Colloque

Le 14 juin à 9 h 45, amphi Beauvoir, à l’Université de Rennes 2, a lieu la première rencontre autour des éditions Mesures lors du colloque Expérience et partage du sensible dans l’enseignement de la littérature organisé à l’initiative de Nathalie Brillant-Rannou.

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Extrême gauche et terrorisme

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On se souvient peut-être du vol de dynamite dans une carrière de Plévin, près de Carhaix, en vue de commettre des attentats : les nationalistes bretons s’étaient associés avec des nationalistes basques pour s’emparer de près de neuf tonnes d’explosifs, onze kilomètres de cordon détonant et quelque six mille détonateurs. De quoi faire… 

En effet, la dynamite allait tuer une jeune femme à Quévert, dix-huit personnes en Espagne, et encore les risques de tuer lors de divers attentats n’ont-ils pas été pris en compte. Peu après, une partie de la dynamite fut retrouvée çà et là, notamment parce que certains terroristes, n’ayant pas prévu le poids des explosifs, avaient dû abandonner leur 4L de location, puis parce que l’un d’entre eux, Denis Riou, qualifié de « chef de l’ARB » (Armée révolutionnaire bretonne), décida soudain, sans doute pour amadouer le juge Thiel, d’en restituer quelques kilos. Plusieurs tonnes sont toujours dans la nature.

Enfin au terme d’un long procès, cinq Basques et neuf Bretons furent condamnés. Tous se présentaient comme des victimes de l’État français et, assistés d’une équipe d’avocats bien payés, n’eurent de cesse de faire condamner les journaux portant atteinte à la présomption d’innocence ou à la vie privée, de saisir la Cour européenne des Droits de l’homme, de faire intervenir Amnesty international, de mener campagne parce que l’un avait du diabète et l’autre des migraines, de constituer des comités de défense des « prisonniers politiques bretons », des « collectifs de femmes » protestant contre le manque de douceur des arrestations, et des pétitions, des lettres ouvertes, des campagnes de presse… Il suffit de parcourir l’article Affaire de Plévin sur Wikipédia pour constater que la victimisation occupe l’essentiel des chapitres, à peu près exclusivement appuyés sur les productions des militants nationalistes et de leurs historiens appointés, avec à leur tête Charlie Grall, journaliste (c’est-à-dire en charge de l’hebdomadaire nationaliste Breizh-infos avec Martial Ménard, autre terroriste) lui-même condamné dans le cadre du procès des militants basques et bretons. 

En 2000, Grall fut le seul à refuser de condamner le meurtre de la jeune femme assassinée à Quévert. Il continue de militer auprès du maire de Carhaix, Christian Troadec et d’exposer les vertus de son louable « combat breton ». 

De même, les journalistes Arnaud Vannier et Solenn Georgeault (désignés comme journalistes car ils collaboraient au mensuel Bremañ dirigé par la militante nationaliste Lena Louarn) ont-ils constamment été présentés comme des victimes, persécutées par une justice aveugle. Lena Louarn, qui a été nommée vice-présidente du Conseil régional sous le règne de Le Drian et continue d’officier pour le breton surunifié dans toute la Bretagne, savait parfaitement à quoi s’en tenir sur les options idéologiques de Solenn Georgeault qui était membre d’Emgann, parti indépendantiste considéré comme la vitrine du FLB. Par la suite, Vannier a été recyclé par Patrick Le Lay (qui d’ailleurs se qualifie lui-même de nationaliste breton, assurant qu’il n’est pas français). Il a pu continuer de militer pour le parti indépendantiste Breizhistance (issu d’Emgann)… L’histoire du terrorisme breton fait l’objet de films subventionnés par le Conseil régional qui sont l’occasion de réécrire l’histoire en donnant l’occasion aux terroristes d’exposer leur dévouement à la juste cause de la libération de la Bretagne : les documentaires produits officiellement ont ainsi pour effet de relayer les productions nationalistes en banalisant l’usage de la violence au service d’une idéologie délétère.

