Sois moi et je serai toi

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Je viens de recevoir le dernier volume de la grande édition des albums de Maurice Sendak jusqu’alors inconnus en français entreprise par les éditions MeMo (c’est mon douzième album, avec Presto et Zesto au Limboland traduit pour les éditions l’École des loisirs). 

Rédigé par Ruth Krauss, Sois moi et je serai toi (I’ll Be You and You Be Me), paru en 1954, fait suite à trois albums que j’ai traduits ces derniers temps, Ouvrir la porte aux papillonsUn trou, c’est pour creuser et Une maison très spéciale. 

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Pour Sois moi et je serai toi, Ruth Krauss a repris la même méthode que pour Ouvrir la porte aux papillons et Un trou, c’est pour creuser : proposer aux enfants de répondre à des questions afin de donner ce qu’elle appelle des « définitions premières ». Le thème choisi est ici l’amour et l’amitié. Ruth Krauss ne se contente plus de donner des définitions abruptes dont la poésie est merveilleusement captée par Sendak : les réponses se donnent sous forme de conte, de récit, de pièce de théâtre, de chanson…

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Il ne s’agit bien sûr pas d’albums à lire ou donner à lire aux enfants mais à feuilleter avec eux pour engager une réflexion ou une rêverie ensemble : une initiation à la méditation philosophique qui n’oublie jamais la part de l’humour. 

L’éditeur a fait, cette fois encore, un beau travail graphique. On regrette juste que l’agent américain ait (comme de coutume) interdit que le nom du traducteur figure en couverture pour ne pas polluer l’original — l’éditeur a juste eu le droit de le mentionner en page intérieure (une page d’ailleurs remarquablement élégante, même parasitée par un odieux nom de traducteur)…

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…et qu’il ait interdit en plus cette fois-ci qu’un petit texte en quatrième de couverture explique le thème de cet album atypique. Ce qui avait été accordé pour les trois albums précédents été refusé pour celui-ci, qui aurait pourtant plus que les autres exigé quelques mots d’explication.

Il est à craindre que ce chef d’œuvre de Sendak ne disparaisse, faute de relais dans les médias, son propos risquant de dérouter : au lecteur de comprendre par lui-même que ce livre est un appel à inciter les enfants à réfléchir et donner leurs propres définitions… Mais il est vrai que plusieurs libraires rencontrés au cours de ces derniers mois m’ont fait découvrir en bonne place Ouvrir la porte aux papillons qu’ils présentent comme un petit secret à partager.

Attendons de voir…

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Rencontre à Orléans

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Rencontre à la librairie Les Temps modernes à Orléans aujourd’hui à 17 heures autour des éditions Mesures.

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La librairie Les Temps modernes est la dernière librairie littéraire d’Orléans, la dernière librairie indépendante, et le résultat d’une passion transmise de mère en fille puisque Sophie a pris le relais de Catherine (la fille de Jean Zay), qui a ouvert la librairie en 1964 et qui, la première, a eu l’idée d’organiser des rencontres pour faire vivre le livre : la salle, à l’étage, était plus que pleine puisque des personnes ont dû rester dans l’escalier. Un public chaleureux, amical, et, mieux encore, complice… Beaucoup de questions sur la traduction, mais aussi sur les relations de la traduction et de l’écriture personnelle, autant dire ce qui nous a amenés à créer les éditions Mesures (en souvenir de la revue de création disparue avec l’Occupation comme s’il n’y avait plus de place pour la volonté d’ouverture et de libre recherche qui l’avait portée). Rien que pour de semblables rencontres, créer ces éditions valait la peine (si toutefois c’était une peine). 

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Coquelicot à l’école

Première séance de travail à la maternelle et à l’école primaire Jules Vallès : toute l’année, les enfants vont travailler sur les poèmes de la collection Coquelicot publiés aux éditions MeMo. Et les deux volumes suivants vont paraître en mars…

Avec Gaëlle Hermant, qui va mettre les textes en scène en compagnie de Viviane, la musicienne, nous avons lu La Saga des petits radis : au bout d’une heure, les enfants de CE1, et aussi bien ceux de maternelle, étaient capables de scander le rythme, de trouver les rimes et de réciter le début de cette fable en en donnant, qui plus est, la moralité…

C’est un travail collectif organisé par le Théâtre Gérard Philippe en relation avec l’école du quartier — merveilleuse manière de faire entrer la poésie à l’école et de lier le théâtre et les familles.

