Comme il fallait s’y attendre, les autonomistes appuyés par le lobby patronal breton se sont mobilisés afin de faire du grand débat national une tribune pour leurs revendications (qui viennent opportunément servir le projet de dérèglementation par la voie de l’autonomie régionale concocté par le pouvoir).
Après Paul Molac, le premier autonomiste élu grâce au soutien de Le Drian et qui siège à l’Assemblée nationale, voilà qu’à Rostrenen, on s’appuie sur trois historiens autonomistes pour exposer ce que doit être l’histoire de Bretagne et faire part du droit des Bretons à la liberté (vous avez pour références l’autonomiste Cassard, l’autonomiste Monnier et l’autonomiste Cornette ).
Le tout se situe sous l’égide du psychiatre Guy Caro, ex-membre du FLB et promoteur du bien-boire en Bretagne.
Dans le même temps, les nationalistes s’invitent pour défendre ce qu’ils appellent la culture (la réunification indispensable à l’indépendance de la « Bretagne historique », l’autonomie financière et le rôle central accordé au breton comme langue nationale). Tangi Louarn et sa sœur Lena, dignes héritiers de leur père Alan Louarn, sont comme de coutume en tête du « combat breton ».
Et voici France Culture qui prend le relais via l’émission « La fabrique de l’histoire » : une émission pourtant d’habitude intéressante. Cette fois, c’est l’histoire de Bretagne telle qu’on pourrait la dire vue depuis Locarn (commune où se trouve l’Institut de Locarn, lobby patronal fédérant les plus gros entrepreneurs bretons autour d’un projet d’Europe des régions appuyant une reconquête de l’Europe chrétienne selon les valeurs de la Paneurope et de l’Opus Dei).
Stupéfiante évocation de la chanson populaire bretonne, réduite à un hommage au Barzaz Breiz : c’est bien le retour du « clan des bardes et des cléricaux » que dénonçait Luzel. Infortuné Luzel, il a totalement disparu. Mes hérétiques recherches faisant suite à ses hérétiques observations n’ont pas droit de cité : le consensus bardique fait loi. Et Cornette, comme de coutume, fait foi. J’ai montré ici comment il pratique l’art d’exploiter les recherches des autres en les détournant : une méthode historique qui tend à se répandre…
Sur cette base, les journalistes se livrent à une vibrante apologie de la Vallée des Saints : cette pure horreur concoctée par les pires catholiques réactionnaires pour servir un projet de propagande nationaliste bretonne via le tourisme identitaire de masse est présentée sous le jour d’une création spontanée des Bretons natifs si attachés à leurs racines chrétiennes.
Ignorant tout du contexte et du développement du projet, poussé par l’Institut de Locarn (qui est à l’origine du label Produit en Bretagne) les naïfs reporters se sentent tout émerveillés par l’univers si spontanément heroïc fantasy de l’âme bretonne telle qu’elle se manifeste en cet amour du peuple pour ses saints.
Le peuple ignorait tout de ces saints qu’on leur dresse sous les yeux en taille massive pour démontrer qu’avant les saints du calendrier français, il y avait tout un peuple de saints miraculeux plongeant dans les vertus glorieuses de l’âme celte. C’est du kitch à la MacPherson, Ossian puissance mille, tout en granit, planté là jusqu’à la fin des temps comme pour montrer jusqu’où peut aller la bêtise humaine, la bêtise associée à l’horreur identitaire décuplant les pouvoirs de la laideur. Le tout sur le domaine public, au mépris de la loi de 1905. Et bénéficiant des subsides de la Région, de l’approbation triomphale des élus de tous bords et, en premier lieu, de Jean-Yves Le Drian.
Je suis allée à deux reprises faire un reportage sur place et l’on peut lire à ce sujet les commentaires d’André Markowicz sur facebook.