En ces années-là, et d’ailleurs suite au travail d’information que j’avais, contre vents et marées, et en dépit des menaces de mort, décidé de poursuivre, il s’est trouvé des journalistes pour essayer de rompre l’omerta. Ainsi Éric Conan dans L’Express Mais ces rares tentatives sont restées lettre morte, enlisées dans le magma du consensus régionaliste forcément louable quoi qu’il recouvre.  

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Je rappelle ces quelques faits pour illustrer la manière dont des militants nationalistes (qui, par ailleurs, aussi bien dans Breizh-infos que dans Bremañ, faisaient l’apologie de nazis, voire de Waffen SS membres du Bezen Perrot) ont constamment obtenu le soutien de l’extrême et de l’ultra gauche. Et ce, sur la base d’un confusionnisme soigneusement entretenu et paré de l’aura des combats romantiques (ainsi, pour s’en tenir à un exemple, le journal Breizh-infos a-t-il donné lieu à un site d’extrême droite identitaire qui n’hésite pas à donner la parole à des terroristes fiers de leur combat : du FLB aux Bonnets rouges et aux Gilets jaunes, la même lutte se poursuit, déclare l’un d’entre eux qui, devenu boutiquier spécialisé dans le business néoceltique, donne pour sa meilleure vente l’autocollant du FLB — peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que le sigle du FLB est une création du nazillon Yann Goulet, qui l’avait initialement dessiné pour les Bagadou Stourm et, faute d’imagination mais non sans constance, lui fit reprendre du service pour le FLB ). 

Il n’était donc pas surprenant de voir, la semaine dernière, des intellectuels venir au secours du chef de l’ETA Josu Urrutikoetxea (alias Ternera) : Alain Badiou, Toni Negri mais aussi Jean-Luc Nancy et Jacques Rancière et, plus étonnant, Étienne Balibar, ont publié dans Libération une tribune pour soutenir l’infortuné Ternera comparé à Mandela et digne de toutes les indulgences.  

Or, chose rare, il s’est trouvé des personnes pour prendre le risque de protester. On m’a demandé d’apporter mon soutien à cette protestation, ce que j’ai fait. 

En voici donc le texte, qui peut être lu en ligne sur le site de Libération.

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En soutien aux victimes de Josu Urrutikoetxea

Par un collectif — 5 juin 2019 à 20:26

Soutenir celui qui fut le chef d’ETA quand l’organisation basque commettait de nombreux attentats, c’est nier la réalité du terrorisme et piétiner la mémoire des victimes.

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 En soutien aux victimes de Josu Urrutikoetxea

Tribune. Dans Libération du 31 mai, Alain Badiou, Etienne Balibar, Thomas Lacoste, Jean-Luc Nancy, Toni Negri et Jacques Rancière signent une tribune intitulée : «En soutien à Josu Urrutikoetxea». Elle pourrait prêter à rire si elle ne réveillait pas l’histoire de crimes tragiquement absurdes et inutiles.

Ces signataires n’ont en effet pas honte de comparer implicitement l’Espagne démocratique à l’Afrique du Sud de l’apartheid pour dénoncer l’arrestation le 16 mai d’un des chefs de l’organisation terroriste basque ETA dissoute en mai 2018. «Imaginerait-on,écrivent-ils, en Afrique du Sud, en juin 1991, une fois abolis les piliers des lois de l’apartheid, que le futur Prix Nobel de la paix, Nelson Mandela, soit remis en prison ?» Veulent-ils nous faire croire que des Basques étaient ségrégués comme des Noirs sud-africains, ou que ce chef d’ETA mériterait d’être récompensé parce qu’il a finalement décidé que les meurtres n’étaient plus utiles à sa cause ?

Les signataires font semblant d’oublier qu’en 1977, une fois Franco mort et enterré, tous les prisonniers d’ETA ont bénéficié de la loi d’amnistie et sont sortis de prison. Les militants qui, comme Urrutikoetxea (plus connu sous l’alias de «Josu Ternera»), ont ensuite fait le choix de tuer des centaines de personnes, se sont attaqués frontalement à la démocratie, à l’esprit de compromis qu’avait ouvert la Constitution de 1978. Ils ont assassiné des concitoyens désarmés dans un Pays basque gouverné par un Parti nationaliste qui défend l’indépendance de cette région. Dans les vingt années où Josu Urrutikoetxea a été le chef d’ETA, l’organisation a tenté d’empêcher la transition post-franquiste en commettant de très nombreux attentats pendant les périodes de négociations les plus délicates : 66 morts en 1978, 76 en 1979, 92 en 1980, puis entre 19 et 52 morts par an durant toute la décennie 80.

