Armand Robin

Sept volumes de thèse, huit volumes publiés…

Tout ça pour rien, eh oui, tout ça pour rien….

 

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… ou pour servir une image de poète anarchiste et breton aussi conventionnelle que fausse.

Hélas, à présent, s’intéresser à Armand Robin, c’est tomber sur le site armandrobin.org, l’article wikipedia qui en dérive, les cascades, les torrents, les fleuves d’articles consacrés à Robin des voix, Robin des nuits, Robin le poète indésirable, Robin le libertaire aux quarante langues, Robin le fellagha, Robin le poète maudit…

Un tour sur Internet donne l’impression d’éprouver le vertige qui le saisissait à l’écoute de la « fausse parole ».

Et face à ce déferlement, quels livres ?

Des livres disparus ou des livres fabriquant inlassablement le poète indésirable, le libertaire au quarante langues, le poète maudit et ainsi de suite…

Le livre qui se trouve le plus facilement s’intitule Ma vie sans moi  suivi du Monde d’une voix : il est paru en 1970 et a été réédité en 2006 dans la collection Poésie/Gallimard.

C’est à présent le livre de référence et c’est une monstruosité éditoriale :

— Le volume Ma vie sans moi était composé en miroir de poèmes personnels et de poèmes traduits. L’éditeur, considérant la traduction comme partie négligeable, n’a gardé que la première partie, les « vrais » poèmes. Trahison totale puisque ce volume ouvrait sur l’expérience de « non traduction » qui allait amener Armand Robin, refusant ce qu’il appelait  la « poésie pour poètes »,  à se lancer dans une entreprise de détournement de la traduction en quoi réside la force et l’originalité de son œuvre.

Le Monde d’une voix est un montage de manuscrits posthumes recueillis par Georges Lambrichs et Claude Roland-Manuel après la mort d’Armand Robin. Décidé à faire de Robin un auteur de « poésie pour poètes », l’éditeur, Alain Bourdon, a taillé à coups de ciseaux dans ces manuscrits.

— La préface qui précède ce volume est fausse.

— La chronologie qui résume la vie et l’œuvre de Robin comporte à peu près autant d’erreurs que de lignes.

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Ayant obtenu qu’Alain Bourdon restitue aux éditions Gallimard les manuscrits d’Armand Robin qu’il s’était appropriés, j’ai archivé ces manuscrits (trois valises dont il restait au total une ramette de papier machine…) et découvert qu’avant de se dire dépossédé de soi, Robin avait rassemblé ses meilleurs textes sous le titre Fragments : il y avait là les vestiges d’un grand livre unissant poésie, critique, prose, traductions…

J’ai publié en 1992 ce livre disparu : il est à présent épuisé, et ne sera certainement plus jamais disponible puisque André Velter a réédité  Le Monde d’une voix  en collection Poésie/Gallimard, collection largement diffusée et donnant ainsi comme référence une image parfaitement fausse mais parfaitement satisfaisante pour qui cherche un poète maudit adéquat. Tel est le livre destiné à faire référence.

Un livre disparu, un livre fabriquant le poète indésirable à partir de textes falsifiés…

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Mince consolation, reste Le cycle du pays natal, où j’ai pu donner quelques-uns de ces Fragments en relation avec les photographies prises par Robin dans la campagne à Rostrenen.

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.— Largement disponible aussi,  hélas, Le combat libertaire (édition de Jean Bescond, préface d’Anne-Marie Lilti) fabrication éditoriale du même genre, visant à faire d’Armand Robin un poète anarchiste militant de l’aube de ses jours à la fin de sa vie.

Ce livre a été composé en démantelant les Écrits oubliés dans lesquels j’avais rassemblé les textes épars d’Armand Robin pour l’amener à témoigner pour lui-même.

J’avais pris soin d’insérer les textes dans une chronologie qui permettait au lecteur de suivre son itinéraire — itinéraire fort erratique, le menant d’Europe, revue communisante, à La nation française, revue monarchiste, en passant par la NRF de Drieu La Rochelle et Le libertaire.

Le combat libertaire est composé en faisant passer à la trappe tout ce qui dérange, méthode simple.

