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Il ne suffisait pas de la promotion du drapeau dit breton dans les supermarchés, les stades (où le « gwenn-ha-du » est distribué par milliers au frais du contribuable), les places et autres lieux où le populisme trouve à s’exercer sur le chaland sans méfiance, voilà que se présente une nouvelle occasion de diffuser une propagande nationaliste massive : la célébration de l’anniversaire de la bannière supposément inventée en 1923.
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Nous sommes bien loin de ces jours où, découvrant un « gwenn-ha-du » piqué dans un far, j’allais m’interroger sur la prolifération de ce symbole passablement sinistre : nous n’en étions alors qu’au début du phénomène et, le culte du drapeau me paraissant relever du plus pur ridicule, surtout connaissant les origines de le bannière, j’avais écrit un article ironique à ce sujet. Cet article, intitulé « Blanche hermine, noir drapeau » m’avait été demandé par les responsables d’une revue qui se prétendait alors « de débats ».
En ces temps lointains, j’étais loin de me douter que cet article allait faire de moi l’Ennemie de la nation, le grand Satan, la Femme démoniaque toute faite pour fédérer de l’extrême droite à l’extrême gauche le mouvement breton. Les réactions des lecteurs allaient m’éclairer, sans parler des déchaînements d’invectives (qui, depuis, n’ont jamais cessé, dressant le portrait de ce mouvement fondamentalement réactionnaire et machiste).
Infime numériquement, infirme idéologiquement, le dit mouvement breton n’exerçait alors qu’un pouvoir de nuisance limité, même s’il avait pu, grâce notamment à l’aveuglement sélectif de l’État français, prendre le contrôles des institutions culturelles, Institut culturel de Bretagne, Conseil culturel de Bretagne et tutti quanti.
Je n’en étais alors qu’au début de mes interrogations et, dans ma naïveté, m’indignais des hommages rendus aux grands hommes de la nation bretonne, auteurs, par exemple, de textes antisémites (textes qu’il fallait traduire mais – autre découverte – à quoi bon puisque la traduction était aussitôt censurée) et nazis jamais repentis (mais – il me restait encore à le découvrir – le rappeler relevait du « complotisme » car ces grands hommes, étant bretons, n’étaient pas nazis mais engagés dans un méritoire « combat breton » : ainsi, autre exemple, un parmi tant d’autres, le président du Conseil culturel de Bretagne défendait-il tout récemment encore un auteur comme Drezen). Le cas de Maurice, dit Morvan, Marchal, l’inventeur de la bannière nationale, rentrait dans le lot. Pas question de rappeler ses écrits : hérésie, pure hérésie ! Condamné à la Libération, oui, mais par la France jacobine, l’Ennemie, l’éternelle Ennemie, l’Ennemie de race que je me trouvais subitement, et si opportunément, incarner.
Il me restait à découvrir comment et pourquoi le kit nationaliste inventé par le groupe raciste Breiz Atao (fondé par Marchal) était massivement imposé aux Bretons et tenter d’alerter à ce propos : c’est le sujet du Monde comme si qui, paru voilà vingt ans, a été l’objet d’une censure constante en Bretagne – et, au moment où le culte du drapeau fait rage, est l’objet d’attaques renouvelées. Sans doute n’est-ce pas sans raison puisque l’enjeu pour les militants bretons, dès lors que le lobby patronal breton et les élus leur offrent tout pouvoir, est de taille : il s’agit bien d’enrôler un peuple sous bannière nationale et de le convaincre de gober la potion enivrante qui le mènera au combat pour sa libération. La potion lui est administrée jour après jour jusqu’à mithridatisation. C’est à quoi sert le culte du drapeau. Quoiqu’il soit plus ridicule que jamais, le culte du drapeau, tel qu’il est à présent officialisé, ne me semble plus du tout de nature à faire rire.
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Rappeler quelques faits face à cette opération de propagande n’est, malgré tout, pas inutile : on trouvera sur le site du Groupe Information Bretagne une petite fiche pédagogique qui peut être imprimée à peu de frais, une mise au point concernant le prétendu anniversaire du « gwenn-ha-du » et, sur le site « régionalismes.infos », un dossier de Pierrik Le Guennec appelant à réflexion. Cette réflexion pourrait être prolongée par les protestations de lecteurs qui, depuis de longues années, me font part de leurs efforts pour s’opposer à la propagande ethnorégionaliste.
Il faut louer le courage des quelques lanceurs d’alerte soucieux de résister à ce qui, plus que jamais, entraîne la Bretagne dans une dérive dont les conséquences ne sont que trop prévisibles.