Ces signataires font aussi mine de croire que la décision de Josu Ternera d’arrêter d’assassiner ou de faire assassiner des gens l’exempte de responsabilité pénale. Il est pourtant actuellement poursuivi pour avoir ordonné, en 1987, un attentat à la voiture piégée contre une caserne de la garde civile de Saragosse où vivaient des familles, et qui provoqua 88 blessés et 11 morts dont 6 enfants : les jumelles Miriam et Esther Barrera, 3 ans ; Silvia Pino, 7 ans ; Rocío Capilla, 12 ans ; Silvia Ballarín, 6 ans ; Ángel Alcaraz, 17 ans. Mais pour les militants d’ETA les gardes civils étaient des «chiens» (txakurrak en basque) et leurs enfants des «fils de chiens».

Arrêté en France en 1989, puis extradé, Josu Ternera a pu se présenter en 1998 et en 2001 sur les listes du parti associé à ETA. Elu au Parlement autonome basque, il y a été choisi comme membre de la commission des Droits de l’homme, ce qui fut vécu comme une insulte par les associations de victimes et les citoyens basques non nationalistes. Faut-il rire ou pleurer de voir aujourd’hui des intellectuels médiatiques attribuer une «hauteur morale» à ce nationaliste cruel qui n’a jamais remis en question ses choix mortifères ? Alain Badiou considère que les récits des atrocités de la révolution culturelle en Chine sont une caricature (1). On comprend qu’il ne s’encombre pas de précisions concernant les années noires du terrorisme nationaliste basque. Dire que ETA a «remis ses armes à la population basque» est un pénible non-sens (à quels Basques ? Ceux qu’ils ont tués ?).

Les signataires font référence au rôle que Josu Urrutikoetxea a joué lors des négociations de 2006 qui précédèrent la fin de l’organisation (il y eut encore 12 assassinats entre la trêve de 2006 et le dernier attentat de 2010 qui a pris la vie du policier français Jean-Serge Nérin). Ils insistent sur le mot «unilatéral» comme si seule la générosité des terroristes expliquait leur dissolution. Les militants emprisonnés qui ont recherché le pardon de leurs victimes ont eu le courage de mettre unilatéralement fin à la raison de la terreur. Mais ceux-là ne mériteront pas le soutien des six signataires. Les partis politiques espagnols n’ont pas accordé de légitimité à la fameuse Conférence internationale présidée par Kofi Annan parce qu’ils ne reconnaissent pas l’existence, depuis 1978 en Espagne, d’un «conflit armé» entre deux camps. Il y a eu de la part d’ETA usage de la terreur pour imposer à tous les citoyens une conception unique du Pays basque. Les victimes d’ETA refusent aussi le concept de conflit, car elles veulent que l’on parle des assassinats. Nombre d’entre elles attendent encore justice, notamment les familles des enfants morts à Saragosse en 1987. Il y aurait encore environ 300 meurtres non élucidés.

Nous sommes «inquiets et consternés», comme disent les signataires à propos de cette arrestation, de voir que des intellectuels qui se disent de gauche «s’avilissent» à mentir sur la réalité du terrorisme d’ETA, soutiennent une idéologie nationaliste exclusive et piétinent la mémoire de ses victimes.

(1 ) «Badiou, hibernatus philosophe», sur Libération.fr (10 octobre 2014)

Auteurs : Barbara Loyer Professeure, Maurice Goldring Professeur émérite, Fernando Aramburu Ecrivain, auteur de «Patria», Fernando Savater Philosophe, Maite Pagazaurtundúa Députée européenne, Béatrice Giblin Professeure émérite, Brigitte Pradier Conseillère municipale (Biarritz) et Kattalin Gabriel-Oyhamburu, Politologue.

