Le lac maudit a disparu… Voilà ce que m’apprend l’article d’un journaliste passionné de contes et qui a consacré une enquête à l’une des plus célèbres légendes de Normandie, légende publiée par Amélie Bosquet sous le titre « Le lac de Flers » mais généralement rebaptisée « Le lac maudit de Flers ».
Cette légende doit sa célébrité (célébrité toute relative mais enfin…) au fait qu’elle rattache aux légendes de villes englouties le thème des moines impies : en bref, des moines fondent un couvent au bord d’un lac et mènent une pieuse vie mais, peu à peu, la discipline se relâche et, un soir de Noël, alors que la cloche du couvent se met à sonner pendant les ripailles des moines, l’un d’entre eux blasphème et le couvent est englouti dans le lac. Mais, le soir de Noël, on peut entendre sonner les cloches du couvent au fond de l’eau.
Ou plutôt, on pouvait les entendre puisque le lac a disparu. C’est ce que révèle l’article de Guilherme Ringuenet qui est allé sur place, non sans être d’abord allé consulter les archives de la ville. Un frêle carillon se fera-t-il entendre cette nuit au fond du ruisseau, symbole de la fragilité des croyances ? En tout cas, voici son article, paru aujourd’hui.
Cette légende a été recueillie par un voyageur anglais, Frederic Shoberl, qui l’avait publiée en 1841. Amélie Bosquet l’a reprise en mentionnant sa source — que j’ai malencontreusement omise dans les Légendes de Normandie, version synthétique de sa monumentale somme, La Normandie romanesque et merveilleuse ; traditions, légendes et superstitions populaires de cette province, parue en 1845.
J’ai consacré un article à cette folkloriste et romancière féministe, qui avait — non sans raison, à mon avis — osé critiquer Flaubert, lequel ne le lui a jamais pardonné.
Heureuse conséquence, et véritable cadeau de Noël pour moi, les éditions Ouest-France ont décidé de faire reparaître en collection de poche au printemps les Légendes de Normandie, premier titre de la collection « Les Grandes collectes ».
J’ai reproduit ici une des lettrines de cette édition, lettrines que l’éditeur avait accepté de reproduire mais qui vont certainement disparaître du nouveau volume pour cause de format trop exigu. Elle s’accorde bien avec l’esprit des légendes de Noël tout à la fois effrayantes et rassurantes.