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La disparition d’Erik Marchand qui est mort presque le jour de la Fête des morts, c’est un peu la fin d’un monde pour moi.
Je me suis soudain souvenue de ce jour d’août dans la cuisine du vieux (pas si vieux) chanteur Manu Kerjean et des paroles de la chanson qui devait ouvrir leur premier fest noz ensemble, « Fransizañ », des paroles si tristes pour un air à faire danser si joyeusement… Le fest noz avait connu un succès mémorable.
Erik avait décidé d’apprendre le breton par la chanson et de s’installer à Rostrenen, quitte à faire le travail qui se présenterait : travailler à la ferme, s’embaucher comme couvreur – j’entends le vieux rival de Manu Kerjean, Lomig Donniou, me dire que la grande crainte des « vrais couvreurs » était qu’il ne s’envole, frêle comme il était. Il était frêle mais tenace et rien ne l’arrêtait, ni les coups de vent ni les ragots ni les bâtons dans les roues.
Il n’y avait là pour nous pas trace de folklore : il s’agissait de retrouver au-delà des chansons et des contes une poésie transmis par voie orale et, plus encore, une manière de vivre, une liberté… J’ai gardé quelques images qui gardent trace de ces recherches : des séances de collectage, une promenade en char à bancs chez le comte d’Orfeuil pour l’interroger sur Armand Robin (qui prolongeait cette recherche par des chemins pas si éloignés). Tout était plein de vie et de promesses.
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© Philippe Riot
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C’est finalement pour tenter d’avancer sur l’une des voies que nous avions ouvertes que j’ai, quelques années après, parmi tant de sujets possibles, choisi d’étudier les archives de Luzel et de donner une édition de ses œuvres laissées en déshérence. Jamais je ne m’étais intéressée au mouvement breton ; jamais je n’avais envisagé d’assigner à ces rercherches un but politique, pas plus qu’Erik, je pense. Soudain, quand mon directeur de thèse a exigé que je récrive les carnets de Luzel en orthographe surunifiée, quand il a résilié sa direction de thèse et m’a assignée pour diffamation (simplement parce que j’avais osé dire la vérité sur son rôle), j’ai découvert une sorte de secte vivant de prébendes : l’éminence grise de la secte était mon directeur de thèse, contrôlant l’Institut culturel de Bretagne, le conseil culturel, des maisons d’édition, des associations, et le département de Celtique de l’université de Rennes, tout un réseau vivant autour d’un secret de polichinelle, la collaboration massive du mouvement breton avec les nazis. Ce qui s’est passé alors a été un décillement brutal et un désir de comprendre l’étrange aveuglement dont nous avions été victimes.
L’un des moments les plus violents a été celui qui a vu mon avocat me remettre les nouvelles pièces adressées par mon directeur de thèse dans le cadre du procès qu’il m’intentait : Lena Louarn, une militante nationaliste, fille elle-même de militant nationaliste collaborateur des nazis, remettait une attestation de sa nièce Gwennyn, future chanteuse et militante nationaliste, qui dénonçait une camarade coupable d’avoir tenu des propos diffamatoires (« blasphématoires », écrivait-elle) entre deux cours de breton à l’université de Rennes. « La délation, c’est une spécialité du mouvement breton », m’a dit un professeur, ajoutant une cascade d’exemples accablants. La camarade ainsi dénoncée était Nolùen Le Buhé, alors compagne d’Erik.
Ce que m’a (entre autres) appris cette procédure, c’est la lâcheté des militants bretons, des sympathisants de la cause, des profiteurs potentiels qui grenouillent dans les parages, à l’affût des prébendes : le silence règne. Il va de soi que protester face à ces gens qui détiennent le pouvoir, c’est s’exposer à être mis à l’écart, privé de subventions, victime de campagnes de rumeurs qui peuvent être redoutables… Pis encore : hurler avec les loups peut être un moyen de se mettre bien en cour. J’ai vu un vieil ami, le chanteur Yann-Fañch Kemener, trahir ignominieusement et se laisser décorer du collier de l’hermine par les militants dont il ne connaissait que trop l’itinéraire.
J’ai adressé à Erik les attestations de Lena et Gwennyn Louarn. Il m’a répondu aussitôt et m’a adressé une attestation qui est un modèle de dignité. Nolùen est devenue une amie. Nous avons pu travailler ensemble, sans que ni l’un ni l’autre ne tienne compte du tort que mon nom seul pouvait leur causer.
Nous étions bien loin de ce qui nous avait valu de nous rencontrer mais, face au cloaque où je me débattais, il y avait cette lumière, ce simple courage.
