Signe de vie

Une image d’Évelyne Girardon

Tel est le message qui, tout au début du confinement, m’a été transmis par des amis qui sont sur Facebook. 

Avec ce post d’Évelyne Girardon pour viatique, je me suis lancée dans une recherche qui s’inscrit dans la suite de Sur champ de sable et je me suis souvenue de notre rencontre à Clamecy. 

C’était en 2000. La FAMDT organisait un colloque en hommage à Achille Millien, immense folkloriste qui avait été en relation avec François-Marie Luzel. J’émergeais tout juste de l’Affaire Luzel, des procès, de la thèse soutenue sous haute protection, des éditions poursuivies à un rythme effréné avec la concurrence de mon ex-directeur de thèse et de ses affidés, poseurs de bombes et autres. 

Le colloque s’intitulait De l’écriture d’une tradition orale à la pratique orale d’une écriture, et je ne mesurais pas à quel point cette problématique allait être celle de mon propre travail. Je savais simplement que, pour la première fois, l’occasion d’exposer ce qui avait été à l’origine de l’Affaire Luzel m’était offerte. Pour la première fois aussi, le débat que les procès, menaces et autres avaient tenté d’interdire avait une chance d’être ouvert, et, cette chance, j’étais bien décidée à la saisir.  

J’avais intitulé ma communication « Luzel ou le mythe de la fidélité ». Il s’agissait pour moi de montrer que la doxa faisant de Luzel (le chercheur scientifique) la caution de La Villemarqué (l’esthète) était une construction à visée politique : les nationalistes, devant, coûte que coûte, légitimer les productions de La Villemarqué à la gloire de Dieu et de la nation bretonne, ont réussi à mettre à son service celui qui avait été son adversaire le plus tenace. 

Précisons tout de suite que la doxa est plus étouffante que jamais et que cette communication n’a été suivie d’aucune autre, ma thèse étant passée sous silence et l’édition de Luzel ayant disparu (inutile d’épiloguer, voir le chapitre Censure). 

En route, alors que nous faisions halte sur une aire de repos, le téléphone avait sonné : c’était une invitation de l’Élysée d’avoir à nous rendre à un dîner avec Poutine et le président de la République. Nous avons décidé de refuser, et le colloque de Clamecy nous est apparu comme une excuse suffisante.   Il allait surtout nous donner l’occasion de découvrir les chansons collectées par Millien et, plus encore que ce disque extraordinaire, Le Pommier doux, publié en hommage à Millien (dont j’étais loin de me douter alors que je publierais le meilleur de sa collecte de contes), le répertoire d’Évelyne Girardon, parmi tant d’autres qui interprètent les vieilles chansons françaises que Nerval aimait tant. Ainsi, trésor parmi tant d’autres, « Montagne que tu es haute »…

Après avoir commencé d’explorer le répertoire de la chanson française, tel que le promettaient les disques édités par Évelyne Girardon, je me suis rendue chez mon disquaire pour lui demander ce que je pouvais trouver en complément. Il m’a conduite devant un mur couvert de productions néoceltiques, Tri Yann, Stivell, Dan ar Braz, cantiques, musiques sacrées, bombardes et orgues, tambours bretons, bagadou, bals bretons. J’ai dit que ce que je demandais, c’étaient des chansons françaises traditionnelles. Le vendeur m’a regardé d’un air supérieur :

— C’est ce qu’y a de mieux en trad. Et puis d’ailleurs… 

Et, là, le mot fatal :

— Yaksa. 

J’ai alors compris que le combat de Luzel était un combat plus actuel que jamais et que les recherches, les concerts, les disques d’Évelyne Girardon étaient un trésor qui faisaient de ce combat politique un combat pour la simple beauté, accessible à tous, dans sa fragilité. 

C’est grâce à des soutiens comme celui d’Évelyne que nos livres peuvent vivre. 

Et, en plus, elle a accepté d’enregistrer juste comme ça cette chanson que j’aime particulièrement.

Je l’avais naguère transmise à Pierre Meunier pour son spectacle contre la lourdeur des choses…

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