Le FLB sur France Culture

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Nouvel épisode du monde comme si…

C’est une journaliste qui m’écrit le 17 mars 2023 pour m’indiquer qu’elle prépare une série documentaire sur le Front de libération de la Bretagne (FLB) pour France Culture. 

« Nous reviendrons sur la période 1966-1981 mais également sur les origines du mouvement nationaliste breton, la collaboration pendant la seconde guerre mondiale et son héritage aujourd’hui. J’aimerais beaucoup vous interviewer à ce sujet. » 

Elle s’appelle Kristel Le Pollotec, et a déjà pris contact avec Vincent Jaglin qui a réalisé un film sur le Bezen Perrot, groupe de nationalistes bretons engagés sous uniforme SS pour soutenir l’Allemagne nazie dans son combat contre la France. La Découverte ou l’ignorance a reçu le prix du meilleur documentaire historique au Festival de l’histoire de Blois mais a été censuré de diverses manières en Bretagne – y compris du simple fait que le réalisateur osait me donner la parole. Que Vncent Jaglin soit interrogé est donc positif. 

Alors que j’hésite encore à accepter, il m’assure que, contrairement à ce que je crains et qui s’est déjà tant de fois produit, la journaliste n’entend pas se livrer à une apologie du FLB. Son père était un maoïste qui était proche du FLB dans les années 70 (au cours d’une émission elle expliquera, de fait, qu’il était passé par l’IRA avant de rejoindre le FLB). Elle souhaiterait se pencher sur ce passé. Il est vrai que la jonction entre les maos visant à instaurer la dictature du prolétariat et les terroristes visant à faire advenir une nation bretonne sur base ethnique ne tombe pas sous le sens et mériterait d’être étudiée, ce qui n’a jamais été fait (à ma connaissance). Sartre n’est-il pas allé jusqu’à soutenir Fouéré en prison pour le FLB selon le titre de son essai paru dans une maison d’édition d’extrême droite ? Tout cela se trouve dans Le Monde comme si, mais la journaliste l’a-t-elle lu avant de s’adresser à moi ? 

Enfin, je me suis, malgré tout, décidée à lui répondre. Telle est la teneur de ma réponse :

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« Oui, j’ai  étudié la formation du FLB et l’idéologie de ses membres. J’en parle assez longuement dans Le Monde comme si et aussi dans Miliciens contre maquisards puisque le recyclage de nombreux miliciens via l’Irlande a permis aux réseaux séparatistes de se reconstituer et de revenir à l’action violente. Avez-vous lu ces essais ? Ils sont  les seuls (avec le film de Vincent Jaglin) à tenir un discours critique face à un océan de productions nationalistes. 

J’ai repris sur le site du Groupe Information Bretagne des articles au sujet des films d’Hubert Béasse sur le FLB, films qui, somme toute, ayant été commandés par le conseil régional, expriment la version officielle des faits. C’est selon moi une version fausse… Je peux, bien sûr, m’en expliquer. 

https://le-grib.com/histoire/reecriture-de-lhistoire-en-bretagne/berlin-vichy-bretagne/ » 

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Kristel Le Pollotec me répond qu’elle est en train de lire Le Monde comme si et va commander Miliciens contre maquisards car sa famille est originaire de Saint-Nicolas-du-Pélem (la rafle que je raconte dans Miliciens contre maquisards se situe autour de ce bourg, entre autres, et je démontre que les jeunes maquisards pris dans la rafle à laquelle mon père a échappé ont été assassinés par cinq membres du Bezen Perrot, dont certains ont continué le combat après-guerre – notamment un nommé Miniou qui figure dans le film de Vincent Jaglin). Ce sont des faits qui ont été occultés par tous les historiens, comme je le montre aussi. 

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LE PIÈGE

Sur cette base, j’accepte de la recevoir à Rostrenen. 