Ont souhaité aussi manifester leur soutien à ce texte : Antonio Jiménez Blanco Professeur, Cayetana Alvarez de Toledo Députée, Félix de Azúa Ecrivain, Andrés Trapiello Ecrivain, Guillermo de la Dehesa Economiste, Francisco Sosa Wagner Professeur, Mercedes Fuertes Professeure, Francisco Javier Irazoki Ecrivain, Gorka Maneiro Ancien député au Pays basque, Alfonso Ruiz Miguel Professeur, Ramón Puig de la Bellacasa Professeur, Juan Calaza Economiste, Ramiro Cibrián Ambassadeur, Carlota Solé i Puig Professeure, Juan Carlos Fernández Savater Peintre, Pablo Barrios Professeur, Roberto Blanco Valdés Professeur, Carlos Martinez Gorriarán Ancien député, Diego EscamezProfesseur de lettres (Biarritz) et Félix Ovejero Professeur.

un collectif

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Assomption

Le troisième volume des éditions Mesures (et le premier volume de Sur champ de sable) est paru ou plutôt paraîtra officiellement le 1er juin mais le trouve déjà dans trois librairies en Bretagne, la Maison de la presse de Rostrenen, la librairie Le temps qu’il fait à Mellionnec (oui, le village de Mellionnec a désormais une très charmante librairie-café qui doit son nom au roman d’Armand Robin) et la librairie Le Failler à Rennes. Et ils seront bientôt chez les libraires partenaires qui, un peu partout en France, nous apportent leur soutien. 

En fait, les spectateurs qui, à la fin du spectacle intitulé Incandescence, m’ont demandé où trouver les textes sont à l’origine de la création des éditions Mesures : comment donner ces textes à lire en les situant dans l’ensemble qui leur donnait sens et cela en sortant des circuits éditoriaux habituels ? La réponse a été Mesures…

Et voici qu’aujourd’hui paraît un grand entretien sur Poezibao.

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Avril


Avril avait été donné aux Lieux mouvants à Lanrivain, avec Annie Ebrel, Hélène Labarrière et André Markowicz. Les militants bretons ayant pour coutume de surgir avec panneaux chaque fois que je commets le crime d’apparaître sur le sol de leur nation à reconquérir, je trouve infiniment plus agréable de ne pas apparaître, mais, les nationalistes bretons ne fréquentant pas le Théâtre Gérard Philipe, tout le monde avait décidé que je dirais mes textes, et c’est donc ce qui s’est passé. J’ai bénéficié des conseils du directeur du TGP, Jean Bellorini, qui, non content de faire les lumières et d’assister les techniciens spécialistes du son, a su me rendre confiance. Je ne saurais dire à quel point son aide nous a été précieuse : le spectacle a pris une ampleur et une profondeur nouvelles grâce à lui, et le dispositif bifrontal employé pour Eugène Onéguine dont la dernière a eu lieu hier et qui connaît depuis un mois un véritable triomphe, loin de constituer une difficulté, comme je le craignais, nous a servi. La salle était plus que pleine (des spectateurs n’ont pas pu entrer) et, à la fin du spectacle, j’ai pu rencontrer les spectateurs qui ont acheté Buée,paru pour l’occasion et présenté par la fabuleuse librairie de Saint-Denis,Folies d’encre, l’une des meilleures librairies que je connaisse. Entre deux répétitions, nous avons rencontré les professeurs et les élèves du Conservatoire de Saint-Denis section danse bretonne et le cercle breton qui est remarquablement actif. 

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© Anne Sendik

La photographe Anne Sendik a capté en pleine action la première leçon de danse plinn, avec Annie Ebrel, la spécialiste internationale, et, après le spectacle, le premier fest-noz de l’histoire du TGP a permis aux élèves d’appliquer la leçon. Tel fut le dernier épisode de mes activités antibretonnes.

© Anne Sendik

Nous les poursuivrons l’année prochaine à Lille où les nationalistes ne sévissent pas trop non plus. Ce sera le 29 avril 2020. 

