Prix de traduction et plagiat

Remise du prix à la SACD

Constatant que nos traductions sont exploitées plus ou moins travesties par des metteurs en scène ou des auteurs qui les font passer sous leur propre nom et touchent ainsi les droits, nous avons tenté de poser le problème et de chercher des solutions. 

En 2011, nous avons rédigé une communication intitulée « Traduction théâtrale et plagiat » pour le colloque Mise en scène et droit d’auteur, sous la direction de Sophie Proust. S’en est suivi un débat lui-même suivi d’échanges avec les plus hautes instances de la SACD. Sans succès.

En 2015, un metteur en scène ayant fait passer une de nos traductions de Tchekhov sous son nom, plutôt que d’assigner et d’interdire le spectacle, nous avons préféré signer un protocole d’accord et nous avons à nouveau tenté d’alerter sur le problème du plagiat. L’article « Tchekhov-remix », publié par André Markowicz dans la revue de l’Association des Traducteur littéraires de France (ATLF) et largement diffusé, n’a provoqué aucun changement, aucune prise de conscience des tutelles, des critiques, des acteurs, des spectateurs ainsi abusés. 

Voilà peu, nous avons appris que la SACD nous décernait son prix de traduction. Or, le sujet du plagiat au théâtre est plus que jamais d’actualité car il se pratique au grand jour, en toute impunité.. Il nous a donc semblé que le moment était venu de poser publiquement le problème. La cérémonie ne s’y prêtait pas mais nous avons rédigé une lettre ouverte que nous avons décidé de remettre à la SACD, à la SGDL et à l’ATLF avant de la mettre en ligne. La voici. 

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LETTRE OUVERTE À LA SACD

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Mesdames, Messieurs, 

Nous vous remercions de nous avoir décerné le prix de la traduction et/ou adaptation de la SACD. Comme nous sommes associés pour ce prix, nous supposons qu’il récompense prioritairement notre travail de traduction du théâtre de Tchekhov. 

Nous voudrions à cette occasion vous faire part de nos observations : le fait de considérer que traduction et adaptation sont équivalents voire interchangeables est un contresens dont les conséquences sont lourdes. La traduction est tout sauf une adaptation ; elle est le contraire absolu de l’adaptation. Nous n’avons pas adapté les pièces de Tchekhov, nous les avons traduites en essayant d’être aussi précis que possible et en nous gardant de toute adaptation au goût français, au goût du public, aux convenances actuelles ou autres visées possibles visant à transformer le texte. 

Cette confusion entre traduction et adaptation a pour conséquence un laxisme amenant à autoriser le détournement du texte : le premier metteur en scène venu peut s’emparer d’une traduction, la mettre à sa sauce, faire jouer cette « adaptation » et percevoir les droits. C’est de cette confusion que dérive le problème que nous soumettons depuis des années, à savoir le problème de la contrefaçon. 

Au moment où nous recevons ce prix, nous sommes victimes de plagiats répétés. Faute de soutien de la SACD, nous nous sommes vus contraints de nous lancer dans une procédure. Or, et c’est ce sur quoi nous voulons attirer l’attention, la procédure pour contrefaçon au théâtre fait que, quoi qu’il advienne, le plagié sera deux fois victime : il lui faudra, en plus d’être blessé par les falsifications des plagiaires, perdre beaucoup de temps et d’argent pour établir la preuve du plagiat (payer un avocat pour qu’il soumette une requête au président du tribunal qui mandate un huissier, puis engager une procédure…). Et ce alors que les solutions pour résoudre ce problème seraient simples à mettre en œuvre. 

Nous souhaitons que la SACD, la SGDL et l’ATLF se concertent pour permettre enfin de lutter contre le plagiat. Ce serait la meilleure façon de promouvoir la traduction, de soutenir le travail des traducteurs et de nous permettre de prolonger notre travail de traduction de Tchekhov. 

Puisse ce prix être l’occasion d’alerter sur un problème qui va s’aggravant au fil des années et qui a lui-même de lourdes conséquences. 

                                                       André Markowicz et Françoise Morvan 

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