Censure (suite) 

Comme plusieurs lecteurs, à la suite de l’annonce ici de l’invitation à présenter Les Enfants de la guerre à la librairie « Comment dire » m’ont écrit pour me demander où se trouvait l’injonction d’avoir à ne pas lire Le Monde comme si, je précise qu’elle ouvrait le site de l’association Kendeskiñ rassemblant des étudiants de Celtique de l’université de Rennes. À la suite des questions de ces lecteurs, cherchant à mettre le lien vers cette page, j’ai découvert qu’elle avait été récemment supprimée – mais comme je disposais d’une capture d’écran, je la donne ici, utile complément du chapitre Censure de ce site. 

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« Un livre à ne pas lire »… L’injonction a le mérite d’amener à constater, d’une part, que Le Monde comme si est plus actuel que jamais et, d’autre part, que ces étudiants de Celtique ne se contentent pas de rappeler la fatwa lancée contre ce livre mais l’appuient sur les inepties déversées par le responsable d’un site indépendantiste lié à l’extrême droite (lequel était venu l’an passé filmer mon enfarinage, prévu par des nationalistes bretons qui n’admettaient pas que je sois invitée à parler de la traduction du Maître et Marguerite, vu que j’ai interdiction de l’exprimer sur le sol breton, quel que soit le sujet. )

Ce détail qui n’en est pas un constitue aussi une utile mise en contexte de la première invitation depuis vingt ans à évoquer publiquement mon travail à Rennes en dépit de cette interdiction. Il fallait du courage pour braver l’interdit, et j’en profite pour saluer ce courage (et dire à quel point cette rencontre était drôle, chaleureuse et réconfortante). 

Détail qui n’en est pas un non plus, un lecteur me fait savoir que cette association ne rassemble pas, comme chacun pourrait le croire, les étudiants de Celtique de l’université de Rennes mais une poignée de militants inscrits sans même avoir besoin du baccalauréat pour l’obtention d’un diplôme d’études celtiques imaginé en 2012 par le sociologue Le Coadic, un autonomiste défenseur de la cause ethniste. Ce diplôme à usage indéfini, qui bénéficie d’une abondante propagande dans les médias bretons, rassemble, d’après les déclarations de ses responsables dans cette même presse, une vingtaine d’inscrits les bonnes années – des inscrits qui semblent être dans l’ensemble des retraités en quête de leurs racines celtes ou des militants soucieux de les promouvoir.

C’est ce souci qui a provoqué la fureur de Le Coadic et de ses partisans contre l’exposition Celtique ? qui s’est terminée le 4 décembre après une visite guidée organisée par ces partisans de la cause panceltique. 

Or, et c’est en quoi l’invitation préalable à censurer Le Monde comme si est intéressante, le journal Le Monde a consacré un article à cette exposition et à la polémique lancée par Le Coadic et Kendeskiñ. Cet article est intitulé « L’exposition “Celtique ?” contrarie les Bretons ». 

Ainsi trois pelés et deux tondus inscrits à l’université sans le moindre titre pour l’obtention d’un diplôme fumeux incarnent-ils « les Bretons », présentés comme outragés par une exposition qui ose « interroger » leurs supposées « racines celtes ». Au nom du peuple breton qui ne leur a rien demandé, ils sont autorisés à organiser une visite d’une exposition selon eux non conforme à la doxa. Et cela pour des motifs qu’ils ont déjà pu non seulement exposer mais imposer puisque, suite aux injonctions de Le Coadic et autres nationalistes fulminants (dont le barde Stivell, qui n’a pas craint de dénoncer une exposition qu’il avait glorieusement parrainée), les textes de cette exposition ont été récrits, les responsables cédant servilement à leurs injonctions. 

Le Monde comme si dénonçait le formatage idéologique visant à faire du Breton un Celte pour des motifs prudemment passés sous silence : l’exposition chargée du formatage comportant quelques lacunes (et un point d’interrogation hérétique), le lobby nationaliste a imposé sa loi.  

C’est ainsi que s’exerce la censure. 

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NB : Je me suis abstenue de commenter cette exposition pour laisser se développer l’instructive polémique à son sujet sans y participer, au risque de polariser sur moi comme de coutume la vindicte celtomaniaque, mais il va de soi que l’exposition elle-même et le catalogue, s’inscrivant dans la suite des expositions à la gloire de Xavier de Langlais et des Seiz Breur organisées par ce même Musée de Bretagne, constituent un condensé idéologique de tout premier choix. 

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