Châtaigne

Nous avons traduit la nouvelle de Tchekhov, Kachtanka (Châtaigne) pour Anton Kouznetsov, extraordinaire acteur et metteur en scène russe, contraint à l’émigration pour avoir voulu résister à sa manière et mort pour avoir voulu continuer de mener sa barque à sa manière, contre vents et marées. Véra, pour qui il a conçu le rôle de Châtaigne, est, plus qu’une actrice, l’expression d’une soumission à la servitude volontaire qui se lit juste si on veut le voir sous cette histoire pour enfants qui est une fable sur l’URSS et la Russie actuelle.

Drôle et triste à pleurer…

Tchekhov avait écrit cette nouvelle pour montrer que la littérature pour enfants n’était pas forcément vouée à la niaiserie bien-pensante : la démonstration est plus actuelle que jamais, au moment même où une sorte de niaiserie mal-pensante tend à s’imposer comme mode.

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La Mouette

Au Théâtre des quartiers d’Ivry, La Mouette mise en scène par Yann-Joël Collin. Nous avions vu la pièce lors de sa création au Théâtre de l’aire libre à Saint-Jacques-de-la-Lande mais la mise en scène a beaucoup bougé (ne serait-ce que parce que les passages filmés s’adaptent au lieu où la pièce est jouée). Ce qui m’a le plus frappée est la scène entre Arkadina et Macha, scène qui, vue de près, par le biais — artificiel au théâtre — du film, donne une espèce de tranquillité à cette mise en scène d’Arkadina par elle-même, avec pour spectatrice Macha convaincue de son inexistence : répétition prodigieuse de la dernière scène du dernier acte… ce que je n’avais jamais entrevu jusqu’à présent.

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Les trois sœurs

Le 13 novembre, c’était la première des Trois sœurs dans la mise en scène de Claire Lasne Darcueil au Théâtre de la Tempête : suite d’une aventure commencée avec Platonov il y a vingt ans…

J’aurais voulu mettre en ligne les images du film où l’on voit le prodigieux Patrick Pineau interpréter Verchinine, mais je viens de batailler pour y arriver sans une ombre de progrès et donc je me contente de renvoyer vers le site du théâtre. Tous les grands acteurs que j’ai vu interpréter le rôle de Verchinine l’ont rendu convaincant dans son rôle de phraseur et, là, il y a juste une petite ombre en plus qui fait qu’on sent ce qu’il a derrière ses phrases, comme une évidence que Macha a perçue tout de suite… Pfouh, vingt ans pour le comprendre et c’est là sans être là, comme un miracle qui n’attend rien qu’une inflexion, pas même un mot juste. Et quand on pense que des metteurs en scène trafiquent le texte pour l’amener à lui faire dire ce qu’ils veulent ! Ajoutant strate sur strate d’obscurité quand l’interprétation juste rend limpide ce que Tchekhov a pensé donner dans son évidence.

 

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La ronde des mois

 

 

 

 

 

Le troisième titre de la collection Coquelicot est paru aujourd’hui.

 

 

 

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Nouvelles vagues 5

Et voilà, pour terminer, un petit écho d’un combat mené avec constance depuis Le monde comme siIl m’a semblé qu’il n’était pas possible de faire l’impasse sur ce qui est pour moi un sujet d’indignation croissante, à savoir la dérive identitaire induite et entretenue par le conseil régional inféodé au lobby patronal breton (voir le discours de Jean-Michel Le Boulanger, vice-président du conseil régional en charge de la culture, lors de la célébration des vingt ans de l’Institut de Locarn voilà quelques semaines).

