On a beau s’être accoutumé aux mœurs et coutumes du mouvement breton, avoir expérimenté depuis un quart de siècle le poids de la censure, la prolifération des invectives, les falsifications wikipediesques, le machisme, la diffamation, la violence et j’en passe, on se défend mal d’une certaine naïveté qui laisse surpris quand le pire se découvre.
Ma présence, héroïquement imposée par les organisateurs du festival de poésie de Douarnenez malgré les protestations d’écrivains locaux, ne pouvait pas être tolérée par les militants nationalistes. Aussitôt après la rencontre avec Yoann Barbereau sur notre traduction du Maître et Marguerite, l’Agence Bretagne Presse mettait en ligne un article scandaleux accompagné d’une vidéo de la rencontre prise clandestinement : « Tel l’inquisiteur guettant chafouinement la pécheresse pour la mener au bûcher, un militant glissé dans l’assistance s’est chargé de filmer clandestinement et de choisir l’image la plus hideuse possible pour nous confondre », écrivais-je. Mais j’étais encore loin du compte.
Répondant à un correspondant qu’il a censuré (lui aussi), le directeur de l’Agence Bretagne Presse, un nommé Philippe Argouarch, accuse ce correspondant, Frank Bodenès (un excellent connaisseur du breton qui a précédemment montré qu’Argouach, malgré les cours de breton qu’il prenait, était incapable d’écrire une phrase de breton sans faire trois fautes – démonstration hilarante pour qui s’intéresse au sujet), Argouarch, donc, l’accuse de soutenir André Markowicz par calcul car ce dernier serait son éditeur. Bel exemple de la méthode nationaliste : on écrit n’importe quoi et les allégations circulent, mêlées à des palinodies et des mensonges assortis de douceurs mielleuses, fielleuses et sermonneuses. Le mouvement nationaliste breton est sorti des cénacles catholiques : il en a gardé le jésuitisme. Cette allégation ridicule sert, comme de coutume, à en amener d’autres : André Markowicz aurait menacé ce pauvre Argouarch de menaces judiciaires mais aurait reculé car il aurait découvert que « s’attaquer à la presse est une partie perdue » (la presse, c’est lui).
La réalité est qu’Argouarch a été informé que s’il ne retirait pas cette vidéo clandestine, il recevrait un courrier recommandé avec mise en demeure, le droit à l’image garanti par la loi française s’appliquant encore. Il n’a rien retiré et poursuit dans le même registre. Libre à lui. Il sait ce qui l’attend.
Sur ce, il ajoute de son propre chef :
« J’ai fait mon travail et donné mon point de vue dans une chronique qui est un genre où les points de vue sont bien-venus (sic)… Je suis venu en journaliste faire une photo car il y avait des rumeurs que (sic) FM allait être enfarinée. »
Ainsi donc, sachant que les militants nationalistes préparaient une opération commando (faisant suite à d’autres opérations du même genre), il est venu, selon ses propres dires, faire en voisin une petite photo – qui, par pur hasard, s’est changée en vidéo.
Celui qui filmait, caché dans l’assistance, c’était lui, en tant que directeur de l’Agence Bretagne Presse, lui qui, au courant des « rumeurs » annonçant l’enfarinage, est venu filmer, en se gardant bien d’alerter le festival et en se réjouissant par avance du scoop.
C’est moi qu’il s’agissait d’enfariner, moi seule, pas André Markowicz, pas Yoann Barbereau. Les enfarineurs ont sans doute reculé devant la perspective d’agresser deux mâles en présence d’une assistance si nombreuse, mais le complice a néanmoins filmé pour pouvoir étayer ses accusations de délire et autres : un vrai travail de journalisme à la bretonne, qui mériterait un deuxième collier de l’hermine – assigné après la parution du Monde comme si, le directeur du journal Betagne hebdo avait, sitôt condamné pour diffamation, été herminisé. À quand la deuxième herminisation d’Argouarch ?
Il a bien mérité de la nation : c’est lui qui, tout récemment, lorsque la mairie de Pont-L’Abbé a décidé de débaptiser la rue Youenn Drezen, est allé filmer le fils de Drezen pour lancer une campagne de contre-information relayée par le conseil culturel. Pas antisémite pour un sou, Drezen, Argouach l’assure. On peut traduire ses textes antisémites, les mettre en ligne, c’est bien simple, il ne les voit pas. C’est encore une forme d’enfarinage, un enfarinage finalement bien utile puisqu’il permet d’accuser ceux qui les voient de nuire à la Bretagne – c’est-à-dire cette « Bretagne des militants de la cause bretonne », comme il l’écrit, qui entend par tous les moyens imposer sa loi. Je viens, une fois de plus, d’en apporter la preuve.
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SUITE…
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Oui, les militants bretons peuvent encore, même après des années, vous surprendre : comme pour confirmer ce que j’écrivais hier, voilà que le nommé Argouach m’adresse un message sur ce site.
