Incandescence (suite)

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Même averti, je veux dire habitué, on est surpris par la manière dont s’exerce la censure en Bretagne : hier avait lieu l’unique représentation d’Incandescence, un spectacle qui m’a été demandé pour le 14 août et que j’ai écrit comme un paysage sonore à partir des images de l’Assomption à Rostrenen. Tout s’est bien passé et, alors même que les textes me semblaient si difficiles pour un public de personnes qui venaient des fermes alentour, pas de difficulté, au contraire, et il était très touchant pour moi de voir des personnes venir partager leurs souvenirs à partir d’images des poèmes. En fait, c’est un encouragement à continuer d’écrire à partir d’images flottantes, sans personnages, qui vaut mille avis de critiques autorisés. Et j’ajoute qu’il était stupéfiant de voir trois cents personnes rester sous un soleil de plomb écouter des poèmes, chantés ou pas.

La libraire n’avait pas apporté de livres ; nous avons dû aller chercher des exemplaires d’auteur qui traînaient à Rostrenen ; elle m’a expliqué qu’apporter Le monde comme si et Miliciens contre maquisards ne lui avait pas semblé opportun, vu les événements de Guingamp. Ce sont néanmoins des livres qui se passent autant dire sur place et qui pouvaient intéresser les personnes présentes — comme les Anciennes complaintes de Bretagne dont j’avais extrait « La sorcière », d’ailleurs traduite par moi, et dite dans la version que j’ai écrite pour ce livre. Mais inutile d’insister : la censure commence par le simple, tout banal, souci de ne pas déplaire à ceux qui risquent de faire régner la terreur, et qui, donc, de fait exercent le pouvoir sans même avoir besoin d’élever la voix. C’est une illustration plus probante que de longs développements parce qu’elle est désormais admise. Les quelques exemplaires du Monde comme si que j’avais apportés ont été immédiatement achetés, comme d’ailleurs tous les livres de la collection Coquelicot, et les échanges sur la poésie à partir de ces livres étaient passionnants.

Et voici maintenant le compte rendu de l’événement dans le journal Ouest-France :

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La rédaction du Télégramme a préféré s’abstenir, ce qui illustre bien la démonstration que j’avais menée à la suite de l’intrusion des militants bretons lors de la conférence sur Armand Robin à Guingamp. Ouest-France avait publié mon droit de réponse, mais censuré. Le Télégramme s’était dispensé de respecter l’exercice du droit de réponse. Rien que de banal depuis la parution du Monde comme si. Encore n’est-il pas inutile de le montrer à partir d’exemples précis.

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Véronique Hotte a consacré un bel article à l’événement. Quel plaisir de lire ces pages !

Du coup, j’ai mis les textes du spectacle en ligne, pour répondre aux spectateurs qui me les avaient demandés. Et j’ai créé sur ce site un chapitre Poésie où j’ai commencé de rassembler des textes. La poésie est aussi une forme de résistance.

.La poésie est 

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Incandescence

Annie, Hélène, André

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Nous répétons pour la représentation unique d’Incandescence, un spectacle que j’ai écrit à partir de textes sur ce point culminant des vacances qu’était l’Assomption. Les forains arrivaient et avec eux cette attente du moment où toute la ville monterait dans la nuit vers la colline où s’allumerait l’immense feu… étoiles crépitantes, odeur du sucre brûlé, tirs et lumières… C’était aussi le moment où le temps des vacances basculait vers sa fin, et cette angoisse donnait plus de prix à cette nuit de joie. Puis les forains partaient et, nous aussi, nous allions partir…

J’ai écrit tout un cycle de textes sur ces jours d’enfance à Rostrenen, et nous en avons pris six en les mettant en relation avec le paysage sonore de la haute Cornouaille : un chant de berger pour le début du jour, ces matins calmes de l’été où les voix se répondent ; un chant d’amour plein de promesses  ; une formule de rebouteux pour chasser le feu ; la gwerz de la sorcière puis un chant à danser… J’ai voulu construire le spectacle comme je l’avais fait pour D’un buisson de ronces mis en scène par Madeleine Louarn : quelques moments d’une journée donnés à entendre par le chant, une journée d’Assomption ouverte sur l’étrangeté du monde, ce que disent aussi les poèmes de Pasternak écrits dans le courant de l’été brûlant de 1917.

La voix d’Annie est plus belle que jamais, tout est très simple, et la contrebasse d’Hélène lie ces poèmes comme une traduction lointaine. C’est aussi cette impression d’éloignement que je voulais donner : placer au cœur du 14 août l’écho de ce temps hors du temps, enfui comme l’enfance et prêt à revivre sous forme d’échos épars, juste pour une heure.

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Sendak : La fenêtre de Kenny

 

 

Le fenêtre de Kenny

 

Voici paru le premier des livres de Maurice Sendak à ce jour inconnus en français, La fenêtre de Kenny. Sendak a écrit et illustré l’histoire mélancolique d’un petit garçon solitaire. Entre le rêve et la réalité, se développe comme un conte d’Andersen (où, d’ailleurs, les soldats de plomb donnent leur avis).

J’ai accepté de traduire Sendak parce qu’il n’est connu en France que par Max et les maximonstres…

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.. qui est un chef d’œuvre, c’est certain, mais qui laisse ignorer tout un travail étrange, beaucoup plus fragile, et que j’aime bien. Ces traductions s’inscrivent d’ailleurs dans la suite de la collection Coquelicot, en attendant les volumes suivants, qui donneraient une cohérence à cette expérience de poésie pour enfants, traduite ou non. Certains livres de Sendak sont des poèmes illustrés.