JM Le Boulanger avec les autonomistes L. Louarn et P. Molac arborant une écharpe aux couleurs de la Bretagne et de l'Europe contre la France républicaine

J’ai choisi de protester contre la dévolution de la culture à la Bretagne (on parle de délégation à l’essai pour trois ans mais ce n’est qu’une manière de désamorcer un éventuel  débat, ces déclarations lénifiantes provenant de Jean-Michel Le Boulanger lui-même). Marie Richeux me demande de quoi il s’agit : nul n’est au courant. De la disparition des DRAC (Délégations régionales des affaires culturelles), relais du ministère de la Culture en région ? Oui, bien sûr, le projet est en cours (et le démantèlement des services publics de la Culture est demandé de longue date par les autonomistes). Mais il s’agit d’un dispositif particulier, obtenu dans le cadre du Pacte d’avenir pour la Bretagne, sans que les Bretons aient été consultés à ce sujet et sans qu’ils sachent même de quoi il s’agit.

Une exploration rapide de la Toile le confirme : nulle part, il n’est question de la délégation de la Culture à la Bretagne. Hormis la protestation du GRIB (et du Syndéac, cette dernière relayée par Libération) pas un mot, pas une once d’information sur les enjeux de cette mesure votée sous la pression du mouvement des Bonnets rouges (lui-même organisé par ce lobby patronal de Locarn). Ce qui est stupéfiant est la manière dont la propagande identitaire envahit les esprits, produit une sorte de mithridatisation qui, peu à peu, impose comme norme un discours obscurantiste : la délégation de la Culture vise à « affirmer l’identité culturelle de la Bretagne » — identité sinistrement définie, de fait, par le Conseil culturel de Bretagne  à l’origine de cette mesure.

DÉLÉGATION DE LA CULTURE

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Nouvel épisode

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Je précise que le vice-président du conseil régional en charge de la Culture, Jean-Michel Le Boulanger, se considérant comme élu représentant une minorité ethnique opprimée, a ouvert le 26 octobre le colloque sur « les minorités et la mondialisation » organisé par l’université de Rennes 2 en demandant une dévolution de toutes les institutions pour une Bretagne « réunifiée » appelée à prendre son autonomie, en attendant l’indépendance, sur le modèle de l’Écosse et de la Catalogne.

Le discours nationaliste n’est plus le fait d’une infime minorité de militants mais des élus inféodés au patronal ultralibéral le plus dur. Les socialistes ont-ils été élus pour imposer le programme des autonomistes qui n’obtiennent pas 2% de voix aux élections ?

Ce discours est basé sur la réécriture de l’histoire que je ne cesse de dénoncer : assimilation de la Résistance à un pseudo-combat breton — les résistants bretons se seraient battu « l’hermine au cœur » (l’hermine, symbole réactionnaire entre tous de la Bretagne ducale…), négation de la collaboration du mouvement breton avec les nazis, réduit à l’infime enrôlement de militants sous uniforme SS. Telle est désormais la version officialisée des faits. Et ces propos sont tenus à l’université sans qu’un seul historien ne proteste.

Où sont les écrivains qui, en Bretagne, osent élever la voix ?

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Suite du feuilleton

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Grand bal autonomiste le 23 novembre au Château des Ducs sous l’égide de l’Institut culturel de Bretagne, avec Bonnets rouges, Sicules et réécriture réactionnaire de l’histoire entonnée à l’unisson par les élus dits « de gauche » Jean-Jacques Monnier et Jean-Michel Le Boulanger.

Ce dernier me fait huer par la salle pour avoir blâmé son discours à Nantes : hou, le menteur, j’ai dénoncé son discours à Locarn, en septembre, lors de la célébration des vingt ans de l’Institut — acte d’allégeance pur et simple au lobby ultralibéral porteur d’un projet d’autonomie de la Bretagne contre la France pour lors qualifiée de « vermoulue ».

