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Nombreux sont les lecteurs qui m’ont adressé une pleine page du Télégramme consacrée à l’entreprise de promotion du mouvement nationaliste breton présenté comme victime de l’« ultradroite ». Donnant la parole à l’historien autonomiste Kristian Hamon, le journaliste fait l’apologie de militants présentés comme de grands démocrates prêts à sauver la République.
Très drôle pour qui connaît l’histoire du mouvement breton. Pas drôle quand on a lu les productions des militants donnés pour défenseurs du mouvement breton « de gauche ». Ainsi Kristian Hamon, le thuriféraire de nazis comme Polig Monjarret ou Youenn Drezen).
Des lecteurs ont pris la peine d’adresser des lettres ouvertes au journal (qui ne risque pas de les passer), d’autres ont rédigé de longs commentaires sur le PNB, Breiz Atao et ainsi de suite, d’autres encore m’ont demandé de réagir. À quoi bon puisque les faits, au fur et au mesure qu’on les établit, sont détournés, voire effacés, pour être mis au service de la doxa nationaliste ?
J’ai reçu cette analyse de l’article du Télégramme :
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Ces observations sont intéressantes mais comment ne pas voir que l’erreur est précisément de placer le débat sur le terrain des faits historiques ? Cela revient à entrer dans le jeu des nationalistes quand l’essentiel est d’en finir avec ce jeu et de constater ce qui est une réalité concrète, vérifiable précisément grâce à cet article accordant une pleine page à un militant nationaliste : les nervis de Breiz Atao et autres mouvances d’extrême droite permettent aux nationalistes de se donner une image de gauche.
Cela, je l’ai montré il y a bien longtemps, lorsque les premiers militants ouvertement fascistes, se réclamant de Breiz Atao et du PNB nazi, ont fait leur apparition. En 2008, c’est grâce à ma plainte contre Boris Le Lay que ce dernier a pu être identifié. Condamné à maintes reprises, il continue de sévir et de faire des émules. Les nationalistes bretons dits « de gauche » se gardaient bien d’engager des procédures contre les propos racistes de Le Lay. C’est seulement lorsqu’il s’en est pris à des sonneurs noirs qu’ils ont fait montre d’une brusque indignation, aussitôt relayée par les médias jusqu’alors totalement silencieux .
J’ai protesté dès 2011 contre ce tour de passe-passe.
Le Lay était très utile : grâce à lui, tout en défendant des nazis comme Monjarret, les nationalistes « de gauche » pouvaient développer une propagande massivement diffusée par la presse régionale, membre, je le rappelle, du lobby patronal de Produit en Bretagne issu de l’Institut de Locarn.
Les nationalistes d’extrême droite sont les héritiers du mouvement nationaliste breton et peuvent légitimement se revendiquer de son idéologie. Ils ont, faute de mieux, le mérite de la cohérence. L’UDB est issue du MOB, parti nationaliste fondé par Yann Fouéré qui fut l’un des pires collaborateurs des nazis en Bretagne. Il lui faut répudier son héritage tout en l’assumant : situation inconfortable qui explique l’incroyable mobilisation pour réécrire son histoire et saisir la moindre occasion de se présenter commme victime de l’extrême droite.
La désignation des nationalistes bretons d’extrême droite comme « ultradroite » a pour but premier d’abuser le lecteur. Le titre de l’article du Télégramme accuse l’« ultradroite » de « parasiter » le pauvre « mouvement breton » mais il n’y a pas d’un côté le « mouvement breton » et de l’autre côté l’« ultradroite » qui, comme un ténia, tenterait de le parasiter : le « mouvement breton » est, depuis les origines, une nébuleuse allant de l’extrême droite à l’extrême gauche sur une base commune, à savoir la défense d’une novlangue maintenue artificiellement en vie et d’une bretonnitude fantasmée sur base ethnique.
Cet article a le mérite de montrer la collusion de la presse régionale et des nationalistes, ce qui n’est pas une révélation mais prend ici une ampleur particulière.
En effet, l’agression subie par Florian Le Teuff devient quelque chose comme une tragédie nationale (le journaliste qui assure qu’elle « n’a pas fait grand bruit en Bretagne » ne lit sans doute pas la presse régionale où cette agression a permis à Florian Le Teuff de disposer d’une tribune – ce qui est sidérant au contraire est la couverture médiatique dont a bénéficié cette altercation).
Ce Florian Le Teuff présenté comme porteur de la vérité du bien contre le mal est un militant chargé par la maire socialiste de Nantes de prendre en charge les « enjeux bretons », terme obscur désignant d’abord la « réunification », c’est-à-dire l’annexion de la Loire-Atlantique à la Bretagne, préalable à l’indépendance de la nation bretonne (projet défendu de longue date par le lobby patronal breton). La « grande manifestation » organisée par l’association Bretagne réunie rassemblait trois cents personnes. C’est dire à quel point les Bretons se sentent concernés. Mais peu importe qu’ils soient concernés ou pas : les décisions sont prises sans eux. Je ne saurais trop conseiller d’aller faire un tour sur le site de Bretagne réunie où figurent les élus qui soutiennent le projet, notamment l’actuel président du conseil régional de Bretagne. On y promeut actuellement le « vin breton », par la voix d’un nommé Coraud, naguère condamné pour favoritisme et détournement de fonds publics, ce qui ne l’empêche pas d’être coprésident de l’association Bretagne réunie. Le muscadet étant le symbole de la (re)conquête, sa bretonnitude est une arme politique.