Petite observation annexe au sujet du travail de traduction : qui a traduit Max et les maximonstres ? Vous pouvez chercher : le livre a connu un succès considérable et a connu de nombreuses éditions ; jamais l’éditeur n’a cru devoir même mentionner le nom du traducteur.

Ici, la fondation Sendak a interdit que le nom du traducteur vienne polluer la couverture — il faut fouiller à l’intérieur pour le trouver ; même en quatrième de couverture, pas ombre de mention. Mais, il y a tout de même un progrès, il figure en page de titre intérieur.

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Le songe d’une nuit d’été

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Première du Songe d’une nuit d’été  au Théâtre du Peuple à Bussang. Le Théâtre du Peuple  a été créé par Maurice Pottecher pour faire jouer ses pièces et bien d’autres par des acteurs des Vosges — par le peuple et pour le peuple, comme le disait Romain Rolland, qui suivait l’expérience avec passion. La caractéristique du théâtre est le fait que le mur du fond peut s’ouvrir et faire de la montagne le décor de la pièce quand le metteur en scène le veut — moment magique, attendu par tous les spectateurs (et l’autre miracle est que, chaque été, des dizaines de milliers de spectateurs viennent assister à la nouvelle pièce).

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Le Songe d’une nuit d’été est, sans jeu de mots, la pièce rêvée pour un tel lieu, un un tel décor, un tel public. C’est un grand bonheur de penser que notre traduction a pu résonner sur la scène de cet endroit sacré.

Nous l’avions faite il y a déjà longtemps à la demande de Madeleine Louarn, et j’avais alors rédigé une adaptation sous le titre Le Jeu du songe (il fallait un texte plus simple pour les acteurs de Catalyse, des acteurs à la mémoire légère, susceptible à tout moment de demander une assistance, ce qui, d’ailleurs, s’accordait bien avec les jeux de miroir, les ruptures, les blancs de la mémoire et les incertitudes qui font le charme tragique de la pièce).

En l’occurrence, Guy-Pierre Couleau, qui a mis en scène plusieurs de mes traductions de Synge et grâce à qui Désir sous les ormes a pu enfin être publié, a, lui, tout au contraire, pris le parti de respecter l’intégralité de la pièce, sans une coupe, en tablant sur le fait que le public de Bussang ne serait pas désemparé par ce texte complexe. Et il ne l’est pas. Au contraire, le rythme du décasyllabe blanc donne l’impression de porter les acteurs, unit et rassemble comédiens professionnels et amateurs (certains d’entre eux, comme l’acteur qui joue le rôle de Thésée, montant sur les planches pour la première fois). Extraordinaire moment de partage  voir un public jeune, et parfois très jeune, applaudir à tout rompre…

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Du coup, je me rends compte que je n’ai pas consacré une seule ligne sur ce site aux traductions de Shakespeare qui ont été l’occasion de tant de rencontres, de réflexions et de débats (notamment sur Le Songe que nous avons mis huit ans à mettre au point, après Le Jeu du songe). Je vais réparer cet oubli.

Et voilà ! Ç’a été l’occasion pour moi de retrouver non seulement le dernier exemplaire du Jeu du songe mais un article publié dans Mouvements sur ce qui n’était pas encore une traduction du Songe

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Un héros contre un facho

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© Richard-Max Tremblay

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Pour en finir avec l’affaire Monjarret à Guingamp, et après avoir mis en ligne le dernier épisode du feuilleton, je ne voudrais tout de même pas omettre de signaler que ce qui rend particulièrement indécente l’insistance des autonomistes à exiger que le nom de Paul (dit Polig) Monjarret soit donné à une rue de cette ville est le fait qu’en 1995 est mort à Guingamp un authentique héros de la Résistance, Joseph (dit « Hervé ») Monjaret (oui, avec un seul r).

Le radio de Jean Moulin est mort dans l’indifférence générale et nul ne pense à lui rendre le moindre hommage.

Un ami photographe québécois, Richard-Max Tremblay, m’a fait parvenir une photo prise par lui à Cadérousse au n°1 de la rue Hervé Monjaret, où ce résistant a effectué les premières liaisons radio avec Londres.

Le témoignage de Joseph Monjaret a été recueilli et mis en ligne sur le site du Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation, mais, comme il est très difficile à lire, j’ai pris le parti de lui consacrer une page sur ce site, page qui sera à compléter. C’est déjà un début, et l’occasion de rappeler que, pendant que les uns vendaient la presse nazie au son du biniou, les autres risquaient leur vie.

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Parole interdite (suite et fin) : la vraie Culture bretonne

Un lecteur m’adresse une copie d’un article qui vient à point clore le petit feuilleton que j’ai intitulé Parole interdite : en effet, les militants qui entendent interdire que l’on m’accorde le droit de m’exprimer sur le sol breton, quel qu’en soit le sujet, parlent au nom de la Culture bretonne qu’ils estiment incarner (je mets une intentionnellement une majuscule au mot Culture ; je pourrais aussi, comme eux, en mettre à « bretonne », mais inutile d’outrager l’orthographe). De fait, il s’agit de la Culture bretonne officielle, la vraie Culture bretonne, la Culture bretonne officiellement promue sous la forme d’un Centre culturel breton, qui a pignon sur rue et même vaste enseigne dominant le site de la mairie de Guingamp.

