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Caroline, Morgane, Corentin, Adrien, Claire, Haïla, Mathilde, Victoire, Alexandre, Peio, Cyril, Alexandra, Margot, Étienne, Mathias, Lucas
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À l’idée d’ouvrir les premiers cours de la nouvelle promotion d’élèves de l’école du Théâtre du Nord à Lille (seize étudiants retenus sur plus de huit cents candidats), je n’ai bizarrement éprouvé aucune émotion, pas une ombre de l’angoisse du bon enseignant à l’instant d’inaugurer un cursus décisif, pas un soupçon du trac si nécessaire au passage de la ligne… Il s’agissait de lire La Mouette et, à partir de cette lecture, d’essayer de comprendre ce qu’est la lecture d’un texte de théâtre, un texte pensé en situation, dans l’espace et le temps, avec les non-dits qui l’irriguent — bref, ce que nous avons essayé de traduire en traduisant Tchekhov, et plus particulièrement La Mouette (puisque la version originale que nous avons mise au jour est si différente de la version académique). Une seule préoccupation m’habitait : nous avions passé quatre heures pour l’ouverture de l’école de traduction du CNL à lire deux pages et encore n’avions-nous pas terminé la lecture de ces deux pages… Comment allions-nous faire en une semaine pour lire toute la pièce ?
Eh bien, nous avons lu six pages en tout et pour tout, et nous avons posé des questions si passionnantes que nous en sommes tous restés pantois — hélas, pourquoi ne pas avoir pensé à faire une captation de ce premier cours ? Nous pensions que prendre des notes ne servait à rien car le théâtre est précisément ce qui échappe aux notes de cours mais, par moments, les notes permettent de capter des moments essentiels… Il serait intéressant de faire une lecture de La Mouette à partir de la confrontation de ces notes prises à partir de ce qui était tout sauf un cours : une découverte commune, poursuivie ensemble d’un texte que nous pensions connaître (et que, de fait, je m’en suis rendue compte à cette occasion, je connais par cœur) mais qui soudain prenait vie par la simple attention qui lui était portée sans autre souci que de l’interroger sans prétention, sans préjugé, sans souci de faire triompher telle interprétation ou telle autre. Et dire qu’après tant d’années, j’ai seulement compris soudain de quoi mourait Sorine, pourquoi les chiens hurlaient, et autre détails apparemment sans importance et qui font toute la trame de la pièce… Tchekhov a disposé une poussière de menus détails, d’indices fragiles, qui peuvent très bien ne pas être vus et qui sont pourtant là, comme la trame des motifs stylistiques… non perceptibles et pourtant perçus.
J’ai commencé à me livrer à un travail de transcription de la lecture de ces premières pages de La Mouette mais il faut des heures pour simplement rendre sensible ce qui se joue en quelques instants. Et c’est précisément ce que nous avons compris ensemble.
Il y faut du temps et néanmoins, je m’apprête à apporter un troisième chapitre à la rubrique La Mouette de ce site.
Et je suis particulièrement contente d’avoir demandé aux étudiants s’ils voulaient bien que je fasse un portrait d’ensemble avant de partir à regret prendre mon train : chacun y est ce qu’il est et j’ai eu l’impression en voyant cette image d’entendre la voix de chacun, avec ses commentaires, ses interrogations, sa manière de percevoir le monde…
(À suivre…)