National-populisme

Difficile, lorsqu’on a écrit Le monde comme si, de ne pas mentionner cette nouvelle étape dans l’avènement du nationalisme appuyé par le patronat breton : le patron d’Armor-Lux qui ne savait pas comment écouler son stock de bonnets rouges doit désormais en importer massivement — c’est ce qui s’appelle une opération promotionnelle identitaire modèle  — , et, à voir la manifestation du 30 novembre à Carhaix, l’entreprise Le Mée peut encore faire mieux : le drapeau breton est sa spécialité depuis 1956 et la résurgence du nationalisme breton jusqu’alors discrédité par la collaboration avec les nazis. Resterait à trouver un diffuseur automatique de « Bro goz » et le business néobreton serait à son zénith — hélas, le « Bro goz » étant en langue bretonne, son message reste obscur pour l’immense majorité des Bretons. Cependant, le druide Servat s’étant dévoué pour aller à Carhaix fournir un hymne national plus accessible, c’est « La blanche hermine » qui devrait rapporter des royalties en exprimant la révolte atavique des Bretons contre la France. Car désormais, à en croire tous les médias, le Breton est un révolté de nature qui, licencié par son patron, défile à son appel sur le site du Festival Les Vieilles Charrues pour chanter « La blanche hermine », coiffés d’un bonnet Armor Lux et brandissant un drapeau Le Mée (ou importé de Chine ? Qui sait ?)

Cette croisade organisée par le lobby patronal de Locarn consacre le triomphe du « monde comme si » : difficile de faire mieux puisque des millions de Bretons s’y trouvent enrôlés quand bien même ils trouveraient grotesque d’aller manifester sous drapeau et bonnet. La parole est à Troadec : il parle au nom de la Bretagne ; ce qu’il réclame, c’est l’autonomie, donc les Bretons sont autonomistes ; la preuve en est, ils défilent sous drapeaux et bonnets. Contre les syndicats, contre la France républicaine, contre les lois sociales trop contraignantes, pour la dérèglementation et le règne du lobby.

La télévision russe officielle (La Voix de la Russie, qui a envoyé cinq équipes sur place tant les services de propagande jubilent) tient des propos qui montrent que la Bretagne identitaire et la Russie de Poutine ont des affinités destinées à se développer. Cette chaîne au discours fasciste provoque l’enthousiasme de militants bretons qui se disent eux-mêmes grands démocrates sur base ethnocommunautariste, belle démonstration à l’appui du Monde comme si).

Face à la floraison de drapeaux bretons, je suis tout de même contente d’avoir produit, sous le titre « Blanche hermine noir drapeau » le seul texte contestataire à ce jour (sauf erreur) — un texte déjà ancien mais actualisé grâce à la promotion de « La blanche hermine ».

 On peut le trouver en version simplifiée utilisable à loisir.

 Sur le bonnet rouge, on pourra lire le texte de trois historiens qui, miracle, ont eu le courage de protester (« Bonnets rouges : non à la manipulation de l’histoire »).

Un lecteur me fait observer que, dans ma tribune du Monde, j’ai écrit que les manifestants étaient affublés de bonnets d’acrylique fabriqués en Écosse, ce qui est inexact. De fait, la presse régionale, acquise à la cause du bonnet,  a relayé les propos du PDG d’Armor-Lux (le spécialiste du « Made in France ») expliquant qu’il avait dû faire venir ses bonnets d’Écosse — terre celte, comme chacun sait. Ce lecteur m’explique que le bonnet est juste le BF045 de Beechfield  vendu par Imbretex*, importateur de produits textiles anglo-saxons généralement faits en Chine ou en Turquie.

Le  bonnet coûterait 1, 44 €. Sachant qu’il est vendu 5 ou 10 €, calculez la rentabilité d’une  manif…

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* NB : Le lien vers le catalogue Imbretex mène à une liste d’entreprises au nombre desquelles figure (par ordre alphabétique après Armor Lux) Beechfield, le spécialiste de la casquette… Il faut donc cliquer sur  « Beechfield », puis sur « casquette » pour découvrir (en vert pomme) le bonnet potentiellement rouge  BF045.

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