On aurait pu croire qu’il se serait défendu d’avoir connu le projet d’enfarinage au festival de Douarnenez et de s’en être rendu complice en venant filmer clandestinement… Mais non ! L’enfarinage, c’était très bien, nul besoin d’y revenir : il en est fier, c’est lui qui en a parlé et son message est un nouvel aveu puisqu’il se consacre à ce qui pour lui est autrement intéressant.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il m’écrit pour me demander de ne pas adopter la graphie bretonne de son nom mais la graphie française, l’odieuse graphie française qui change le noble C’H en CH. Serait-il traître à sa patrie ? Et son regard serait-il troublé ? Car, pour ma part, j’écris Argouarch, au contraire des nationalistes de gauche (qui après avoir collaboré à l’Agence Bretagne Presse depuis 2003 sans états d’âme, se sont soudainement avisés en 2009 qu’ils s’étaient égarés dans les parages de l’extrême droite et ont produit des articles qui, de fait, le mettent en cause sous le nom d’Argouarc’h).
Ce, donc, Argouarch m’écrit également pour m’aviser qu’il vient de produire une critique du Monde comme si ». Avec l’urbanité jésuitique qui le caractérise, il s’excuse : « Désolé pour le retard mais j’ai fini par faire une revue du Monde comme si »…
Allons, pourquoi s’excuser ? Qu’est-ce qu’un petit retard de vingt ans ? Et surtout pour produire un texte que l’on croirait tout droit sorti des colonnes de feu Bretagne hebdo… Quelle constance ! Quelle obstination ! Et surtout quel immobilisme de la part de la part de ce qui se désigne comme « mouvement breton » ! À cela près que, voilà vingt ans, Bretagne hebdo se contentait d’enfariner ses lecteurs en leur déversant des sacs de propagande et de ragots : à présent, l’enfarinage, pratique des droites extrêmes, se présente comme un moyen d’interdire de parole qui ne se soumet pas à la doxa nationaliste.
S’il y a mouvement, c’est bien dans le sens que prévoyait Le Monde comme si. Voici le dernier commentaire publié par ce même Argouarch — commentaire anonyme, bien sûr (et qui se termine, pour rester dans la même tonalité, par « Priez pour elle ! », vœu qui peut s’interpréter de différentes manières) :
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Cela n’ajoute rien au florilège des invectives, direz-vous. Si ! Un thème nouveau est apparu : selon la propagande nationaliste actuelle, nous sommes, André Markowicz et moi, des « migrants ». Lui, en tant que juif russe, est naturellement « le type parfait du migrant » ; moi, « née en Bretagne », j’ai, comme l’indique Wikipedia, « suivi mes parents dans la région parisienne ». Vu que j’avais trois semaines, on serait en droit de penser que je n’avais pas vraiment le choix mais, peu importe, le but est atteint (et l’on voit le rôle joué par Wikipedia).
André Markowicz est donc présenté comme l’archétype du « combattant de la Légion étrangère » (la Légion étrangère française en Bretagne) et, moi, comme l’incarnation des migrants de l’intérieur, ces étrangers, ces envahisseurs, ces nocifs qu’il faudrait chasser. C’est ce que dit un nommé Grua qui — demandez-vous pourquoi — s’est subitement déclenché juste après la publication de nos articles sur l’affaire Navalny et Yves Rocher et passe désormais l’essentiel de son temps à dénoncer André Markowicz, coupable, écrit-il, de soutenir les « provocations d’une femme aigrie contre sa terre d’accueil ».
La Bretagne n’est pas, comme on pourrait le croire, ma terre natale : c’est ma terre d’accueil. Ravalée au rang d’immigrée, je vais devoir, avec le juif qui assure ma « promotion », laisser place aux vrais Bretons, bien soumis, qui ne se rebellent pas et adhèrent au dogme. La conclusion du commentaire publié par Argouarch est claire : chassons-les ! Enfermons-les dans les hôpitaux psychiatriques ! Rééduquons-les !
Lire Le Maître et Marguerite, c’est bien, mais comprendre à la lumière de ce roman ce qui se passe en Bretagne, c’est mieux.
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…ET ULTIME DÉMONSTRATION
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Précisément, comme pour mieux le donner à comprendre, le géographe autonomiste Jean-Jacques Monnier vient apporter de l’eau au moulin de l’Agence Bretagne Presse qui publie ses commentaires sur Le Monde comme si à titre de complément de la prose d’Argouarch.
Quoi, direz-vous, un élu de l’UDB, parti nationaliste qui se dit de gauche, venir cautionner l’Agence Bretagne Presse dénoncée comme étant liée à l’extrême droite par des nationalistes de gauche ? Un site où l’on ose assurer que Drezen n’était pas antisémite ? Et alors que le nommé Argouarch se vante d’être venu filmer un enfarinage ? Voudrait-il rendre risible le nom de son parti qui se proclame Union « démocratique » bretonne ? Ou illustrer la collusion des nationalistes bretons que dénonce Le Monde comme si ? Une collusion qui (telle est ma thèse) finit toujours par servir l’extrême droite ?