Loin de renvoyer nos espoirs au règne des illusions perdues, c’est le monde que nous avions connu qui m’a donné la force de résister.
Dans le concert d’éloges au chanteur disparu, je voudrais rappeler ce mince épisode qui a été aussi pour lui le signe qu’il devait s’éloigner et, plus que jamais, entendre les musiques du monde…
Merci pour votre témoignage. Un paragraphe m’a particulièrement touché et rejoint. C’est le suivant : « Ce que m’a (entre autres) appris cette procédure, c’est la lâcheté des militants bretons, des sympathisants de la cause, des profiteurs potentiels qui grenouillent dans les parages, à l’affût des prébendes : le silence règne. Il va de soi que protester face à ces gens qui détiennent le pouvoir, c’est s’exposer à être mis à l’écart, privé de subventions, victime de campagnes de rumeurs qui peuvent être redoutables… Pis encore : hurler avec les loups peut être un moyen de se mettre bien en cour. » On croirait lire sur le Québec.
Solidairement,
Yves Lavertu
Montréal, Québec, Canada
Merci pour votre message !
Même dans ce moment de tristesse vous ne pouvez pas vous empêcher de vomir sur les militants de la cause bretonne. Bien triste.
Rendre hommage à Erik Marchand sans oublier de rappeler qu’il a eu le courage d’affronter les militants nationalistes, ce n’est donc pas écrire, c’est « vomir » : seul le « militant de la cause bretonne » parle comme il faut et sait ce qu’on est en droit de dire ou ne pas dire.
Vous êtes à mes yeux, chère Françoise Morvan, une très grande traductrice et une poétesse d’une rare valeur, d’une sensibilité profonde. Mais vos jugements politiques me semblent malheureusement totalement biaisés. Vous reprochez à l’immense Soaig d’avoir accepté de recevoir le Collier de l’Hermine, distinction qui serait selon vous décernée par de méchants nationalistes infréquentables. Il y aurait tant à dire. Il faudrait qu’un jour vous expliquiez non pas ce que vous reprochez aux peuples qui forment naturellement nation ou souhaitent continuer de le faire, mais la nature du monde et de « l’Homme nouveau » que vous voudriez voir advenir. Sans doute ne faudrait-il plus pouvoir identifier dans ce monde-là de groupes humains unis par leur origine, leur naissance. Alors peut-être seulement votre ire s’apaiserait-elle.
Le reproche que vous adressez à Yann-Fañch pourrait être retourné à Éric Marchand : ce dernier s’est produit, nous dit sa fiche Wikipédia, à la Fête de l’Humanité. Vous ne semblez pas juger utile, dans ce cas, de préciser la noirceur de l’idéologie communiste. Peut-être vous en revendiquez-vous vous-même, malgré son caractère mortifère.
À travers ce reproche, je crois qu’apparaît une véritable ligne de fracture. Si Yann-Fañch a, à mon sens, touché au sublime, c’est qu’il n’a jamais renié les chants verticalisés et transcendantaux qui sont l’âme de la Bretagne : les cantiques — « Skolvan » n’était-il pas, après tout, un « cantique » aux yeux de Madame Bertrand ? —, les Passions et les Noëls bretons. Éric Marchand, quant à lui, n’a jamais interprété ce répertoire, probablement par idéologie, lui préférant une musique confinant de plus en plus, au fil de sa carrière, à un brouhaha vain, incompréhensible et sans âme.
Derrière ce reproche et derrière votre horreur des peuples natifs s’ouvre donc, à mon sens, une question essentielle : celle du lien entre un véritable enracinement assumé — qui ne renie pas l’origine anthropologique dont il procède — et le grand déracinement, lequel, lorsqu’il est poussé trop loin, ne permet plus de relier le ciel et la terre. L’évolution musicale comparée d’Éric Marchand et de Yann-Fañch Kemener me semble apporter un éclairage sur cette question.
Bonne continuation
Le propre du militant nationaliste, c’est qu’il parle au nom d’une entité qui ne va pas tarder à surgir comme un diable de sa boîte, je veux dire comme le Christ ressuscité, à savoir le Peuple natif. L’âme du Peuple natif est accessible par racine plongeant, telle la pompe à chaleur, dans le magma des origines qui doit déterminer l’Être du Breton, celte et catholique (mais d’un catholicisme un peu druidique quand même puisque natif) . Hélas, certains Bretons sont rétifs : ce sont des hérétiques ; en d’autres temps, on les aurait brûlés sur les bûchers adéquats ; à présent, on se contente (dans un premier temps) de les mettre en garde et de les faire taire. Éric Marchand comptait au nombre des hérétiques, il lui a fallu du courage pour le faire savoir (et notamment faire savoir qu’il refuserait le ridicule Collier de l’Hermine décerné par les nationalistes de l’ICB dont il ne connaissait que trop les dérives).
