Réhabilitation d’un nazi : l’abbé Perrot (suite)

.

Comme suite à l’article que j’ai publié ici le 4 décembre pour alerter sur la nouvelle entreprise de réhabilitation d’un militant nationaliste breton collaborateur des nazis, l’abbé Perrot, je reçois d’une lectrice indignée un article du journal Ouest-France.

Je donne cet article tel que je l’ai reçu, découpé aux ciseaux et un peu froissé, car je l’ai cherché en vain sur le site des éditions Ouest-France : il semble avoir disparu. Son auteur, le directeur de la rédaction du Finistère, aurait-il eu honte ? Le supposer est encore faire preuve d’un optimisme qui cependant ne semble guère de mise en pareil domaine. 

.

.

Cet article s’inscrit dans un contexte particulier : l’opération de propagande organisée par les nationalistes d’extrême droite pour promouvoir la dernière production du militant indépendantiste Yves Mervin, une apologie de l’abbé Perrot. On en trouvera le programme sur le site de la Fondation Fouéré

Ce qui le rend intéressant est le fait qu’il nous amène à détourner le regard de son sujet apparent, l’abbé Perrot, un collabo parmi tant d’autres, un nationaliste parmi tant d’autres, un curé qui ne mériterait que l’oubli car il a trahi la Bretagne qu’il entendait défendre. 

Mais c’est précisément cet oubli qui est refusé, et précisément refusé pour légitimer cette trahison au nom d’une Bretagne éternellement victime de la France. 

.

AMALGAMES

Le directeur de la rédaction d’Ouest-France ne connaissait manifestement rien à la question quand il a eu vent des protestations contre la conférence organisée à Quimper . Sa seule source d’information semble être un livre publié par le journaliste Thierry Guidet en 1986 à la Coop Breizh, maison d’édition nationaliste, un livre au titre racoleur : Qui a tué l’abbé Perrot ? 

.

Avant de rendre compte de cette conférence, dans un article en date du 8 décembre, passant sous silence le fait que cette conférence avait fait l’objet de protestations de plusieurs associations, et surtout passant sous silence les motifs de ces protestations, il s’en était pris à la volonté de censure de la Libre Pensée : à l’en croire, le pauvre abbé avait été injustement suspecté d’autonomisme, puis de séparatisme et de collaboration car il recevait dans son presbytère des militants nationalistes.

 On croit rêver… 

Et pourtant telle est bien la thèse qu’il défend au mépris de toutes les recherches qui ont pu avoir lieu depuis trente ans : l’abbé Perrot, ce militant nationaliste de la première heure, l’âme damnée de Célestin Lainé, Mordrel et alii depuis les années 20, aurait par hasard, du fait qu’il s’intéressait au breton, croisé la route de quelques nationalistes

Je n’invente rien. La formulation est la suivante :

L’amalgame était, en effet, on ne peut plus facile, l’abbé étant amalgamé depuis les origines avec les plus fanatiques séparatistes, y compris les terroristes de gwenn-ha-du qu’il avait soutenu lors de leur procès… S’il les recevait dans son presbytère, c’est qu’il collaborait comme eux avec les nazis et ce n’est pas pour rien que son « fils spirituel », Célestin Lainé, a donné son nom au Bezen Perrot. Ses responsabilités sont d’ailleurs établies par des historiens que l’on ne peut accuser d’être hostiles aux autonomistes bretons, ainsi S. Carney. 

Mais rien de cela ne compte aux yeux du journaliste chargé de relayer la propagande des héritiers de l’abbé Perrot. 

PROPAGANDE

L’article du directeur de la rédaction du Finistère qui a tant indigné ma lectrice s’inscrit dans une campagne bien orchestrée – campagne qui se prolonge  le 14 décembre par un article de la revue Bretons, revue militante acquise à la cause du lobby patronal breton.

La journaliste s’appuie, quant à elle, sur les dires de l’historien autonomiste K. Hamon qui, naguère établissait le rôle de délateur de Perrot et à présent le nie. Ne va-t-il pas jusqu’à présenter le bon abbé comme une « figure respectée pour son engagement pour la langue bretonne », une figure « œcuménique », quoique, bien sûr, « foncièrement antisémite » mais qui ne l’était pas à l’époque ?…

Une « figure respectée » ! Mais respectée par qui ? 

« Œcuménique », alors que sa hiérarchie elle-même avait dû sévir contre lui à plusieurs reprises sans parvenir à le rendre moins fanatique ? Le responsable de l’exécution de l’abbé Perrot, c’est bien son évêque qui avait espéré le calmer en le nommant dans une paroisse rouge, Scrignac. Loin de se calmer, l’abbé ne fit que multiplier les provocations. Qui séme le vent…  

Enfin, « respecté pour en engagement pour la langue bretonne » ? Pauvre langue bretonne soumise aux délires racistes de ces fanatiques !   

