Par le plus grand des hasards, au détour d’une alerte Google, André Markowicz découvre qu’une « table ronde » a lieu le 28 janvier au sujet d’un album que j’ai traduit – en fait quatre albums de Samouil Marchak rassemblés sous le titre (que, pas plus que Marchak, je n’ai choisi) de Quand la poésie jonglait avec l’image.
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À lire cette publicité, comme on peut le voir, la poésie qui jongle avec l’image, c’est celle de Marchak illustrée par Lébédev : elle existe telle que l’éternité la change, le texte français n’étant mentionné qu’au même titre que la recomposition des images ou la recherche d’’éditions, tâches subalternes mais hélas nécessaires.
Je n’ai été ni informée que cette table ronde avait lieu ni invitée, cela va de soi puisque la version française de ces quatre poèmes n’a pas plus d’existence aux yeux de l’éditeur qu’à ceux des responsables de la bibliothèque patrimoniale de l’Heure joyeuse – qui, je l’apprends à cette occasion, organise depuis plusieurs semaines un hommage aux éditions MeMo (et notamment une exposition intitulée « Lire l’enfance avec les éditions MeMo »).
J’ai traduit en 2005 ces quatre albums de Marchak. Le livre est introuvable depuis, à mon avis, au moins quinze ans. J’ai dû publier une trentaine de livres aux éditons MeMo, tous passés sous silence. Cette étrange « épopée éditoriale » poursuivie autour d’un livre absent fait de la « poésie » un texte lui-même absent, tenu pour nul et non avenu, alors même que Marchak ne séparait pas poésie et traduction.
Il me semble qu’elle en dit plus long que de longues démonstrations sur le statut de la traduction en France.
La place du traducteur, c’est la place de l’absent.
C’est ce qui explique la faiblesse de la traduction en France, et particulièrement la désastreuse faiblesse de la traduction de poésie.
Marchak avait ouvert une voie qui s’est ici changée en impasse.
Encore faut-il que les traducteurs en prennent conscience.
J’ai lu ceci il y a environ une heure, et j’en fus à ce point sidérée par le manque de considération élémentaire pour votre travail que je n’ai pas trouvé de mots pour l’exprimer. Je n’en trouve pas davantage maintenant. Pas un seul de la trentaine de vos ouvrages publiés chez eux n’auraient existé sans votre travail pour lequel on a si peu d’égards. (Et, sur un plan purement personnel, je me désole de ne pas avoir accès à vos traductions de Marchak.) Je profite de ce mot pour vous dire à quel point j’apprécie ma collection grandissante de vos écrits et de ceux d’André Markowicz pour lesquels je viens de ré-organiser ma bibliothèque pour leur réserver leur propre étagère. Chacun d’entre eux est comme une rencontre quasiment inespérée. Bonne et longue continuation, je vous souhaite.
Oui, nous aussi nous avons été sidérés, André et moi, André étant d’ailleurs plus blessé que moi, par cette marque d’un mépris si banal que l’absence du traducteur semble aller de soi. Personne d’ailleurs n’y a vu à redire ou n’a protesté ni parmi les bibliothécaires de la prestigieuse bibliothèque de L’heure joyeuse ni parmi les intervenants. Qui a parlé à ma place de ma traduction, je ne le sais pas. En a-t-on même parlé ? Quelle importance ? Elle n’existe pas.
Cet épisode m’a semblé intéressant car il révèle mieux que tout autre la réalité de la place du traducteur dans le monde de l’édition française.
J’ai traduit trois autres livres de Marchak qui attendent depuis dix ans d’être publiés. Et Marchak a été le premier à traduire des comptines anglaises que j’ai, moi aussi, traduites mais sans pouvoir les publier (à part un livre-disque épuisé dont j’ai repris les droits). Nous allons essayer de développer les éditions Mesures, petit îlot de résistance…