Jean-Jacques Monnier, spécialiste de la réhabilitation des vieux nazis bretons, est allé jusqu’à présenter l’un des pires d’entre eux, Hervé Le Helloco, comme un « juste parmi les nations » (voir à ce propos Résistance et conscience bretonne). C’est lui qui, dans les colonnes du Peuple breton, organe de l’UDB, s’est livré à la plus scandaleuse apologie d’Alain Guel à partir d’un hommage à Guel, rassemblant, autour de Jean Mabire, la fine fleur de l’extrême droite nationaliste et néodruidique bretonne).
Ainsi collabore-t-il naturellement à l’Agence Bretagne Presse qui publie sa prose avec les plus grands égards quand tous les commentaires critiques sont impitoyablement censurés. Portrait du nationalisme breton par lui-même.
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Cette intervention de J.-J. Monnier me permet de répondre à ceux de mes lecteurs qui m’assurent que ces gens ne sont rien, ne sont lus par personne et ne représentent qu’eux-mêmes. C’est une erreur ; ils jouent un rôle essentiel, ignoré assurément de l’immense majorité des électeurs mais officiel dès lors que l’on tient compte de l’appui apporté par les élus régionaux au projet politique dont ils sont porteurs. Que l’on se réfère au colloque de 2014 où l’appel à la « guerre » contre la France semble aller de soi ou au simple fait que c’est précisément à ce géographe autonomiste que le conseil régional a confié la charge d’écrire une histoire de la Bretagne sous forme de film diffusé dans tous les établissements scolaires de Bretagne…
C’est à l’ignorance, à l’aveuglement et à la lâcheté que ces militants doivent leur pouvoir. Dire que, faute de résister, il faudra subir leur loi est déjà faire preuve d’aveuglement car, cette loi, nous la subissons, que nous le voulions ou non (comme le montre, exemple entre mille, l’histoire officielle de Bretagne ainsi promue par le conseil régional), et elle s’impose par la censure et la violence contre ceux qui osent tenter d’alerter sur le projet obscurantiste dont la Bretagne est désormais le nom.
Je viens d’en offrir un nouvel exemple.
Début août 2021 , j’avais pris connaissance sur Agence Bretagne Presse de propos très agressifs contre Françoise Morvan et André Markowicz à qui on reprochait comme d’habitude leur éternelle » brittophobie » .
J’avais pris leur défense en rappelant ( ou plutôt en faisant savoir ) que Françoise Morvan est l’auteur de deux remarquables thèses sur des écrivains bretons ( Armand Robin et François-Marie Luzel ) et que André Markowicz est reconnu dans les milieux littéraires comme un traducteur accompli , notamment d’auteurs russes . De plus , il a traduit des dizaines de chansons bretonnes dont il a publié avec Françoise Morvan deux recueils ( “Anciennes complaintes de Bretagne” et “Chants de Bretagne” ) et qu’il les a interprétées sur scène avec de nombreux chanteurs bretons .
L’un des commentateurs ayant dit pis que pendre d’André , j’avais fait une autre réponse sur le mode de la dérision , en écrivant que j’abondais complètement dans le sens de l’intervenant et en ajoutant ironiquement que ce “ brittophobe patenté ” et critiqué avec raison avait infiltré plusieurs loges maçonniques bretonnes et , de surcroît , était d’origine juive .
Voici donc les propos » antisémites » que j’aurais tenus , et c’est d’autant plus grotesque que , si je m’étais servi de ce genre d’argument scandaleux , j’aurais paradoxalement attaqué quelqu’un dont je prenais précisément la défense … et sur un terrain nauséabond exploité sans vergogne par certains aficionados de ABP .
Un grand merci pour ce commentaire qui remet les pendules à l’heure !
Se faire traiter d’« antisémite » par des gens qui nient l’antisémitisme de Youenn Drezen, ça montre bien le fonctionnement de la presse nationaliste : on se sert de l’antisémitisme pour avoir l’air vertueux et pour trouver prétexte à censurer les commentaires qui risquent de rappeler aux lecteurs les vérités occultées. Ainsi le fait d’assimiler la critique du nationalisme breton à la « brittophobie » : bien que, numériquement, ces militants ne représentent rien, la Bretagne, c’est eux et eux seuls. Les blâmer, c’est porter atteinte à la Bretagne. Et attention, « la brittophobie est aussi grave que l’antisémitisme ». C’est ce qu’ose écrire l’un des collaborateurs de l’ABP.
Cet usage de l’antisémitisme est ignoble. Il tend à se répandre dans le mouvement breton qui a toujours fait usage du confusionnisme pour pouvoir jouer la carte de gauche ou la carte de droite selon les opportunités. On le voit d’ailleurs sur le site de l’ABP, puisque l’autonomiste Monnier, vertueux homme de gauche, n’hésite pas à venir apporter de l’eau au moulin des enfarineurs… Il n’est pas antisémite pour un sou mais il fait l’apologie des pires collaborateurs des nazis, comme le sinistre Le Helloco. Et ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’autres.
L’accusation brittophobe = antisémite et bien utile par ces temps de concurrence victimaire pour ceux qui entendent en tirer profit.