Un livre disparu, un livre fabriquant le poète indésirable…

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À cela s’ajoute la biographie d’Anne-Marie Lilti (préfacée par Jean Bescond) Armand Robin, le poète indésirable, biographie d’un auteur qui s’était voulu sans vie  faisant servir mes recherches à ce que j’avais voulu combattre.

J’aurai eu tout au moins la satisfaction de voir le plagiat reconnu : le 14 mars 2014, cette universitaire a été condamnée pour contrefaçon.

Considérant que sa méthode était louable, elle a fait appel mais cet appel a été rejeté, comme je l’ai déjà indiqué, et le jugement est donc définitif depuis le 24 février 2014.

Cela n’empêche pas l’une de ses collègues universitaires, normalienne et professeur de rang A, de courir au secours de la contrefaçon et de donner pour ultime référence la biographie d’Armand Robin par Anne-Marie Lilti — et cela en 2016. Si j’avais décidé d’assigner ma plagiaire, ce n’était pas seulement parce que j’en avais assez de voir mes recherches pillées mais surtout parce que le pillage servait à dénaturer ces recherches et leur faire dire des inepties sur Robin. Toutes les inepties se trouvent condensées dans l’essai de Christine Lombez, La double profondeur. Et c’est cet hommage au plagiat qui est destiné à servir de référence pour l’histoire de la traduction en cours sous la direction de Jean-Yves Masson.

J’ai écrit à ce propos une page sur ce site « Armand Robin et le plagiat ».

À quoi bon poursuivre ?

Une expérience littéraire risquée, fragile, est ainsi rabattue sur des lieux communs et rendue incompréhensible.

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Pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus long : une émission de France culture a été mise en ligne par remue.net

http://remue.net/spip.php?article4822

http://remue.net/spip.php?article4822

Le site remue.net a consacré à Armand Robin un dossier qui devrait s’étoffer peu à peu.

http://remue.net/spip.php?article4337

http://remue.net/spip.php?article4338

http://remue.net/spip.php?article4330

http://remue.net/spip.php?article4332

J’ai également repris ici  le texte d’une rencontre à l’IMEC sur le travail d’édition de l’œuvre d’Armand Robin.

Minces tentatives, mais que je m’efforcerai de poursuivre sur remue.net et sur ce site…

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Petite précision :  la photographie qui représente Armand Robin devant son poste de radio, photographie appartenant au réalisateur Claude Roland-Manuel, m’a été léguée avec toutes ses archives Robin. C’est donc en toute illégalité que cette image est reproduite sur le site armandrobin.org ou ailleurs.

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Enfin, on pourra trouver aux éditions Garnier une réflexion sur cette expérience d’édition réduite à néant pour laisser place à une figure de Poète conforme. 

…Alors même qu’il est reparu en livre de poche, cet essai n’aura suscité en tout et pour tout qu’un bel article d’Yves Di Manno lisible ici en PDF et un article non moins beau de Christine Lapostolle, également lisible ici en PDF…

https://francoisemorvan.com/wp-content/uploads/2021/10/ARMAND-ROBIN-OU-LE-MYTHE-DU-POETE-de-Francoise-Morvan.pdf

Et enfin, comme pour donner un écho à la longue amitié de Maurice Nadeau pour Armand Robin (et au soutien indéfectible qu’il m’a apporté), un essai brillant de Louis Pailloux lisible en ligne sur le site En attendant Nadeau.

Dans le même temps, prolifèrent plus que jamais les inepties au sujet du Poète en pied doté de son Œuvre majeure, Le Monde d’une voix et de son Martyre au service du Combat libertaire… La machine littéraire continue de tourner, fabriquant inlassablement le même discours et broyant tout ce qui échappe : le petit personnel au service de ce que Robin appelait la fausse parole se signale désormais par une conviction plus arrêtée que jamais, une sorte d’euphorie dans le ressassement des clichés destinés à consolider l’image du Poète – clichés que chacun peut savoir aussi faux que Le Monde d’une voix mais qui, constitutifs du mythe, selon le principe des propagandes, ne peuvent que se reproduire sans fin.