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Buée

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Et voici Buée en librairie… Le deuxième livre des éditions Mesures, après la traduction du Dernier Départ de Guennadi Aïgui, tous deux parus pour accompagner des spectacles donnés au Théâtre Gérard Philipe. 

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Avril a été écrit à partir de textes de ce livre qui est donc à présent disponible.

C’est d’ailleurs parce que les spectateurs demandaient où trouver les textes qui avaient donné lieu aux spectacles que nous avons eu l’idée de créer une maison d’édition. Et, du coup, en publiant les livres comme nous le voulions, en choisissant le papier, le format, les caractères, la présentation, et en limitant le tirage pour que ces livres restent des livres destinés à un réseau d’amis.

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Les mistoufles volume 6

Le voilà ! Tout gai, tout fringant sous sa robe jaune citron… Il sera présenté aujourd’hui même au Thabor à Rennes. 

C’est un disque différent des autres puisque, cette année, il n’a pas été réalisé avec une classe mais à Rennes, avec des enfants rassemblés autour de ce projet. Comme il ne s’agissait plus seulement d’élèves de classes primaires mais aussi de collégiens, j’ai proposé un thème qui s’adresse aussi bien à des enfants qu’à des adolescents, le thème du légendaire perdu avec les feux follets et les fées dont j’ai étudié les mœurs lorsque je publiais La Douce Vie des fées des eaux… 

Un livre à présent à peu près oublié mais qui me laisse un heureux souvenir : le charme mélancolique des fées telles que les vieilles légendes populaires les présentent garde encore son mystère, loin d’être éventé par la fairy business…

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Il me semblait que la série des sept albums n’aurait pas été complète sans cette tonalité un peu plus mélancolique : un voyage au pays des croyances qu’il va falloir abandonner, comme une sorte d’adieu à l’enfance. 

Arms et Robert Le Magnifique ont merveilleusement restitué ce sens caché, et ils l’ont restitué avec la complicité des enfants, ce qui rend cet album particulièrement précieux. 

Et vous pouvez l’écouter en ligne

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Voici une image prise juste avant de la remise du disque… Les enfants regardent les photos de l’enregistrement.

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Et, juste après, nous apprenions que le spectacle de Manou et David était nommé pour les Molières 2010…

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Quel rapport avec les Mistoufles ?

La même liberté gagnée.

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Navigation

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Ce soir à 21 h dans la nouvelle salle de l’Amphi à Saint-Renan, il est possible d’entendre Navigation   mis en musique par Hervé Lesvenan pour l’ensemble Ars’Ys. Le concert sera encore donné le 31 juillet à la chapelle Pol et le 22 août à Satrasbourg dans l’église Saint-Thomas. 

On peut lire en ligne la première partie du texte que j’avais écrit à partir de la Navigation de Brendan. 

J’en ai profité pour actualiser un peu la présentation car les journalistes expliquent qu’il s’agit d’une traduction ou d’un poème du XVIe siècle rendu miraculeusement actuel (par la vertu de saint Brendan, sans doute). 

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Synge

Aussi étrange que cela puisse paraître, il n’existait jusqu’alors aucun essai en langue française sur Synge… Et le plus étrange est que je ne m’en étais pas rendu compte moi-même. De 1993 à 1996, j’ai traduit toutes les pièces de Synge  en essayant de les mettre en contexte et de les accompagner d’un appareil critique tenant compte des recherches les plus récentes. Ensuite, j’ai dû republier ces pièces en réduisant l’appareil critique. Mon problème, chaque fois que j’avais à commenter ma traduction du théâtre de Synge, a été de replonger dans la masse des volumes accumulés lorsque je traduisais ses pièces et de naviguer sur les flots de la critique et des éditions, le tout, bien sûr, en anglais et, je dois le dire, vu d’assez loin car mon but n’était pas de donner dans l’érudition mais, la plupart du temps, de répondre aux questions des metteurs en scène ou des comédiens. 