L’autre militant breton victime de l’ « ultradroite » est un nommé Yvon Ollivier. Qui sait qui est Yvon Ollivier ? Ce nationaliste virulent bénéficie pourtant de tribunes en toute occasion (et notamment dans Le Télégramme). Il est l’auteur, entre autres, de La France comme si – son titre n’a, bien sûr, aucun rapport, il le jure, avec Le Monde comme si – et autres pamphlets nationalistes rédigés dans la même prose flasque et radoteuse. Il est le président de Koun Breizh, association nationaliste fondée par le druide antisémite collaborateur des nazis Raffig Tullou. Ce magistrat s’est signalé par sa participation à la commémoration de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, commémoration créée par les nationalistes de Breiz Atao pour montrer que la bataille contre la France perdue à cet endroit peut encore être gagnée.
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C’est lui qui a appelé au « grand rassemblement » de Carhaix pour le lancement de « Bretagne notre avenir, mouvement politique non partisan ». « Non partisan », il est important de le préciser car les Bretons risqueraient de penser qu’ils ont encore affaire aux nationalistes. Ce « grand rassemblement » à Carhaix, ville administrée par l’autonomiste Troadec, a réuni une centaine de personnes le 1er mars. Il visait à préparer des élections qui peuvent être décisives. La mouvance nationaliste a tout intérêt à présenter une image bénigne, vu que les Bretons renâclent à l’idée de la voir décider de son avenir. Comme celui de Bretagne réunie, le site de « Bretagne notre avenir » mérite le détour. Nul article qui ne soit l’émanation de la haine contre la France, mais une haine enrobée de bons sentiments. On peut y lire la prose verbeuse du docteur Mélennec, prolifique auteur de textes à la gloire d’une Bretagne destinée à en finir avec la Révolution française : « La Révolution de 1789 marque le début du décervelage de la Bretagne », c’est ce que publie le site de « Bretagne notre avenir ». On peut aussi y voir des images du genre de celle-ci :
Florian Le Teuff qui accuse les militants du PNB d’être « animés par la pire bêtise nationaliste et la haine des valeurs républicaines » pourrait aussi s’en prendre à ces partisans.
Fidèle à la stratégie séculaire du mouvement breton, l’avocate Caroline Glon, coorganisatrice du « grand rassemblement » de Carhaix avec son collègue Yvon Ollivier, a déclaré, d’après le journaliste du Télégramme, que « de l’extrême droite à l’extrême gauche, on est capables de tous s’entendre. » « On», c’est le mouvement breton, ça va de soi. « Na ruz na gwenn, breizad hepken » : ni rouge ni blanc, breton seulement, devise de ces militants de Breiz Atao que les Bretons haïssaient.
Caroline Glon, s’inscrivant dans la continuité du mouvement breton, a jugé que les militants du PNB avaient leur place dans le « grand rassemblement ». Quoi ? Admettre l’extrême droite nationaliste au moment où il s’agit de faire bonne figure pour ratisser aussi large que possible ? Pas question : voilà Caroline Glon exclue de « Bretagne notre avenir, mouvement politique non partisan ». Il s’agirait d’un complot de l’extrême gauche…
Apolitisme, confusionnisme, black out.
Vu de loin, le combat peut sembler opposer un bon mouvement breton plein de vertus démocratiques à une mouvance d’extrême droite, raciste, violente, issue d’un passé dépassé.
Ce passé n’est pas du tout dépassé, cet article le prouve. On voit ici que l’historien autonomiste oppose un premier PNB nazi et un deuxième PNB juste un peu collaborationniste (j’avais déjà protesté dans Le Monde comme si contre ce mythe du PNB « modéré » de Delaporte, mythe entretenu par les nationalistes). C’est cette réécriture de l’histoire qui a indigné mes lecteurs. Mais elle s’inscrit dans une stratégie globale et c’est cette stratégie qui importe. La pire erreur serait d’appuyer cette propagande en opposant les bons « régionalistes » de gauche et les méchants « régionalistes » d’extrême droite. Il n’y a pas de régionalistes, le terme n’est employé que pour assimiler les autonomistes et les indépendantistes au même combat supposément bénin puisque passéiste et potentiellement récupérable par une gauche rosâtre ou une droite niaiseuse. Telle est l’opération en cours et il est consternant de voir des médias de gauche (comme Blast) donner dans le panneau, allant jusqu’à présenter l’historien autonomiste Erwan Chartier, au service du journal du maire de Carhaix, le Poher, comme parangon du combat contre l’extrême droite. C’esst oublier son essai à la gloire de Morvan Lebesque, un authentique nazi dont l’idéologie s’est diffusée après 68 sous habillage de gauche (je le rappelle dans Le Culte des racines qui dénonce précisément cette stratégie du mouvement breton).
De l’extrême gauche à l’extrême droite le mouvement nationaliste breton a toujours su tisser sa toile. Il le fait avec l’appui des élus et des médias, cet article en offre un exemple.