Le dernier maquisard des Côtes d’Armor

Âgé de cent ans, mon oncle René était, d’après Pierre Martin, le président de l’ANACR (que l’on voit sur l’image avec un coussin portant des médailles), le dernier maquisard des Côtes d’Armor. 

C’est lui qui, lorsque j’étais allée l’interroger au moment où j’écrivais Miliciens contre maquisards, avait, au détour d’une réponse à une question portant sur un tout autre sujet, confirmé la présence du Bezen Perrot à Garzonval. Je me suis souvenue de ce bref échange, qui en disait pourtant si long :

« Est-ce que, pour toi, la langue dans les maquis, c’était plutôt le français ou le breton ? 

– Le breton ? Les paysans parlaient tous français avec nous, même dans le Morbihan qui passait pour arriéré. La pire preuve de mépris, c’était de leur parler breton, sous prétexte qu’ils ne pouvaient pas comprendre autrement. À Garzonval, tiens, juste après le massacre de nos copains, un paysan qui conduisait une charrette sur la route a été pris à partie par les SS… Ils remontaient sur Plougonver et ils lui ont crié en breton : « Gare-toi de là ou t’es fait ! ». C’est le paysan lui-même qui nous l’a dit la première fois qu’on est allé à Garzonval après la guerre… Des SS qui parlent breton pour se faire obéir d’un plouc, supposé incapable de comprendre le français… il n’en revenait pas. 

Les SS sous uniforme allemand qui parlent breton, ça ne peut être que les miliciens du Bezen Perrot, et pourtant les historiens prétendent que le Bezen n’était pas à Bourbriac. 

— En tout cas, ceux de Garzonval parlaient breton. Et ce qui est grave est qu’on réhabilite maintenant des collabos comme l’abbé Perrot… » 

C’était un témoignage tout simple – un condensé de vérité allant de soi pour lui, et pour moi d’autant plus sidérant qu’il énonçait ce que la propagande avait enlisé, submergé, interdit : mon oncle, bretonnant de naissance, disait ce qui pour lui, comme pour les jeunes maquisards autour de lui, était une évidence, à savoir que les échanges se faisaient naturellement en français, que le fait de parler breton à un paysan pouvait être la marque d’un manque de considération et que les nazis étaient allés jusqu’à se servir du breton comme offense. Que ces nazis aient été des nationalistes bretons ne lui était pas venu à l’esprit : c’étaient des SS, voilà tout. Et ça en disait long sur la défense du breton par les nationalistes…

La présence de ces SS à Garzonval, elle est désormais effacée, passée sous silence. 

Il serait heureux que Pierre Martin et l’ANACR, lors de la prochaine cérémonie de Garzonval, se souviennent de ce témoignage. Ce serait un bel hommage à rendre au dernier maquisard des Côtes d’Armor. 

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