Pourquoi ai-je choisi de faire entendre la petite voix tremblante de Marguerite Philippe enregistrée sur rouleau de cire ? C’est que j’imagine cette journée de juillet 1900 : cette mendiante infirme qui se place devant les messieurs savants et qui chante sans connaître la fatigue, les laissant épuisés (comme le raconte Luzel à propos de l’une de ces rencontres). Au moment où le Barzaz Breiz est promu comme authentique expression de la voix populaire, ce minuscule fragment est comme un grain de sable dans l’énorme machine néoceltique à l’œuvre actuellement. Presque rien, mais une manière de protester quand même.
Je regrette de ne pas avoir pu terminer le livre que je comptais consacrer à Marguerite Philippe et que le combat contre les nationalistes a fait tomber aux oubliettes comme tant d’autres — et tel était bien d’ailleurs le but recherché : Roparz Hemon et ses héritiers ont toujours écrit en haine du peuple. Mais la chanson populaire est aussi une force de résistance (c’est ce que nous avons vu, André Markowicz et moi, en traduisant nos Anciennes complaintes).