Lors de ces nouvelles festivités, les Sicules, membres d’un minorité opprimée et invités  à ce titre par les représentants de la minorité ethnique bretonne toujours victime d’un « ethnocide » de la part de l’État français (comme l’a rappelé le sociologue Ronan Le Coadic en conclusion du colloque précédemment évoqué), permettent d’aller encore un peu plus loin en appelant à la guerre  — appel gravement repris par la salle    :

 « Dans un pays centralisé comme la France, l’indépendance ne peut s’obtenir que par la guerreÉmoi dans la salle. Le mot est repris, gravement dans les débats. Non, il n’y a pas d’autres solutions. »

Mordrel le disait déjà lors de la fondation du Parti autonomiste breton : l’autonomisme n’est que le paravent de l’indépendantisme. Reste la guerre à mener. Elle l’a été par son collègue Célestin Lainé sur des bases que nous connaissons. Reprise du combat dans la suite de la Chouannerie, grande référence. Il ne s’agit pas là de bouffonneries identitaires plus ou moins folkloriques mais de discours politiques tenus officiellement.

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La question : « Où sont les écrivains qui, en Bretagne, osent élever la voix ? » m’a valu des  commentaires parfois très drôles : les seuls écrivains que l’on entende sont, de fait, ceux qui hurlent avec les loups. Quand bien même les autres élèveraient la voix, on ne les entendrait pas.

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Nouvelles vagues 4

Pourquoi ai-je choisi de faire entendre la petite voix tremblante de Marguerite Philippe enregistrée sur rouleau de cire ? C’est que j’imagine cette journée de juillet 1900 : cette mendiante infirme qui se place devant les messieurs savants et qui chante sans connaître la fatigue, les laissant épuisés (comme le raconte Luzel à propos de l’une de ces rencontres). Au moment où le Barzaz Breiz est promu comme authentique expression de la voix populaire, ce minuscule fragment est comme un grain de sable dans l’énorme machine néoceltique à l’œuvre actuellement. Presque rien, mais une manière de protester quand même.

Je regrette de ne pas avoir pu terminer le livre que je comptais consacrer à Marguerite Philippe et que le combat contre les nationalistes a fait tomber aux oubliettes comme tant d’autres — et tel était bien d’ailleurs le but recherché :  Roparz Hemon et ses héritiers ont toujours écrit en haine du peuple. Mais la chanson populaire est aussi une force de résistance (c’est ce que nous avons vu, André Markowicz et moi, en traduisant nos Anciennes complaintes)

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Nouvelles vagues 3

Là, j’ai juste choisi de faire entendre un tout petit bout de ce que Robin appelle « la remière moallaka d’Imroulqais », extrait de Poésie sans passeport — j’aurais préféré un extrait des Douze de Blok ou d’un poème d’André Ady lu en hongrois par Szylady avec la voix de Jean Négroni revenant et redisant le poème, mais c’était trop long et sans doute trop bizarre. Mieux valait tabler sur la bizarrerie absolue et la scansion de l’arabe — je ne peux pas entendre ce passage sans le trouver splendide et ces quelques secondes m’ont semblé pouvoir suffire.

Éditer Robin était un combat, là encore, et un combat d’ailleurs toujours aussi usant : preuve en est, l’impossibilité où je suis encore de publier ses textes, et notamment Poésie sans passeport, comme il le faudrait et le problème de plagiat que je dois encore affronter…

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Nouvelles vagues 2

Comme j’ai expliqué pourquoi j’avais choisi une petite sonate de Schubert interprétée par Vanessa Wagner, il n’est pas utile que j’épilogue, mais je n’ai pas bien expliqué quel rapport il y avait pour moi entre cette interprétation et la traduction. De plus, Marie Richeux me présente comme traductrice, ce que je ne suis plus, si je l’ai jamais été : après avoir traduit Le roi Lear, et lu toutes les traductions en les plaçant dans leur histoire, j’ai compris que ce que je faisais ne servait à rien et j’ai donc rendu mon tablier (je ne vais pas m’étendre là-dessus ici, ce serait trop long).