Lorsque René Zahnd m’a demandé de rédiger un essai sur le théâtre de Synge, j’ai dû me replonger dans ces archives et ensuite tout reprendre pour suivre l’évolution du discours critique  — projet au début peu avenant, puis devenu vite si passionnant que, comme un diable sortant de sa boîte, a surgi l’envie de faire une troisième thèse. J’ai eu tôt fait de lui rabattre sur la tête le couvercle de sa boîte mais il n’empêche qu ’il y a là… Bref, lors de ces investigations, j’ai découvert que Synge n’avait suscité, en français, que des articles épars, l’essai décisif de Maurice Bourgeois publié en 1913 (en anglais) n’ayant même jamais été traduit. 

Je ne remercierai donc jamais assez René Zahnd de m’avoir donné l’occasion de réparer cette injustice, occasion aussi pour moi de donner une synthèse de notes qui, sans lui, seraient restées éparses, en me permettant de voir l’itinéraire de Synge sous un jour nouveau, beaucoup plus large et ouvrant le théâtre à la vie, ce qui était, en définitive, le but qu’il poursuivait lui-même. 

Je peux d’autant plus le remercier que j’ai écrit cet essai en ayant l’impression de passer en Irlande des vacances merveilleuses en compagnie d’un ami proche, et ce n’est pas sans regret que j’ai posé le point final. Il m’en reste encore une nostalgie et l’espoir de publier d’autres textes de Synge si les nationalistes et les plagiaires m’en laissent le temps. 

Pour l’édition du Théâtre complet aux éditions Les Solitaires intempestifs, j’avais choisi une photo de Jacques Gamblin (qui fut un inoubliable Christy Mahon dans la mise en scène du Baladin du monde occidental au Théâtre national de Bretagne) et de Françoise Bette (qui fut une inoubliable veuve Quinn dans cette même mise en scène)…

Ce qui est extraordinaire, c’est que, cherchant dans mes archives cette image perdue, au moment de la retrouver j’ai entendu et j’entends encore la voix de Françoise Bette, qui n’est plus de ce monde, et celle de Jacques Gamblin. si somptueusement cassée afin d’assurer son triomphe…

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Finalement, c’est une autre image de Jacques Gamblin qui a été choisie.



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Pour cet essai, j’avais proposé à l’éditeur un portrait fin et joyeux de Synge, un portrait de profil, particulièrement adapté pour un auteur qui a surtout su regarder ailleurs et pratiquer l’art de la fugue… 


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En fait, c’est un Synge malade et sombre qui a été choisi d’après un portrait conservé à Trinity College. 


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La photographie originale est belle parce que le regard seul dit détresse, tout le reste, attitude, vêtement, lumière, donnant une impression de résistance imperturbable et de présence au monde, fût-ce, s’il se peut, par l’humour. Le visage vu de près est plus tragique. 

En tout cas, je suis bien honorée d’avoir écrit le premier essai sur Synge en français et j’espère qu’il rendra service à ceux qui voudront situer son théâtre dans son œuvre et dans son temps. 

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On pourra lire à ce sujet un article de Dominique Vergnon.

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Les éditions Mesures

Ça y est, les éditions Mesures  existent ! 

Une maisonnette d’édition, une sorte de cabane dans les bois comme on en fait enfant et tous les copains s’y retrouvent bien qu’elle soit très, très secrète…

À l’origine, il s’agissait juste de rendre disponibles les livres que les spectateurs demandent après des spectacles et surtout les livres qui composent Sur champ de sable. J’ai exposé ici ce problème : la page intitulée Poésie évoque ce qui sort tout à fait de ce qu’on appelle poésie. 

Démarcher des éditeurs me fatiguait d’avance et, de toute façon, risquait de mener à un contresens. Publier les livres à la demande me plaisait bien mais l’idée de faire de vrais livres a plongé André Markowicz dans un enthousiasme totalement déraisonnable qui ne s’est jamais démenti. La passion de l’encre, du papier, de la composition, bref, l’aspect concret et créatif de l’édition, et le goût de la rencontre avec les lecteurs ont fait le reste. 

Le début d’une grande aventure… 


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Voilà le premier des quatre livres qui forment le cœur de Sur champ de sable, recueil qui fait partie d’un ensemble de plusieurs livres…  Je dois avouer que les couleurs apparaissent ici tout à fait fausses : le doux papier ivoire a pris une teinte légèrement verdâtre mais que faire, WordPress impose ses lois ! Sur le site des éditions, les couleurs sont plus exactes, heureusement.