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La rue Drezen (enfin) débaptisée

Il aura fallu vingt ans pour que les protestations contre les hommages rendus à Youenn Drezen aboutissent à Pont-l’Abbé…

Le dossier que j’avais constitué en 1999 pour diverses associations était resté lettre morte, comme les traductions de textes antisémites de Drezen remises tant à la mairie de Pont-l’Abbé qu’à l’Institut culturel de Bretagne qui les avait subventionnés et à l’Université de Rennes où exerçait le professeur Per Denez qui avait réédité ces textes racistes en les présentant comme louables. On peut lire en ligne ce dossier (« Le racisme et l’antisémitisme de Youenn Drezen »)

L’université, ainsi informée, a publié un recueil d’hommage à Per Denez, préfacé par Edmond Hervé, dûment informé lui aussi, et qui allait placer cet amateur de textes antisémites à la tête de son Comité à l’identité bretonne (auquel on devrait par la suite des hommages à Xavier de Langlais, Creston, et autres Seiz Breur collaborateurs des nazis).

Il y a, bien sûr, une rue Youenn Drezen à Rennes, où la municipalité a baptisé tout un quartier en faisant alterner nazillons et résistants. L’identité bretonne telle qu’elle est promue prête au cynisme.

Il faut d’autant plus saluer la décision courageuse du maire de Pont-l’Abbé et la ténacité de Daniel Quillivic qui a produit tout un travail d’information — ce qui leur vaut, comme il fallait s’y attendre, campagne de haine, harcèlement et menaces de mort. Rien que de banal.

On pourra lire ici une nouvelle page à ce sujet sous le titre « L’affaire Drezen ».

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Eugène Onéguine rediffusion

France Culture rediffuse dimanche à 21 heures l’adaptation d’Eugène Onéguine que nous avions enregistrée à Nîmes en 2005. J’y faisais mes débuts dans le rôle de Tatiana, avec André Markowicz, Daredjan, sa mère (qui connaît par cœur les 6 500 vers du roman), Éric Elmosnino et Denis Podalydès.

L’émission pourra ensuite être écoutée et téléchargée pendant un an.

Et il est même possible d’entendre la version intégrale, enregistrée pour les éditions Thélème.

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Bonne année !

Bonne année à tous !

Et, pour commencer, merci aux lecteurs et amis qui viennent de m’annoncer qu’après l’émission d’Adèle Van Reeth sur Platonov l’émission sur La Cerisaie sera rediffusée demain mardi à 10 heures sur France Culture.

Vous pouvez réécouter et télécharger l’émission pendant un an…

Et vous pouvez aussi consulter ici le dossier sur Tchekhov.

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Tchekhov sur France Culture

Aujourd’hui, rediffusion de l’émission d’Adèle Van Reet sur Platonov. Il est aussi possible de l’écouter en ligne.

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Réécriture de l’histoire : Monjarret reblanchi

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Le cynisme est plus que jamais de mise dès lors qu’il s’agit de blanchir les nationalistes bretons qui furent d’ardents collaborateurs des nazis. 

On ne peut pourtant pas dire que dans le cas du fondateur du Festival interceltique, Polig Monjarret, les protestations contre la réécriture de l’histoire aient fait défaut. 

— Le maire d’une commune du Morbihan ayant voulu donner le nom de Monjarret à un collège, de nombreuses associations se sont mobilisées et m’ont demandé de rédiger une brochure de synthèse sur le cas Monjarret. Cette brochure a été diffusée, étudiée, débattue par les élus qui, pour finir, ont refusé l’attribution de ce nom. Elle est lisible en ligne. 

LE CAS MONJARRET

— Lorsque les élus de la municipalité de Guingamp, qui avaient été convaincus par des militants nationalistes de l’UDB (puisque ces autonomistes « de gauche » soutiennent des nazis) de donner son nom à une rue, ont été informés, après mûre réflexion, ils ont voté contre. Ces débats ont été rendus publics et exposés sur le site du Groupe Information Bretagne

— Pour ceux qui n’auraient pas le courage de se plonger dans l’étude, il faut bien le dire rebutante, du cas Monjarret, j’ai donné une brève synthèse de son itinéraire. 