Je lui demande toutefois de me préciser sur quoi précisément elle entend m’interroger. La réponse est la suivante (je la copie)  :

« Pour les thèmes, nous reviendrons sur: la guerre et la permanence des leaders issus de la collaboration jusque dans les années 70 la collusion des intérêts nationalistes et  économiques (lucarn, celib) et politique (rôle du PS et conseil general)

 Création d’une identité bretonne « officielle  » et fabriquée de toutes pièces, positions politiques,  de l’extrême gauche à l’extrême droite au sein du flb. » 

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Elle reprend donc la problématique posée par Le Monde comme si voilà vingt ans. Je suis la seule à avoir montré la filiation du CELIB (lobby patronal fondé après-guerre par l’adjoint de Fouéré, Joseph Martray, un très redoutable collabo nationaliste reconverti dans l’affairisme) et l’Institut de Locarn (fondé en 1993 par Joseph Le Bihan, indépendantiste, militant catholique, partisan d’une Europe des ethnies dans le cadre de la PanEurope d’Otto de Habsbourg, lequel inaugurait l’Institut) et à avoir montré que la fabrique identitaire était menée en Bretagne par ces puissants groupes de pression portant un projet politique. Ce qui est étrange est que, tout en reprenant les idées qui m’ont fait mettre au ban de la Bretagne depuis vingt ans et  interdite de parole en quelque circonstance que ce soit, elle évoque « le rôle du PS et du conseil général ». Quel conseil général ? Je n’ai eu de cesse de dénoncer le rôle de Jean-Yves Le Drian, président du conseil régional, si bien inféodé au lobby patronal qu’il est allé présenter son programme politique à l’Institut de Locarn… Le président de l’Institut était alors Alain Glon (on se souvient de Glon-Sanders, farines animales, maladie de la vache folle…) qui déclarait tout uniment « notre problème, c’est la France ». J’avais, là encore, été la seule à m’en indigner. 

Je suis un peu perplexe mais, en 2013, lors de la prétendue « révolte des Bonnets rouges » organisée par le lobby patronal de Locarn, une autre journaliste de Radio France, Charlotte Perry, au début manifestement ignorante du problème, avait en un temps record assimilé tout ce qu’elle avait pu trouver sur le sujet. Elle s’était rendue à l’Institut de Locarn et, de manière brillantissime, avait permis aux patrons bretons rassemblés là pour célébrer leur triomphe, d’illustrer mes propos : démonstration imparable. Ces émissions restent des modèles jamais égalés. La lutte scandaleuse du lobby breton contre l’écotaxe a coûté un milliard d’euros à l’État – ce qui n’empêche pas le lobby de Produit en Bretagne (association créée par l’Institut de Locarn) de se présenter sous label écolo… 

Bref, j’accepte.

Kristel Le Pollotec et sa réalisatrice, Marie Plaçais, arrivent à Rostrenen. Dès la première question, je comprends que la journaliste a glané çà et là les informations qui surnagent à partir de ce que peuvent dire les militants bretons. Je suis supposée penser que l’identité bretonne est liée à la collaboration, autrement dit m’engager dans la polémique telle que l’ont fabriquée les nationalistes pour se poser en victimes des « jacobins » dont je suis le suppôt.

Néanmoins, elle me semble de bonne volonté et, vu qu’elle s’est déplacée jusqu’à Rostrenen, je me mets en devoir de rectifier les lieux communs nationalistes brassés sans fin depuis des lustres. Me voilà donc en train d’exposer patiemment que l’« identité bretonne » est une construction et d’expliquer quand, comment et pourquoi elle a été exploitée par La Villemarqué et consorts jusqu’à Breiz Atao et ainsi de suite. À quoi bon se lancer dans des explications face à quelqu’un pour qui la propagande nationaliste semble aller de soi ? J’ai, à dire vrai sans réfléchir, pensé devoir resituer l’épisode de la collaboration massive du mouvement nationaliste breton dans une histoire qui seule permettait de comprendre cette propagande nationaliste appuyée sur une réécriture victimaire de l’histoire. Et puis, Kristel Le Pollotec venait de rencontrer Jean Bothorel, le terroriste du FLB adorateur de Bolloré, et sa réalisatrice et elle s’indignaient ou tout au moins semblaient s’indigner de ses propos. 