Le livre sera disponible pour Avril, le spectacle qui doit se donner le 10 avril au TGP avec Annie Ebrel et Hélène Labarrière. 

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Le grand dégât national

Comme il fallait s’y attendre, les autonomistes appuyés par le lobby patronal breton se sont mobilisés afin de faire du grand débat national une tribune pour leurs revendications (qui viennent opportunément servir le projet de dérèglementation par la voie de l’autonomie régionale concocté par le pouvoir).

Après Paul Molac, le premier autonomiste élu grâce au soutien de Le Drian et qui siège à l’Assemblée nationale, voilà qu’à Rostrenen, on s’appuie sur trois historiens autonomistes pour exposer ce que doit être l’histoire de Bretagne et faire part du droit des Bretons à la liberté (vous avez pour références l’autonomiste Cassard, l’autonomiste Monnier et l’autonomiste Cornette ).

Le tout se situe sous l’égide du psychiatre Guy Caro, ex-membre du FLB et promoteur du bien-boire en Bretagne. 

Dans le même temps, les nationalistes s’invitent pour défendre ce qu’ils appellent la culture (la réunification indispensable à l’indépendance de la « Bretagne historique », l’autonomie financière et le rôle central accordé au breton comme langue nationale). Tangi Louarn et sa sœur Lena, dignes héritiers de leur père Alan Louarn, sont comme de coutume en tête du « combat breton ». 

Et voici France Culture qui prend le relais via l’émission « La fabrique de l’histoire » : une émission pourtant d’habitude intéressante. Cette fois, c’est l’histoire de Bretagne telle qu’on pourrait la dire vue depuis Locarn (commune où se trouve l’Institut de Locarn, lobby patronal fédérant les plus gros entrepreneurs bretons autour d’un projet d’Europe des régions appuyant une reconquête de l’Europe chrétienne selon les valeurs de la Paneurope et de l’Opus Dei). 

Stupéfiante évocation de la chanson populaire bretonne, réduite à un hommage au Barzaz Breiz : c’est bien le retour du « clan des bardes et des cléricaux » que dénonçait Luzel. Infortuné Luzel, il a totalement disparu. Mes hérétiques recherches faisant suite à ses hérétiques observations n’ont pas droit de cité : le consensus bardique fait loi.  Et Cornette, comme de coutume, fait foi. J’ai montré ici comment il pratique l’art d’exploiter les recherches des autres en les détournant : une méthode historique qui tend à se répandre…

Sur cette base, les journalistes se livrent à une vibrante apologie de la Vallée des Saints : cette pure horreur concoctée par les pires catholiques réactionnaires pour servir un projet de propagande nationaliste bretonne via le tourisme identitaire de masse est présentée sous le jour d’une création spontanée des Bretons natifs si attachés à leurs racines chrétiennes.

Ignorant tout du contexte et du développement du projet, poussé par l’Institut de Locarn (qui est à l’origine du label Produit en Bretagne) les naïfs reporters se sentent tout émerveillés par l’univers si spontanément heroïc fantasy de l’âme bretonne telle qu’elle se manifeste en cet amour du peuple pour ses saints. 

Le peuple ignorait tout de ces saints qu’on leur dresse sous les yeux en taille massive pour démontrer qu’avant les saints du calendrier français, il y avait tout un peuple de saints miraculeux plongeant dans les vertus glorieuses de l’âme celte. C’est du kitch à la MacPherson, Ossian puissance mille, tout en granit, planté là jusqu’à la fin des temps comme pour montrer jusqu’où peut aller la bêtise humaine, la bêtise associée à l’horreur identitaire décuplant les pouvoirs de la laideur. Le tout sur le domaine public, au mépris de la loi de 1905. Et bénéficiant des subsides de la Région, de l’approbation triomphale des élus de tous bords et, en premier lieu, de Jean-Yves Le Drian.  

Je suis allée à deux reprises faire un reportage sur place et l’on peut lire à ce sujet les commentaires d’André Markowicz sur facebook.