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Lorsque je suis arrivée à Guingamp pour l’inauguration de l’exposition à la médiathèque (elle-même placée sous la direction d’un fils et petit-fils de militant nationaliste breton, et l’accueil fait à l’exposition a été conforme à ce qu’il fallait en attendre), deux ou trois personnes qui se rendaient au théâtre étaient là, le nez levé, s’étonnant du spectacle qu’offre cette façade. Pour ma part, je me souvenais d’un Centre culturel breton Roparz Hemon qui avait été débaptisé, à la grande fureur des militants nationalistes niant obstinément la gravité des textes antisémites de Roparz Hemon et sa fuite avec les SS du Bezen Perrot.

Il me semblait que cette culture s’était discréditée elle-même et n’avait plus sa place dans une ville où la gauche l’avait emporté. Or, tout au contraire, ce que je découvrais, c’était un vaste bâtiment arborant un drapeau national breton, dit « gwenn-ha-du », et une fresque de style néoceltique au sens pour le moins hermétique mais dont le message essentiel était assez clair : nous autres Celtes ne sommes pas français et n’avons donc, fût-ce sur le sol de la mairie de Guingamp, aucun autre drapeau à faire flotter que la bannière de notre ethnie.

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Par la suite, j’ai pu mieux décrypter la fresque car, avouant que « pour le non initié, il n’est pas aisé de comprendre la signification des dessins, ni leur origine », son auteur a pris la peine de s’expliquer longuement  : le nom du kreizenn, dit-il (bien que le nom kreizenn soit normalement féminin, mais nous ne sommes plus à ça près) est écrit en onciale, c’est-à-dire en caractères non pas bretons mais irlandais ; de part et d’autre, se voient deux dragons rouges, considérés comme symboles de l’évêché du Trégor (pour cette raison que « Trégor » pourrait, selon l’une de ces étymologies fantasmatiques si chères à la celtomanie, venir de « dragon ») ; à gauche, se voit le chaudron, motif celtique essentiel, frappé d’un(e) triskell et portant un arbre de vie, autre symbole celtique irlandais. Bref, un symbole celtique, portant un symbole celtique, portant lui-même un autre symbole celtique, le tout signifiant que la Bretagne est celtique, ou plutôt que du chaudron de la celtitude sortira la Bretagne revivifiée, nettoyée, fidèle à ses gènes, plus française, plus bretonne non plus, mais celte. Si l’on remplaçait les symboles celtiques par des symboles aryens, on aurait une exhibition qui ferait peur.

Cette fresque et ce drapeau sont un condensé de la culture qui entend s’imposer, non pas seulement comme culture officielle (puisqu’elle l’est déjà) mais comme seule autorisée à occuper tout le terrain, et je n’ignore pas qu’en s’opposant à ma présence, c’était aussi à la présence de l’association GwinZegal que les militants bretons entendaient s’opposer. Il ne s’agissait là que d’un épisode de plus dans une guerre menée contre une culture libre, je veux dire étrangère à tout enrôlement identitaire. Et je ne voudrais pas omettre de signaler  que cette action s’inscrit dans un contexte plus large qui a vu, au même moment, la mise à mort du centre d’art contemporain le Quartier à Quimper, le maire (de droite) favorisant l’identitaire breton en ses pires productions. Poujadisme et régionalisme ont toujours fait bon ménage.

Or, c’est bien le président du Centre culturel breton, un certain Kerhervé, qui est intervenu ès-qualités pour faire savoir par voie de presse qu’il interdisait qu’il me soit « offert une tribune si minime soit-elle ». C’est lui aussi qui, à la tête d’un commando, a tenté d’empêcher que la conférence sur Armand Robin puisse avoir lieu et soit remplacée par un éloge de Polig Monjarret. Il était soutenu par un nommé Kerlogot, représentant le conseil départemental, et tout à la fois la fédération Kendalc’h qui regroupe les cercles celtiques. Nous avions donc bien là les représentants de la Culture bretonne officielle.

Nul ne les obligeait à mener combat au nom d’un collaborateur des nazis jamais repenti : Roparz Hemon s’était enfui avec les SS du Bezen Perrot mais il n’avait tout de même pas organisé sa fuite avec le SD ; il avait publié des textes antisémites mais il ne s’était pas battu en tête des Bagadoù Stourm ; il avait écrit, bien longtemps après, que sous l’Occupation, la Bretagne avait connu une période de liberté, mais il n’avait pas défendu jusqu’au bout, comme Monjarret, l’existence d’une « race bretonne » ; enfin, il n’avait pas milité au MOB de Fouéré, autre fasciste non repenti, lui aussi partisan d’une Europe des ethnies. Voilà quelques années, le Centre culturel Roparz Hemon de Guingamp était débaptisé, comme le collège Diwan. Exit Roparz Hemon, surgit Polig Monjarret.

Hemon a imposé sur ordre des Allemands l’orthographe surunifiée, Monjarret a imposé par le biniou le culte de l’interceltisme. Leurs combats étaient complémentaires : pour l’un, il s’agissait de faire d’une « langue abâtardie » une langue celtique épurée ; pour l’autre, il s’agissait de faire d’une « musique abâtardie » une musique celtique épurée ; et, pour les deux, de mettre cette reconquête au service de la nation bretonne destinée à prendre sa place dans le concert des nations celtiques. L’Europe des races où le panceltisme rejoignait la pangermanisme est devenue cette Europe des ethnies promue par le « zh » et et le « bagad » que des militants mettent en œuvre comme culture officielle.

Ce sont des militants de gauche (ou qui, comme Kerlogot, peuvent passer de la gauche à la droite) aussi bien que des militants d’extrême droite ou d’extrême gauche qui promeuvent cette idéologie : en effet, l’UDB avait réussi à imposer le nom de Monjarret au conseil municipal jusqu’à ce que des protestations se fassent jour. Et voici l’ancien terroriste Gaël Roblin, fondateur du parti indépendantiste Breizhistance (0,64% de voix aux élections régionales de 2015) qui entre dans l’équipe du Centre culturel breton. Tel est l’article d’Ouest-France que m’a fait parvenir un lecteur trégorrois.

