Une belle lettre

Heureuse surprise en ce début d’année : une lettre d’un lecteur  (que je me garderai bien de nommer pour ne pas risquer de lui attirer des ennuis, la situation étant ce qu’elle est). J’ai décidé de la mettre en ligne afin de placer en face du florilège des invectives une de ces lettres reçues des amis inconnus depuis la parution du Monde comme si… 

Chère Françoise,

J’espère que vous excuserez la familiarité que j’emprunte en vous adressant cette lettre, car nous ne nous connaissons pas. Je souhaitais depuis bien des mois, vous dire tout le bonheur que j’ai eu à lire Le monde comme si. Je n’ai jamais été tenu en haleine comme ça par un livre qui parle à ce point de moi et de mon pays. Je me suis isolé avec le livre et n’ai eu de cesse que de l’avoir terminé. Je regrette juste de vous découvrir si tardivement. Dès que je tape votre nom, apparaît une kyrielle d’articles incendiaires. J’ai souhaité comprendre. J’ai toujours pensé que lorsque l’on s’acharne sur quelqu’un, même si ce quelqu’un semble faire le déshonneur d’un groupe, il y a injustice sous roche.

C’est en découvrant l’émission « Là-bas si j’y suis » dont m’avait parlé un de mes amis, journaliste expert en liberté de la presse et nouveaux médias, que j’ai commencé à m’interroger. Pour la première fois j’entendais l’expression « breton unifié ». Un jour, et il n’y a pas si longtemps, j’ai trouvé Le monde comme si à mon petit café librairie de ma ville natale.

Il m’a enchanté, bousculé, et fait rire, car vous avez un humour qui me parle.

Ce livre a été pour moi une révélation qui m’a autant secoué que le jour où j’ai appris qui était mon père. C’est dire !

Ce qui est curieux dans cette rencontre avec le texte, c’est que depuis des années, je me dis que je vais me replonger dans l’Histoire de la Bretagne et dans ses mythes, néanmoins sans savoir par quoi commencer. Quelque chose me retient. Instinctivement, j’ai toujours senti qu’il y a une sorte de mystification du mythe quelque part, si vous me permettez l’expression, sans parvenir à discerner d’où cela vient. Et soudain : vous ! Avec votre histoire et ce procès ! Vous l’espèce d’hystérique. C’est vrai que l’argument, pétri de l’archaïsme rebattu des hommes faisant une guerre éternelle aux femmes, est vite trouvé quand on est une femme dérangeante qu’il faut faire taire.

Pour moi, vous avez séparé le bon grain de l’ivraie. Quelle ivraie ! La Villemarqué, les monstres pathétiques, défenseurs de l’identité bretonne !

Comment comprendre la Bretagne désormais, sans passer par vos écrits ? Vous lire me semble le premier acte qu’un touriste devrait avoir avant de découvrir la Bretagne.

On vous a ostracisée. Pourtant, vous avez juste dit la vérité sur ce que nous sommes. Vous avez révélé somme toute un secret de polichinelle, mais touché l’orgueil béta d’une bande de fous furieux.

Je suis Breton. J’ai cette fierté qui ne me rend pas meilleur qu’un autre. J’aurais été occitan ou auvergnat, j’aurais eu de belles raisons aussi d’aimer ma terre et mon histoire. J’ai connu cette Bretagne, une terre d’accueil, une terre d’artistes, peuplée de cœurs ouverts au monde, ne supportant pas l’injustice, l’orgueil mal placé du chauvinisme. J’ai grandi dans une Bretagne auprès d’âmes sans ruse, qui se sont réjouies d’avoir un maire togolais, ou d’avoir entendu des musiciens mêler leurs cornemuses avec des derboukas.

Chère Françoise,

Nous sommes certes des inconnus. Mais, oui, je me permets de le dire, vous m’êtes très chère, comme une sœur qui ouvre sur la conscience. Et m’est cher aussi votre juif de l’est de compagnon aussi détesté que vous, que je trouve plein d’une humanité exemplaire, au-delà de ses beaux travaux pour lesquels on le connaît. Car je sais que beaucoup de monde l’aime, lui aussi.

Avec toutes mes plus grandes attentions et mon plus grand respect.

Très amicalement,

Un petit Osisme

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Une réponse à Une belle lettre

  1. de Boisset dit :

    Lire aussi : http://www.terredebrume.com/librairie-en-ligne/Collection-Biographie/ISBN-2-84362-022-8-Francois-Marie-Luzel.html
    Je viens de le finir. Il montre bien le mouvement profond du nationalisme breton.

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