Avril (suite)

 

 

Sous la protection de saint Antoine, tout s’est bien passé. Nous étions trempés mais, vu que le thème de mon spectacle était un jour d’avril sous les averses, je serais mal venue de me plaindre : nous avons trouvé abri dans la chapelle saint Antoine qui est de toute beauté. La tonalité du spectacle, prévu pour se donner en plein vent, s’est trouvée changée mais, finalement, les notes plus graves y ont gagné.

J’ai été très touchée par les commentaires des spectatrices qui étaient à côté de moi. L’une d’elle m’a dit qu’elle avait pleuré en pensant à sa mère. À certains moment aussi, j’avais envie de pleurer en voyant revenir ces petites silhouettes de femmes qui sortaient des chansons interprétées par Annie Ebrel et de mes trois femmes du bourg parties laver un jour d’avril, la femme battue qui chantait si bien les chansons d’amour et toutes ces autres héroïnes d’une saga jamais écrite…

 

 

À l’origine, je voulais intituler ce spectacle Buée parce que je racontais (sans le raconter, bien sûr) un jour de lessive, et c’est ce qu’on appelait faire la buée — expression qui est à elle seule un poème et qui contient tant d’allusions à ces jours froid où la buée entoure les paroles, à ces transparences embuées d’avril, à ce flou de la mémoire qui était mon thème essentiel. Finalement, j’y ai renoncé pour toutes sortes de raisons, et j’ai choisi Avril qui donne une tonalité plus tremblante, plus fragile et sans doute plus juste, mais quand j’ai voulu garder une image de la dernière répétition,  j’ai découvert que mon appareil photo s’était embué comme pour me laisser une image flottante, tout à fait manquée, mais plus belle pour moi que si elle avait été réussie. Merveilleuse récompense d’une vie passée à dire la beauté du manque.

 

*

 

La presse régionale était, comme de coutume, absente (à une exception près, l’an passé pour Enfance) mais j’ai eu le bonheur de découvrir un magnifique article de Véronique Hotte.

Et j’en ai profité pour actualiser un peu la page Poésie de ce site.

 

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6 réponses à Avril (suite)

  1. Françoise Nice dit :

    Bonjour Françoise,
    Laissé mon petit mot ce matin sur la page Facebook d’André Markovicz, en découvrant son récit poétique de votre spectacle :
    J’ai eu l’âge de cette enfant, j’étais une petite citadine en vacances à la campagne.
    Lundi: “On va laver”: j’ai entendu et vu la buée, les femmes du village qui descendaient au lavoir installé à la lèvre du ruisseau. Leur labeur forcené, un combat avec les éléments, le feu, l’eau et l’air, et le savon et sa mousse, leur savoir-faire efficace, leur conversation libre et franche. Une marmite bouillait, elles frottaient les linges sur la planche à lessiver, elles tordaient et essoraient, elles causaient dans un nuage de vapeur. Puis remontaient au village avec tout leur attirail, poussant leurs brouettes lourdes de linge humide, de secrets et de ragots. Ces vigoureuses étaient impressionnantes pour la petite fille encore bien lisse, bien repassée, que j’étais. Merci à vous, à André Markovicz, Annie Ebrel, Hélène Labarrière de réveiller ces souvenirs. Ecume.En attendant le livre et le spectacle.

    • Françoise Morvan dit :

      Je suis vraiment contente que ces poèmes soient l’occasion d’un vrai partage. Et quel beau texte ! J’ai eu l’impression de revoir mes laveuses par les vôtres. Un grand merci !
      Françoise

  2. sara oudin dit :

    J’étais là… Et j’ai retrouvé le si beau mot de mon enfance, ce lieu magique sur les terrasses ou dans l’arrière-cour des maisons, interdit aux enfants pour cause de feu permanent (et de propos indécents) : « buanderie ». Merci à vous pour ce moment.

  3. Jean-Marie Henry dit :

    C’était vraiment un beau spectacle. La paix de cette chapelle, la contrebasse inspirée d’Hélène Labarrère et la belle voix d’Annie Erbrel faisant écho à celles de Pasternak et de la pré-adolescente que vous étiez. J’ai trouvé particulièrement émouvant le moment où André Markowicz explique avec passion les mystères de la traduction…un peu comme un poème dans le poème… Merci.

    • Françoise Morvan dit :

      Merci à vous d’être venu ! Dommage que nous n’ayons pas pris le temps d’échanger à propos du spectacle et d’autres sujets.
      Amicalement,

      Françoise

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