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Alexeï Navalny est mort hier, assassiné par le pouvoir russe grâce à Yves Rocher.
C’est la fausse plainte pour escroquerie du groupe Yves Rocher qui a permis d’arrêter Navalny et de l’envoyer au goulag.
En 2021, j’avais ici même rédigé un article qui avait été relayé par André Markowicz sur facebook. Non seulement Yves Rocher avait fait traîner les frères Navalny devant les tribunaux russes en reconnaissant pourtant n’avoir subi aucun préjudice, mais, alors même que la Cour européenne des Droits de l’Homme avait jugé les décisions des tribunaux russes « arbitraires et manifestement déraisonnables », il continuait de narguer Navalny en France et de prospérer en Russie.
Alexeï Navalny et son frère, ayant porté plainte pour dénonciation calomnieuse contre Yves Rocher, étaient venus en Bretagne avec leur avocat, Me Bourdon, puisque leur affaire devait se plaider à Vannes. Quelle chance avaient-ils face au tout-puissant groupe Yves Rocher, fondateur du Club des Trente, membres de Produit en Bretagne, lobby fondé par l’Institut de Locarn ? À Vannes, puis en appel à Rennes, Yves Rocher a triomphé pendant que Navalny, arrêté sitôt rentré en Russie après son empoisonnement par les services secrets poutiniens, poursuivait son combat depuis le bagne.
En 2021 une vidéo résumait les faits.
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Ouest-France (membre de Produit en Bretagne) titre ce jour « Navalny mort, les juges n’auront plus à statuer sur l’affaire qui l’opposait au groupe Yves Rocher ». Ouf, quel soulagement : la Bretagne respire ! Bris Rocher, clamant son entreprise « innocentée », se présente comme victime d’une « affaire qui a beaucoup nui à l’image du groupe »
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L’image du groupe n’a, en tout cas, d’après les dires de son président, pas du tout souffert en Russie où il compte 423 points de vente et, comme l’argent n’a pas d’odeur, 86 points de vente en Ukraine.
Ce même président rappelle que son entreprise vient d’obtenir le statut d’« entreprise à mission » garant de son éthique. À la journaliste qui, pour lui permettre de se dédouaner, lui demande : « Vous avez fait le choix de rester en Russie. Votre statut de société à mission n’est pas incompatible avec cette décision ?» , il répond que pas du tout : la guerre, il la « condamne fermement » et il « salue la résilience et le courage des populations » qui continuent d’acheter les produits Yves Rocher. Comme il aime ses gens, il s’est « focalisé sur les gens » qui avaient besoin de lui en Russie. Il faut toutefois noter qu’en Bretagne, ses gens, ils coûtent trop cher et il compte fermer en bonne partie son usine de La Gacilly pour aller chercher ailleurs des gens à favoriser de ses bienfaits. Encore une mission.
De la mort de Navalny, pas un mot.
William Bourdon déclare :
« Nous considérons que la participation active d’Yves-Rocher – et selon nous de grande mauvaise foi – a été cruciale dans la criminalisation de Navalny en Russie. Aucun de ses dirigeants, compte tenu de leur connaissance historique du pays, ne pouvait ignorer l’état d’assujettissement de la justice au pouvoir politique en Russie. La moindre des choses eût été de présenter des excuses. »
Mais quelles excuses ? Allons donc ! Au moment où Emmanuel Macron reçoit Volodymyr Zelensky à l’Élysée pour signer un accord bilatéral de sécurité, les soldes d’hiver battent leur plein dans les boutiques Yves Rocher de Russie.
Vous pouvez offrir une petite crème pour la peau, cadeau qui plaît toujours aux dames de Russie, à moins qu’elles n’y voient une allusion perfide, et faire une bonne affaire en même temps. Les dames d’Ukraine, sous les bombes russes, peuvent aussi bénéficier d’utiles soins de toilette.
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Et les messieurs ne sont pas oubliés…
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Un petit flacon de « Bois de sauge » pour tonifier les soldats qui partent au front ? Une manière comme une autre de poursuivre le combat poutinien pour la Grande Russie ?
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2 mars 2024
Après avoir encensé Yves Rocher, Ouest-France célèbre en long et en large « le courageux adieu des Russes à Alexeï Navalny ». La Bretagne, c’est ça aussi : une presse à la botte mais qui célèbre le courage de ceux qui résistent… Yves Rocher peut continuer de prospérer en Russie et d’accueillir les clients à la gare de Rennes transformée à centre commercial pour shops identitaires.
Comme tout le monde n’a pas accès à Facebook, je donne ici le PDF de la chronique d’André Markowicz à la suite des obsèques de Navalny. Une manière comme une autre de protester.