Ainsi le piège s’est-il refermé. 

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LES MÉCANISMES DE LA PROPAGANDE

Je le précise tout de suite, c’est un piège très intéressant, très révélateur de la situation actuelle en Bretagne, au moment où le conseil régional vient de demander l’autonomie pour la région, obéissant ainsi au lobby patronal et mettant en œuvre le projet politique que je dénonce depuis plus de vingt ans. 

Au total, ces quatre heures de reportage sont une apologie du nationalisme breton tel qu’il est promu par les poseurs de bombes du FLB mais aussi par les historiens autonomistes et autres militants qui ont été longuement interrogés : deux petites voix dissidentes s’élèvent, celle de Vincent Jaglin et la mienne, très brièvement l’une et l’autre, mais ce qu’elles disent est suivi de propos de militants qui les rendent inaudibles. 

Si ces émissions viennent servir la propagande autonomiste omniprésente et constituent pour Vincent Jaglin et pour moi une véritable trahison, il n’empêche – et c’est sans doute le pire – qu’il s’agit une trahison involontaire car la journaliste a fait preuve d’une certaine témérité en  reprenant les thèmes du Monde comme si. Se rend-elle compte qu’en enlisant nos interventions sous les démonstrations des journalistes et historiens autonomistes, elle réduit à néant ce que nous avons à grand-peine réussi à établir ? 

Ce piège est instructif d’abord par le fait qu’il démontre l’incapacité où la journaliste s’est trouvée de diffuser autre chose que la propagande imposée partout. Elle laisse elle-même entendre dans sa présentation du troisième épisode que, d’avance, sa démonstration était celle qu’imposait la doxa :

« Je porte un nom breton, mais je n’ai jamais vécu en Bretagne. Il n’empêche que j’ai gardé des réflexes. Par exemple, quand j’entends parler du passé collaborationniste du mouvement breton pendant la Seconde Guerre mondiale, je suis toujours partagée entre mon attachement à la vérité historique et une petite voix qui me dit que c’est aussi une façon pour le pouvoir central de délégitimer le mouvement nationaliste breton comme le pense également Jean Bothorel : « Je connaissais ce passé par mes lectures, mais je ne pensais pas que dans l’opinion, ça avait encore une prise. Pour beaucoup de camarades du FLB, le «Breizh Atao» n’était pas un chiffon rouge, mais peu d’entre eux avaient une vraie connaissance de ce qui c’est réellement passé. C’était tout de même une minorité. »

Oui, la référence donnée est Bothorel, auteur d’un livre (réédité par la Coop Breizh) à la gloire de ses actions de terroriste pour le FLB,  d’un autre à la gloire de Vincent Bolloré et d’un autre à la gloire de François Pinault, éminents membres du lobby patronal breton dont je dénonce le pouvoir. Je parlerai plus tard des propos de Bothorel, qui s’intéresse apparemment de longue date à ma personne, je l’ai découvert à cette occasion. 

Ce qui fait de ce documentaire une opération de propagande à la gloire du nationalisme breton, au nom de ce que la journaliste désigne elle-même comme le « romantisme » qui a inspiré cette enquête, c’est le fait que l’histoire des militants auxquels elle donne si généreusement la parole est occultée : ils ont posé des bombes, ils ont été défendus par Chouq et d’autres avocats, certains d’entre eux connus. Et ensuite ? Où est-il rappelé que Charlie Grall a été le seul à ne pas condamner l’attentat de Quévert qui a tué une jeune femme en 2001 ? Où est-il rappelé qu’il s’est associé avec des tueurs basques pour voler de la dynamite ? Où est-il fait mention de sa direction du journal Bretagne Hebdo, feuille nationaliste dite d’extrême gauche où des nazis étaient défendus comme des héros de la nation ? Et du fait que j’ai fait disparaître ce journal grâce à une procédure en diffamation gagnée suite à ses attaques ignobles contre moi après la publication du Monde comme si ? Je n’aurai garde d’oublier que l’avocat de ce journal, suite de Breizh-Infos, fondé par deux terroristes, Grall et Ménard, était ce même Chouq, qui n’a pas ménagé ses effets de manche, et qui a néanmoins perdu son procès. 