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Ce lecteur précise que, peu auparavant, ce même Gaël Roblin s’était signalé par l’invitation au Dibar de Plougonver d’un terroriste d’Action directe, Jean-Marc Rouillan, sous le coup d’une procédure pour avoir trouvé « courageux » les terroristes islamistes auteurs des meurtres du Bataclan (comme le rapporte le site nationaliste Breizh infos).

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Gauche autonomiste, extrême-gauche indépendantiste, unies pour des actions communes…

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Une certaine porosité se voit, en effet, dans les actions menées pour défendre la Culture bretonne et, pour s’en tenir à l’exemple qui nous a valu de découvrir le Centre culturel breton, la promotion de Monjarret fédère, comme on a pu le remarquer, gauche, droite, extrême gauche et extrême droite sur une même base idéologique : nous sommes Celtes et partisans d’une Europe des ethnies, l’« Europe aux cent drapeaux » de Fouéré (comme de Monjarret). C’est cette culture qui est subventionnée sur fonds publics. Et qui, bien sûr, se présente sous un jour tout à fait apolitique, comme le rappelle un article d’Ouest-France dressant le panorama des activités du Centre culturel breton : d’abord, bien sûr, enseignement du breton, et enseignement de l’histoire bretonne (pas n’importe quelle langue et pas n’importe quelle histoire), puis enseignement du dessin celtique, du kan ha diskan, de la danse bretonne, stages de crêpes, stages de kig-ha-farz, stages de découverte (en breton) du camélia et du rhododendron, participation à la redadeg (course visant à rapporter de l’argent à Diwan) et découverte de la Vallée des saints. Le tout accompagné de conférences sur des sujets choisis… La Fondation Fouéré a, par exemple, invité l’indépendantiste Y. Mervin à faire une conférence sur son dernier livre au Centre culturel breton. Mervin trouve que la Résistance a fait plus de mal à la Bretagne que les nazis : bel exemple d’histoire à promouvoir en même temps que Monjarret.

Un Guingampais soucieux d’apprendre à faire le kig-ha-farz (pot-au-feu léonard) peut ainsi se trouver amené à découvrir tout un ensemble de productions qui l’amèneront à s’enrôler dans un combat nationaliste présenté sous le jour aimable d’un combat culturel.

Telle est la culture à laquelle il convient de faire allégeance pour avoir le droit de s’exprimer.

La conférence sur Armand Robin en a donné une illustration qu’il aurait été dommage de ne pas développer jusqu’au bout.

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19-20-21 août 2016

Reçu d’un lecteur pour montrer l’instrumentalisation des combats écologistes par les nationalistes : au Dibar de Plougonver, qui invitait Jean-Marc Rouillan… la lutte contre les projets miniers permet de tout soumettre à la « cause bretonne ».

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Enfin, Jean-Marc Rouillan ayant été condamné à huit mois de prison, les commentaires de  ses défenseurs du collectif de Guingamp peuvent être lus en ligne.

Ainsi le nationalisme breton s’exprime-t-il.

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Parole interdite (suite) : Le Télégramme et l’omerta

Cinquième épisode du feuilleton.

Résumé des précédents épisodes :

Premier épisode. Le 16 avril, je suis invitée à faire une rencontre sur les photographies et les poèmes d’Armand Robin au théâtre de Guingamp pour conclure l’exposition qui s’est tenue à la médiathèque. Il apparaît que des militants bretons, en tête desquels deux élus, MM. Kerlogot et Kerhervé, interdisent qu’il me soit « offert une tribune si minime soit-elle ». Un commando se présente, menace de casser l’exposition, inscrit des tags et monopolise la parole au nom d’un militant nationaliste collaborateur des nazis, Paul, dit Polig, Monjarret.

Deuxième et troisième épisodes. Le 26 avril, l’IDBE, site de la Fondation Yann Fouéré (agent de la Gestapo en Bretagne), sous le titre « ATTENTION DANGER », appelle à poursuivre l’action des « humanistes démocrates bretons » qui ont interdit ma conférence : il s’agit désormais de faire pression sur tous ceux qui risquent de m’inviter car je suis « nocive pour la Bretagne » (en plus d’être « folle à lier »).

Le 9 mai, lors du conseil municipal de Guingamp, un ex-élu EELV passé à droite, M. Kerlogot, s’en prend au maire, coupable, d’avoir autorisé une association à m’inviter car je « salis la culture bretonne » et que cela risque de « décupler les rancœurs ». Le maire est mis en demeure de donner le nom de Monjarret à une rue. Ouest-France et Le Télégramme reprennent ces accusations.

Quatrième épisode. J’exerce mon droit de réponse. Ouest-France le passe mais en ayant censuré tout ce qui concernait Monjarret.

Et nous en arrivons au cinquième épisode : Le Télégrammme, quant à lui, se dispense de respecter le droit de réponse. Au moins est-il utile de montrer ce contrôle de la presse régionale.

Mais il y a mieux.

Je m’étais contentée de lire la page consacrée à l’intervention de Kerlogot — page déjà remarquable par sa prolixité en regard de la relative neutralité d’Ouest-France. Or, feuilletant le journal pour trouver l’adresse de la rédaction, j’ai découvert que cet article n’était, en fait, que la seconde page d’un dossier Monjarret et que ce dossier n’était lui-même que la suite d’un article promotionnel pour le Festival interceltique fondé par Monjarret.

