Si la poésie vit encore en France, elle le doit à des éditeurs, des instituteurs, des bibliothécaires qui sont parfois mis en relation par d’étranges passeurs, des anges gardiens qui, sans compter leur temps, leur offrent l’occasion de partager avec les enfants une passion restée intacte à travers les années. Qui sont-ils ? Comment œuvrent-ils ? Et pourquoi ? Révélation, mystère… Et soudain, le bonheur de découvrir la vraie vie — la vraie vie des livres et des enfants qui les lisent…
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J’ai reçu un jour une invitation d’un monsieur qui m’annonçait que mon livre La saga des petits radis avait été retenu au nombre des meilleurs livres pour enfants de l’année par le comité de lecture qui organisait les rencontres dans les classes avec les écoles et les bibliothèques de Saint-Loubès. Saint-Loubès, une petite ville près de Bordeaux…
J’aurais dû refuser avant même de chercher à le savoir car, en mars et en avril, je devais me partager entre Strasbourg, Paris et Lille pour des rencontres sur Tchekhov. J’ai accepté, en sachant que ce n’était pas raisonnable, mais j’ai décidé de faire tout mon possible pour soutenir les éditions MeMo qui, seules en France, ont lancé une collection de poésie pour enfants, quand tous les éditeurs suppriment leurs collections de poésie.
Frédéric Delhoume, l’ange gardien qui organisait, coordonnait toutes ces rencontres, m’a fait savoir que je ne serais pas reçue à Saint-Loubès seulement, mais aussi à Montussan, Yvrac, Saint-Sulpice-et-Cameyrac.
Montussan ? « Aux portes de Bordeaux mais aussi à l’ombre de ses bois, au creux de ses vignobles, au plus secret de ses vallons se niche Montussan qui offre au regard sa lumineuse sérénité ». Yvrac ? « Havre de campagne à proximité de Bordeaux, Yvrac concilie art de vivre et modernité avec ses aménagements urbains et sa qualité de vie d’une nature préservée ». Saint-Sulpice-et-Cameyrac ne fait pas sa promotion sur son site mais c’est aussi est une commune de l’Entre-deux-mers en pleine expansion : écoles neuves, médiathèques… Tant que la banlieue n’a pas trop gagné sur les vignes, les communes vivent une période heureuse et certaines d’entre elles témoignent d’un vrai souci d’intégrer les équipements modernes à un environnement fragilisé.
Les rencontres avec les classes de ces petites écoles étaient extraordinaires — d’abord parce que les instituteurs avaient fait un travail de préparation exceptionnel : certains avaient remis à tous les enfants des questionnaires (dont j’ai reçu un exemplaire que je garde précieusement), d’autres avaient noté sur un ruban de papier la question de chaque enfant pour qu’il la lise et note la réponse, d’autres encore avaient composé des lexiques ou même (et en couleurs) un authentique petit dictionnaire des légumes composé à partir des mots du livre.
Certaines classes avaient appris par cœur La saga des petits radis, les élèves se relayant…
Mais si les rencontres étaient aussi extraordinaires, c’était que tous les instituteurs, après ce travail incroyable, laissaient les élèves libres d’intervenir spontanément. Nous avons pu parler des règles de base de la poésie, du rythme, des rimes, comme avec des élèves de lycée — et, d’ailleurs, presque tous avaient fait des exercices pratiques…
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Petit exercice pratique
particulièrement touchant
par les étonnants enfants de Saint-Loubès…
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Car, à Saint-Loubès, lorsque j’ai voulu parler du sens de ce livre, qui est une fable sur les enfants cachés, j’ai demandé quelle était la leçon de cette fable, et une petite fille de CM1 m’a dit que ma citrouille ne donnait pas seulement une leçon de générosité mais d’hospitalité… Et comme je lui demandais si elle pouvait expliquer aux petits ce que c’était que l’hospitalité (car il y avait ensemble une classe de CM1 et une autre de CE1), elle a expliqué tout uniment que pour les Grecs anciens, les lois de l’hospitalité exigeaient que l’on accueille l’étranger — face à mon étonnement, l’institutrice s’est contentée de dire qu’il n’y avait là rien que de normal car la classe s’intéressait à la Grèce ancienne… Quand j’ai demandé si quelqu’un savait une fable de La Fontaine, j’ai vu se lever une forêt de doigts — l’un des enfants m’a même cité une fable d’Ésope…
Les jeunes génies de Saint-Loubès…
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À Saint-Sulpice, les questions étaient tellement passionnantes que nous avons complètement oublié l’éclipse, objet jusqu’alors de toutes les conversations. J’étais reçue à l’école publique élémentaire « Le cèdre bleu » (là, c’est la classe de CE2) et j’ai bien regretté de ne pas avoir demandé à faire un portrait des élèves de CE1 qui avaient fait un travail de préparation extraordinaire.
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Enfin, je les verrai au salon du livre qui doit se tenir les 10 et 11 avril à Saint-Loubès.
Pour moi, c’était aussi l’occasion de rencontrer enfin Florie Saint-Val, mon illustratrice, et de pouvoir échanger avec elle.
Florie ne fait pas que des livres : elle est aussi l’auteur de Pique-nique papilles, un jeu de dominos qui est un petit chef d’œuvre.
Et après avoir rencontré les classes, j’ai pu aller faire des photos sur les bords de la Dordogne, loin des plagiaires et des nationalistes bretons. Ouf, quel repos !
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Un bonheur n’arrive jamais seul : voici qu’une médiathèque donne à feuilleter La saga des petits radis…
Et maintenant, rendez-vous au Salon Lis tes Ratures à Saint-Loubès pour dédicacer la Saga des petits radis avec Florie. C’est samedi 10 et dimanche 11 avril.