Où les liens entre Grall et Christian Troadec, le maire autonomiste de Carhaix et conseiller régional en charge des langues de Bretagne et de l’identité, sont-ils mentionnés ? Et Chouq, ses actions politiques ? Et Chartier, interrogé en même temps que Grall, toujours fier de son engagement au FLB, où est-il rappelé qu’il s’agit d’un autonomiste militant, journaliste au Poher, journal fondé par Troadec et Grall pour soutenir ce même Troadec ? Pas de contexte, pas de commentaires, pas de mise au point, pas d’explications. Les lieux communs nationalistes, voire les pires mensonges, sont donnés pour monnaie comptante. 

Sur le recyclage des tortionnaires nazis par l’Irlande, grâce à la filière des faux passeports mise en place par Fouéré, l’histoire est faussée, malgré les quelques faits rappelés par Vincent Jaglin car, au total, seuls Goulet et Fouéré sont mentionnés : des centaines de nazis qui ont prospéré et continué de militer pour l’indépendance de la Bretagne, rien à dire. Et, pour finir, la parole est donnée, et longuement, à Bothorel, Grall et Chouq qui peuvent raconter ce qu’ils veulent sans la moindre contradiction et la moindre mise en perspective. Et la journaliste de tendre la perche au terroriste Charlie Grall : « Ben, moi, je trouve ça plutôt bien de se distancier d’avec ce passé-là… » « Quel passé ? » « Ben, le passé de la Seconde Guerre mondiale ». Allons donc, mais oui, faisons-le passer, ce passé qui ne passe pas : sans moi, il aurait très bien passé et Grall aurait pu continuer de faire l’apologie des vieux nationalistes collabos dans son journal Bretagne-Hebdo (alias Breizh-infos, lequel est devenu le site d’extrême droite éponyme, où se trouve d’ailleurs une apologie de ces quatre émissions qui sont très bien, sauf bien sûr qu’hélas on me donne la parole – l’approbation de ces émissions par les héritiers de Breiz Atao suffit à indiquer ce qu’elles servent). 

Dans la dernière émission, intitulée « La mise en scène d’une identité », on me donne la parole : des deux heures d’interview à Rostrenen restent quelques bribes immédiatement suivies de longs développements dus à des autonomistes ou des tenants de l’« identité bretonne » factice, si opportunément promue par les bons élus comme Le Drian (telle est la leçon de l’émission, avec, en complément, cette litanie : tous les problèmes viennent de ce que l’histoire de Bretagne n’est pas enseignée – vieille revendication, d’ailleurs naguère explicitée par des autonomistes qui, constatant que l’enseignement du breton ne produit pas les fruits attendus, se tournent désormais vers cette revendication politique présentée comme une urgence. Ils passent évidemment sous silence le fait que l’histoire de Bretagne est aujourd’hui écrite par les nationalistes et qu’elle fait l’objet d’investissements massifs du conseil régional). 

J’ai déjà eu mainte fois l’occasion de voir à l’œuvre les procédés des journalistes dès lors qu’il s’agit de « sujets bretons » : par exemple, à l’occasion de la révolte des Bonnets rouges, le refus de France bleue-Armorique de passer l’antenne à France Inter qui souhaitait m’interroger ; ou encore, à l’occasion de la Charte des langues régionales, le traquenard monté par cette même radio avec un nommé Gourmelen alors responsable de l’UDB ; et, avant tous ces épisodes, l’invitation à collaborer à une revue qui se voulait « de débat » et dans laquelle j’avais vu paraître mon article sur le drapeau breton… mais entouré de sept articles à la gloire de ce même drapeau, : il n’avait pas fallu moins que Michel Denis, Jean Guéguéniat, Christian Guyonvarc’h, plus Kernaleguen, Le Coadic, Le Prohon, autrement dit six autonomistes, et, en prime, le maire socialiste de Quimper, Bernard Poignant, pour « normaliser » le « débat breton » – le normaliser à la mode bretonne (bretonne nationaliste, s’entend, puisque les non-nationalistes n’ont pas voix au chapitre), à savoir 1 contre 7. Une contre sept messieurs, ça va de soi. 