Pour illustrer les mécanismes de la censure, un petit exemple vaudra mieux que de longues démonstrations. La bibliothèque des Champs libres à Rennes, l’une des plus grandes bibliothèques de Bretagne, répartit les livres entre ouvrages mis à disposition des lecteurs et librement empruntables et ouvrages dits patrimoniaux, simplement consultables sur place et non empruntables. Cette division est très commode pour séparer le bon grain de l’ivraie.

Ainsi, disponibles en rayon et librement empruntables, vous avez Le Combat libertaire, fabrication à base de textes pillés dans les Écrits oubliés (qui, eux, ne sont pas en rayon) et Armand Robin le poète indésirable, l’essai de ma plagiaire, pourtant lourdement condamnée en justice, et offrant la plus parfaite (et, je dois le dire, la plus répugnante) mise en forme du mythe du Poète.

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Les Champs libres ont (ô miracle) consenti à se procurer mon essai (en un unique exemplaire) mais, attention, il est seulement consultable sur place : pas question que les lecteurs puissent l’emprunter. Ces champs sont libres mais pas trop .

.V

Vous remarquerez que les productions de Bescond et Lilti, ont été achetées massivement (Le Combat libertaire se trouve dans cinq bibliothèques et l’essai de la plagiaire préfacé par Bescond dans quatre bibliothèques).

À la bibliothèque de l’université de Rennes, inutile de chercher Armand Robin ou le mythe du Poète : mes recherches n’existent pas.

Ainsi s’exerce la censure silencieuse. Il va de soi qu’elle se double d’un exercice beaucoup plus violent, comme on a pu le voir à Guingamp, lorsque j’ai été invitée à présenter un montage de textes traduits ou non de Robin mis en relation avec ses photos : là, c’est un véritable commando de militants qui s’est rué dans la salle pour m’interdire de parole.

Ce montage qui avait demandé une année de travail n’a, bien sûr, plus jamais été présenté. Le règne de la terreur interdit tout ce qui n’est pas conforme à la doxa militante et, il faut bien le constater, les poètes sont les premiers à servir les lieux communs qui peuvent les servir en retour. Ce pauvre Robin les grandit de son martyre.

Cela ne fait que rendre plus intéressante cette tentative d’édition, qui aura du moins permis de mettre en lumière l’usage qui est fait de la poésie contre la poésie.

7 réponses à Armand Robin

  1. Ahmed Sdiri dit :

    Bonjour,

    Je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez réalisé au sujet d’Armand Robin. Et croyez-moi, votre travail a beaucoup servi dans plusieurs domaines : les études littéraires, la traduction, le comparatisme, etc. J’ai toujours préféré la traduction effectuée par Armand Robin lorsque je choisis de lire le poète arabe Imru’u-l-Qaïs. Je la préfère de loin aux traductions ultérieures.
    Encore une fois, merci.

  2. AGHIAN Serco dit :

    Bonjour Françoise,
    Je prépare une édition à compte d’auteur d’une série de mes textes, poèmes et nouvelles. Je souhaite mettre en exergue deux lignes d’Armand Robin (en le citant, bien évidemment) : Le délai pour être un homme
    Est toujours prolongé plus loin qu’on ne pensait
    Cependant, il me faut l’autorisation. Est-ce vous qui pouvez accéder à ma demande, sinon pouvez-vous me communiquer auprès de qui je dois le faire ?
    Il y a longtemps, j’ai prêté le recueil de poésies du monde qu’Armand avait traduites et il ne m’a jamais été rendu. Savez-vous si on peut se le procurer, peut-être auprès de vous ?
    Je vous remercie par avance. Et merci pour votre combat.
    Amicalement
    Serco

    • Françoise Morvan dit :

      Bonjour,

      Il n’y a pas besoin d’autorisation pour citer deux lignes (le droit de courte citation s’applique jusqu’à vingt lignes).
      Je suppose que vous cherchez les volumes de Poésie non traduite. Hélas, ils ne sont plus disponibles depuis très longtemps. On peut les trouver d’occasion…
      Amicalement

  3. zac dit :

    bonjour, avez vous lu ‘visa pour une autre terre’ de Jacques Bergier?
    Cordialement.

    Zack.

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