Si la propagande pour la Vallée des saints est, en Bretagne, obsédante, envahissante, omniprésente, les médias étant inféodés au lobby de Produit en Bretagne, il est consternant d’entendre sur cette chaîne nationale évoquer les opposants à la Vallée des saints comme quelques égarés, « Parisiens », « élitistes », naturellement incapables de comprendre les Bretons. Dès lors que je critique la néoculture bretonne issue d’Intermarché, de Glon Sanders et des officines nationalistes, moi qui, hélas, suis native de cet endroit précis de la Cornouaille, je suis parisienne ; le critique d’art Jean-Marc Huitorel qui habite à côté de la Vallée des saints et qui a dénoncé à son tour dans les colonnes de Libération cette horreur identitaire est l’objet d’un déchaînement d’invectives, opposant « eux » (les Parisiens, les Rennais, les intellos et leur « clique » payée par l’ État français) et « nous », les vrais, les bons Bretons. Telle est la conclusion de Darcel, rocker illuminé devenu un militant fanatique de la cause bretonne. Essentiellement poujadiste, son argumentation s’appuie sur la dénonciation de la culture des autres, la culture française qui coûte trop cher :
« Alors, comme nous, les Bretons du bout du monde comme si, nous ne sommes pas revanchards, nous proposons que l’on octroie une autre colline à JMH et à son posse estampillé France Culture. Ils pourraient ainsi créer, en Centre Bretagne, une exposition qui soit enfin artistique, validée par l’État et ses services. Et sans mécénat breton surtout ! Vade retro, rien qu’avec de l’argent public ! Cerise sur le Paris-Brest, chaque jour, avant la fermeture, JMH pourrait donner une conférence d’une heure ou deux, pendant que ses amis vendraient leurs livres sur des tables de camping made in France. Ambiance, rires et affluence garantis !
Frank Darcel, président de Breizh Europa »
Aux yeux de Darcel, comme on le voit, le « posse estampillé France Culture» est l’incarnation même de la culture française qui n’est pas de chez nous et qui coûte trop cher.
Hélas, force est de constater que France Culture vient appuyer cette folklorisation poujadiste, avec résurrection ou plutôt surrection des totems de la tribu, hymnes et drapeaux, danses rituelles, invocations aux mânes de la nation via le Barzaz Breiz.
On comprend pourquoi La Villemarqué occupe un tel rôle : il n’est plus du tout le faussaire que tous les érudits dénonçaient à la suite de Luzel, mais le vrai père de la nation bretonne.
Il mériterait qu’on lui dresse une mille et unième statue (ou plutôt une mille et deuxième puisque le site ouvre sur une statue à saint Produit en Bretagne.
Oui, aussi monstrueux que cela puisse paraître ce site, le Tosen Sant Weltaz, qui était l’un des plus beaux endroits de Bretagne, va être couvert de mille statues cauchemardesques, et non, ce n’était pas un mauvais rêve, le cauchemar est là et bien là pour l’éternité.
Pour qui douterait encore de mes propos, voici un article qui nous annonce que la formation des stagiaires (dépendant de Pôle emploi, donc de l’État) se déroule à l’Institut de Locarn. La formation consiste à étudier le « territoire » et la « culture bretonne ».
Enseignement ou endoctrinement ? Pour en savoir plus, écoutez les émissions de Charlotte Perry, enregistrées à Locarn lors de la pseudo-révolte des Bonnets rouges organisée par le lobby de Locarn.
Depuis, quelles voix se sont élevées pour dénoncer ce lobby ?
Les émissions de France culture donnent une idée de l’aggravation de la censure.
Et, bien sûr, Produit en Bretagne, émanation de l’institut de Locarn, entend peser de tout son poids dans le grand débat : les revendications sont toujours les mêmes, celles des Bonnets rouges mobilisés pour lutter contre l’écotaxe, à savoir la réunification (préliminaire indispensable à l’autonomie, puis l’indépendance, de la nation bretonne) et le droit à l’expérimentation (autrement dit, le droit de déréguler en toute impunité selon les souhaits du patronat local).