Ils sont cinq, cette fois :  

— Régis Delanoë, auteur d’un livre sur le vélo breton paru aux éditions du Coin de la rue qui ont publié une apologie de Le Drian par Nicolas Legendre et Benjamin Keltz, puis une apologie du Club des trente, fer de lance du lobby patronal breton. En quoi les recherches de Régis Delanoë sur l’identité bretonne ont-elle consisté ? Mystère. Il expose longuement, aussi incroyable que cela puisse paraître, que la « fierté bretonne » est « un peu dure à lire » car elle ne « s’accompagne pas de renvendications politiques » ; 

— Joël Cornette, le spécialiste du copier-coller comme arme politique dévide tous les vieux clichés de la propagande de l’UDB : à l’en croire la « France jacobine »  depuis toujours hait la Bretagne, la preuve : le méchant Ermold Le Noir qui, au IXe siècle, a dit qu’ils étaient crasseux et Bécassine qui n’a pas de bouche (comme les nationalistes n’ont pas lu la bande dessinée honnnie, il leur a échappé que si Bécassine n’a pas de bouche, c’est elle qui a la parole du début jusqu’à la fin et qui d’ailleurs triomphe de tous les obstacles) ; 

—  Sébastien Carney qui fait des nazis dont il a étudié le parcours de doux « non conformistes des années 30 » si dévoués à leur patrie bretonne. En l’occurrence, réduisant à néant les faits établis par Le Monde comme si et divers articles établissant l’itinéraire de Morvan Marchal, le fondateur de Breiz Atao et l’inventeur du drapeau breton, il le présente comme un joyeux écervelé, « très intelligent » (très intelligent, Morvan Marchal ! Il faut n’avoir pas lu ses articles de Breiz Atao à la gloire de la « race bretonne » et sa revue druidique Nemeton – mais, à croire l’historien spécialiste du nationalisme breton, il fut, bien sûr, un peu druide sur les bords mais pas beaucoup, juste un peu sous l’Occupation ; 

—  Franck Darcel, le rocker nationaliste qui n’a cessé de m’insulter, président de Breizh-Europa dont la liste Bretagne-Europe (toujours sans la France honnie) a fait un score misérable aux élections municipales à Rennes (mais ses engagements politiques sont totalement passés sous silence : il aurait été intéressant de mentionner son apologie de la Vallée des saints évoquée dans la suite de l’émission et la manière dont tous ceux qui osent dénoncer cette monstruosité due au lobby de Locarn sont par Darcel traités de « Parisiens » (y compris Jean-Marc Huitorel, natif du cru, qui a publié une tribune dans Libération). 

— le journaliste Nicolas Legendre, qui a commencé par déclarer : « Je prends des mégapincettes avec Françoise Morvan » avant de faire de la bouche une sorte de bruit de mitraillette pour signifier qu’oser parler de moi, c’est dangereux : « Ici, c’est incroyable.… ». Eh oui, incroyable mais vrai, les mégapincettes sont très utiles pour éloigner l’objet qui dérange et le rendre ainsi indiscernable : Nicolas Legendre réduit à néant les recherches que j’ai pu faire sur l’Institut de Locarn, à la suite de journalistes, d’ailleurs, eux, remarquablement courageux : il réduit le discours du fondateur de l’Institut de Locarn à un inoffensif « globiboulga » (je cite), et le marketing identitaire à un phénomène plein de sincérité mais qui n’a « pas assez approfondi l’idée de terroir ». Ce grand pourfendeur de l’agrobusiness, tel que porté par le lobby de Locarn dont il efface le rôle (son livre Silence sur les champs qui lui valu le prix Albert Londres, passe systématiquement sous silence ce qui, dans Le Monde comme si, était déjà établi, et qui est le sujet énoncé de l’émission, à savoir la fabrique d’une identité nationale factice accompagnant la destruction d’une région par l’agrobusiness). Dans son souci de prendre des pincettes, ne va-t-il pas jusqu’à mettre en doute le fait qu’Otto de Habsbourg (appelé à présider l’inauguration de l’Institut de Locarn) était lié à l’Opus Dei ? Et à déclarer que, de la part des responsables de l’agrobusiness, il y avait peut-être une contradiction entre les pratiques et l’idéologie identitaire  : au lieu de mettre du maïs, mettre du blé noir, ç’aurait été mieux. 