Le propre du militant nationaliste, c’est aussi qu’il sait aussitôt dans quelle case ranger le Breton qui pratique pas le culte des racines. Pour Érik Marchand : case Communisme. Je lui rends hommage, donc même case (avec pour référence obligée Wikipedia, que les nationalistes contrôlent). J’au eu droit aussi à la case Trotstkisme, à la case FN, à la case Franc-maçonnerie, à la case Complot juif, à la case Jacobinisme, le tout entrant dans la vaste case Complot antibreton.
Érik Marchand s’est opposé à ces discours racistes. Je constate que, même désormais absent, il amène les nationalistes à se dévoiler : d’un côté, avalanche d’éloges le ramenant dans le sérail (et pas question de rappeler ses prises de positions courageuses contre ces militants), de l’autre côté, prise en compte de ses prises de position et discrédit jeté sur son travail (« une musique confinant de plus en plus, au fil de sa carrière, à un brouhaha vain, incompréhensible et sans âme »). Sans âme, bien sûr, puisque osant puiser ailleurs que dans l’âme de son Peuple natif… Insulter un mort manque un peu de dignité mais le propre des militants nationalistes est aussi d’en être dépourvus. Cet anonyme se donne pour nom eloimatcho. Un nom bien mérité.
Enfin, ultime précision : je n’éprouve aucune « horreur pour les Peuples natifs », pas plus que pour le dieu Boumba et ses neuf animaux. Je vous invite à lire Le Culte des racines qui est très utile à titre d’introduction et ne coûte pas cher.
Utiliser la page d’hommage à Erik Marchand pour ressortir vos sales histoires politiques est d’un niveau bien bas . Facile de glisser des noms sans explications réelles.
Par respect, restez dans le domaine du chant, de la culture et de leur transmission dont il a été, lui, un maître artistique. Pas besoin de votre pseudo transmission de haine incompréhensible et bien douteuse. Il est temps d’arrêter. Merci.
Trawalc’h gant ho komzoù faos ha drouk, ha plantet forzh pelec’h, forzh pegoulz.
Le festival d’invectives continue et montre bien ce qu’est le « mouvement breton » : notons d’abord qu’aux yeux de ces militants, je n’ai pas écrit une page d’hommage à un ami sur mon site : j’exploite traîtreusement une « page d’hommage » toute préparée dans l’univers breizhou et cette page est à censurer ; on m’indique donc ce que je dois dire et ne pas dire pour obéir à la police de la pensée. Rappeler de quel courage a fait preuve Erik en me soutenant contre les militants nationalistes est interdit..
Cette militante ne sait absolument pas de quoi je parle puisqu’elle avoue que ce que j’écris lui est incompréhensible mais, pas de question, ce sont « des sales histoires politiques d’un niveau bien bas ». Non, « mes sales histoires politiques » à moi toute seule, bien qu’officielles, inscrites dans un procès et dans une histoire qui concerne chacun. C’est insulter Erik post mortem, lui qui a dû affronter de son vivant le sectarisme fanatique de ceux qui entendaient soumettre la culture à leurs visées politiques et qui a eu le courage de ne pas se laisser acheter, comme tant d’autres.
J’ai surtout noté (ce que je n’avais pas noté dans le florilège des invectives qui ne cesse de s’enrichir) le ton pète-sec de ces inspecteurs de la doxa bretonne (et les inspectrices, comme des institutrices montées en grade, sont le plus souvent pires) : « Il est temps d’arrêter. Merci. » Premier avertissement. Au deuxième, nous perdrons patience. Au troisième, vous devrez quitter la Bretagne, comme me l’écrivait un fasciste d’Adsav.
Les insultes se dissimulent sous l’habillage du breton : « Assez avec vos paroles fausses et mauvaises plantées n’importe où, n’importe quand ».
Elle ne sait pas de quoi je parle mais elle sait que c’est faux, que c’est nuisible (vocabulaire religieux : ça relève du Mal, le grand Satan pointe l’oreille) et que je pique ça n’importe où (mon site appartenant à tous, je veux dire à la nation, je n’ai pas le droit d’y écrire ce que je veux quand je veux).
Pauvre Bretagne.
