histoire de Bretagne de manière à la faire servir au projet politique qui est le sien, à savoir l’indépendance de  ce que ces patrons de choc appellent l’Armorique, projet illustré en 2013 par la pseudo-révolte des Bonnets rouges issue de l’Institut de Locarn (et qui a coûté des milliards à l’État).
Le thème de la conférence s’inscrit dans la droite ligne de cette action louée par Cornette : « Révoltes et identité Bretonne (avec majuscule) du Moyen Âge à nos jours ». La révolte est inscrite dans les gènes des Bretons : la preuve, le mouvement des Bonnets rouges. 
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Pour ceux qu’intéresserait la réécriture de l’histoire en Bretagne (et l’usage politique qui en est fait), je ne saurais que recommander à titre de complément la lecture de la page « Vingt ans de combat ». 
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[1] L’historien a corrigé le texte, respecté dans Le Monde comme si. Cette citation, que j’avais choisie soigneusement, est l’unique citation de Breiz kevredel dans Le Monde comme si et l’unique citation de Breiz kevredel dans l’Histoire de la Bretagne et des Bretons.

[2] Note de l’auteur : « Cité par Françoise Morvan, Le Monde comme si, p. 209. »

* N.B. Il s’agit ici du seul endroit de l’Histoire de la Bretagne et des Bretons où l’emprunt à mon travail est signalé.

[3] J’écris notamment (p. 215) : « Les relations des membres de Breiz Atao avec les autres mouvements nationalistes apparaissent très tôt dans le journal et, notamment, dès 1921, avec le mouvement flamand. Mais c’est seulement en 1924 qu’est orchestrée une campagne sur le thème du panceltisme et du nordisme opposés à la latinité. Le panceltisme devient alors une variante du pangermanisme dont le premier chantre est Roparz Hemon.  » 

[4] Mona Ozouf m’a reproché dans son essai Composition française (qui est une sorte de contre Monde comme si) d’avoir dissimulé que son père était mort avant-guerre et que nul ne pouvait savoir ce qu’il aurait fait sous l’Occupation : non seulement je n’ai rien dissimulé puisque son enterrement, avec Mordrel, Cachin et l’abbé Perrot est évoqué à sa date, mais il n’est pas fait mention de ce qu’il aurait fait sous l’Occupation. Son adhésion au programme politique de Mordrel publié dans Stur en 1933 ne laisse aucunement place au doute, pas plus d’ailleurs que ses autres prises de position. Mais Composition française reposant entièrement sur le portrait de son père en bon militant communiste défendant l’école laïque et l’enseignement du breton, il va de soi qu’il lui fallait effacer le portrait, malheureusement exact, du Monde comme si (p. 241-3).

[5] Ou poursuivant Breiz Atao, notamment en reprenant la publication du journal sous ce titre afin d’œuvrer au triomphe du national socialisme…

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