Le dernier maquisard des Côtes d’Armor

Âgé de cent ans, mon oncle René était, d’après Pierre Martin, le président de l’ANACR (que l’on voit sur l’image avec un coussin portant des médailles), le dernier maquisard des Côtes d’Armor. 

C’est lui qui, lorsque j’étais allée l’interroger au moment où j’écrivais Miliciens contre maquisards, avait, au détour d’une réponse à une question portant sur un tout autre sujet, confirmé la présence du Bezen Perrot à Garzonval. Je me suis souvenue de ce bref échange, qui en disait pourtant si long :

« Est-ce que, pour toi, la langue dans les maquis, c’était plutôt le français ou le breton ? 

– Le breton ? Les paysans parlaient tous français avec nous, même dans le Morbihan qui passait pour arriéré. La pire preuve de mépris, c’était de leur parler breton, sous prétexte qu’ils ne pouvaient pas comprendre autrement. À Garzonval, tiens, juste après le massacre de nos copains, un paysan qui conduisait une charrette sur la route a été pris à partie par les SS… Ils remontaient sur Plougonver et ils lui ont crié en breton : « Gare-toi de là ou t’es fait ! ». C’est le paysan lui-même qui nous l’a dit la première fois qu’on est allé à Garzonval après la guerre… Des SS qui parlent breton pour se faire obéir d’un plouc, supposé incapable de comprendre le français… il n’en revenait pas. 

Les SS sous uniforme allemand qui parlent breton, ça ne peut être que les miliciens du Bezen Perrot, et pourtant les historiens prétendent que le Bezen n’était pas à Bourbriac. 

— En tout cas, ceux de Garzonval parlaient breton. Et ce qui est grave est qu’on réhabilite maintenant des collabos comme l’abbé Perrot… » 

C’était un témoignage tout simple – un condensé de vérité allant de soi pour lui, et pour moi d’autant plus sidérant qu’il énonçait ce que la propagande avait enlisé, submergé, interdit : mon oncle, bretonnant de naissance, disait ce qui pour lui, comme pour les jeunes maquisards autour de lui, était une évidence, à savoir que les échanges se faisaient naturellement en français, que le fait de parler breton à un paysan pouvait être la marque d’un manque de considération et que les nazis étaient allés jusqu’à se servir du breton comme offense. Que ces nazis aient été des nationalistes bretons ne lui était pas venu à l’esprit : c’étaient des SS, voilà tout. Et ça en disait long sur la défense du breton par les nationalistes…

La présence de ces SS à Garzonval, elle est désormais effacée, passée sous silence. 

Il serait heureux que Pierre Martin et l’ANACR, lors de la prochaine cérémonie de Garzonval, se souviennent de ce témoignage. Ce serait un bel hommage à rendre au dernier maquisard des Côtes d’Armor. 

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Un colloque de plus…

Un lecteur me signale que la publication du livre du sénateur Botrel sur le Bezen Perrot s’inscrit dans le cadre d’une opération menée par le CRBC avec la collaboration d’historiens qui s’occupent depuis des années de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en Bretagne. 

En 2001 déjà, quand mes protestations appuyées par le Groupe Information Bretagne contre la réécriture de l’histoire avaient trouvé assez de relais pour inquiéter le mouvement breton, un colloque international avait été organisé par le CRBC. Il s’agissait d’après les organisateurs d’en finir avec les attaques de « la presse parisienne » contre « la Bretagne » (sic) et d’orchestrer une vaste reprise en main prolongée par la propagande régionale. C’est ce qui a eu lieu. Le colloque, indiquait l’un des organisateurs, était une « arme ». Une arme au service de l’idéologie défendue par le sulfureux Cozan qui était à l’origine de cette opération reconquête et e non moins sulfureux Michel Denis, ancien président de l’université Rennes II, tout acquis à la cause udébiste. 

Cette année, selon la même méthode, le CRBC a organisé un grand colloque sur « les victimes de 1944 en Bretagne ». Le libellé semble laisser entendre que 1944 a été un désastre qui en Bretagne a eu pour première conséquence de provoquer des victimes. C’est la thèse des nationalistes bretons, telle qu’elle est à présent défendue par Y. Mervin, auteur diffusé par la Coop Breiz comme l’ex-sénateur Botrel et comme d’ailleurs les productions du CRBC (fort idéologiquement marquées). De même que celui de 2001, le colloque est placé sous l’égide de Christian Bougeard (dont le directeur de thèse fut Michel Denis et qui ne fait somme toute que poursuivre sur sa lancée). Je montrais dans Miliciens contre maquisards comment il réécrivait l’histoire à propos précisément des événements niés par le sénateur  :

« Indifférence aux dates et laminage des faits : le lien entre l’attaque du cantonnement de Bourbriac et la rafle est, cette fois, rendu invisible, puisque la première est placée le 16 juillet et la seconde le 7 ; les exécutions de Saint-Nicolas-du-Pélem et de Garzonval sont oubliées. Ce qui importe est cette vision héroïque des combats des maquis Tito accumulés pêle-mêle comme expression de la Résistance bretonne, émanation de la Terre des Celtes (c’est le titre de la collection dans laquelle est publié ce livre). L’indifférence à la réalité des faits se double d’une indifférence, frappante ici, à la réalité vécue, c’est-à-dire, en somme, à l’histoire telle qu’elle s’est déroulée, dans l’espace, dans le temps, mais aussi dans la chair et dans l’esprit des personnes concernées. Comme l’écrit froidement l’universitaire, résistants et civils interceptés meurent souvent sous la torture à Uzel… De fait, à parcourir les documents d’archives, on peut s’en convaincre, résistants et civils meurent souvent — mais la chose est présentée comme une fatalité. Certains excès et dérapages limités ont pu discréditer les résistants dans la mémoire collective. Mais, durant cette période, il faut bien se ravitailler, trouver de l’argent pour payer, sans oublier le tabac, réquisitionner des moyens de locomotion (36 voitures « volées » en juin), explique Christian Bougeard. Triste épiphénomène, en somme, pur objet de statistiques : on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. » 

On ne s’étonnera pas de voir l’ex-sénateur aviculteur propulsé en tête du colloque chargé d’officialiser ce qu’il convient de croire ou de ne pas croire : par exemple, que le Bezen Perrot est innocent des crimes de Bourbriac. Et c’est lui qui est chargé de traiter le « contexte » de l’Occupation allemande ! Lui qui dans son essai se montre incapable de poser le contexte de la création du Bezen Perrot… Mais c’est qu’il s’agissait précisément d’effacer ce contexte. 