Merci Françoise Morvan, pour ce témoignage précis qui ajoute vraiment quelque chose à tout ce qu’on peut lire ces jours ci dans la presse, qui est important, bien sûr, mais qui donnait envie d’en découvrir plus sur cet homme admirable et attachant.
Les commentaires des nationalistes sont très utiles parce qu’ils donnent à voir ce à quoi il fallait se confronter. A leur façon et paradoxalement, ils donnent par leurs propos les preuves qui confirment ce que vous dîtes et le jugement pertinent que vous portez sur ces idéologies : il fallait à Erik et à vous-même beaucoup de droiture et de courage pour tenir bon sur des positions dignes.
Merci pour votre message. Hélas, le combat est plus actuel que jamais… les nationalistes (qui ne font pas 5% aux élections) régnent désormais en maîtres sur les médias et les institutions, y compris le conseil régional qui a demandé l’autonomie de la Bretagne (sans jamais consulter les Bretons).
Depuis la publication du « Monde comme si », je suis interdite de parole en Bretagne (voir ici la rubrique « Censure »). Ce qui rend intéressant ce déchaînement de fureur, c’est le fait que ces militants, sans avoir une ombre de connaissance de ce que j’évoque, savent que c’est faux et que c’est mal (faos ha drouk). Il y a le Bien qu’ils incarnent et le Mal qu’ils combattent. C’est l’Inquisition. Et sur quelle base idéologique… Ça pourrait être une base de réflexion si le débat n’était pas interdit.
A combattre constamment les amoureux sincères de la culture bretonne vous tombez dans le grand n’importe quoi. Vous « flirtez » avec l’extrême droite et les extrémistes de la Libre Pensée. Vous voyez des néo-nazis partout en Bretagne et surtout là ou il n’y en a pas.
Quelle extraordinaire illustration de ce que j’écrivais hier : « Le militant nationaliste breton sait aussitôt dans quelle case ranger le Breton qui pratique pas le culte des racines. Pour Érik Marchand : case Communisme. Je lui rends hommage, donc même case. J’ai eu droit aussi à la case Trotstkisme, à la case FN, à la case Franc-maçonnerie, à la case Complot juif, à la case Jacobinisme, le tout entrant dans la vaste case Complot antibreton. » C’est vrai, j’avais oublié la case « Extrême droite » et la case « Libre Pensée », comme si la Libre Pensée et l’extrême droite avaient quoi que ce soit de commun.
L’extrême droite ne désigne, bien sûr, pas les militants bretons, Boris Le Lay et autres qui se réclament du Bezen Perrot mais ne sont pas des néo-nazis, pas les militants du PNB et de Breiz Atao ressuscités qui n’ont naturellement jamais été nazis, pas plus que les grands hommes du mouvement breton, Hemon, Drezen, Langlais, Monjarret, Lainé, Fouéré, et tutti quanti. Pas nazis puisque bretons.
En rendant hommage à Erik Marchand, ne nous étonnons pas, je « combats les amoureux sincères de la culture bretonne »…
Ces gens ne se rendent même pas compte du vocabulaire qu’ils emploient : je « flirte » avec les méchants au détriment des « amoureux ». de la Bretagne qui sont, eux, « sincères » et lui jurent fidélité devant l’autel de la Vraie Foi. Il faut que l’ordre moral soit rétabli et que l’Amour règne par la censure. C’est le cas.
Ces gens qui n’ont même pas le courage de signer leurs invectives haineuses parlent au nom de la Bretagne, amante à satisfaire par tous les moyens, y compris les plus répugnants. Elle se passerait bien de ces tourtereaux.
Pauvre Érik Marchand,
L’hommage écrit par Françoise Morvan évoquant son courage, ses luttes, sa musique ne méritait pas un tel déluge d’invectives.
En salissant -une fois de plus – Françoise Morvan, certains Bretons, bien contents de bénéficier comme tous citoyens français de la contribution financière « jacobine », prouvent qu’ils sont rendus aveugles et sourds par la propagande nationaliste et la bêtise, plus dangereux pour leur cause que leur propre ennemi.
Ils seront, comme nous tous, victimes de la bande à Bardella surfant sur la vague pseudo-régionaliste.
C’est à vomir. La République est une et indivisible !
Signé un républicain émigré de l’Est qui occupe la » nation bretonne « .
Entre Bardella, Le Drian converti aux vertus de l’autonomisme, les indépendantistes de Yes Breizh qui trouvent grâce aux yeux d’élus du conseil régional, on n’a que l’embarras du choix…