— À ces cinq s’ajoute Ronan Calvez, directeur du CRBC qui ne dit rien mais, il faut le supposer, cautionne le tout. 

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LE TRIOMPHE DU MÂLE 

Cette série d’émissions est intéressante d’abord parce qu’elle montre le fonctionnement de la censure par écrasement de toute parole dissidente sous la propagande officialisée ainsi cautionnée. 

Elle est aussi intéressante parce qu’elle offre une illustration du machisme du mouvement bretonque j’ai eu à étudier de longue date. 

Au total, ont été interrogés dans la première émission :

  • Christophe Colin, maire de Landunvez
  • Régis Delanoë, journaliste spécialiste du vélo breton
  • Erwan Chartier, journaliste autonomiste 
  • Jean Bothorel, ancien membre du FLB, auteur d’un livre à la gloire de Vincent Bolloré
  • Yann Choucq, avocat du FLB, militant nationaliste

… dans la deuxième :

  • Charlie Grall, ancien membre du FLB, militant nationaliste 
  • Erwann Chartier, déjà nommé 
  • Régis Delanoé, déjà nommé
  • Yann Choucq, déjà nommé

… dans la troisième :

  • Sébastien Carney, historien, auteur d’une thèse banalisant l’itinéraire des militants nationalistes collaborateurs des nazis
  • Vincent Jaglin, cinéaste,
  • Christian Bougeard, historien, minimisant les respeonsabilités des militants nationalistes collaborateurs des nazis. 
  • Jean Bothorel , déjà nommé
  • Charlie Grall , déjà nommé
  • Yann Choucq , déjà nommé

… et dans la quatrième, donc, Sébastien Carney et Régis Delanoé, Nicolas Legendre, Joël Cornette et Franck Darcel, plus Ronan Calvez à titre subsidaire. 

Au total, une femme contre douze hommes, pour la plupart nationalistes allant de l’indépendantisme à l’autonomisme militant. 

Seul dans cette liste, l’infortuné Vincent Jaglin, consterné d’avoir été à l’origine de cette expérience, se trouve être l’objet d’un traitement plus douloureux et plus offensant que celui auquel j’ai été soumis pour ma part car ses propos sont contredits, édulcorés, brouillés précisément par les historiens dont il avait voulu montrer les errements. Même le titre de son film est faussé : La Découverte ou l’ignorance, devient La Découverte et l’ignorance. Il est vrai que, de même, Miliciens contre maquisards devient Miliciens et maquisards…. Les informations que donne Vincent Jaglin sont rendues totalement incompréhensibles. 

Reste l’idée qu’en fin de compte, ils étaient très bien, ces terroristes, et puis, l’un d’eux nous le rappelle, Fouéré n’était pas nazi du tout. D’ailleurs, il a été acquitté. L’itinéraire de Fouéré était rappelé dans Le Monde comme si et rappelé en maints articles ; Vincent Jaglin l’a fait figurer dans son film et a montré comment, agent de la Gestapo lui-même, il avait recyclé les nazis du Bezen Perrot en Irlande. Mais, là encore, silence. 

Les seuls liens donnés, à la fin de la première émission, sont ceux qui mènent à des productions nationalistes. 

Aucun lien vers l’article du Groupe Information Bretagne sur le FLB, l’Institut de Locarn. Aucune mention en bibliographie de Miliciens contre maquisard ou du Culte des racines qui traite précisément des nationalistes, de la fabrique identitaire, du FLB et du lobby patronal. 