— Par la suite, les connaissances sur ce personnage (qui se faisait passer pour déporté quand il était parti retrouver les SS du Bezen Perrot en fuite en Allemagne) ont permis de donner la mesure de son ignominie. Même les historiens stipendiés pour donner une histoire revue et corrigée de l’histoire du nationalisme breton sont contraints de voir en lui un collaborateur de la première à la dernière heure. J’ai mis sur ce site un article rédigé à partir des archives. 

— À Guingamp, je me suis trouvée face à une meute de militants qui entendaient m’interdire de parole au motif qu’il fallait coûte que coûte promouvoir Monjarret. En tête de cette manifestation, l’actuel député macroniste Yannick Kerlogot et les responsables du centre culturel breton, devenu Ti ar Vro, et plus grassement subventionné que jamais.  

Cela donne la mesure du fanatisme de ces partisans d’une cause bretonne que Monjarret incarne toujours. 

Cela donne aussi la mesure de l’importance de ce personnage que l’on pourrait juger simplement grotesque : le « général des binious », partisan de la défense de la « race bretonne » et apôtre de l’interceltisme comme arme contre la France, a celtisé la musique bretonne pour la nettoyer de ses influences françaises et en faire une arme dans le combat national breton. Il a opéré sur le terrain de la musique ce que Roparz Hemon, autre fanatique nationaliste et collaborateur des nazis, avait opéré sur le terrain de la langue. Avec la cornemuse et le breton surnifié, l’hymne et le drapeau, la Bretagne peut trouver place dans le concert des nations celtiques vouées à prendre leur indépendance. 

Le combat national imposant ses lois, ni les appels à vigilance ni le travail d’information n’ont la moindre importance. Un film à la gloire de Monjarret est en train d’être réalisé. Son réalisateur explique que Monjarret, blanchi à la Libération, peut être reblanchi sans ombre de scrupule.

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La réécriture de l’histoire se donne désormais sans complexes pour ce qu’elle est : une affabulation, un tour de passe-passe, quelque chose comme l’universel baiser Lamourette offert aux bons Bretons pour qu’ils soient fiers d’être bretons. On leur a concocté du bagad, à eux de suivre. 

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Et voici en prime, tel que mis en ligne par la Cinémathèque de Bretagne, un film tourné par une télévision allemande soucieuse de montrer une Bretagne peuplée de vrais Bretons au cœur plein d’amour pour la Bretagne. Monjarret, rappelons-le, exfiltré en Allemagne par les nazis, était parti en famille, avec sa femme Zaig, sa sœur qui avait épousé Le Voyer, l’inventeur du bagad, la troisième des sœurs Le Foll ayant épousé un SS du Bezen Perrot. Voici donc une chanson d’amour interprétée par Zaig au retour  de leur « déportation ».  

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Ceux qui n’aiment pas ça sont « antibretons ». 

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Le film à la gloire de Monjarret s’est révélé aussi pitoyable que tendancieux mais a circulé et continue de circuler partout en Bretagne. La propagande en faveur des militants nationalistes collaborateurs des nazis se double dans le même temps d’une censure de plus en plus oppressante. Un exemple le montrera mieux que de longues démonstrations : l’interdiction à Callac du film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance, qui, au contraire, étudie l’enrôlement de militants nationalistes bretons sous uniforme SS (et évoque le rôle de Monjarret en Allemagne auprès de ces SS). Le navet sur Monjarret a pu être diffusé sans problème. Le film de Vincent Jaglin (Grand prix du documentaire d’histoire à Blois) a été interdit. C’est ainsi que se fabrique la culture bretonne.

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Joyeux Noël quand même !

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On a beau dire, c’est du souci…

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Note de lecture sur « Brumaire »

Une belle note de lecture vient d’être publiée par Hugues Robert sur le site de la librairie Charybde

Il me semble qu’elle entre en résonance avec le texte qui m’avait été demandé pour présenter le volume et qu’elle en est le meilleur prolongement.

Rien n’est plus précieux que le cercle des amis inconnus.

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