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Comme il fallait s’y attendre, les autonomistes bretons, stimulés par la proposition du gouvernement d’accorder l’autonomie à la Corse, se sont mobilisés pour revendiquer le même statut. Tout était prêt de longue date : les manifestations du FLB pour faire redouter des attentats, puis les discours lénifiants des bons autonomistes appelant le gouvernement à prendre des mesures pour éviter les violences… C’est ce qui s’annonçait dès la mi-mars suite à la mort de Colonna comme je le notais ici même. Mais tout a pris une dimension nouvelle, à la fois burlesque et lamentable, avec le basculement subit du conseil régional tout entier dans le camp des autonomistes. Seul le Rassemblement national a voté contre l’autonomie – difficile, en effet, de s’appeler Rassemblement national et de prôner l’éclatement de la France en ethnorégions inéluctablement vouées à prendre leur indépendance, comme on peut le voir en Catalogne ou en Écosse – et le président du groupe d’extrême droite de manifester son étonnement : « À croire que les élus RN sont les derniers républicains de cette assemblée ». Triste constat.
Le plus invraisemblable de ce coup de force, est que, alors que les autonomistes ont obtenu des scores dérisoires aux élections régionales, c’est Aziliz Gouez, élue sur la liste « Breiz-a-gleiz – autonomie écologie territoires » disposant en tout et pour tout de six sièges, qui a lancé l’opération. La redoutable Aziliz Gouez que l’on a vu apporter son soutien aux pires nationalistes du Parti breton comme aux affairistes de l’Institut de Locarn tout en œuvrant à la « réunification », vœu premier du lobby patronal breton (puisque préalable nécessaire à la création d’une nation bretonne libérée de la France jacobine). Socialiste mais soutenant la Fondation Fouéré, écologiste mais faisant advenir le projet de l’Institut de Locarn…
Nulle opposition dans les rangs des élus. À droite, le ridicule Marc Le Fur, le « député du cochon », que l’on voyait défiler affublé d’un bonnet rouge en tête des manifestants contre l’écotaxe, appelle le retour au duché de Bretagne, aux temps heureux où le parlement de Bretagne votait ses lois et ses spécificités fiscales. Il appelle à une dérèglementation générale mais limitée à ceux qui pensent pouvoir en tirer profit car, attention, ce qui est bon pour les Corses et les Bretons n’est pas bon pour les autres. « N’ayons pas peur. Toutes les régions n’ont pas vocation à avancer dans la même direction que la nôtre ». L’égoïsme des uns suppose l’abnégation des autres… Car ce qui est demandé d’abord, c’est l’autonomie fiscale, grande revendication de l’Institut de Locarn : la Bretagne est maintenant, comme la Corse, une région riche et qui ne veut plus « payer pour Paris ». Comment donc a-t-elle fait pour devenir si prospère sous le joug de l’État jacobin ? Question à ne pas poser : fini de payer pour les banlieues pleines d’immigrés, les régions sans identité. Fin de l’égalité républicaine.
Et les élus de se soumettre. Les élus de la République en marche se congratulent naturellement. La République en marche, pour aller vers où ? La réponse se précise : sa disparition. Le président socialiste applaudit des deux mains et le premier vice-président s’exclame sur un ton liturgique : « Oui à ce supplément d’âme d’une Bretagne à cinq ! ». Nantes pour supplément d’âme d’une Bretagne attendant qu’on lui livre enfin ce qui lui fait si cruellement défaut : discours de missionnaire que même la » France colonisatrice » n’aurait jamais osé tenir ? Le supplément d’âme promis par le lobby patronal qui est ici à la manœuvre ne serait-il pas surtout le supplément de pouvoir d’élus serviles ?
Ont-ils été élus sur un programme autonomiste ? Ou les Bretons sont-ils à nouveau les dindons d’une sinistre bécassinade ?
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NB : Dans le même registre, depuis le 1er avril, la langue des discours au conseil régional n’est plus le français mais indifféremment le français, le breton ou le gallo. Le président socialiste du conseil régional annonce que c’est une grande première en France et qu’il faut en être fier. En effet, près de dix conseillers régionaux sont plus ou moins capables de s’exprimer en breton ou en gallo et un poste de traducteur a été créé pour les traduire en français lorsque l’envie leur vient de s’exprimer dans leur idiome minorisé.
On pourra lire à ce sujet une lettre ouverte de Gérard Hamon au président du conseil régional – lettre qui, à ce jour, n’a reçu aucune réponse.
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Produit en Bretagne : attrape-gogo, à la tête duquel le lobby patronal breton, se servant de l’identitaire breton pour faire du business dans une logique très libérale et très peu sociale.
Les militants bretons, même de gauche, applaudissent. Doit-on s’en étonner ?
Le positionnement à gauche du mouvement breton est très opportuniste. Ce mouvement est d’abord nationaliste breton. Stratégiquement, au gré des opportunités, les nationalistes bretons adaptent leurs discours mais l’obsession nationaliste demeure. C’était mieux quand nous étions breton. Tout ira mieux dès que nous serons à nouveau bretons. Hallucinant !