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Y A RIEN

Pour moi, le moment le plus extraordinaire de ces émissions est celui où le terroriste Bothorel interrogé au sujet des liens entre les militants nationalistes, les collaborateurs des nazis et le FLB déclare que, pour sa part, il n’en voyait pas et que, quand il était en prison, il disait aux camarades de se méfier un peu de ceux qui en Irlande… Mais, en prison, gauche ou droite, tout le monde chantait en chœur le « Breiz Atao » le soir (oui, le chant national breton bien connu, le «  Breiz Atao » – la journaliste, elle, ne parle-t-elle pas du « Gwenn-ha-dou », le drapeau national breton ?). Mais, bon, passons sur ces broutilles, le passage le plus merveilleux pour moi est celui où Bothorel déclare que la collaboration, c’était microscopique. 

« Peu avaient une vraie connaissance de ce qui s’était réellement passé, et puis c’était tout de même une minorité. C’était tout petit, en fait. Et vous avez un auteur, là, Morvan… Je ne me souviens plus de son prénom…

— Lebesque ? Non, un autre ?…

— Non, Morvan, cette femme… qui écrit…

— Ah, Françoise Morvan… Oui, mais il y a plein de Morvan en Bretagne.

— Oui, mais je parle de… Françoise, Françoise Morvan a changé la barre… » 

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« Changé la barre » ou « chargé la barque » ? Difficile de décider, l’élocution de Jean Bothorel étant plutôt confuse. Quoi qu’il en soit, quel hommage ! En effet, sans moi, la barre serait restée très, très bas (ou la barque très, très vide) et l’histoire écrite par les nationalistes aurait permis de laisser dans une ombre épaisse l’histoire du mouvement nationaliste breton. Personne n’aurait traduit les textes antisémites de Drezen, de Hemon, de Langlais et alii, personne n’aurait protesté contre la réhabilitation de nazis comme (en ce moment) l’abbé Perrot et tant d’autres, personne n’aurait montré comment le patronat s’est emparé de l’idéologie nationaliste et comment les élus l’ont peu à peu imposée, comment les médias ont relayé massivement cette propagande et comment elle s’impose : nous en avons une nouvelle démonstration. 

Un passage intéressant de la troisième émission est d’ailleurs celui qui voit Sébastien Carney interrogé par Kristel Le Pollotec sur la manière dont le passé collaborationniste des militants nationalistes breton a pu faire surface répondre qu’il a été réécrit par les nationalistes eux-mêmes après-guerre, puis occulté, avant que, dans les années 60, les militants autonomistes de l’UDB quittant le MOB de Fouéré ne mettent au jour des pans de ce passé, puis que, dans les années 90, il ressurgisse soudain. Pourquoi ? La réponse est incroyable : parce qu’il y a eu les procès Barbie et autres et que Chirac a reconnu la responsabilité de la France dans la rafle du Vel’ d’Hiv’… Ô miracle, grâce à Chirac, on a protesté contre l’attribution du nom de Roparz Hemon au collège Diwan et contre l’histoire de Bretagne en bande dessinées de Secher. Chirac a bon dos… Ce qui s’est passé dans les années 90, c’est que j’ai découvert, grâce au procès que m’intentait Pierre Denis, l’histoire du mouvement nationaliste breton et que j’ai fait un travail d’information qui ne pouvait pas être contredit. J’ai informé la presse nationale, j’ai travaillé avec des journalistes, avec la LDH, avec le MRAP et des associations républicaines : j’ai traduit les textes antisémites de Hemon, protesté contre la publication de la bande dessinée…  Ce travail d’information a fait que la vieille histoire que tout le monde connaissait à l’intérieur du sérail (ou du moins que beaucoup connaissaient et avaient soin d’occulter) a été mise sur la place publique. D’où un déferlement de fureur. D’où aussi l’usage de « mégapincettes » conseillé par  le journaliste Nicolas Legendre et les cris de rage des militants nationalistes de quelque bord qu’ils soient – et l’on voit dans cette émission que le discours des militants, qu’ils se disent de gauche ou de droite, est le même. 

