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Quelle étrange aventure ! Comme je l’annonçais le mois dernier, en clôture du Festival d’Avignon (qui, cette année, met l’Angleterre à l’honneur), Tiago Rodrigues a choisi de donner la dernière représentation de sa pièce By Heart – au cours de laquelle les spectateurs sont invités à apprendre par cœur le sonnet 30 de Shakespeare – et, pour la première et la dernière fois, avec ma traduction et non celle, en alexandrins, qu’il avait jusque alors dû adopter, faute de traduction française qui respecte la forme du sonnet anglais.
Le spectacle se donnera dans la Cour d’honneur le 25 juillet.
Comme en guise d’introduction, le dimanche 23 juillet à 20 h 30, avec Matthew Vanston, à la Scala Provence, 3 rue Pourquery de Boisselin (salle La Scala 60) nous ferons entendre, André Markowicz et moi, un choix de ces sonnets en français et en anglais (première au monde). Un immense merci aux étudiants du Conservatoire d’art dramatique de Paris qui m’ont permis de revoir mon choix… Il s’agit d’une lecture libre et l’entrée sera libre.
Dans la foulée, le lundi 24 à 17 h en compagnie de Laurent Lombard, au cloître Saint-Louis, sous l’intitulé « Traduire les sonnets de Shakespeare : une aventure inépuisable », nous expliquerons ce qui nous a amenés à traduire les sonnets de Shakespeare en inscrivant cette traduction dans une autre aventure (que nous espérons, elle aussi, inépuisable), celle de la création des éditions Mesures qui nous ont permis de publier ces sonnets.
Bonjour Madame,
Au risque de vous surprendre, je n’apprécie pas les traductions de l’anglais vers le français qui « respectent » les « formes ».
On est contraint de choisir : la forme ou le fond. Je crains qu’en favorisant la forme, le fond se trouve dépossédé de sa poésie, de son rythme et de sa portée.
Bonjour,
Je ne suis pas du tout surprise par votre message qui expose exactement la croyance universelle en France où les traducteurs sont invités à considérer que tout texte est constitué de deux entités distinctes : le fond et la forme. La tâche du traducteur consiste à placer la forme à gauche et le fond à droite. Une fois la forme mise de côté, le traducteur peut se consacrer à traduire le fond qui seul importe. Ainsi François-Victor Hugo traduit-il naturellement en prose les sonnets de Shakespeare ; le fait qu’il s’agisse de sonnets lui est totalement indifférent ; le fait que le sonnet réduit en prose raconte une histoire sentimentale que personne n’aurait l’idée de mémoriser n’a pas d’importance, pas plus pour lui que pour des traducteurs contemporains qui parfois font le choix d’aller à la ligne pour donner l’impression que cette prose est du vers libre. Ils accomplissent somme toute l’exercice demandé à tous les candidats aux concours – un exercice qu’ils continueront docilement de pratiquer, et c’est ainsi qu’une méthode s’impose comme allant de soi.
Cependant, un texte est une unité organique et s’imaginer que le rythme et la poésie d’un sonnet se trouvent dans le fond une fois la forme éliminée relève d’une croyance partout partagée, voire imposée, en France mais ni les traducteurs russes ni les traducteurs allemands, tchèques ou portugais n’envisageraient de traduire un sonnet en éliminant préalablement la forme du sonnet. Que resterait-il d’un sonnet de Ronsard mis en prose ou en vers faux ? Il n’y a pas lieu de favoriser la forme. C’est juste une donnée parmi d’autres, et elle ne peut pas être éliminée sans porter atteinte au sens de l’ensemble.
Cordialement,
Françoise Morvan
Merci Françoise pour cette si juste réponse
Le sonnet 116 posté ce jour sur la page fb d’André Markowicz en est un exemple parfait : le sens – le fond – n’y est absolument pas soumis au plus que parfait de la forme, j’adore cette traduction et bien d’autres, puisque j’ai la chance et l’honneur de faire partie des abonnés de votre maison Mesures
Bonne journée et bon accueil au Festival d’Avignon
Eve Cz
Un grand merci !