En tout cas, question de contexte, la publication du livre du sénateur s’inscrit dans un ensemble qui explique mieux la parution de son livre et sa promotion. Et qui le rend beaucoup plus grave qu’il ne paraît. Nous sommes bien loin de l’histoire locale, de l’interprétation d’événements secondaires vieux de quatre-vingts ans et du recyclage d’un ex-sénateur aviculteur en historien désormais promu par l’institution. 

Au-delà de l’histoire même, ce qui se pose est le problème de l’institution et de la mainmise du lobby régionaliste sur tout ce qui touche à la Bretagne. Et ici avec la caution du Maitron… Ni rouge ni blanc, breton seulement ! 

J’apprends par ce même lecteur que cet aviculteur a longtemps été président du syndicat département d’eau potable des Côtes d’Armor : finalement, l’eau pure et le poulet font une alliance assez semblable à celle de la Libération et du mouvement breton.


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Rencontre à la librairie Ravy

L’an passé, David Gauchard avait fait un travail passionnant sur notre traduction des Sonnets de Shakespeare avec des lycéens ; cette année, il met en scène Macbeth et, après le théâtre de Morlaix, ce sera le Théâtre de Cornouaille qui accueillera la pièce. C’est aussi à cette occasion que nous sommes invités par la librairie Ravy, 10 rue de la Providence à Quimper (et c’est la première fois que nous sommes invités dans une librairie de Quimper, ce qui mérite d’être souligné).

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Au festival VO-VF

Le festival de traduction VO-VF qui se tient à Gif-sur-Yvette dans la vallée de Chevreuse nous invite, André Markowicz et moi, cette année encore. En clôture du festival, nous allons lire à deux voix des poèmes de Rutebeuf (extraits du Dit de la grièche d’hiver) et d’Anna Akhmatova (extraits des Élégies du Nord) que nous avons publiés cette année aux éditions Mesures. Et nous allons présenter les autres livres traduits cette saison.

Ce sera dimanche à 17 h 30.

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Bezen (suite)

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Le Bezen en promo

En mai dernier, un aviculteur et ex-sénateur-maire de Bourbriac, Yannick Botrel, a publié aux éditions nationalistes Skol Vreizh une histoire du Bezen Perrot qui en temps normal ne mériterait pas une ligne de commentaire : il s’agit d’une liste énumérant les membres du Bezen Perrot, un groupe de nationalistes bretons enrôlés sous uniforme SS, liste connue de longue date et que j’avais dû établir pour écrire Miliciens contre maquisards voilà une quinzaine d’années.  

Lorsque j’ai publié ce livre en 2010, le sujet du Bezen Perrot n’avait été traité que par des historiens autonomistes en respectant hypocritement l’identité des membres de cette formation : certains noms étaient donnés, deçà-delà, pour des raisons pas toujours honorables, mais l’histoire était présentée (d’ailleurs criblée d’erreurs) sous une forme cryptée. Deux militants nationalistes, Yann Fournis et Kristian Hamon, s’étaient chargés de faire comme si tout avait été dit : le bon mouvement breton avait su balayer devant sa porte et seuls les jacobins venaient s’interroger sur l’idéologie qui l’avait amené à collaborer massivement. En introduction au livre de Kristian Hamon paru chez un éditeur hypernationaliste un historien autonomiste ne commençait-il pas par présenter l’exécution du sinistre abbé Perrot par la Résistance (exécution qui avait valu à l’abbé de donner son nom à cette formation) comme un crime contre l’humanité ? Tout un programme…

Lorsque j’ai commencé cette recherche au sujet de la rafle du 11 juillet 1944 (pour des raisons que j’ai exposées assez longuement ici), j’avais déjà pu étudier longuement le mouvement breton (ne serait-ce que pour écrire Le Monde comme si) mais j’étais bien loin d’avoir mesuré l’ampleur de la trame mise en place avant-guerre et sous l’Occupation, puis reprise après la Libération. En écrivant Miliciens contre maquisards mon but était simple : l’un des résistants raflés le 11 juillet 1944 avait écrit un long témoignage dans lequel il racontait qu’un groupe du Bezen Perrot se trouvait à Bourbriac mais tous les historiens se taisaient à ce sujet. Pour savoir si c’était exact, et comprendre les risons de ce silence, j’ai reconstitué l’itinéraire de tous les membres du Bezen et j’ai établi l’identité des cinq membres qui étaient présents. Je me suis interrogée sur les raisons qui les avaient amenés à s’enrôler sous uniforme SS pour combattre la France et j’ai suivi leur intinéraire après-guerre : ils ont continé de militer et le mouvement nationaliste breton actuel est né d’une opération de recyclage via l’Irlande notamment menée par Yann Fouéré et ses affidés. 

C’est évidemment cette histoire qu’il s’agissait prioritairement pour les militants de dissimuler. Lorsque les nationalistes de l’Institut culturel de Bretagne, à l’instigation de leur directeur, Pierre Denis (ardent collaborateur sous l’Occupation) ont voulu m’exclure (sans m’entendre, au mépris de leurs statuts, et pour avoir dit la vérité, ce que les tribunaux ont établi par la suite) combien y avait-il là de vieux nazis et de descendants de ces nazis ? Tous étaient parfaitement au courant de cette histoire tenue secrète et qui expliquait l’étrange sentiment de connivence qui les unissait, depuis Jean-Marie Bouëssel du Bourg jusqu’à ce Caouissin (du Kommando de Landerneau) qui fut décoré du collier de l’Hermine, comme d’ailleurs Lena Louarn (fille d’Alan) et Patrick Malrieu (fils et neveu de SS du Bezen qu’il n’a jamais condamnés, que je sache). C’est en travaillant aux archives que j’ai vu s’ouvrir cette boîte de Pandore et que j’ai pu mesurer la gravité de la réécriture de l’histoire dont j’avais moi-même été victime. 