À son insu, c’est ce que confirme Bothorel. À l’en croire, pour les membres du FLB, la collaboration avec les nazis n’avait aucune importance. C’est « l’intelligentsia parisienne » qui lui a donné cette importance – l’intelligentsia parisienne dont je suis naturellement l’expression native. Comme dans le cas de Darcel, pour qui protester contre les productions nationalistes c’est être « parisien », Bothorel, depuis son hôtel particulier de Boulogne (92) où les journalistes sont allées l’enregistrer, me dénonce, moi, enregistrée dans ma maison natale à Rostrenen, comme pure expression du parisianisme – et cela ne pose pas le moindre problème : la chose va de soi. 

Tels sont les propos qui suivent :

« Pour eux [les bons terroristes du FLB] ça n’avait pas l’ampleur que l’intelligentsia lui donnait et moi je suis d’accord avec eux, parce que c’est ça que Françoise Morvan – maintenant, j’ai bien retrouvé son nom – j’ai été en euh… j’ai polémiqué avec elle, il y a des années. Ça va, j’aime pas trop qu’on revienne, comme ça, sur ces problèmes parce que je lui avais dit, d’ailleurs : « Qu’est-ce que tu aurais fait, toi, si tu avais eu vingt ans en 41 ? »

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Qu’il mente comme un arracheur de dents, c’est un fait, car jamais je n’ai échangé un mot avec lui et, néanmoins, entendre ce militant s’adresser à moi, fût-ce dans ses fantasmes, en me tutoyant comme le flic tutoie l’immigré en dit long sur le machisme de ces militants. Ce journaliste de droite, si servile à l’égard des grands patrons et tout imbu des principes bourgeois de civilité oublie politesse et bonnes manières dès lors que le militant breton resurgit face à une femme qui ose rappeler des faits contraires au dogme.  

Quant à l’argument – qu’est-ce que t’aurais fait, toi… ?  – c’est l’éternelle antienne des nationalistes pour ne pas avoir à regarder le passé en face et mettre en cause l’idéologie du mouvement breton. 

Cette idéologie n’a pas changé.

Bothorel peut déclarer en toute impunité que « La Bezen Perrot, bon,  y a rien, y a quelques personnes de la Bezen Perrot qui, eux, ont pris le costume nazi, ont été se battre sur le front de l’Est… » 

Quelques petites personnes du Bezen qui ont pris le costume comme ça pour aller se battre ailleurs, au loin, pas en Bretagne, pas pour torturer et assassiner des résistants bretons, non, pas du tout : en fait, bon, y a rien. 

On comprend que je les ai dérangés, ces militants. 

Ces quatre émissions ont faute de mieux le mérite de le montrer. 

Mais c’est France Culture, une chaîne nationale, qui diffuse cette propagande.

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LES OS DES ANCÊTRES

Le plus étonnant et le plus révélateur est la fin de la série : Kristel Le Pollotec, après être allée à Rostrenen m’interroger, s’est rendue à Saint-Nicolas-du-Pélem. Son arrivée au bourg est pleine d’émotion  : 

« Le village est entièrement vide. D’un côté une église de granit gris, de l’autre côté quelques maisons en granit gris également et au-dessus le ciel gris. […] Il fait presque froid quand nous nous pénétrons dans le cimetière qui borde l’église. » 

Hélas, au cimetière, pas trace de tombe de la famille Le Pollotec. 

« J’avais pourtant bien vérifié avant de partir, mes aïeux sont tous nés et morts à Bothoa, commune de Saint-Nicolas-du-Pélem. » 

Et voici l’illusion qui surgit : au sortir du cimetière, une sorte d’auge remplie d’os humains… Un ossuaire ! « Je suis tellement saisie par cette vision que, l’espace d’un instant, je me dis que ce sont eux mes ancêtres ». 

Le  monde comme si, ultime épisode en date. 

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Voici le lien vers le podcast. 

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