Littérature et politique

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Très humbles, très soumis, très obéissants… et surtout très voraces (Daumier).

Touchée par l’article de Nina Yargekov, j’avais mis en relation cette rencontre de la poésie et de la politique avec l’instrumentalisation de la littérature par la politique telle qu’elle se trouve officialisée en Bretagne : le salon du livre de Carhaix fondé par des terroristes du FLB reconvertis dans l’édition est une plateforme des nationalistes rassemblant des éditeurs exclusivement bretons afin de faire avancer la cause sous l’apparence bénigne de l’amour des lettres. 

Il se trouve que, cette année, pour la première fois, cette affaire bien rôdée a provoqué quelques remous – pas une protestation contre la soumission de la littérature à la propagande (ce qui aurait dû être le premier devoir des instances en charge du livre en Bretagne) mais un rappel à l’ordre dû à l’instrumentalisation des élus eux-mêmes…

Le maire de Carhaix, l’autonomiste Christian Troadec, a, comme il fallait s’y attendre, ouvert le salon du livre par un discours. Cette année, la « nation » invitée étant la Catalogne, il était à prévoir que le discours serait particulièrement virulent. Il l’a été. 

Pour le clore, le maire de Carhaix, également conseiller régional en charge des langues de Bretagne et des Bretons du monde, a (non sans quelque difficulté) déployé une affiche et appelé les Bretons à la diffuser partout ainsi que des tracts destinés à être distribués dans toute la Bretagne. Ouest-France ayant mis en ligne une vidéo destinée à faire connaître cette opération, il est possible de juger de sa teneur.

Rassemblement pour une Bretagne Autonome (avec majuscule à l’adjectif), tel était le titre de l’affiche qui annonçait que ce rassemblement se tiendrait le 19 novembre à Carhaix. Suivait une liste d’une vingtaine d’élus et de militants nationalistes qui y assisteraient sous l’égide de Loïg Chesnay-Girard, président du conseil régional, de Jean-Guy Talamoni, indépendantiste corse, et de Lluis Puig, indépendantiste catalan. 

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Nul besoin d’avoir longtemps barboté dans le marigot nationaliste pour comprendre que l’autonomie revendiquée n’était que la résurgence de la vieille plaisanterie de Breiz Atao telle qu’énoncée par Olier Mordrel en son temps : l’autonomisme comme masque de l’indépendance due à la nation bretonne. 

Encore une fois, rien là que de banal : les auteurs, les éditeurs ainsi engagés dans ce combat se sont tus, tous complices comme de coutume car une occasion de se vendre ne se refuse jamais. 

Mais, ô surprise, c’est que ni Chesnay-Girard, ni la communiste Delphine Alexandre, ni l’écologiste Claire Desmares, ni, pour la très droitière Isabelle Le Callennec, ni les autonomistes Cueff et Molac figurant sur la liste n’avaient été avertis qu’ils participaient au Rassemblement. N’ont-ils pas voté le vœu pour l’autonomie de la Bretagne qui figure en arrière-fond de l’affiche ? Ils étaient complices, pourquoi ne le seraient-ils plus ? Face à ce lâchage, C. Troadec évoque une petite « erreur de communication». 

Les défenseurs du gallo protestent aussi, rappelant que le vice-président du conseil régional est en charge des « langues de Bretagne » mais a choisi de tenir son Rassemblement juste au même moment que le rassemblement pour la défense du gallo (mais, bon, le gallo, dans le panorama des nations celtes vouées à se libérer…). 

Et c’est dans cette foire aux livres que ce pauvre Armand Robin, l’ennemi de tous les nationalismes, le partisan de l’universalisme, se trouve embringué. 

« La vérité, quoi qu’il puisse en coûter – la littérature n’a jamais eu d’autre objet », telle est la conclusion de l’article de Nina Yargekov. Alors, disons-la : le dévoiement de la littérature par les nationalistes n’est dû qu’à la lâcheté des élus, des auteurs, des éditeurs et des universitaires qui le cautionnent. 

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