La chose se présente comme un drame en trois actes :

  1. Page 9 : euphorie après la détresse.

         INTERCELTIQUE. UNE AFFLUENCE CONFIRMÉE

Interceltique affluence confirmée

Comme le laisse entendre l’article, la Bretagne a frôlé une tragédie mais peut enfin respirer : le Festival interceltique a bien compté 750 000 visiteurs. Il s’était trouvé de mauvais esprits pour mettre en doute la véracité des chiffres fournis par les organisateurs.

Désormais le comptage se fait scientifiquement, par « Flux vision », en exploitant les données des téléphones portables. Les festivaliers sont repérés, ciblés, enregistrés. Et c’est le Comité départemental du tourisme du Morbihan qui se charge de l’enquête. Sur fonds publics donc, et au service du FIL : « À nous maintenant de dynamiser ces chiffres. On va pouvoir optimiser nos investissements et adapter notre communication », se réjouit le président du Festival interceltique.

Big Brother e Breizh ? Perspective effrayante ?

Non, « à J-87 du FIL 2016 » il convient de se réjouir.

La propagande pour le Festival interceltique commence donc dans Le Télégramme trois mois avant l’événement.

En prime, le journal vous offre une vidéo à voir sur son site.

Sur la même page, et toujours dans le registre euphorique du Breizh Business, nous apprenons que la ville de Guingamp a vendu ses plaques de rues car elles seront désormais toutes bilingues breton-français. La plaque qui a été vendue le plus cher est la plaque de la rue Traouzac’h. La ville de Guingamp a donc payé pour traduire Traouzac’h en Traouzac’h, encore un bienfait de l’Office de la langue bretonne.

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  1. Page 10, sur le mode tragique, imploration :

AU NOM DE POLIG MONJARRET

Au nom de Polig Monjarret

« En décembre 2012, le conseil municipal avait voté, à l’unanimité, l’attribution d’une rue au nom de Polig Monjarret. Elle devait traverser le futur lotissement de Gourland (ci-dessus en construction). Or, sous la mandature de Philippe Le Goff, en juillet 2014, le conseil était revenu sur cette décision. Une volte-face qui ne passe pas aux yeux de certains défenseurs de cet acteur incontournable de la culture bretonne mais dont le rôle pendant l’Occupation fait polémique. Hier, lors du conseil municipal, Yannick Kerlogot a tenté de faire revenir le maire sur sa décision. »

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III. Page 11 : l’accusation tombe

MONJARRET : LA VOLTE-FACE DU MAIRE NE PASSE PAS

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Suit donc, sur presque une pleine page, l’invraisemblable intervention de l’élu de droite mettant le maire en demeure de rendre nul et non avenu le vote du conseil municipal et l’accusant d’avoir laissé « programmer des conférenciers comme Françoise Morvan qui salissent et dénigrent la culture bretonne, au risque de provoquer des rancœurs au sein de la population ».

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Difficile de trouver meilleure illustration de la manière dont la censure s’exerce en Bretagne : à l’origine, nous avons une rencontre autour de la poésie d’Armand Robin ; à l’arrivée, nous trouvons une apologie de Monjarret.

Comment la conversion s’est-elle opérée ?

Tout banalement, comme de coutume, par le silence. Rappelons-le tout de même au passage, Armand Robin est l’un des plus grands poètes bretons. Ouest-France, publiant mon droit de réponse, le change en peintre, unique allusion au travail d’une année, présenté pourtant dans un lieu public (qui ne risque pas de renouveler ce genre d’activité antinationale). Exit Robin.

Et ensuite par la vocifération, à savoir par la voix des militants, les tags, les panneaux, le conseil municipal, le lotissement de Gourland, et Le Télégramme parachevant le tour de passe-passe. Surgit Monjarret.

La démonstration en est faite : comme l’écrit la journaliste, Monjarret est un « acteur incontournable de la culture bretonne ». Impossible de le contourner : il est là, il faut buter dedans, le voir, le subir, le louer, comme Staline en son temps, lui faire ses dévotions, lui consacrer des places, des rues, des statues.

Vous pensiez que dire la vérité sur ses accointances avec les nazis suffirait pour en finir avec le culte de Monjarret ? Tout au contraire ! Dire la vérité sur Monjarret, c’est « salir la culture bretonne », et c’est vous-même, jugé salissant, qui serez épuré, muselé, interdit de séjour et de parole. Ayant déchaîné, sans même avoir pensé à évoquer son nom, les chœurs des tenants du culte de Monjarret.

Vous pensiez parler de Robin ? Vous parlerez de Monjarret !

La culture bretonne, je veux dire la culture officielle, subventionnée, c’est ça.

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En d’autres temps, le rédacteur en chef du Télégramme, Kerdaniel, n’hésitait pas à consacrer deux pleines pages à un reportage sur Armand Robin — remarquable reportage qui donne à mesurer ce qu’est devenu ce journal. J’imagine ce qu’il éprouverait à le lire et voir la poésie de Robin interdite au bénéfice de Monjarret. Et du Breizh business dont il n’aurait jamais, lui, esprit libre et fin lettré, pu concevoir l’horreur.

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Parole interdite (suite) : Ouest-France et la censure

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Plutôt que de résumer les premiers épisodes du feuilleton, je me bornerai pour faire simple à mettre un lien vers le premier épisode, ma conférence interdite de Guingamp, puis les deux suivants, à savoir : tout d’abord, ma découverte que la Fondation Fouéré appelle les « humanistes démocrates bretons »  à faire pression sur les personnes qui risquent de me donner la parole, quel que soit le sujet, pour qu’elles renoncent à ce projet  nocif,  puis, l’intervention d’un nommé Kerlogot, représentant du conseil départemental, militant breton et président de Kendalc’h, au conseil municipal de Guingamp pour mettre le maire en accusation car autoriser une association à m’inviter, c’est « décupler les rancœurs ».

Comme l’expérience me semble instructive, je décide d’exercer mon droit de réponse. Un article est paru dans Ouest-France, un autre dans Le Télégramme.

Trouver l’adresse de la rédaction locale du journal Ouest-France n’est pas difficile. Au bout d’une semaine, je vois paraître mon droit de réponse, considérablement abrégé.

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Armand Robin est transformé en peintre, un titre a été ajouté (« Françoise Morvan réplique à Y. Kerlogot »), ce qui modifie le sens du droit de réponse et permet de reprendre les accusations de Kerlogot en sous-titre, comme pour leur donner plus de force, et redoubler ces accusations encore reprises en introduction. Cette présentation est, manifestement, destinée à permettre à Kerlogot d’exercer à son tour son droit de réponse, selon la vieille méthode des nationalistes. Ainsi la presse, j’en ai déjà fait mainte fois l’expérience, laisse-t-elle le dernier mot aux militants.

On remarquera que tout ce qui concerne Monjarret a été censuré. Je place en gras les passages qui le concernent et qui ont été supprimés.

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DROIT DE RÉPONSE

 

Le 16 avril 2016, je me suis rendue à l’invitation du centre d’art GwinZegal au théâtre de Guingamp où je devais donner une conférence sur le poète Armand Robin. Cette conférence, suivie d’une lecture de poèmes en russe par le traducteur André Markowicz, devait clore une année de travail car GuinZegal avait fait appel à moi pour une exposition qui s’est tenue à la médiathèque.

Cette exposition et cette conférence étaient rigoureusement apolitiques.

À mon arrivée à Guingamp, d’où ma famille est originaire, j’ai eu la surprise de découvrir que des militants bretons s’opposaient à ma présence sur le sol guingampais au motif qu’il est interdit de « m’offrir une tribune, si minime soit-elle ». Pour quel motif ? Je n’ai pas tardé à le découvrir car un commando est venu souiller les environs du théâtre de tags indélébiles indiquant PLACE POLIG MONJARRET, puis un groupe de militants s’est présenté, certains portant au cou des pancartes où se lisait I AM POLIG.

Après avoir empêché la conférence d’avoir lieu en déversant des invectives pendant près d’une demi-heure, les militants, en tête desquels se trouvaient deux élus, se sont retirés, chassés par les spectateurs indignés.

Lors du conseil municipal du 8 mai, M. Kerlogot a repris ses agressions, reprochant au Maire d’avoir autorisé GwinZegal à m’inviter et le mettant en demeure d’attribuer le nom de Monjarret à une rue.

Le conseil municipal s’étant prononcé en 2014 contre l’attribution du nom de Monjarret, collaborateur des nazis jamais repenti, enfui en Allemagne avec les SS du Bezen Perrot, à une rue de Guingamp, où il exerçait sous l’Occupation ses sinistres activités, ce problème me semblait réglé. Il n’avait, de toute façon, aucun rapport avec la poésie d’Armand Robin.

Ces militants qui entendent assimiler la Bretagne à l’idéologie de Monjarret et faire régner la censure ne sont pas une poignée de fanatiques qui ne représentent qu’eux-mêmes : ils sont à la tête d’associations qui vivent de fonds publics. Il est regrettable que la presse régionale se fasse l’écho de leurs revendications et reprenne leurs accusations.

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Les raisons pour lesquelles les militants bretons ont tenté d’interdire ma conférence et les raisons pour lesquelles le conseil municipal de Guingamp s’est opposé à l’attribution du nom de Monjarret à une rue sont donc supprimées.

Pour ce qui concerne le passé de Monjarret, la rédaction prend sur elle d’évoquer un vague « militantisme au sein du Parti national breton pendant la guerre ».

Ainsi le rappel des faits est-il interdit : seule la version des autonomistes est autorisée.

Je suis assez contente d’en avoir fait (une fois de plus, mais la lassitude n’est pas de mise en pareille affaire) la preuve.

Et ce d’autant que j’ai retrouvé une lettre de Monjarret qui permet de mieux mesurer ce que signifie cette censure qui s’exerce en Bretagne. J’ai mis en ligne une nouvelle page à ce sujet (« Réécriture de l’histoire : la déportation de Polig Monjarret »)

Je poursuis donc cette petite expérience qui, à mon avis, en dit plus long que de longues démonstrations sur ce que nous vivons en Bretagne.

À ce jour, Le Télégramme n’a rien publié.

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(À suivre…)

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Parole interdite (suite)

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Bretagne-Ile-de-France, juin 2016

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J’ai déjà raconté ici comment, invitée à présenter les photographies d’Armand Robin à Guingamp, j’ai découvert que les militants bretons s’opposaient à ce que me soit « offert une tribune, si minime soit-elle » et que j’étais donc interdite de parole en Bretagne. De fait, s’étant présentés en commando, ils avaient empêché la conférence jusqu’à ce que les spectateurs les chassent.

Cet épisode était intéressant pour trois raisons :

— Tout d’abord, la censure qui s’était jusqu’alors exercée tacitement sur toutes mes activités en Bretagne (y compris la poésie, les éditions de contes et autres travaux que l’on aurait pu croire inoffensifs pour la doxa nationaliste) était désormais non seulement pratiquée au grand jour mais donnée pour un devoir. Nul ne doit désormais être exposé au risque de m’entendre, et ce, quel que soit le sujet.

Le motif de la censure était, pour la première fois aussi, exposé clairement : je suis supposée présenter une « image déformée de la culture bretonne », ces militants, eux, présentant l’image non déformée, seule légitime donc, de la culture bretonne. Ils en ont donné les composantes, à savoir « les bagadou, les cercles celtiques, la signalétique bilingue et l’Office de la langue bretonne ». L’union du biniou et de l’orthographe surunifiée, c’est, de fait, le triomphe de ce que les nationalistes ont mis en place. Et c’est ce qui est officiellement subventionné à présent. Il s’agit bel et bien de la culture officielle de la future nation bretonne. Cette virulence de meute sûre d’elle-même s’explique par la certitude d’obéir aux injonctions du pouvoir en place.

— Deuxième constatation : il était apparu que j’étais interdite de parole au nom de Monjarret, autrement dit de l’héritage assumé de la collaboration du mouvement nationaliste breton avec les nazis.

En effet, ces militants bretons avaient commencé par tagger devant le théâtre, comme par une mesure prophylactique, de vastes inscriptions à la gloire de Paul, dit Polig, Monjarret ; certains d’entre eux se promenaient avec, pendues au cou, des pancartes proclamant I AM POLIG[1].

En 2014, lorsque le conseil municipal de Guingamp s’est opposé à l’attribution de son nom à une rue, des résistants se souvenaient encore du rôle joué par Monjarret qui distribuait L’Heure bretonne au son du biniou et, soutenu par l’occupant, faisait régner la terreur.

Pour en savoir plus long sur le personnage, pas besoin d’aller chercher bien loin. Son itinéraire est bien connu (même si, bien sûr, les nationalistes s’acharnent à le réhabiliter, et le cas Monjarret offre un exemple particulièrement probant de censure et de réécriture de l’histoire). Il a fait depuis longtemps l’objet d’une publication disponible en ligne.

On peut la lire ici en PDF

LE CAS MONJARRET

On trouvera aussi une brève synthèse de cet itinéraire pour ceux qui ne voudraient pas perdre trop de temps avec ce peu ragoûtant personnage. Ce qui est prodigieux est le dispositif mis en place par les autonomistes pour le réhabiliter, et l’insistance avec lequel ce joueur de biniou est devenu l’incarnation de la culture bretonne, la culture bretonne officielle,  et qu’il est interdit de ne pas aduler. De fait, les bagadou, les cercles celtiques, le breton surunifié et le panceltisme, tout est issu de Monjarret et des héritiers de Breiz Atao.

— Enfin, les organisateurs de ce commando n’étaient pas quelques allumés de Breiz Atao nostalgiques du fascisme et rêvant de reprendre du service pour le FLB : non, il s’agissait d’élus — l’un d’entre eux, Kerlogot, représentait même le conseil départemental et m’interdisait de parole au nom de Kendalc’h 22 (association dite « culturelle ») ; l’autre, Kerhervé, en tête du commando, et signataire de la tribune dénonçant ma « présence inopportune », s’est présenté, lui aussi, en tant qu’élu et président du Centre culturel breton de Guingamp. Ils dirigent donc des associations subventionnées sur fonds publics. Et ce sont eux qui fabriquent la culture bretonne. Une certaine culture bretonne.

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Or, et c’est où l’affaire devient vraiment instructive, ce n’était là que le premier épisode du feuilleton. Non seulement ni la municipalité de Guingamp ni le conseil départemental, interrogés à ce propos, n’ont osé répondre, mais Kerlogot (un sonneur écologiste passé à droite) a repris ses attaques lors du conseil municipal du 9 mai.

Et voici quel est le traitement de l’affaire dans la presse régionale, à savoir Ouest-France :

 

 Capture d’écran 2016-06-06 à 21.02.18

 

et, plus virulent comme de coutume, Le Télégramme :

 

Capture d’écran 2016-06-02 à 11.12.06

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Pour Ouest-France, comme on le voit, le fait de m’inviter à parler de poésie est de nature à « décupler les rancœurs » guingampaises ; pour Le Télégramme, le maire est doublement coupable : sa « volte-face ne passe pas » (comme s’il avait  sur un coup de tête décidé à lui seul de ne pas donner le nom de Monjarret à une rue) et, de plus, il ne mesure pas la responsabilité accablante qui pèse sur ses épaules du fait que GwinZegal m’a invitée.

Aucun des journalistes ne rappelle qui était Monjarret.

Aucun ne rappelle que le conseil municipal a refusé par 15 voix l’attribution de son nom à une rue.

Aucun ne s’interroge sur les raisons de ma présence. Aucun n’a même évoqué mon travail pour l’exposition ni mentionné le nom d’Armand Robin.

Aucun ne met en doute les accusations de Kerlogot  : il va de soi que je « salis » la culture bretonne. Korlogot le dit et c’est écrit dans le journal, donc, c’est vrai : ainsi se fabrique ce qu’Armand Robin appelait la « fausse parole ».

À en croire la presse, le maire a eu tort de censurer Monjarret mais de ne pas me censurer. Il est donc coupable, et Kerlogot qui, en courageux héros de la bretonnitude, a osé le mettre en demeure d’annuler le vote du conseil municipal, passe pour le défenseur de la paix : ce n’est pas lui et son commando qui sont venus perturber une conférence, c’est le maire qui, en ne m’interdisant pas de fouler le sol guingampais, a non seulement fait violence à ses concitoyens mais décuplé les « rancœurs »… Les rancœurs de qui, sinon d’un groupuscule militant qui, au nom d’un nazillon nationaliste, s’arroge le droit d’instrumentaliser la culture bretonne ?

