Lettres sur cour à Vienne

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En octobre dernier, nous devions participer au festival Lettres sur cour à Vienne, André Markowicz et moi, pour parler du Maître et Marguerite et des éditions Mesures, et j’avais compris que la librairie Lucioles organisait en même temps des rencontres dans des classes sur la poésie pour enfants, autour de la collection Coquelicot. Puis tout avait été annulé par le confinement et reporté en juin si le festival pouvait avoir lieu. 

Grâce à la ténacité des organisateurs, qui ont accompli un travail exceptionnel pour faire face à des circonstances exceptionnelles, le festival a bien pu avoir lieu. Et il est apparu que je n’avais rien compris au projet pour ce qui me concernait : il ne s’agissait pas de faire découvrir des poèmes mais des contes russes à quatre classes allant de la maternelle au CM2. Panique à bord ! D’autant que la lecture devait être accompagnée par un musicien que je ne connaissais pas. J’avais bien, non pas traduit mais adapté un conte russe illustré par Nathalie Parain, Baba Yaga… 

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et aussi  P’tit-gars-P’tit-doigt illustré par Étienne Beck… 

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Par la suite, j’en avais écrit deux d’après Afanassiev pour accompagner les pastels d’Étienne Beck, lequel, passionné par les contes russes, avait choisi, d’abord l’étrange conte que j’ai baptisé Le Kraspek

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… puis cet extraordinaire Alionouchka qui met en scène une jeune fille prête à triompher des pires brigands.

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J’avais donc de quoi faire, mais le problème était qu’il fallait lire alors que, selon moi, le conte se dit et ne se lit pas. Il fallait lire et surtout il fallait trouver des contes qui ne soient pas trop compliqués ou trop effrayants pour les petits. Or les contes russes sont très cruels. Après avoir revu tous ces contes, j’ai fini par décider de m’en tenir à Baba Yaga – mais je n étais pas au bout de mes peines car la version de Teffi illustrée par Nathalie Parain comportait des incohérences qui rendaient le conte difficile à comprendre et j’ai vite constaté qu’ il fallait le réécrire. 

Par chance, j’ai soumis le conte au musicien, Jean-Louis Cuenne, qui m’a dit qu’il convenait parfaitement pour les quatre niveaux et qu’il se chargeait de l’accompagner, pas du tout avec des instruments russes, mais avec des instruments venus du monde entier. Et c’est ce qu’il a fait magnifiquement. Accompagner la poursuite de la Baba-Yaga par la boîte à tonnerre était une vraie trouvaille, et je peux dire que Jean-Louis mérite bien son nom de peintre sonoreLes enfants ont été passionnés par ces instruments mystérieux et ils ont écouté avec une attention impressionnante. 

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Quatre belles rencontres dans ce lieu magique qu’est la Cour du roi Boson, pour la première fois mise à disposition du festival, et une expérience très intéressante pour moi car si, au début, j’ai lu puisque je pensais que c’était ce qui m’était demandé, au fil du temps, le conte a pris vie et je n’ai plus eu recours au texte écrit, ce qui a été une amélioration considérable : un conte s’intériorise et ne relève pas du domaine de la lecture. Et, d’autre part, le conte obéit à des règles qui ne se transgressent pas sans lui faire perdre sa cohérence : l’exemple de Teffi est parlant ; étrangère au domaine du conte, elle rédige un texte qui a du charme mais qui est du faux conte, comme, hélas, il y en a tant. Ce qui n’empêche pas l’album illustré par Nathalie Parain d’être magnifique, et il est heureux qu’il ait été réédité après avoir été si longtemps épuisé. Il faut rendre hommage au libraire, Alain Bélier, qui pour la librairie Lucioles avait rassemblé tous ces livres de contes et ceux de la collection Coquelicot : c’était la première fois que ces livres étaient présentés ensemble, et comme un ensemble, ce qui montrait leur cohérence. 

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Et ce n’était pas tout : il restait à présenter Le Maître et Marguerite, objet premier de nos rencontres, et les éditions Mesures. Là, nouvelle découverte, une rencontre dirigée de main de maître (c’est le cas de le dire) par Michel Bazin, le fondateur de la librairie Lucioles, et non moins magistralement accompagnée par le quatuor Le chant des anches. Nous avions peur de ne pas savoir nous accorder avec les musiciens mais nous avions bien tort, car c’était un magnifique contrepoint. Et nous avons pu rencontrer nos lecteurs avant qu’Alexis et Matheo Ciesla, Anita Pardo et Jean-Luc Brunetti poursuivent la rencontre par un concert qui nous a donné l’impression de poursuivre un voyage mélancolique et joyeux bien digne de Boulgakov. 

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