Mais, pour autant, faire reconnaître qu’un travail de traduction est un travail d’interprète qui a sa rigueur propre et qui ne peut être mêlé à d’autres traductions, mixé, adapté, frelaté, sans être entièrement trahi est un combat, par les temps qui courent : c’est sur cette indifférence au texte que se développe le plagiat, et c’est encore un combat qu’il faut mener contre la lourdeur et la férocité si étrangères à la légèreté tchekhovienne de Schubert…



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Nouvelles vagues 1

J’ai été très étonnée que Marie Richeux me demande de participer à l’émission « Les nouvelles vagues » pour une sorte de portrait par objet interposé. Je ne sais pas ce qui l’a conduite à s’adresser à moi mais l’expérience était intéressante : dans mon idée (qui n’était pas tout à fait juste), il s’agissait de faire une sorte de portrait à partir de cinq objets, musique, image, paysage ou autre.

Du fait qu’il s’agissait de s’adresser à des auditeurs, j’ai pensé qu’il fallait choisir un objet sonore, et du fait qu’il s’agissait du portrait d’une personne inconnue, j’ai pensé illustrer par cet objet sonore un combat qui me définissait et pouvait s’exprimer par une sorte de symbole porteur d’émotion. Encore une fois, je reconnais que ce n’était pas vraiment ce qui était demandé et, à mon avis, ce n’est pas non plus ce que j’ai fait mais, ça ne fait rien, cette idée de petit moment de partage singulier est en soi une trouvaille qui permet d’ouvrir sur des domaines inconnus — ou, en tout cas, qui n’ont guère de place sur les ondes…

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Pour la première séquence, j’ai choisi ce qui a été l’un des moments décisifs de ma vie, à savoir le moment où, à l’école maternelle, l’institutrice nous a fait mettre la tête entre les bras et nous a fait écouter un poème. Ce poème était « Impression fausse » :

                                                         « Dame souris trotte,
                                                   Grise dans le noir du soir,
                                                       Dame souris trotte,
                                                       Grise dans le noir…  »

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Je l’ai récité à ma grand-mère qui venait me chercher à l’école et je m’en suis toujours souvenue (sous une forme d’ailleurs légèrement fausse). Ensuite, j’ai découvert que ce poème dit pour enfants avait été écrit par Verlaine lors de sa première nuit de prison à Bruxelles, ce qui lui donnait un tout autre sens (1)…

Mon but était d’expliquer que la poésie pour enfants est une poésie pour adultes ou n’est rien — cette institutrice nous disait des poèmes qui n’étaient pas du tout pour enfants, comme la complainte de Gaspard Hauser de Verlaine et, me semble-t-il, (mais la strophe est peut-être simplement venue se mêler à des poèmes d’Apollinaire) la fin de « Marizibill ».  Les poèmes de Desnos pour enfants peuvent comme « Impression fausse » être lus par des adultes avec un sens en palimpseste. Bref, je voulais dire que la disparition de la poésie à l’école est un désastre, parce que la poésie repose sur une perception d’une forme à partager… que c’est un combat d’urgence, pas facile à mener, et que la collection « Coquelicot » est un vrai miracle, de même que le travail engagé à partir des Mistoufles avec Emmanuelle Hiron, des comédiens et des musiciens qui travaillent chaque année dans une école différente.

Je n’en ai pas dit un mot dans cette séquence et l’idée même d’aborder le sujet ne m’est pas venue mais ce serait le sujet d’une série d’émissions…

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(1) Mes commentaires à ce sujet ne sont pas justes : Verlaine n’est pas content d’être en prison, il est soulagé, comme délivré de son temps d’adulte et rendu à une sorte d’enfance, mais c’est, il le dit lui-même, une impression fausse.

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Poésie

 

La saga des petits radis est traduite en chinois (et connaît une nouvelle édition, ce qui montre que le cas de la poésie pour enfants, à peu près disparue de toutes les maisons d’édition, n’est pas aussi désespéré qu’on veut bien le dire). J’ai hâte de savoir comment on dit scorsonère et rutabaga en chinois.

Le livre a été traduit en italien et mis en musique par Alessio Lega, extraordinaire chanteur et traducteur (le texte me semble bien mieux en italien qu’en français).

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