Panem ? Circenses !

En ce dimanche soir, je cède à un mouvement d’indignation. 

Déjà, la, selon moi, ridicule cérémonie des Jeux olympiques organisée au moment où la France se trouvait sans gouvernement du fait du prince (qui triomphait grâce aux Jeux) m’avait irritée sans que pourtant je manifeste le moindre sentiment à ce propos ; ensuite, j’avais, poussée par je ne sais quelle curiosité masochiste, suivi la cérémonie d’ouverture, non pas des Jeux, mais de Notre-Dame-de-Paris : il n’avait pas suffi de voir cette pauvre cathédrale dépouillée de tout son mystère, privée à tout jamais de cette présence du temps qui en faisait un reliquaire, et d’entendre célébrer à tout instant la « blondeur des pierres », il avait fallu encaisser comme une insulte la trogne renfrognée de Trump et la présence des milliardaires bénis par leurs offrandes au culte célébré par des évêques déguisés en perroquets : rouge, jaune, bleu, vert, les vêtements liturgiques signés Jean-Charles de Castelbajac avaient dû coûter bien cher quand l’art français du vêtement liturgique qui avait si longtemps triomphé comme un modèle était flanqué à la poubelle, profitant du bienheureux incendie (bienheureux puisque voulu par Dieu, ce que les hymnes de remerciement au Ciel qui se succédaient passaient bizarrement sous silence). Et j’ignorais encore que des vitraux sauvés de l’incendie allaient être déposés pour être remplacés à grands frais par des horreurs modernes… La crosse de l’évêque avec sa pierre bleue imitée du plastique était comme le symbole ultime du toc qui, pour finir, triomphait, assurant la fin d’un catholicisme auquel plus personne ne pouvait adhérer.

Quelle extraordinaire image que celle de Donald Trump, Emmanuel Macron, Michel Barnier, Premier ministre sans l’être depuis quelques heures, salués par cet homme déguisé tenant sa crosse comme un bâton magique… Au milieu de tout, et plus faux, plus jésuitique que le reste, le discours du pape, qui avait pris soin d’être absent : mielleux, plein de cette onction haineuse qui semble avoir été depuis les origines le chrême de la religiosité, le discours était lu quand chacun savait que, dédaignant Notre-Dame-de-Paris, symbole de la France, le Pape allait se rendre, ultime offense, en Corse. 

Pourquoi en Corse ? Mais parce que la Corse, colonisée par l’État français, fait, aux yeux du Vatican, partie de ces régions périphériques où il s’agit de faire resurgir la vraie foi – contre, bien sûr, la laïcité à la française : le pape n’a pas manqué de sermonner la France qui devrait en finir avec une laïcité « statique et figée » et de prôner (ou promouvoir) une laïcité « à la corse ». Nationalisme et religion, tout s’unit dans le culte des racines.  Et puis, du Vatican à Ajaccio il n’y a qu’un pas. Et surtout, Dieu a donné au monde un Basque, devenu évêque de Corse, et qui sera peut-être un jour pape, le cardinal Bustillo, ouvertement autonomiste. Ne déclarait-il pas en début d’année que « la Corse doit retrouver sn autonomie et sa liberté » ? 

Le voyage du pape en Corse, concocté par Bustillo, est un voyage politique, et le message d’amour un message de haine, une haine doucereuse, enveloppée de bons sentiments et d’autant plus dangereuse. Ce sont les presses de Bolloré qui ont publié le livre du cardinal, Le Cœur ne se divise pas. À voir se dresser la haute silhouette maigre du cardinal photographié pour la presse d’extrême droite, on se dit que cette maxime aurait pu être celle du Grand Inquisiteur. 

Le président de la République s’est docilement rendu en Corse et a rencontré le pape et Siméoni. 

Mon indignation vient du sentiment d’avoir vu les valeurs de la République trahies par un pouvoir qui ne se rend présent que pour être plus absent. 

Il est vrai qu’il n’y a là plus rien que d’ordinaire. 

Quoique, bien sûr, le voyage du pape soit très extraordinaire – et c’est à qui célèbrera cet incroyable, ce miraculeux voyage d’un pape qui, malade, impotent, a tenu à honorer la Corse, pour la première fois au monde, de sa présence.

Et qui a très bien parlé corse.

Mais pas français.

En 2018, Emmanuel Macron avait présenté Jean-Yves Le Drian au pape en expliquant que « les Bretons, c’est la mafia française ». Il n’a pas eu besoin de présenter qui que ce soit en Corse.

*

Et, comme par hasard, au même moment, l’Union démocratique bretonne) appelle à un changement de Constitution dans le but de faire éclater la France en régions autonomes (en attendant l’indépendance). 

Corses et Bretons, même combat : en 2022 Gérald Darmanin, sans la moindre consultation, étant allé proposer l’autonomie à la Corse, le conseil régional de Bretagne, aligné sur les positions de l’UDB, avait immédiatement exigé, sans plus de consultation, un régime identique d’autonomie. 

Dans Ouest-France, l’annonce est faite sous gwenn-ha-du,  un immense gwenn-ha-du, symbole de la nation bretonne, et sur un ton apologétique :

« Face à la crise institutionnelle qui secoue actuellement la France, l’Union démocratique bretonne (UDB) prône une réforme de la Constitution  permettant des autonomies régionales. Nous souhaitons que la Bretagne, mais aussi d’autres territoires s’ils le souhaitent, puisse voter des lois et lever des impôts, sans mendier systématiquement à Paris une autorisation qui ne vient pas, ou trop tard. » 

Rien ne pourrait plus attiser les ardeurs des nationalistes que la déréliction du pouvoir. 

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Une réponse à Panem ? Circenses !

  1. Chartreux dit :

    Bonjour Françoise,

    Merci pour ces mots qui disent qui doit être dit et entendu.
    Je partage complètement cette indignation quant aux  » valeurs de la République trahies par un pouvoir qui ne se rend présent que pour être plus absent.  »
    Et ne manquerai pas de faire circuler ce texte.

    Bien amicalement,
    Philippe Chartreux

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