Il va de soi que Miliciens contre maquisards était le prolongement du Monde comme si : à partir de l’histoire d’une rafle, il s’agissait d’amener à réfléchir, d’une part, sur la réécriture de l’histoire en Bretagne (induite par la mainmise des nationalistes sur la culture) et, d’autre part, sur le dispositif qui amenait l’État français à subventionner les militants qui appelaient à sa destruction. Des militants qui ne représentaient qu’eux-mêmes et qui tenaient leur pouvoir des tribunes et des subsides qui leur étaient offerts. 

Un silence absolu a accompagné la parution de ce livre. Débat interdit, comme dans le cas du Monde comme si (salué par un déchaînement d’invectives, qui m’a amenée à faire condamner Bretagne-hebdo, le journal de Ménard et Grall, deux terroristes du FLB soutenus par Troadec, le maire autonomiste de Carhaix). 

De même que Le Monde comme si, le livre a connu pourtant, grâce aux lecteurs, et pour ainsi dire clandestinement, plusieurs de tirages et est paru en poche. Il avait été publié par les éditions Ouest-France, lesquelles avaient fait leur possible, en vain, pour obtenir une ligne de présentation, sans même parler de réflexion sur un sujet interdit – il était interdit, j’en ai une fois de plus fait la démonstration. L’épisode le plus extraordinaire a été l’unique conférence qu’à l’invitation de plusieurs associations j’ai pu donner à Saint-Brieuc et qui a été l’objet de telles menaces (notamment de la part du site nationaliste breizatao) que les renseignements généraux ont alerté le préfet, lequel a pris contact avec les organisateurs pour comprendre de quoi il retournait. En fin de compte, une manifestation pour Diwan ayant été organisée à Louannec le même jour à la même heure, les nationalistes de Breiz Atao ont préféré se mobiliser pour aller protester contre le maire et les parents d’élèves qui voulaient disposer des locaux de l’école laïque… Il était d’ailleurs curieux de voir tous les militants, extrême gauche et extrême droite unies, s’en prendre au malheureux maire de Louannec, bretonnant de naissance et qui ne comprenait rien au breton surunifié des promoteurs de cette langue. Seuls quelques enragés étaient venus nous invectiver  à Saint-Brieuc (ainsi une certaine Huonnic, responsable de la fondation Fouéré – car cet agent de la Gestapo a sa fondation à Guingamp !) et j’ai ensuite mis en ligne le texte de cette conférence. Il avait fallu, comme de coutume, mobiliser tout un service d’ordre pour que j’aie le droit de rencontrer des lecteurs. Ailleurs, sur les lieux de la rafle, à Bourbriac ou au luxueux Musée de la Résistance bâti à grands frais par l’architecte de l’Institut de Locarn, la censure a été totale. Débat interdit. Et aussi bien à l’université (désormais productrice d’une histoire massivement mise au service de la cause). Le débat est plus interdit que jamais puisque les éditions Ouest-France ont laissé s’épuiser le dernier tirage de Miliciens contre maquisards – bien opportunément pour les nationalistes et leurs soutiens. 

Le rappel de ces faits n’est pas inutile car c’est par comparaison que l’ampleur du battage organisé autour du livre du sénateur prend sens. 

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D’une part, je le rappelle, le sénateur-maire de Bourbriac efface toute trace de présence du Bezen dans sa commune en supprimant les documents d’archives qui la prouvent. Je n’y reviens pas : je l’ai déjà démontré ici même

Ce qu’il s’agit d’effacer, ce n’est évidemment pas cet épisode mais le contexte que j’avais établi : en ciblant exclusivement le Bezen et en livrant une liste de ses membres sous une forme pesamment administrative, l’auteur exclut toute réflexion sur l’idéologie qui a amené les nationalistes à s’enrôler ; il élimine aussi toute réflexion aussi l’itinéraire de ces nationalistes et la reconstitution du mouvement breton après-guerre. C’était déjà la thèse de Fournis et Hamon, et, bien sûr, celle de l’indépendantiste Mervin : 70 égarés ont amené l’État français à persécuter le bon mouvement breton. Le sénateur socialiste va plus loin : pour lui ces « supplétifs » n’étaient pas des SS et Yann Fouéré n’était pas autonomiste. 

Ce livre offre un exemple de l’allégeance des socialistes aux nationalistes bretons (ce que je montrais précisément dans Le Culte des racines) : il témoigne d’une imprégnation des lieux communs udébistes qui va jusqu’à la caricature (et ce n’est pas pour rien qu’il est publié chez un éditeur nationaliste). On a beaucoup dénoncé les menaces subies par les journalistes qui se penchent sur l’agroalimentaire en Bretagne mais personne n’ose se pencher sur la censure de l’information touchant au nationalisme breton – le problème du nationalisme et celui de l’agrobusiness étant d’ailleurs liés via le lobby patronal breton (mais les écologistes qui dénoncent l’agrobusiness sont pieds et poings liés par les udébistes et participent donc à la censure qu’ils dénoncent). 

Ce livre a, d’autre part, l’intérêt de montrer comment la propagande fonctionne en Bretagne : les médias bretons font tous partie de l’association Produit en Bretagne créée par l’Institut de Locarn et actuellement dirigée par Malo Bouëssel du BourgOuest-FranceBretonsLe Télégramme et les chaînes de télévision, Tébéo, TV Rennes… sont la voix du lobby patronal breton appelant à l’autonomie, lobby relayé par le conseil régional. Ce livre nous offre l’occasion d’assister en direct à la promotion, entre pâté Hénaff, Coreff, Savéol, Crédit Mutuel et Coop Breizh, du Bezen Perrot comme produit d’appel. Face au silence ou aux menaces qui ont accompagné la parution de Miliciens contre maquisards, la propagande dont bénéficie le livre du sénateur a quelque chose de tranquillement indécent : pour célébrer le quatre-vingtième anniversaire de la Libération, le livre du sénateur tombe à pic. Propagande promotionnelle…

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20 juin 2024, premier article laudateur avec interview et portrait en couleur : l’auteur montrant son livre (on ne peut pas dire que la publicité soit déguisée)

28 juillet 2024, rebelote : cette fois, c’est l’un des responsables du journal, Tangi Leprohon (fils du militant autonomiste fondateur de l’UDB Ronan Leprohon – lequel avait commencé de militer avec Fouéré) qui poursuit l’opération. Même photo, même teneur… 