L’article d’Ouest-France et l’article de Bretons (revue liée à Ouest-France et membre de Produit en Bretagne, émanation de l’Institut de Locarn) sont complémentaires : ils accréditent la version des autonomistes comme version officielle. 

;

UN PASSÉ BIEN EMPÊCHÉ DE PASSER

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’article qui a tant indigné ma lectrice. 

Intitulé « Mort de l’abbé Perrot : un passé qui ne passe pas », il fait l’apologie de la conférence-débat (quoique sans débat) tenue malgré ces empêcheurs de conférer en rond qui « vandalisent, dynamitent » au seul nom de Perrot et interdisent qu’on le prononce. » 

Quand les associations protestataires ont-elles vandalisé ou dynamité quoi que ce soit ? Il semble plutôt que le monument aux morts de Scrignac ait été dynamité par un membre du FLB, Michel Chauvin,associé à cet hommage à Perrot. La conclusion de l’article est nette : « Tout le monde s’accorde à dire que l’abbé était un homme bon. Sans doute. Il ne fut en tout cas pas ce nazi ou ce collaborateur que certains décrivent. Même si son anticommunisme primaire l’a amené à commettre des erreurs politiques. ».  

L’anticommunisme a bon dos. 

Il sert à effacer d’un mot, en bloc, le séparatisme, la haine de la France, l’antisémitisme, le soutien apporté aux pires nationalistes bretons collaborateurs des nazis, y compris ceux qui allaient s’enrôler sous uniforme SS – autrement dit tout ce qui a été à l’origine de l’exécution de l’abbé Perrot par la Résistance. 

Les nationalistes d’extrême droite qui sont à l’origine de ces diverses interventions à la gloire de l’abbé Perrot peuvent se réjouir : la propagande journalistique qui les soutient leur permet de diffuser leur idéologie, héritage de Perrot. 

Cette propagande laisse oublier l’essentiel, à savoir que si ce passé ne passe pas, c’est uniquement parce que les militants nationalistes bretons qui sont les héritiers de l’abbé y trouvent leur intérêt.

Sans eux, qui parlerait de ce prêtre fanatique auteur de pièces de patronage et de vies de saints totalement ineptes ? Il n’a pas peu contribué au discrédit dans lequel la langue bretonne est tombée au lendemain de la Libération : langue de collabos haïssant le breton parlé par le peuple… Comment n’est-il pas considéré par une brebis galeuse par ces chrétiens qui prônent une religion d’amour ? Les Feiz ha Breiz et autres Bleun Brug fétichisant le kit nationaliste n’ont pas peu discrédité le catholicisme dont les Bretons se sont si rapidement détachés.  

Le seul passage intéressant du livre d’Y. Mervin est celui qui rappelle la stupeur de Daniel Trellu, le chef de la Résistance FTP du Finistère, sidéré par le battage organisé autour de ce curé. C’était en 1986, à la suite de la pièce de G. Kervella sur Perrot. Replacée dans le contexte de la Résistance, l’exécution de collaborateur des nazis était, a-t-il alors rappelé, une exécution parmi tant d’autres, un acte de guerre, « sans commune mesure » avec l’importance que la campagne de presse en cours entendait lui donner. 

L’événément était, de fait, cette campagne de presse. 

Cet ancien résistant désignait ce qui semblait alors incongru, indécent, voire vaguement ridicule, à savoir cette montée en force des nationalistes par la propagande qui légitimait toutes ces vieilles lunes que l’on coyait à jamais éteintes. 

La prise de pouvoir des héritiers de Perrot sur l’opinion signifiait l’écrasement progressif de l’esprit de la Résistance, chacun pouvait alors s’en douter, mais cette prise de pouvoir paraissait invraisemblable.

C’était une erreur : à présent que les témoins directs sont morts, les nationalistes triomphent – l’abbé Perrot, personnage aussi nocif que son affidé Herry Caouisssin, membre du redoutable Kommando de Landerneau, fait figure de martyr, de héros de la nation, voire de saint promis à canonisation. Ainsi peut-il continuer de nuire.

Ce contenu a été publié dans Antisémitisme, Autonomisme, Bezen Perot, Bretagne, Breton, Celtitude, Censure, Conférence, Ethnisme, Ethnisme, Etnorégionalisme, FLB, Histoire, monde comme si, nationalisme, Nazisme, politique, Propagande, résistance, Terrorisme. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *