Le 22 décembre à 15 h 15, à la Scala, 13 boulevard de Strasbourg, dans le Xe arrondissement, je dirai avec André Markowicz des textes de Vigile de décembre.
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Nous avons choisi ces textes parce qu’ils étaient de circonstance en cette période de Noël mais aussi parce qu’ils venaient s’inscrire dans l’ensemble du projet de rencontres « De Russie et d’ailleurs » à la Scala cette année : une ouverture sur une autre manière d’écrire et de partager ce qui pour nous est essentiel.
En ce dimanche soir, je cède à un mouvement d’indignation.
Déjà, la, selon moi, ridicule cérémonie des Jeux olympiques organisée au moment où la France se trouvait sans gouvernement du fait du prince (qui triomphait grâce aux Jeux) m’avait irritée sans que pourtant je manifeste le moindre sentiment à ce propos ; ensuite, j’avais, poussée par je ne sais quelle curiosité masochiste, suivi la cérémonie d’ouverture, non pas des Jeux, mais de Notre-Dame-de-Paris : il n’avait pas suffi de voir cette pauvre cathédrale dépouillée de tout son mystère, privée à tout jamais de cette présence du temps qui en faisait un reliquaire, et d’entendre célébrer à tout instant la « blondeur des pierres », il avait fallu encaisser comme une insulte la trogne renfrognée de Trump et la présence des milliardaires bénis par leurs offrandes au culte célébré par des évêques déguisés en perroquets : rouge, jaune, bleu, vert, les vêtements liturgiques signés Jean-Charles de Castelbajac avaient dû coûter bien cher quand l’art français du vêtement liturgique qui avait si longtemps triomphé comme un modèle était flanqué à la poubelle, profitant du bienheureux incendie (bienheureux puisque voulu par Dieu, ce que les hymnes de remerciement au Ciel qui se succédaient passaient bizarrement sous silence). Et j’ignorais encore que des vitraux sauvés de l’incendie allaient être déposés pour être remplacés à grands frais par des horreurs modernes… La crosse de l’évêque avec sa pierre bleue imitée du plastique était comme le symbole ultime du toc qui, pour finir, triomphait, assurant la fin d’un catholicisme auquel plus personne ne pouvait adhérer.
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Quelle extraordinaire image que celle de Donald Trump, Emmanuel Macron, Michel Barnier, Premier ministre sans l’être depuis quelques heures, salués par cet homme déguisé tenant sa crosse comme un bâton magique… Au milieu de tout, et plus faux, plus jésuitique que le reste, le discours du pape, qui avait pris soin d’être absent : mielleux, plein de cette onction haineuse qui semble avoir été depuis les origines le chrême de la religiosité, le discours était lu quand chacun savait que, dédaignant Notre-Dame-de-Paris, symbole de la France, le Pape allait se rendre, ultime offense, en Corse.
Pourquoi en Corse ? Mais parce que la Corse, colonisée par l’État français, fait, aux yeux du Vatican, partie de ces régions périphériques où il s’agit de faire resurgir la vraie foi – contre, bien sûr, la laïcité à la française : le pape n’a pas manqué de sermonner la France qui devrait en finir avec une laïcité « statique et figée » et de prôner (ou promouvoir) une laïcité « à la corse ». Nationalisme et religion, tout s’unit dans le culte des racines. Et puis, du Vatican à Ajaccio il n’y a qu’un pas. Et surtout, Dieu a donné au monde un Basque, devenu évêque de Corse, et qui sera peut-être un jour pape, le cardinal Bustillo, ouvertement autonomiste. Ne déclarait-il pas en début d’année que « la Corse doit retrouver sn autonomie et sa liberté » ?
Le voyage du pape en Corse, concocté par Bustillo, est un voyage politique, et le message d’amour un message de haine, une haine doucereuse, enveloppée de bons sentiments et d’autant plus dangereuse. Ce sont les presses de Bolloré qui ont publié le livre du cardinal, Le Cœur ne se divise pas. À voir se dresser la haute silhouette maigre du cardinal photographié pour la presse d’extrême droite, on se dit que cette maxime aurait pu être celle du Grand Inquisiteur.
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Le président de la République s’est docilement rendu en Corse et a rencontré le pape et Siméoni.
Mon indignation vient du sentiment d’avoir vu les valeurs de la République trahies par un pouvoir qui ne se rend présent que pour être plus absent.
Il est vrai qu’il n’y a là plus rien que d’ordinaire.
Quoique, bien sûr, le voyage du pape soit très extraordinaire – et c’est à qui célèbrera cet incroyable, ce miraculeux voyage d’un pape qui, malade, impotent, a tenu à honorer la Corse, pour la première fois au monde, de sa présence.
Et qui a très bien parlé corse.
Mais pas français.
En 2018, Emmanuel Macron avait présenté Jean-Yves Le Drian au pape en expliquant que « les Bretons, c’est la mafia française ». Il n’a pas eu besoin de présenter qui que ce soit en Corse.
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Et, comme par hasard, au même moment, l’Union démocratique bretonne) appelle à un changement de Constitution dans le but de faire éclater la France en régions autonomes (en attendant l’indépendance).
Corses et Bretons, même combat : en 2022 Gérald Darmanin, sans la moindre consultation, étant allé proposer l’autonomie à la Corse, le conseil régional de Bretagne, aligné sur les positions de l’UDB, avait immédiatement exigé, sans plus de consultation, un régime identique d’autonomie.
Dans Ouest-France, l’annonce est faite sous gwenn-ha-du, un immense gwenn-ha-du, symbole de la nation bretonne, et sur un ton apologétique :
« Face à la crise institutionnelle qui secoue actuellement la France, l’Union démocratique bretonne (UDB) prône une réforme de la Constitution permettant des autonomies régionales. Nous souhaitons que la Bretagne, mais aussi d’autres territoires s’ils le souhaitent, puisse voter des lois et lever des impôts, sans mendier systématiquement à Paris une autorisation qui ne vient pas, ou trop tard. »
Rien ne pourrait plus attiser les ardeurs des nationalistes que la déréliction du pouvoir.
Je viens de recevoir les actes du colloque Marie de France fabuliste – colloque placé sous la direction de Jeanne-Marie Boivin et Baptiste Laïd et qui m’avait donné l’occasion de poser le problème de la traduction de la poésie médiévale. C’est ce que résume joliment Jeanne-Marie Boivin en introduction à ma communication (qui clôt le volume) :
« Le choix de traduire le vers par le vers permet de respecter nombre de qualités du texte en ancien français : musicalité, brièveté, humour, rapidité, clarté, là où les traductions en prose comme celle de Ch. Bruckner proposent un texte très littéral qui a son utilité, mais dont disparaît une grande part du travail original. »
C’est, à ma connaissance, la première fois que cette méthode de traduction, jugée hérétique au point que ma traduction des Lais et des Fablesn’existe tout simplement pas aux yeux des universitaires, bénéficie d’une reconnaissance officielle. Il faut d’abord saluer l’ouverture d’esprit de Jeanne-Marie Boivin qui a fait partie des hardies pionnières à l’origine de la découverte des fables de Marie, longtemps si décriées.
Âgé de cent ans, mon oncle René était, d’après Pierre Martin, le président de l’ANACR (que l’on voit sur l’image avec un coussin portant des médailles), le dernier maquisard des Côtes d’Armor.
C’est lui qui, lorsque j’étais allée l’interroger au moment où j’écrivais Miliciens contre maquisards, avait, au détour d’une réponse à une question portant sur un tout autre sujet, confirmé la présence du Bezen Perrot à Garzonval. Je me suis souvenue de ce bref échange, qui en disait pourtant si long :
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« Est-ce que, pour toi, la langue dans les maquis, c’était plutôt le français ou le breton ?
– Le breton ? Les paysans parlaient tous français avec nous, même dans le Morbihan qui passait pour arriéré. La pire preuve de mépris, c’était de leur parler breton, sous prétexte qu’ils ne pouvaient pas comprendre autrement. À Garzonval, tiens, juste après le massacre de nos copains, un paysan qui conduisait une charrette sur la route a été pris à partie par les SS… Ils remontaient sur Plougonver et ils lui ont crié en breton : « Gare-toi de là ou t’es fait ! ». C’est le paysan lui-même qui nous l’a dit la première fois qu’on est allé à Garzonval après la guerre… Des SS qui parlent breton pour se faire obéir d’un plouc, supposé incapable de comprendre le français… il n’en revenait pas.
— Les SS sous uniforme allemand qui parlent breton, ça ne peut être que les miliciens du Bezen Perrot, et pourtant les historiens prétendent que le Bezen n’était pas à Bourbriac.
— En tout cas, ceux de Garzonval parlaient breton. Et ce qui est grave est qu’on réhabilite maintenant des collabos comme l’abbé Perrot… »
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C’était un témoignage tout simple – un condensé de vérité allant de soi pour lui, et pour moi d’autant plus sidérant qu’il énonçait ce que la propagande avait enlisé, submergé, interdit : mon oncle, bretonnant de naissance, disait ce qui pour lui, comme pour les jeunes maquisards autour de lui, était une évidence, à savoir que les échanges se faisaient naturellement en français, que le fait de parler breton à un paysan pouvait être la marque d’un manque de considération et que les nazis étaient allés jusqu’à se servir du breton comme offense. Que ces nazis aient été des nationalistes bretons ne lui était pas venu à l’esprit : c’étaient des SS, voilà tout. Et ça en disait long sur la défense du breton par les nationalistes…
La présence de ces SS à Garzonval, elle est désormais effacée, passée sous silence.
Il serait heureux que Pierre Martin et l’ANACR, lors de la prochaine cérémonie de Garzonval, se souviennent de ce témoignage. Ce serait un bel hommage à rendre au dernier maquisard des Côtes d’Armor.
Un lecteur me signale que la publication du livre du sénateur Botrel sur le Bezen Perrot s’inscrit dans le cadre d’une opération menée par le CRBC avec la collaboration d’historiens qui s’occupent depuis des années de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en Bretagne.
En 2001 déjà, quand mes protestations appuyées par le Groupe Information Bretagne contre la réécriture de l’histoire avaient trouvé assez de relais pour inquiéter le mouvement breton, un colloque international avait été organisé par le CRBC. Il s’agissait d’après les organisateurs d’en finir avec les attaques de « la presse parisienne » contre « la Bretagne » (sic) et d’orchestrer une vaste reprise en main prolongée par la propagande régionale. C’est ce qui a eu lieu. Le colloque, indiquait l’un des organisateurs, était une « arme ». Une arme au service de l’idéologie défendue par le sulfureux Cozan qui était à l’origine de cette opération reconquête et e non moins sulfureux Michel Denis, ancien président de l’université Rennes II, tout acquis à la cause udébiste.
Cette année, selon la même méthode, le CRBC a organisé un grand colloque sur « les victimes de 1944 en Bretagne ». Le libellé semble laisser entendre que 1944 a été un désastre qui en Bretagne a eu pour première conséquence de provoquer des victimes. C’est la thèse des nationalistes bretons, telle qu’elle est à présent défendue par Y. Mervin, auteur diffusé par la Coop Breiz comme l’ex-sénateur Botrel et comme d’ailleurs les productions du CRBC (fort idéologiquement marquées). De même que celui de 2001, le colloque est placé sous l’égide de Christian Bougeard (dont le directeur de thèse fut Michel Denis et qui ne fait somme toute que poursuivre sur sa lancée). Je montrais dans Miliciens contre maquisards comment il réécrivait l’histoire à propos précisément des événements niés par le sénateur :
« Indifférence aux dates et laminage des faits : le lien entre l’attaque du cantonnement de Bourbriac et la rafle est, cette fois, rendu invisible, puisque la première est placée le 16 juillet et la seconde le 7 ; les exécutions de Saint-Nicolas-du-Pélem et de Garzonval sont oubliées. Ce qui importe est cette vision héroïque des combats des maquis Tito accumulés pêle-mêle comme expression de la Résistance bretonne, émanation de la Terre des Celtes (c’est le titre de la collection dans laquelle est publié ce livre). L’indifférence à la réalité des faits se double d’une indifférence, frappante ici, à la réalité vécue, c’est-à-dire, en somme, à l’histoire telle qu’elle s’est déroulée, dans l’espace, dans le temps, mais aussi dans la chair et dans l’esprit des personnes concernées. Comme l’écrit froidement l’universitaire, résistants et civils interceptés meurent souvent sous la torture à Uzel… De fait, à parcourir les documents d’archives, on peut s’en convaincre, résistants et civils meurent souvent — mais la chose est présentée comme une fatalité. Certains excès et dérapages limités ont pu discréditer les résistants dans la mémoire collective. Mais, durant cette période, il faut bien se ravitailler, trouver de l’argent pour payer, sans oublier le tabac, réquisitionner des moyens de locomotion (36 voitures « volées » en juin), explique Christian Bougeard. Triste épiphénomène, en somme, pur objet de statistiques : on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. »
On ne s’étonnera pas de voir l’ex-sénateur aviculteur propulsé en tête du colloque chargé d’officialiser ce qu’il convient de croire ou de ne pas croire : par exemple, que le Bezen Perrot est innocent des crimes de Bourbriac. Et c’est lui qui est chargé de traiter le « contexte » de l’Occupation allemande ! Lui qui dans son essai se montre incapable de poser le contexte de la création du Bezen Perrot… Mais c’est qu’il s’agissait précisément d’effacer ce contexte.
En tout cas, question de contexte, la publication du livre du sénateur s’inscrit dans un ensemble qui explique mieux la parution de son livre et sa promotion. Et qui le rend beaucoup plus grave qu’il ne paraît. Nous sommes bien loin de l’histoire locale, de l’interprétation d’événements secondaires vieux de quatre-vingts ans et du recyclage d’un ex-sénateur aviculteur en historien désormais promu par l’institution.
Au-delà de l’histoire même, ce qui se pose est le problème de l’institution et de la mainmise du lobby régionaliste sur tout ce qui touche à la Bretagne. Et ici avec la caution du Maitron… Ni rouge ni blanc, breton seulement !
J’apprends par ce même lecteur que cet aviculteur a longtemps été président du syndicat département d’eau potable des Côtes d’Armor : finalement, l’eau pure et le poulet font une alliance assez semblable à celle de la Libération et du mouvement breton.
L’an passé, David Gauchard avait fait un travail passionnant sur notre traduction des Sonnetsde Shakespeare avec des lycéens ; cette année, il met en scène Macbeth et, après le théâtre de Morlaix, ce sera le Théâtre de Cornouaille qui accueillera la pièce. C’est aussi à cette occasion que nous sommes invités par la librairie Ravy, 10 rue de la Providence à Quimper (et c’est la première fois que nous sommes invités dans une librairie de Quimper, ce qui mérite d’être souligné).
Le festival de traduction VO-VF qui se tient à Gif-sur-Yvette dans la vallée de Chevreuse nous invite, André Markowicz et moi, cette année encore. En clôture du festival, nous allons lire à deux voix des poèmes de Rutebeuf (extraits du Dit de la grièche d’hiver) et d’Anna Akhmatova (extraits des Élégies du Nord) que nous avons publiés cette année aux éditions Mesures. Et nous allons présenter les autres livres traduits cette saison.
En mai dernier, un aviculteur et ex-sénateur-maire de Bourbriac, Yannick Botrel, a publié aux éditions nationalistes Skol Vreizh une histoire du Bezen Perrot qui en temps normal ne mériterait pas une ligne de commentaire : il s’agit d’une liste énumérant les membres du Bezen Perrot, un groupe de nationalistes bretons enrôlés sous uniforme SS, liste connue de longue date et que j’avais dû établir pour écrire Miliciens contre maquisards voilà une quinzaine d’années.
Lorsque j’ai publié ce livre en 2010, le sujet du Bezen Perrot n’avait été traité que par des historiens autonomistes en respectant hypocritement l’identité des membres de cette formation : certains noms étaient donnés, deçà-delà, pour des raisons pas toujours honorables, mais l’histoire était présentée (d’ailleurs criblée d’erreurs) sous une forme cryptée. Deux militants nationalistes, Yann Fournis et Kristian Hamon, s’étaient chargés de faire comme si tout avait été dit : le bon mouvement breton avait su balayer devant sa porte et seuls les jacobins venaient s’interroger sur l’idéologie qui l’avait amené à collaborer massivement. En introduction au livre de Kristian Hamon paru chez un éditeur hypernationaliste un historien autonomiste ne commençait-il pas par présenter l’exécution du sinistre abbé Perrot par la Résistance (exécution qui avait valu à l’abbé de donner son nom à cette formation) comme un crime contre l’humanité ? Tout un programme…
Lorsque j’ai commencé cette recherche au sujet de la rafle du 11 juillet 1944 (pour des raisons que j’ai exposées assez longuement ici), j’avais déjà pu étudier longuement le mouvement breton (ne serait-ce que pour écrire Le Monde comme si) mais j’étais bien loin d’avoir mesuré l’ampleur de la trame mise en place avant-guerre et sous l’Occupation, puis reprise après la Libération. En écrivant Miliciens contre maquisards mon but était simple : l’un des résistants raflés le 11 juillet 1944 avait écrit un long témoignage dans lequel il racontait qu’un groupe du Bezen Perrot se trouvait à Bourbriac mais tous les historiens se taisaient à ce sujet. Pour savoir si c’était exact, et comprendre les risons de ce silence, j’ai reconstitué l’itinéraire de tous les membres du Bezen et j’ai établi l’identité des cinq membres qui étaient présents. Je me suis interrogée sur les raisons qui les avaient amenés à s’enrôler sous uniforme SS pour combattre la France et j’ai suivi leur intinéraire après-guerre : ils ont continé de militer et le mouvement nationaliste breton actuel est né d’une opération de recyclage via l’Irlande notamment menée par Yann Fouéré et ses affidés.
C’est évidemment cette histoire qu’il s’agissait prioritairement pour les militants de dissimuler. Lorsque les nationalistes de l’Institut culturel de Bretagne, à l’instigation de leur directeur, Pierre Denis (ardent collaborateur sous l’Occupation) ont voulu m’exclure (sans m’entendre, au mépris de leurs statuts, et pour avoir dit la vérité, ce que les tribunaux ont établi par la suite) combien y avait-il là de vieux nazis et de descendants de ces nazis ? Tous étaient parfaitement au courant de cette histoire tenue secrète et qui expliquait l’étrange sentiment de connivence qui les unissait, depuis Jean-Marie Bouëssel du Bourg jusqu’à ce Caouissin (du Kommando de Landerneau) qui fut décoré du collier de l’Hermine, comme d’ailleurs Lena Louarn (fille d’Alan) et Patrick Malrieu (fils et neveu de SS du Bezen qu’il n’a jamais condamnés, que je sache). C’est en travaillant aux archives que j’ai vu s’ouvrir cette boîte de Pandore et que j’ai pu mesurer la gravité de la réécriture de l’histoire dont j’avais moi-même été victime.
Il va de soi que Miliciens contre maquisards était le prolongement du Monde comme si : à partir de l’histoire d’une rafle, il s’agissait d’amener à réfléchir, d’une part, sur la réécriture de l’histoire en Bretagne (induite par la mainmise des nationalistes sur la culture) et, d’autre part, sur le dispositif qui amenait l’État français à subventionner les militants qui appelaient à sa destruction. Des militants qui ne représentaient qu’eux-mêmes et qui tenaient leur pouvoir des tribunes et des subsides qui leur étaient offerts.
Un silence absolu a accompagné la parution de ce livre. Débat interdit, comme dans le cas du Monde comme si (salué par un déchaînement d’invectives, qui m’a amenée à faire condamner Bretagne-hebdo, le journal de Ménard et Grall, deux terroristes du FLB soutenus par Troadec, le maire autonomiste de Carhaix).
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De même que Le Monde comme si, lelivre a connu pourtant, grâce aux lecteurs, et pour ainsi dire clandestinement, plusieurs de tirages et est paru en poche. Il avait été publié par les éditions Ouest-France, lesquelles avaient fait leur possible, en vain, pour obtenir une ligne de présentation, sans même parler de réflexion sur un sujet interdit – il était interdit, j’en ai une fois de plus fait la démonstration. L’épisode le plus extraordinaire a été l’unique conférence qu’à l’invitation de plusieurs associations j’ai pu donner à Saint-Brieuc et qui a été l’objet de telles menaces (notamment de la part du site nationaliste breizatao) que les renseignements généraux ont alerté le préfet, lequel a pris contact avec les organisateurs pour comprendre de quoi il retournait. En fin de compte, une manifestation pour Diwan ayant été organisée à Louannec le même jour à la même heure, les nationalistes de Breiz Atao ont préféré se mobiliser pour aller protester contre le maire et les parents d’élèves qui voulaient disposer des locaux de l’école laïque… Il était d’ailleurs curieux de voir tous les militants, extrême gauche et extrême droite unies, s’en prendre au malheureux maire de Louannec, bretonnant de naissance et qui ne comprenait rien au breton surunifié des promoteurs de cette langue. Seuls quelques enragés étaient venus nous invectiver à Saint-Brieuc (ainsi une certaine Huonnic, responsable de la fondation Fouéré – car cet agent de la Gestapo a sa fondation à Guingamp !) et j’ai ensuite mis en ligne le texte de cette conférence. Il avait fallu, comme de coutume, mobiliser tout un service d’ordre pour que j’aie le droit de rencontrer des lecteurs. Ailleurs, sur les lieux de la rafle, à Bourbriac ou au luxueux Musée de la Résistance bâti à grands frais par l’architecte de l’Institut de Locarn, la censure a été totale. Débat interdit. Et aussi bien à l’université (désormais productrice d’une histoire massivement mise au service de la cause). Le débat est plus interdit que jamais puisque les éditions Ouest-France ont laissé s’épuiser le dernier tirage de Miliciens contre maquisards – bien opportunément pour les nationalistes et leurs soutiens.
Le rappel de ces faits n’est pas inutile car c’est par comparaison que l’ampleur du battage organisé autour du livre du sénateur prend sens.
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D’une part, je le rappelle, le sénateur-maire de Bourbriac efface toute trace de présence du Bezen dans sa commune en supprimant les documents d’archives qui la prouvent. Je n’y reviens pas : je l’ai déjà démontré ici même.
Ce qu’il s’agit d’effacer, ce n’est évidemment pas cet épisode mais le contexte que j’avais établi : en ciblant exclusivement le Bezen et en livrant une liste de ses membres sous une forme pesamment administrative, l’auteur exclut toute réflexion sur l’idéologie qui a amené les nationalistes à s’enrôler ; il élimine aussi toute réflexion aussi l’itinéraire de ces nationalistes et la reconstitution du mouvement breton après-guerre. C’était déjà la thèse de Fournis et Hamon, et, bien sûr, celle de l’indépendantiste Mervin : 70 égarés ont amené l’État français à persécuter le bon mouvement breton. Le sénateur socialiste va plus loin : pour lui ces « supplétifs » n’étaient pas des SS et Yann Fouéré n’était pas autonomiste.
Ce livre offre un exemple de l’allégeance des socialistes aux nationalistes bretons (ce que je montrais précisément dans Le Culte des racines) : il témoigne d’une imprégnation des lieux communs udébistes qui va jusqu’à la caricature (et ce n’est pas pour rien qu’il est publié chez un éditeur nationaliste). On a beaucoup dénoncé les menaces subies par les journalistes qui se penchent sur l’agroalimentaire en Bretagne mais personne n’ose se pencher sur la censure de l’information touchant au nationalisme breton – le problème du nationalisme et celui de l’agrobusiness étant d’ailleurs liés via le lobby patronal breton (mais les écologistes qui dénoncent l’agrobusiness sont pieds et poings liés par les udébistes et participent donc à la censure qu’ils dénoncent).
Ce livre a, d’autre part, l’intérêt de montrer comment la propagande fonctionne en Bretagne : les médias bretons font tous partie de l’association Produit en Bretagne créée par l’Institut de Locarn et actuellement dirigée par Malo Bouëssel du Bourg. Ouest-France, Bretons, Le Télégramme et les chaînes de télévision, Tébéo, TV Rennes… sont la voix du lobby patronal breton appelant à l’autonomie, lobby relayé par le conseil régional. Ce livre nous offre l’occasion d’assister en direct à la promotion, entre pâté Hénaff, Coreff, Savéol, Crédit Mutuel et Coop Breizh, du Bezen Perrot comme produit d’appel. Face au silence ou aux menaces qui ont accompagné la parution de Miliciens contre maquisards, la propagande dont bénéficie le livre du sénateur a quelque chose de tranquillement indécent : pour célébrer le quatre-vingtième anniversaire de la Libération, le livre du sénateur tombe à pic. Propagande promotionnelle…
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20 juin 2024, premier article laudateur avec interview et portrait en couleur : l’auteur montrant son livre (on ne peut pas dire que la publicité soit déguisée)
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28 juillet 2024, rebelote : cette fois, c’est l’un des responsables du journal, Tangi Leprohon (fils du militant autonomiste fondateur de l’UDB Ronan Leprohon – lequel avait commencé de militer avec Fouéré) qui poursuit l’opération. Même photo, même teneur…
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Et la propagande continue…
sur le thème : ils n’étaient de 70 et le bon mouvement breton a souffert à cause d’eux. Alors qu’il y avait aussi des miliciens français – des miliciens « français » qui, en Bretagne, n’étaient, bien sûr, pas bretons …
Ouest-Frances’y était mis très tôt : une page entière pour commencer….
Et puis, sous la plume du même journaliste, une nouvelle page pour célébrer une recherche « sans caricatures ni omissions » – avec, comble de cynisme, renvoi vers le film de Vincent Jaglin (qui, censuré, lui, est en opposition totale avec le livre du sénateur-maire). Ne reculant devant rien, le sénateur se donne pour auteur d’une « demi-dizaine » (sic) de livres : lesquels ? Quelques études d’histoire locale ? Le catalogue de la BNF ne mentionne qu’un livre naguère paru chez Skol Vreizh… Les origines du Bezen ? Pas le nationalisme breton, non, surtout pas : « Les origines politiques du Bezen Perrot sont à rechercher dans une Europe de l’après Première Guerre mondiale marquée par les difficultés économiques et sociales... » Et puis aussi, bien sûr, l’exemple de l’Irlande qui a gagné son indépendance contre la Grande-Bretagne (sous-entendu : comme la Bretagne aurait pu le faire contre la France). Les SS du Bezen Perrot n’ont jamais tué, ni à Garzonval, bien sûr, ni ailleurs : « Ils conduisent les prisonniers aux policiers allemands du SD qui les exécutent.» C’est plus propre.
Je donne l’article en PDF car il mérite vraiment d’être lu pour comprendre le fonctionnement de la propagande en Bretagne.
Suite à cette publication, Vincent Jaglin a écrit à l’auteur de l’article et le lien a fini par être supprimé sans toutefois que le journaliste s’interroge sur les informations données .
Ce n’est pas fini : le journal Le Télégramme, dans sa version magazine, toujours sous la plume de Tangi Leprohon, a consacré une nouvelle page au Bezen Perrot, sur la même base et allant jusqu’à écrire que certains membres des Bagadou Stourm ont rejoint la Résistance (sinistre plaisanterie due à l’autonomiste Jean-Jacques Monnier).
L’article est annoncé en première page et il figure dans le Hors-série La Libération en Bretagne. Je le donne tel que je l’ai reçu, photographié par une lectrice indignée.
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Le Bezen pour célébrer la Libération, quoi de plus opportun et surtout de plus breton ?
La version des autonomistes de l’UDB est devenue la version officielle de la presse bretonne. Nous le savions depuis longtemps : nous en avons ici une illustration plus cynique car les crimes de ces SS sont, dans le cas des jeunes résistants assassinés à Garzonval, effacés et, dans le cadre plus large de l’histoire, décontextualisés pour être banalisés.
Ce qui a changé entre les années où, dénonçant les écrits antisémites de Roparz Hemon et de Youenn Drezen, j’étais invectivée, accusée de falsifier mes traductions, d’être une menteuse pathologique et une paranoïaque, et le moment où paraît cette histoire du Bezen qui dissimule entre autres la fuite de Hemon avec ces tortionnaires, c’est la certitude du mouvement breton d’avoir gagné la bataille de la propagande. Qu’une voix dissidente s’élève, elle sera écrasée. Le fait que le mouvement breton ait produit une formation de SS n’est plus qu’un épiphénomène pittoresque.
Alors, pourquoi quatre-vingts ans de dissimulation et des mensonge ? C’est que la vérité risquait de déranger la mouvance nationaliste et qu’il y avait encore une résistance à la dérive ethniste en Bretagne. La vérité ne dérange plus : sous l’habillage qui la travestit, elle contribue au contraire à donner du piment à la virile histoire des Bretons.
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La propagande ne pouvait pas s’arrêter là : comment la revue Bretons, fer de lance du combat nationaliste tel que l’entend le lobby de Produit en Bretgagne, ne pouvait pas laisser passer cette occasion de célébrer la Bretagne grâce au Bezen.
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Cette fois-là, plus besoin de se gêner : tout ce qui peut effacer le contexte, minimiser le rôle de ces SS et empêcher la compréhension des faits est mis en œuvre. Pour la première fois, on vous présente des portraits de ces braves jeunes gens : ils sont bien sympathiques, bien ordinaires, bien de chez nous.
La réécriture de l’histoire va loin :
– D’abord, éliminons le rôle de l’abbé Perrot : ce prêtre fanatique qui était considéré comme son père spirituel par Célestin Lainé, qui a contribué plus que tous à le fanatiser, comme à fanatiser tous ces jeunes nationalistes qu’il recevait dans son presbytère, Mordrel et son cousin Bricler, le délateur qui allait être exécuté, comme l’abbé Perrot, par la Résistance ? Aucun rapport ! Voilà ce que le sénateur ose déclarer :
« L’abbé Perrot n’a vraiment aucun rapport avec la formation qui a pris son nom après son assassinat par la Résistance, en décembre 1943. »
Du moins l’autonomiste Hamon avouait-il que l’abbé Perrot était un délateur, collaborateur de l’occupant (j’en parle assez longuement dans Miliciens contre maquisards et l’on comprend pourquoi ce livre dérangeait : il fallait qu’il disparaisse).
– Les membres du Bezen, enrôlés sous uniforme SS, des nazis ? Allons donc !
« Lainé, lui, c’est un activiste, et il est proche des nazis, c’est très clair. Ce qui n’est pas le cas de tous les miliciens. »
Encore un peu, le sénateur va les faire passer pour des résistants : certains d’entre eux, à la Libération, ne se sont-ils pas engagés dans des maquis pour se refaire une virginité ?
– Des membres de la Gestapo, prêts à dénoncer, torturer, assassiner ? Mais pas du tout ! Des supplétifs de bas étage – sans aucune formation !
« On va donc confier les tâches qui ne nécessitent pas de technicité particulière à des gens qui n’ont pas besoin de formation : le transfert des prisonniers, leur garde, celle des locaux. Pendant toute une période, c’est ce que font les miliciens du Bezen. »
Pas de formation : pas de Service spécial de Lainé, pas de Kaderven, de merveilleuses séances des formations de combat avec les armes des nazis débarquées à Loquirec et cachées au presbytère par le bon abbé Perrot ! L’histoire s’efface, se change en un récit mielleux d’un épisode sans importance mais si pittoresque de l’histoire locale…
– Des supplétifs pas vraiment actifs : quelques petites sourcières deçà delà, quelques rares « opérations » (terme galant pour désigner les rafles sanglantes) :.
« On les utilise aussi quand il y a de grandes opérations. J’en ai identifié au moins deux dans les Côtes-du-Nord : la rafle de Callac le 9 avril 1944 et celle de Maël-Pestivien début mai 1944. Là, effectivement, on fait venir les gens du Bezen Perrot pour la garde des prisonniers, mais aussi pour du ratissage. »
Tout ça n’était que ratissage… un opération de jardinage, en somme. Et le sénateur de se vanter d’avoir « identifié » deux rafles ! Quel mérite en effet ! Des rafles qui ont été longuement racontées – que j »évoque dans Miliciens contre maquisards et qui ne font partie que d’un ensemble d’« opérations » qu’il s’agit d’occulter… Le sénateur socialiste n’a, en reevanche, pas du tout « identifié » la rafle du 16 juillet 1944 qui a conduit de jeunes résistants à Bourbriac où ils ont été torturés avant d’être assassinés à Garzonval. Pas de rafle, pas de Bezen, pas de crimes. À la trappe.
Et puis, d’ailleurs, au total, il y avait dix tortionnaires, pas plus… chacun sait que les valeureux gours arrêtés se vantaient de leurs actions quand ils étaient interrogés…
« Des tortionnaires, il y en a dix, qui sont connus, cités. Le cas de chacun a été examiné et, dans certains dossiers, il n’y avait pas grand-chose. »
Oui, vous avez bien lu.
Tout le reste est à l’avenant, le pire étant sans doute la manière dont le sénateur, qui sait parfaitement comment les SS du Bezen ont été recyclés, occulte leur fuite en Allemagne, les réseaux qui leur ont permis de continuer de se sauver et le rôle de l’Irlande catholique dans le recyclage.
La fuite du Bezen en Allemagne ? Juste une simple question d’amitiés panceltiques :
« Il n’y avait rien de prévu pour l’exfiltration des miliciens bretons. Quelques Allemands passionnés de culture celtique sont entrés en contact, intellectuellement, avec des gens du mouvement politique breton. Des relations amicales se sont établies. Et ces gens-là donnent un coup de main. Ils ne sont pas tous des nazis, d’ailleurs. »
Les relations avec le sonderführer Weisgerber et autres partisans de l’Europe des races à instaurer qui venaient depuis les années 30 assister l’ethnie celtique opprimée par la France en Bretagne ? Pures relations intellectuelles, aimables relations amicales entre gens de bonne compagnie. Les retrouvailles avec le sinistre Weisgerber lors de la fuite du Bezen ? Oh mais c’est qu’il faut d’abord tenir compte des souffrances des pauvres exilés :
« Mais en tous les cas, les membres du Bezen vivent très mal en Allemagne. »
Plaignons-les. Et oublions qu’ils étaient embauchés par les nazis pour faire des formations radio et se préparer à retourner en France faire de l’espionnage… Ils ont souffert, n’en parlons plus. Et puis, ils sont obligés de s’exiler en Argentine et en Irlande, les pauvres.
Comble de cynisme, De Gaulle est appelé à la rescousse :
« Le général de Gaulle l’avait dit, il ne s’agissait pas de sanctionner un délit d’opinion pour les autonomistes bretons, mais de traquer des gens qui auraient commis des crimes. »
Pas de crimes : il y a juste eu une petite dizaine de tortionnaires et, au total, combien ont-ils été condamnés à mort et exécutés ? Silence à ce sujet. Et pour le reste : délit d’opinion…
La confusion avec les « autonomistes » s’agissant de ces séparatistes enragés que furent et que restèrent les chefs du Bezen est caractéristique de la méthode du sénateur.
Cette réécriture de l’histoire jésuitique serait juste pitoyable si elle n’avait pour but d’interdire toute réflexion sur la propagande nationaliste qui a amené des jeunes gens à s’enrôler dans un combat ethniste pour la Bretagne et poour Dieu… et d’interdire ainsi toute réflexion sur la reprise sous habillage de gauche du combat que ces militants ont poursuivi après-guerre.
En fin de compte, le Bezen ainsi rhabillé à son tour fait bel effet dans le paysage. On en tire profit sans risquer que le Breton se pose des questions sur les autonomistes qui parlent en son nom. Et la Coop Breizh diffuse le tout. Elle dépose son bilan : qu’importe ! Les fonds publics vont la renflouer. Elle joue un rôle essentiel. Avec le soutien de la presse encore dite régionale.
Plusieurs lecteurs m’ont écrit à la suite de l’article que j’ai mis en ligne dans ces actualités pour protester contre la réécriture de l’histoire en Bretagne à partir d’un événement très précis : l’assassinat de sept jeunes gens le 16 juillet 1944 à Garzonval en Plougonver.
Je ne reviens pas non plus sur les polémiques sans fin relancées par un historien autonomiste qui avait dissimulé la présence du Bezen Perrot à Bourbriac.
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Au fil des années, la vérité me semblait s’être imposée. Avec l’aide d’habitants de Plougonver, Alain Michel, Anne et Thierry Orgeolet principalement, qui ont fait un travail considérable de recherche, d’enregistrement, de mise en page, nous avions publié un livre, Garzonval en mémoire, qui est encore vendu par la mairie de la commune. Ce travail était, bien sûr, bénévole. La vente de ce livre et de Miliciens contre maquisards sur place a servi à payer la rénovation de la stèle qui commémore le massacre de Garzonval.
La journaliste Charlotte Perry (qui avait fait un magnifique reportage sur l’Institut de Locarn et la pseudo-révolte des Bonnets rouges), s’était livrée à une enquête à partir de Miliciens contre maquisards dans le cadre de l’émission « Comme un bruit qui court », sur France-Inter.
Une autre émission, diffusée le samedi 27 septembre, donnait la parole aux personnes du bourg de Plougonver qui ont apporté leur témoignage pour le livre Garzonval en mémoire.
Ce travail avait provoqué la fureur des nationalistes d’extrême droite, authentiques héritiers de Breiz atao et du Bezen Perrot, sans provoquer la moindre réflexion sur le danger de passer sous silence la collaboration massive du mouvement nationaliste breton.
Au contraire, il est apparu que le maire (qui avait pourtant préface Garzonval en mémoire) refusait de mentionner la présence du Bezen Perrot. Pour quelle raison ? Cela risquait d’indisposer des gens de la commune, a-t-il répondu à une personne qui s’en étonnait.
Plus choquant encore, en 2021, c’est un député connu pour sa défense d’un collaborateur des nazis qui a été invité lors de la cérémonie.
Nous avons donc tous cessé de participer à la commémoration.
Cela va de soi, jamais la mairie ne m’a demandé de dire un mot.
Ce n’est là qu’un exemple montrant comment s’exerce la censure en Bretagne.
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Cette année, un sénateur socialiste, ancien maire de Bourbriac, aviculteur, politicien et amateur d’histoire, publie une histoire du Bezen Perrot qui efface totalement la présence de ces assassins à Bourbriac et à Garzonval.
Nouvel exemple de censure : la censure par la réécriture de l’histoire.
Cette réécriture, que je dénonce depuis des années, est en l’occurrence particulièrement intéressante parce qu’elle montre la dérive idéologique des socialistes en Bretagne : publiant dans une maison d’édition nationaliste, le sénateur adopte le point de vue des nationalistes sur l’histoire et force les faits à obéir au catéchisme nationaliste : disparition des tortures à Bourbriac, des exécutions à Garzonval, les SS du Bezen n’étant, d’après lui, pas des SS et leur grand tort ayant été de discréditer le bon mouvement nationaliste breton.
Quelle(s) personnalité(s) allai(en)t être invitée(s) par la mairie à faire un discours commémoratif ? Le sénateur Botrel, devenu spécialiste du Bezen Perrot, allait-il venir célébrer son absence sur les lieux ? Non, deux sénateurs sont venus à la rescousse, le sénateur communiste Gérard Lahellec qui n’a rien dit et la sénatrice socialiste Annie Le Huërou qui a rendu hommage sans ombre de honte à son collègue Botrel, le citant d’abondance sur les lieux mêmes où ont agi les assassins. Au moment où les députés se déchirent, on a là un exemple de solidarité sénatoriale qui pourrait être de nature à rasséréner. Ce n’est pas le cas.
L’un de mes lecteurs m’écrit : « La sénatrice n’a pas une seule fois mentionné ton travail mais on peut être certain qu’elle a écumé ton site car elle a cité l’article sur Lucie que tu as mis en ligne. »
Ainsi savait-elle parfaitement ce qu’elle cautionnait.
Le représentant de l’ANACR (association supposée défendre la mémoire de la Résistance) s’est, une fois de plus, gardé de mentionner le Bezen Perrot : le sujet essentiel à ses yeux était le Rassemblement national. L’étrange indulgence de l’ANACR à l’endroit du nationalisme breton l’a amenée à compter l’autonomiste Hamon au nombre des membres de son comité directeur, à refuser de protester contre les productions du nationaliste Mervin et, plus étrange encore, à s’appuyer sur ces productions pour rendre un hommage officiel à deux délatrices présentées comme victimes des crimes de la Résistance. Hommage jugé digne d’être récompensé. Médailles et flonflons…
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Si les journalistes d’Ouest-France ne semblent pas avoir jugé bon de se déplacer cette année, en revanche, ô stupeur, le correspondant du Télégrammefait preuve d’un courage d’autant plus remarquable que solitaire :
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Le lien dans l’article renvoie à la cérémonie de 2014 et au lancement par la mairie du livre Garzonval en mémoire, article qui nous apprend que le sénateur Botrel était présent et a donc pu lire ce livre, qu’il a effacé comme les membres du Bezen.
On pourra lire sur facebook une chronique d’André Markowicz qui évoque les faits et appelle à vigilance. Elle a touché plusieurs milliers de lecteurs.