Et la propagande continue… 

sur le thème : ils n’étaient de 70 et le bon mouvement breton a souffert à cause d’eux. Alors qu’il y avait aussi des miliciens français – des miliciens « français » qui, en Bretagne, n’étaient, bien sûr, pas bretons …


Ouest-France s’y était mis très tôt : une page entière pour commencer….

https://www.ouest-france.fr/bretagne/entretien-en-bretagne-la-repression-des-maquis-par-loccupant-nazi-a-ete-impitoyable-000d08ea-3877-11ef-9f2b-c38da737f062

Et puis, sous la plume du même journaliste, une nouvelle page pour célébrer une recherche « sans caricatures ni omissions »  – avec, comble de cynisme, renvoi vers le film de Vincent Jaglin (qui, censuré, lui, est en opposition totale avec le livre du sénateur-maire). Ne reculant devant rien, le sénateur se donne pour auteur d’une « demi-dizaine » (sic) de livres : lesquels ? Quelques études d’histoire locale ? Le catalogue de la BNF ne mentionne qu’un livre naguère paru chez Skol Vreizh… Les origines du Bezen ? Pas le nationalisme breton, non, surtout pas : « Les origines politiques du Bezen Perrot sont à rechercher dans une Europe de l’après Première Guerre mondiale marquée par les difficultés économiques et sociales... » Et puis aussi, bien sûr, l’exemple de l’Irlande qui a gagné son indépendance contre la Grande-Bretagne (sous-entendu : comme la Bretagne aurait pu le faire contre la France). Les SS du Bezen Perrot n’ont jamais tué, ni à Garzonval, bien sûr, ni ailleurs : « Ils conduisent les prisonniers aux policiers allemands du SD qui les exécutent.» C’est plus propre. 

Je donne l’article en PDF car il mérite vraiment d’être lu pour comprendre le fonctionnement de la propagande en Bretagne.

Suite à cette publication, Vincent Jaglin a écrit à l’auteur de l’article et le lien a fini par être supprimé sans toutefois que le journaliste s’interroge sur les informations données . 

Ce n’est pas fini : le journal Le Télégramme, dans sa version magazine, toujours sous la plume de Tangi Leprohon, a consacré une nouvelle page au Bezen Perrot, sur la même base et allant jusqu’à écrire que certains membres des Bagadou Stourm ont rejoint la Résistance (sinistre plaisanterie due à l’autonomiste Jean-Jacques Monnier). 

L’article est annoncé en première page et il figure dans le Hors-série La Libération en Bretagne. Je le donne tel que je l’ai reçu, photographié par une lectrice indignée.

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Le Bezen pour célébrer la Libération, quoi de plus opportun et surtout de plus breton ? 

La version des autonomistes de l’UDB est devenue la version officielle de la presse bretonne. Nous le savions depuis longtemps : nous en avons ici une illustration plus cynique car les crimes de ces SS sont, dans le cas des jeunes résistants assassinés à Garzonval, effacés et, dans le cadre plus large de l’histoire, décontextualisés pour être banalisés. 

Ce qui a changé entre les années où, dénonçant les écrits antisémites de Roparz Hemon et de Youenn Drezen, j’étais invectivée, accusée de falsifier mes traductions, d’être une menteuse pathologique et une  paranoïaque, et le moment où paraît cette histoire du Bezen qui dissimule entre autres la fuite de Hemon avec ces tortionnaires, c’est la certitude du mouvement breton d’avoir gagné la bataille de la propagande. Qu’une voix dissidente s’élève, elle sera écrasée. Le fait que le mouvement breton ait produit une formation de SS n’est plus qu’un épiphénomène pittoresque.

Alors, pourquoi quatre-vingts ans de dissimulation et des mensonge ? C’est que la vérité risquait de déranger la mouvance nationaliste et qu’il y avait encore une résistance à la dérive ethniste en Bretagne. La vérité ne dérange plus : sous l’habillage qui la travestit, elle contribue au contraire à donner du piment à la virile histoire des Bretons. 

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La propagande ne pouvait pas s’arrêter là : comment la revue Bretons, fer de lance du combat nationaliste tel que l’entend le lobby de Produit en Bretgagne, ne pouvait pas laisser passer cette occasion de célébrer la Bretagne grâce au Bezen. 

Cette fois-là, plus besoin de se gêner : tout ce qui peut effacer le contexte, minimiser le rôle de ces SS et empêcher la compréhension des faits est mis en œuvre. Pour la première fois, on vous présente des portraits de ces braves jeunes gens : ils sont bien sympathiques, bien ordinaires, bien de chez nous. 

La réécriture de l’histoire va loin : 

– D’abord, éliminons le rôle de l’abbé Perrot : ce prêtre fanatique qui était considéré comme son père spirituel par Célestin Lainé, qui a contribué plus que tous à le fanatiser, comme à fanatiser tous ces jeunes nationalistes qu’il recevait dans son presbytère, Mordrel et son cousin Bricler, le délateur qui allait être exécuté, comme l’abbé Perrot, par la Résistance ? Aucun rapport ! Voilà ce que le sénateur ose déclarer :

Du moins l’autonomiste Hamon avouait-il que l’abbé Perrot était un délateur, collaborateur de l’occupant (j’en parle assez longuement dans Miliciens contre maquisards et l’on comprend pourquoi ce livre dérangeait : il fallait qu’il disparaisse).

– Les membres du Bezen, enrôlés sous uniforme SS, des nazis ? Allons donc ! 

Encore un peu, le sénateur va les faire passer pour des résistants : certains d’entre eux, à la Libération, ne se sont-ils pas engagés dans des maquis pour se refaire une virginité ? 

– Des membres de la Gestapo, prêts à dénoncer, torturer, assassiner ? Mais pas du tout ! Des supplétifs de bas étage – sans aucune formation ! 

Pas de formation : pas de Service spécial de Lainé, pas de Kaderven, de merveilleuses séances des formations de combat avec les armes des nazis débarquées à Loquirec et cachées au presbytère par le bon abbé Perrot ! L’histoire s’efface, se change en un récit mielleux d’un épisode sans importance mais si pittoresque de l’histoire locale… 

 – Des supplétifs pas vraiment actifs : quelques petites sourcières deçà delà, quelques rares « opérations » (terme galant pour désigner les rafles sanglantes) :.

Tout ça n’était que ratissage… un opération de jardinage, en somme. Et le sénateur de se vanter d’avoir « identifié » deux rafles ! Quel mérite en effet ! Des rafles qui ont été longuement racontées – que j »évoque dans Miliciens contre maquisards et qui ne font partie que d’un ensemble d’« opérations » qu’il s’agit d’occulter… Le sénateur socialiste n’a, en reevanche, pas du tout « identifié » la rafle du 16 juillet 1944 qui a conduit de jeunes résistants à Bourbriac où ils ont été torturés avant d’être assassinés à Garzonval. Pas de rafle, pas de Bezen, pas de crimes.  À la trappe.

Et puis, d’ailleurs, au total, il y avait dix tortionnaires, pas plus… chacun sait que les valeureux gours arrêtés se vantaient de leurs actions quand ils étaient interrogés…

« Des tortionnaires, il y en a dix, qui sont connus, cités. Le cas de chacun a été examiné et, dans certains dossiers, il n’y avait pas grand-chose. » 

Oui, vous avez bien lu.

Tout le reste est à l’avenant, le pire étant sans doute la manière dont le sénateur, qui sait parfaitement comment les SS du Bezen ont été recyclés, occulte leur fuite en Allemagne, les réseaux qui leur ont permis de continuer de se sauver et le rôle de l’Irlande catholique dans le recyclage. 

La fuite du Bezen en Allemagne ? Juste une simple question d’amitiés panceltiques :

Les relations avec le sonderführer Weisgerber et autres partisans de l’Europe des races à instaurer qui venaient depuis les années 30 assister l’ethnie celtique opprimée par la France en Bretagne ? Pures relations intellectuelles, aimables relations amicales entre gens de bonne compagnie. Les retrouvailles avec le sinistre Weisgerber lors de la fuite du Bezen ? Oh mais c’est qu’il faut d’abord tenir compte des souffrances des pauvres exilés : 

Plaignons-les. Et oublions qu’ils étaient embauchés par les nazis pour faire des formations radio et se préparer à retourner en France faire de l’espionnage… Ils ont souffert, n’en parlons plus. Et puis, ils sont obligés de s’exiler en Argentine et en Irlande, les pauvres.

Comble de cynisme, De Gaulle est appelé à la rescousse :

Pas de crimes : il y a juste eu une petite dizaine de tortionnaires et, au total, combien ont-ils été condamnés à mort et exécutés ? Silence à ce sujet. Et pour le reste : délit d’opinion…

La confusion avec les « autonomistes » s’agissant de ces séparatistes enragés que furent et que restèrent les chefs du Bezen est caractéristique de la méthode du sénateur.  

Cette réécriture de l’histoire jésuitique serait juste pitoyable si elle n’avait pour but d’interdire toute réflexion sur la propagande nationaliste qui a amené des jeunes gens à s’enrôler dans un combat ethniste pour la Bretagne et poour Dieu… et d’interdire ainsi toute réflexion sur la reprise sous habillage de gauche du combat que ces militants ont poursuivi après-guerre. 

En fin de compte, le Bezen ainsi rhabillé à son tour fait bel effet dans le paysage. On en tire profit sans risquer que le Breton se pose des questions sur les autonomistes qui parlent en son nom. Et la Coop Breizh diffuse le tout. Elle dépose son bilan : qu’importe ! Les fonds publics vont la renflouer. Elle joue un rôle essentiel. Avec le soutien de la presse encore dite régionale. 

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Une étrange commémoration : la cérémonie de Garzonval 

Plusieurs lecteurs m’ont écrit à la suite de l’article que j’ai mis en ligne dans ces actualités pour protester contre la réécriture de l’histoire en Bretagne à partir d’un événement très précis : l’assassinat de sept jeunes gens le 16 juillet 1944 à Garzonval en Plougonver. 

Je ne reviens pas sur cette histoire qui a fait l’objet de mon livre Miliciens contre maquisards

Je ne reviens pas non plus sur les polémiques sans fin relancées par un historien autonomiste qui avait dissimulé la présence du Bezen Perrot à Bourbriac. 

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Au fil des années, la vérité me semblait s’être  imposée. Avec l’aide d’habitants de Plougonver, Alain Michel, Anne et Thierry Orgeolet principalement, qui ont fait un travail considérable de recherche, d’enregistrement, de mise en page, nous avions publié un livre, Garzonval en mémoire, qui est encore vendu par la mairie de la commune. Ce travail était, bien sûr, bénévole. La vente de ce livre et de Miliciens contre maquisards sur place a servi à payer la rénovation de la stèle qui commémore le massacre de Garzonval. 

La journaliste Charlotte Perry (qui avait fait un magnifique reportage sur l’Institut de Locarn et la pseudo-révolte des Bonnets rouges), s’était livrée à une enquête à partir de Miliciens contre maquisards dans le cadre de l’émission « Comme un bruit qui court »,  sur France-Inter.

Une émission,  diffusée le samedi 20 septembre, donnait à entendre la cérémonie de Garzonval et, en écho, par opposition, les commentaires d’un militant nationaliste breton, Yves Mervin, auteur d’un livre exposant que la Résistance a causé plus de tort à la Bretagne que les nazis.

Une autre émission, diffusée le samedi 27 septembre, donnait la parole aux  personnes du bourg de Plougonver qui ont apporté leur témoignage pour le livre Garzonval en mémoire.

Ce travail avait provoqué la fureur des nationalistes d’extrême droite, authentiques héritiers de Breiz atao et du Bezen Perrot, sans provoquer la moindre réflexion sur le danger de passer sous silence la collaboration massive du mouvement nationaliste breton. 

Au contraire, il est apparu que le maire (qui avait pourtant préface Garzonval en mémoire) refusait de mentionner la présence du Bezen Perrot. Pour quelle raison ? Cela risquait d’indisposer des gens de la commune, a-t-il répondu à une personne qui s’en étonnait. 

Plus choquant encore, en 2021, c’est un député connu pour sa défense d’un collaborateur des nazis qui a été invité lors de la cérémonie. 

Nous avons donc tous cessé de participer à la commémoration.

