Le 16 juillet, il y a 75 ans, des jeunes gens, enfermés dans une cave à Bourbriac et torturés pendant plusieurs jours, étaient conduits près d’un bas-fond au bord d’une route, à Garzonval, et abattus d’une balle dans la nuque par des Allemands et des SS du Bezen Perrot, nationalistes bretons enrôlés aux côtés des nazis pour combattre la France.
À l’invitation d’un petit éditeur, Christian Besse-Saige, à présent disparu et dont je salue ici la mémoire, j’ai passé de longs mois aux archives afin d’identifier les assassins. C’est devenu une longue enquête qui a, pour finir, été publiée par les éditions Ouest-France.
J’ai notamment identifié un nommé Miniou qui (comme les autres d’ailleurs) a continué de militer pour la « liberté de la Bretagne » : on le retrouve dans le film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance, fort satisfait de son itinéraire et assurant que, membre du Bezen Perrot, il n’avait fait que garder des camions.
Ce livre (dont la vente a permis de rénover le monument de Garzonval) a donné lieu ensuite (en 2014) à une passionnante enquête auprès des témoins encore vivants – des témoins qui, depuis, ont pour bon nombre d’entre eux disparu, et leur témoignage aurait été à jamais perdu sans ce livre ; pour ma part, j’avais la charge de poursuivre mes recherches aux archives et de les mettre en relation avec la mémoire vive.
Le livre Garzonval en mémoire a connu deux tirages et est encore disponible à la mairie de Plougonver.
En 2014, ce travail a donné lieu à deux (remarquables) reportages de Charlotte Perry sur France Inter.
Il va de soi que les autonomistes bretons (et notamment, détail intéressant, les autonomistes qui se disent de gauche) n’ont eu de cesse que de nier la présence du Bezen Perrot à Bourbriac, puis à Garzonval. De longues polémiques s’en sont suivi, comme de coutume, dès qu’une voix dissidente ose se faire entendre. Pour finir, tous les historiens sérieux admettent à présent le rôle joué par ces militants nationalistes enrôlés sous uniforme de la Waffen SS.
La question posée par l’occultation de leur rôle aurait dû être un objet de réflexion. C’est d’ailleurs cette réflexion que la polémique déclenchée par les autonomistes avait pour but d’empêcher – rien là que de banal, encore une fois. Or, cinq ans après, force est de constater que non seulement aucune réflexion n’a pu avoir lieu mais la simple mention du rôle joué par le Bezen Perrot a disparu de la cérémonie comme de tous les commentaires.
Voici la formulation officielle relayée par la presse :
En juillet 1944, l’armée allemande, aidée par la milice française, investit un périmètre compris entre les communes de Plouguernével, Saint-Nicolas-du-Pélem, Peumerit-Quintin et Sainte-Tréphine. Les maquisards, très présents dans le secteur, attendaient un parachutage. Encerclés, sept résistants sont arrêtés et conduits à Bourbriac pour y être interrogés. Ils y resteront jusqu’au 16 juillet. Torturés, ils seront achevés d’une balle dans la tête, aux alentours de Garzonval. Le jour de leurs obsèques, alors que les occupants avaient interdit à la population du village d’assister à l’enterrement, l’église était pleine et La Marseillaise y a retenti.
L’armée allemande est forcément aidée par la « milice française » : tout est bon dans le Breton et il est utile de nos jours de dénoncer le pétainisme qui représente une grave menace. En revanche, le nationalisme breton ne mérite pas d’être pris en compte. La défense du Bezen Perrot par les identitaires, dont Boris Le Lay qui s’en prenait naguère encore à la crémonie de Garzonval, les essais du nommé Mervin, qui tente par tous les moyens de salir la mémoire des résistants tués à Garzonval, rien de cela ne mérite un mot. Pas trace du Bezen Perrot à Garzonval. Il n’a pas fallu cinq ans pour effacer les recherches qui dérangeaient. La cérémonie a lieu au nom du « devoir de mémoire » – un devoir de mémoire sélectif.