On pourrait juger bouffon qu’un élu invite le maire à passer outre un vote, mais ce serait mal connaître la stratégie du mouvement breton, foncièrement antidémocratique : à force de crier, la propagande finit par produire un effet de sidération, et les faits passent à la trappe.

En effet, comme en 2014, plutôt que de rappeler le parcours de Monjarret, le maire se borne à évoquer le fait que son nom ne faisait pas consensus. Nul ne rappelle qu’un vote a eu lieu, et, en effet, le fait passe à la trappe.

Oser s’opposer à ces militants revient à sembler s’opposer à la Bretagne.

Ainsi s’instaure le règne de la terreur.

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Et nous ne sommes pas au bout de nos découvertes dans ce petit parcours du monde de la culture bretonne tel qu’il édicte désormais ses oukazes.

En effet, la ville de Guingamp abrite, outre le Centre culturel breton et la médiathèque dirigée par un fils et petit-fils de militants nationalistes bretons, la Fondation Fouéré.

Yann Fouéré était un vieil acolyte de Monjarret, spécialiste, comme lui, du double jeu, incarnant l’héritage jésuitique de Breiz Atao, le catholicisme irriguant depuis la chouannerie les basses eaux du nationalisme breton.

Fouéré figure sous le numéro SR 715 sur la liste des agents de la Gestapo en Bretagne, ce que j’avais pu constater en travaillant à la réédition des Archives secrètes de Bretagne d’Henri Fréville, lequel savait (aussi bien que Monjarret) à quoi s’en tenir au sujet de Fouéré.

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Fouéré agent de la Gestapo

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C’est donc en pleine connaissance de cause qu’en 1956 Monjarret est devenu le bras droit de Fouéré à la tête du MOB, parti nationaliste breton qui devait poursuivre le combat de Breiz Atao après-guerre et fournir des militants au FLB, dont Fouéré lui-même, condamné pour attentats.

Fouéré bénéficie à présent d’une fondation où les nationalistes peuvent puiser matériel de propagande et liens utiles. Une fondation, d’après l’article 18 de la loi du 23 juillet 1987, a pour but  «  la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif ». Grâce à Fouéré et à la filière de faux passeports qu’il avait mise sur pied, les SS du Bezen Perrot ont pu trouver refuge en Irlande et reprendre le combat contre la France républicaine : lui rendre hommage sous forme de fondation témoigne d’une conception de l’intérêt général qu’il serait intéressant d’expliciter.

Quoi qu’il en soit, nous devons à la responsable de la Fondation Fouéré un spécimen de prose nationaliste qui parachève le portrait du mouvement breton par lui-même :

Huonic Attention danger

Appel à censure et à délation, insultes (« sot da stagañ », en breton surunifié, transposition directe du français, signifie « folle à lier »), falsification des faits (car la conférence a eu lieu une fois les intrus partis), et soutien apporté à la plagiaire — je pense que nous avons là un bon portrait des « humanistes démocrates bretons » (pardon : Bretons, avec majuscule, même à l’adjectif, nous sommes dans le règne du Culte). Un Culte assez inculte, à en juger par le style et l’orthographe, mais la Culture bretonne qui a pignon sur rue, et qui interdit toute parole libre, c’est ça.

(À suivre)

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[1] Bien que ceci n’ait qu’un rapport indirect avec notre sujet, je voudrais quand même souligner au passage à quel point le nom de Polig est ridicule, sans même parler de l’effet qu’il produit associé au nom de Monjarret.

Les nationalistes bretons, pour marquer qu’ils entraient dans une sorte de famille, se sont donné de petits noms comme on en donnait aux enfants en France à l’époque : Paul donnait Popol, Émile Mimile, Albert Bébert et ainsi de suite. Le tag PLACE POLIG signifie donc PLACE POPOL.

Quant au panneau indiquant ME ’ZO POLIG, il est plus ridicule encore puisque en breton non surunifié le nom devrait arriver en tête. Tel quel, le panneau clame JE M’APPELLE POPOL. 

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Les mistoufles 3 (chansons atroces)

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Ça y est, le disque est paru.

Les mistoufles 3

Après Les mistoufles 1 (Petits soucis) et Les mistoufles 2 (chansons douces), voici Les mistoufles 3 (chansons atroces)Mes héros : le père Fouettard, le Croquemitaine, le père Lustucru, la fée Carabosse, une bonne vieille sorcière à hibou et la femme de Barbe-Bleue, tout ça très atroce, c’est garanti. On peut trouver les trois CD sur le site de la compagnie l’Unijambiste, à l’origine de cette aventure.

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Les enfants de CM2 de l’école Madeleine Rebérioux de Chambéry qui ont mis ces chansons en musique et les ont interprétées n’ont pas eu l’air traumatisés par ces horreurs et je dois dire qu’ils chantent avec une douceur évangélique la  recette du mouliné de fillette au vermicelle donnée par le père Lustucru et celle de l’enfant à la croque-au-sel vantée par le Croquemitaine.

Ils ont, cette fois encore, une grâce, une drôlerie bouleversantes. Il faut remercier David Gauchard qui est à l’origine de cette expérience unique au monde, et qui était présent, à Chambéry, du début à la fin, avec Robert le Magnifique pour la partie musicale.

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Les photos de Dan Ramaën sont si belles et si émouvantes que je voudrais les reproduire toutes, mais non, ce serait trop, et je me contente d’en choisir deux encore.

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La vraie vie de l’école et la vraie vie de la poésie.

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