Cela va de soi, jamais la mairie ne m’a demandé de dire un mot. 

Ce n’est là qu’un exemple montrant comment s’exerce la censure en Bretagne. 

*

Cette année, un sénateur socialiste, ancien maire de Bourbriac, aviculteur, politicien et amateur d’histoire, publie une histoire du Bezen Perrot qui efface totalement la présence de ces assassins à Bourbriac et à Garzonval. 

Nouvel exemple de censure : la censure par la réécriture de l’histoire. 

Cette réécriture, que je dénonce depuis des années, est en l’occurrence particulièrement intéressante parce qu’elle montre la dérive idéologique des socialistes en Bretagne : publiant dans une maison d’édition nationaliste, le sénateur adopte le point de vue des nationalistes sur l’histoire et force les faits à obéir au catéchisme nationaliste : disparition des tortures à Bourbriac, des exécutions à Garzonval, les SS du Bezen n’étant, d’après lui, pas des SS et leur grand tort ayant été de discréditer le bon mouvement nationaliste breton. 

Quelle(s) personnalité(s) allai(en)t être invitée(s) par la mairie à faire un discours commémoratif ? Le sénateur Botrel, devenu spécialiste du Bezen Perrot, allait-il venir célébrer son absence sur les lieux ? Non, deux sénateurs sont venus à la rescousse, le sénateur communiste Gérard Lahellec qui n’a rien dit et la sénatrice socialiste Annie Le Huërou qui a rendu hommage sans ombre de honte à son collègue Botrel, le citant d’abondance sur les lieux mêmes où ont agi les assassins. Au moment où les députés se déchirent, on a là un exemple de solidarité sénatoriale qui pourrait être de nature à rasséréner. Ce n’est pas le cas. 

L’un de mes lecteurs m’écrit : « La sénatrice n’a pas une seule fois mentionné ton travail mais on peut être certain qu’elle a écumé ton site car elle a cité l’article sur Lucie que tu as mis en ligne. »

Ainsi savait-elle parfaitement ce qu’elle cautionnait. 

Le représentant de l’ANACR (association supposée défendre la mémoire de la Résistance) s’est, une fois de plus, gardé de mentionner le Bezen Perrot : le sujet essentiel à ses yeux était le Rassemblement national. L’étrange indulgence de l’ANACR à l’endroit du nationalisme breton l’a amenée à compter l’autonomiste Hamon au nombre des membres de son comité directeur, à refuser de protester contre les productions du nationaliste Mervin et, plus étrange encore, à s’appuyer sur ces productions pour rendre un hommage officiel à deux délatrices présentées comme victimes des crimes de la Résistance. Hommage jugé digne d’être récompensé. Médailles et flonflons… 

*

Si les journalistes d’Ouest-France ne semblent pas avoir jugé bon de se déplacer cette année, en revanche, ô stupeur, le correspondant du Télégramme fait preuve d’un courage d’autant plus remarquable que solitaire :

Le lien dans l’article renvoie à la cérémonie de 2014 et au lancement par la mairie du livre Garzonval en mémoire, article qui nous apprend que le sénateur Botrel était présent et a donc pu lire ce livre, qu’il a effacé comme les membres du Bezen. 

On pourra lire sur facebook une chronique d’André Markowicz qui évoque les faits et appelle à vigilance. Elle a touché plusieurs milliers de lecteurs. 

https://www.facebook.com/andre.markowicz/posts/pfbid0BxT7jW9KAWshLkRfGG8dYVDixABv8qZnrYh3x9qSCdqa63GuroXC8jB6bNv3Grrwl

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Les sonnets de Shakespeare à la Scala

Tous les jours à 18 h jusqu’à dimanche, nous faisons un petit parcours trilingue dans les sonnets de Shakespeare que nous avons traduits. Cela se passe à la Scala Provence dans une salle climatisée (c’est heureux).

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80 ans après : crimes et tortures effacés

Me rendant à la Maison de la Presse de Rostrenen alors que les commémorations de la Libération battaient leur plein (ou étaient supposées battre leur plein), j’ai vu en devanture un livre d’un certain Yannick Botrel intitulé Le Bezen Perrot 1943-1945 Supplétifs des nazis en Bretagne, le tout illustré d’un petit portrait au trait d’une sorte de clown blanc, pas vraiment effrayant, plutôt malheureux. C’est d’abord l’incohérence grammaticale du titre qui m’a frappée, puis la qualification de « supplétifs » donnée à des SS (le Bezen Perrot ou Formation Perrot ou encore Milice Perrot est un groupe de nationalistes bretons qui se sont enrôlés en 1943 sous uniforme SS pour combattre la France). Et puis, il y avait ce petit portrait mignard d’un assassin dans lequel j’ai immédiatement reconnu le tortionnaire Jean Guiomard (ou Guyomard), grand ami de Polig Monjarret, dont j’avais pu suivre l’itinéraire jusqu’aux massacres de Creney

Le volume consistait au total en une énumération par ordre alphabétique des membres du Bezen et des lieux où ils étaient intervenus, le tout dans un style de rapport administratif. 

En quatrième de couverture, l’auteur annonçait que les conséquences de l’engagement de ces quelques « supplétifs » avait été « dévastatrices » pour le mouvement nationaliste breton « dont une partie, dès 1940, a versé dans la collaboration ». On aurait pu croire qu’il aurait été soucieux de montrer en quoi les conséquences de ces nazis avaient été dévastatrices pour les résistants qu’ils avaient dénoncés, torturés et assassinés, mais non, c’est le « mouvement politique nationaliste breton » qui était d’abord à plaindre. Il s’agit là de la thèse, sans fin ressassée, des nationalistes dits de gauche : sans qu’on sache pourquoi, en 1940, une petite partie du mouvement breton a subitement sombré dans la collaboration, discréditant ainsi un bon mouvement nationaliste plein de vertus démocratiques. 

Sur ce point, même un autonomiste comme Kristian Hamon, qui a produit une histoire du Bezen Perrot plus que tendancieuse, reconnaît que le mouvement breton a collaboré dans sa totalité (c’est d’ailleurs ce que je démontre dans Le Monde comme si, paru en 2002, et qui explique la dérive du mouvement nationaliste depuis Breiz Atao, fondé au lendemain de la Première Guerre mondiale, vers le nazisme). Mais, bien sûr, il n’est pas question de chercher pourquoi. Un voile pudique doit tomber sur ces origines.