Si la propagande pour la Vallée des saints est, en Bretagne, obsédante, envahissante, omniprésente, les médias étant inféodés au lobby de Produit en Bretagne, il est consternant d’entendre sur cette chaîne nationale évoquer les opposants à la Vallée des saints comme quelques égarés, « Parisiens », « élitistes », naturellement incapables de comprendre les Bretons. Dès lors que je critique la néoculture bretonne issue d’Intermarché, de Glon Sanders et des officines nationalistes, moi qui, hélas, suis native de cet endroit précis de la Cornouaille, je suis parisienne ; le critique d’art Jean-Marc Huitorel qui habite à côté de la Vallée des saints et qui a dénoncé à son tour dans les colonnes de Libération cette horreur identitaire est l’objet d’un déchaînement d’invectives, opposant « eux » (les Parisiens, les Rennais, les intellos et leur « clique » payée par l’ État français) et « nous », les vrais, les bons Bretons. Telle est la conclusion de Darcel, rocker illuminé devenu un militant fanatique de la cause bretonne. Essentiellement poujadiste, son argumentation s’appuie sur la dénonciation de la culture des autres, la culture française qui coûte trop cher :  

« Alors, comme nous, les Bretons du bout du monde comme si, nous ne sommes pas revanchards, nous proposons que l’on octroie une autre colline à JMH et à son posse estampillé France Culture. Ils pourraient ainsi créer, en Centre Bretagne, une exposition qui soit enfin artistique, validée par l’État et ses services. Et sans mécénat breton surtout ! Vade retro, rien qu’avec de l’argent public ! Cerise sur le Paris-Brest, chaque jour, avant la fermeture, JMH pourrait donner une conférence d’une heure ou deux, pendant que ses amis vendraient leurs livres sur des tables de camping made in France. Ambiance, rires et affluence garantis ! 

Frank Darcel, président de Breizh Europa » 

Aux yeux de Darcel, comme on le voit, le « posse estampillé France Culture» est l’incarnation même de la culture française qui n’est pas de chez nous et qui coûte trop cher. 

Hélas, force est de constater que France Culture vient appuyer cette folklorisation poujadiste, avec résurrection ou plutôt surrection des totems de la tribu, hymnes et drapeaux, danses rituelles, invocations aux mânes de la nation via le Barzaz Breiz.

On comprend pourquoi La Villemarqué occupe un tel rôle : il n’est plus du tout le faussaire que tous les érudits dénonçaient à la suite de Luzel, mais le vrai père de la nation bretonne. 

Il mériterait qu’on lui dresse une mille et unième statue (ou plutôt une mille et deuxième puisque le site ouvre sur une statue à saint Produit en Bretagne. 

Oui, aussi monstrueux que cela puisse paraître ce site, le Tosen Sant Weltaz, qui était l’un des plus beaux endroits de Bretagne, va être couvert de mille statues cauchemardesques, et non, ce n’était pas un mauvais rêve, le cauchemar est là et bien là pour l’éternité.

Pour qui douterait encore de mes propos, voici un article qui nous annonce que la formation des stagiaires (dépendant de Pôle emploi, donc de l’État) se déroule à l’Institut de Locarn. La formation consiste à étudier le « territoire » et la « culture bretonne ».

Enseignement ou endoctrinement ? Pour en savoir plus, écoutez les émissions de Charlotte Perry, enregistrées à Locarn lors de la pseudo-révolte des Bonnets rouges organisée par le lobby de Locarn. 

Depuis, quelles voix se sont élevées pour dénoncer ce lobby ?

Les émissions de France culture donnent une idée de l’aggravation de la censure. 

Et, bien sûr, Produit en Bretagne, émanation de l’institut de Locarn, entend peser de tout son poids dans le grand débat : les revendications sont toujours les mêmes, celles des Bonnets rouges mobilisés pour lutter contre l’écotaxe, à savoir la réunification (préliminaire indispensable à l’autonomie, puis l’indépendance, de la nation bretonne) et le droit à l’expérimentation (autrement dit, le droit de déréguler en toute impunité selon les souhaits du patronat local).

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