Les fils prodigues

 

 

Première au Théâtre du Maillon à Strasbourg du diptyque imaginé par Jean-Yves Ruf sous le titre Les fils prodigues.

Il est toujours émouvant de voir soudain surgir les personnages que l’on a imaginés en écrivant ou traduisant une pièce… Depuis le travail à la table, voilà déjà plusieurs mois, je ne savais pas ce que devenaient les deux pièces que j’avais traduites. Et tout devient tout à coup vivant, étrange, et l’on entend à neuf ce qu’on croyait connaître. Beau travail sur la solitude, et surtout sur ce moment que tout le monde attend, le moment de crête où tout est possible, tout peut encore réussir et l’instant d’après le temps se déchire…

La première pièce de Conrad, One Day More, que j’ai traduit par Plus qu’un jour après avoir longtemps hésité (il s’agit d’un leitmotiv du texte) a été écrite en 1904 d’après la nouvelle « Tomorrow » et a été représentée à Paris en 1909. C’est une épure de cette nouvelle et une pièce ténue, fragile, à laquelle Conrad tenait beaucoup.

Tout à l’opposé, La corde est une pièce de jeunesse  (représentée pour la première fois en 1918) où O’Neill expérimente ce qui fera la force de Désir sous les ormes, à savoir l’emploi de l’anglo-irlandais et les inclusions de citations bibliques. C’est une farce noire, brutale, tragique, tramée sur le chaos des langues. Normaliser le style ou le réduire à un patois vulgaire reviendrait à en faire un drame néorural quand tout repose sur le rythme, ciselé à la syllabe près. L’anglo-irlandais que j’ai transposé en franco-breton se heurte ici à l’argot de marin du fils prodigue, et l’on peut admirer la manière dont les acteurs passent de la langue de Conrad à celle d’O’Neill (véritable tour de force, que j’aurais aimé voir marquer en donnant un accent plus prononcé aux personnages d’O’Neill, mais Jean-Yves Ruf ne le voulait pas parce que la tradition française tend à faire de l’accent le signe même de la ruralité).

On pourra lire le beau compte rendu de Véronique Hotte, toujours sensible et attentive.

Reste à savoir quand je pourrai publier toutes ces traductions de théâtre… Combien de pièces d’O’Neill et d’O’Casey mises en scène et toujours interdites de publication…

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