Un peu plus loin,  l’auteur déclarait que l’« on a beaucoup écrit, à charge et à décharge, sur cette unité » (c’est-à-dire le Bezen) et qu’il avait quant à lui « l’ambition d’établir les faits sans caricatures ni omissions ». J’ai dû relire ses propos : oui, à l’en croire, ces pauvres SS bretons méritaient mieux que l’histoire qui leur avait été consacrée « à charge et à décharge » (car, bien sûr, on peut loyalement écrire à la décharge des membres du Bezen – c’est d’ailleurs ce que font depuis longtemps les nazillons bretons). L’expression  « à charge et à décharge » laissait entendre qu’écrire « à charge » supposait « caricatures et omissions » autant qu’écrire « à décharge », donc en faisant l’apologie du nazisme. 

Il se trouve que j’avais (comme on le verra) écrit l’histoire d’une rafle à laquelle mon père avait échappé, mais non, entre autres, son ami Albert Torquéau, un jeune instituteur, retrouvé assassiné, les yeux arrachés à la cuiller, dans un bas-fond près de Plougonver, le 16 juillet 1944. La rafle avait eu lieu il y a aujourd’hui 80 ans jour pour jour. J’avais démontré que cinq membres du Bezen Perrot, que j’ai identifiés et dont j’ai suivi l’itinéraire, avaient torturé des jeunes résistants enfermés dans la cave du notaire de Bourbriac, puis les avaient assassinés. Je ne vais pas revenir sur les raisons qui m’ont amenée à faire l’histoire de cette rafle. Je m’en suis expliquée ici sous le titre hélas, selon moi, plus juste que jamais : Miliciens contre maquisards ou la Résistance trahie

Le livre, Miliciens contre maquisards, était paru en 2010 et avait connu de nombreux tirages. Feuilletant le livre consacré au Bezen avant de me résigner à l’acheter, j’ai découvert que l’auteur ne faisait référence à Miliciens contre maquisards que pour nier les faits que j’avais établis. 

Ils avaient déjà été niés avec acharnement par des historiens nationalistes qui avaient tout mis en œuvre pour les occulter, notamment Kristian Hamon : dans la mesure où les éditions nationalistes Skol Vreizh le publiait, ce nouvel auteur promu par ces éditions ne faisait somme toute que prendre la suite, comme il en a d’ailleurs fait l’aveu dans Le Télégramme :

Là intervenait pourtant un élément nouveau : l’auteur se présentait lui-même comme « ancien maire de Bourbriac, ancien vice-président du Conseil général 22, ancien sénateur des Côtes d’Armor ». Une brève recherche sur Internet m’a appris qu’il s’agissait, de fait, d’un aviculteur de Bourbriac devenu sénateur socialiste. 

Chose incroyable, ce sénateur, qui aurait tout de même dû avoir plus de réserve que les historiens militants du type Fournis, Mervin, Hamon et consorts, consacrait cinq pages de son livre à brouiller les faits pour laisser accroire que le Bezen Perrot n’était pas à Bourbriac ou plutôt aurait pu ne pas être à Bourbriac.

Quel intérêt ?

Pourquoi en revenir à un épisode qui, de l’avis du sénateur, n’était qu’un petit élément qui n’ajouterait pas grand-chose à la liste selon lui suffisamment documentée des « agissements des miliciens » (p. 176) ? Et pourquoi y revenir alors qu’à l’en croire des historiens ont déjà tout dit (il y aurait de quoi à rire s’il ne s’agissait d’un tel sujet) ? 

Il était clair qu’il s’agissait d’autre chose et quelque chose d’assez important pour qu’un sénateur socialiste en arrive à se plonger dans l’histoire pour n’en extraire que ce qui peut servir la doxa autonomiste dite de gauche, celle de son éditeur, lui-même partie prenante dans le combat nationaliste.  C’est une fois de plus, l’histoire façon Coop Breizh (diffuseur de toutes ces productions). 

Je vais d’abord essayer d’expliquer à quoi peut servir cette apparemment absurde entreprise ; je vais ensuite revenir sur l’établissement des faits ; je vais montrer comment ils ont été brouillés pour être occultés ; enfin, je vais tenter d’expliquer ce qui a motivé ce nouvel épisode et montrer comment la censure s’exerce en Bretagne. 

Cela donnera quatre parties :

I. Le rôle du sénateur

II. Les faits 

III. L’embrouillage 

IV. La censure

Allons-y. C’est un peu long mais impossible de faire autrement.

I. LE RÔLE DU SÉNATEUR 

En 2010, quand j’ai publié Miliciens contre maquisards, le sénateur Botrel était maire de Bourbriac. Plusieurs personnes ont voulu m’inviter et surtout inviter les résistants héros de cette histoire, notamment Marcel Menou qui avait été enfermé et torturé dans la cave du notaire de Bourbriac, Jean Le Jeune qui avait participé à ces événements, des maquisards, des témoins qui n’avaient jamais eu la parole : interdit. Pourquoi ? « Nous aurions bien voulu, mais c’est impossible », m’a-t-on répondu à chaque fois, « on nous met des bâtons dans les roues. » Qui « on » ? Je ne l’ai jamais su. Ces résistants sont à présent tous morts. Ainsi s’exerce la censure en Bretagne, mesquine, crapuleuse, sordide. 

S’il avait voulu ouvrir un débat sur le sujet et m’interroger puisque je m’intéressais, comme beaucoup de ses administrés, à l’histoire et notamment à l’histoire de sa commune sous l’Occupation, il aurait pu procéder à des invitations, voire, comme nous l’avons fait à Plougonver, recueillir la parole des témoins encore vivants, interroger les acteurs des faits que je rapportais. Il s’en est bien gardé. Tout au contraire, il s’est mis en devoir d’écrire lui-même l’histoire telle qu’elle devait être, c’est-à-dire telle que je ne l’avais pas écrite.  

Son but, ce faisant, n’était aucunement d’écrire l’histoire « sans caricatures et sans omissions », bien au contraire, comme on le verra, mais de discréditer mes  recherches, fort gênantes pour le mouvement nationaliste breton car, à partir de l’histoire d’une rafle, je montrais les liens des membres du Bezen avec la mouvance nationaliste mise en place par les nazis et, après-guerre, le recyclage de ces militants qui ont réussi à imposer leur idéologie, y compris sous habillage de gauche.  

Or, c’est bien cette idéologie qui sous-tend cette recherche : cet ex-sénateur socialiste est le parfait représentant de la dérive autonomiste des socialistes en Bretagne, dérive qui les a amenés récemment à demander l’autonomie pour la Bretagne sans avoir un seul instant envisagé de consulter les Bretons à ce sujet.

Historien autodidacte, l’auteur est allé consulter les archives à présent libres d’accès et a fait la liste des membres du Bezen Perrot. Jusqu’alors, cette histoire, écrite par des nationalistes, était cryptée :  seuls apparaissaient les pseudonymes des membres du Bezen. Pourquoi ? K. Hamon avait eu cet aveu (je l’ai rappelé ici) : il fallait dissimuler l’identité des nationalistes engagés aux côtés des nazis pour ne pas « nuire à leur descendance ». Car les collaborateurs des nazis avaient continué de militer et d’engendrer des militants, la cause bretonne restant inchangée, et ces militants qui occupent actuellement des postes clés en Bretagne auraient risqué d’être « blessés inutilement » que l’on rappelle le passé de leur famille. « Toute vérité n’est pas bonne à dire », déclarait cet historien : cette phrase pourrait être le maître-mot de l’historiographie bretonne. Avec pour corolaire : « Toute vérité peut être changée en son contraire. »

Je crois avoir été la première à donner systématiquement les noms et pseudonymes des membres du Bezen et autres groupes engagés aux côtés des nazis en Bretagne dans Miliciens contre maquisards. On conçoit que que je trouve comique (tristement comique) que le sénateur allègue que l’histoire du Bezen a été bien écrite.  

Il a, pour sa part, le mérite de donner les noms des membres du Bezen (connus de longue date) et des endroits où ils sont intervenus, mais comme les faits ne sont pas croisés, les dires de ces SS sont souvent pris pour monnaie comptante. De plus, les informations sont données massivement, sans mention de source précise dans leur immense majorité, assénées au présent de narration comme des blocs de faits énoncés sur le mode gris plombé du rapport de gendarmerie. À aucun moment l’ex-maire de Bourbriac n’a un mot qui donne l’impression qu’il a éprouvé un sentiment quelconque, une ombre d’émotion et d’intérêt véritable pour ce qui s’est passé dans sa commune. Ce qui s’y est passé, d’ailleurs, à lire son livre, n’est rien, vu que la seule chose qui importe à ses yeux est de démontrer l’absence du Bezen. Le silence des historiens précédents pouvait s’expliquer par l’ignorance ; désormais, il s’agit d’autre chose. 

Aussi incroyable que cela puisse paraître, cet homme politique rompu à toutes les arguties va jusqu’à écrire que ces « supplétifs au rabais » n’étaient pas des SS puisqu’ils dépendaient du SD (c’est à dire de la police des SS). Ceux qu’il appelle les « gours » (les mâles, les vrais hommes), reprenant sans honte la terminologie machiste guerrière des nationalistes, ont beau déclarer qu’ils étaient en uniforme SS, pas question de les croire. Ils se disent SS et portent l’uniforme, avec calot à tête de mort, mais non. J’ai cité les paroles de Gilbert Foix, l’un des membres du Bezen, en donnant la source : « Nous portions tous l’uniforme vert, avec le calot à tête de mort, plus tard le Feldmütze à tête de mort, épaulettes noires avec liséré vert, chemise brune, cravate noire, ceinturon SS avec la devise : Meine Ehre heisst Treue (Mon honneur s’appelle fidélité). Nous étions appelés SS man, nous les volontaires de la Bretonische Waffenverband der SS ! » Pas lu, pas vu : le sénateur retient juste que certains disent qu’ils sont en uniforme de « Waffen SD » (SD, Sipo-SD, donc police SS). Traduction : pas SS. À la fin, il est bien forcé de citer les grades des membres du Bezen en décembre 1944 : depuis SS-Untersturmführer pour le glorieux Célestin Lainé jusqu’à SS-Sturmmann pour Jean Miniou, Antoine Le Roy, Raymond Jégaden et le reste de la piétaille. Il reproduit même la photo du sinistre frère Guiomard au biniou : « SS Scharführer Pipo » indique la légende.

SS ? Pas SS. L’étiquette SD assure le tour de passe-passe. Une petite lettre suffit…  

En quoi est-il important de minimiser l’importance de ces soldats qui n’auraient pas manqué de faire la preuve de leur efficacité contre les Bretons si la Libération (ce que les nationalistes appellent la « prétendue libération ») n’avait pas eu lieu ? Mais c’est bien que l’essentiel, comme indiqué dès le début, est de montrer que ces 66 minables ont discrédité l’ensemble du bon mouvement breton : l’État jacobin s’est servi d’eux pour écraser les justes revendications des Bretons (c’est-à-dire ces revendications qui n’étaient précisément pas celles des Bretons mais d’un groupe militant dont l’idéologie était haïe par les Bretons – et non sans raison). Le discours des autonomistes de l’UDB est illustré par ce sénateur socialiste. Et imposé désormais partout en Bretagne. 

D’où l’importance de montrer comment il se fabrique. 

II. LES FAITS

Si j’ai commencé à travailler sur l’histoire de la rafle du 11 juillet 1944 près de Rostrenen, c’est qu’un petit éditeur m’avait demandé de préfacer le livre d’un résistant, Guillaume Le Bris, qui avait été enfermé dans la cave du notaire de Bourbriac avec les jeunes résistants par la suite assassinés à Garzonval. Intitulé Échos d’outre-tombe, ce livre, paru en 1948, avait connu trois autres tirages. Guillaume Le Bris était très clair : il y avait là des miliciens et des SS de la Formation Perrot. Il ne les confondait pas. 

Le Bris était un personnage ambigu et, comparant les diverses éditions de son livre, je n’ai accepté de poursuivre cette recherche qu’après avoir obtenu l’assurance que je pourrais dire la vérité, fût-elle de nature à jeter de l’ombre sur le personnage. Cette assurance obtenue, j’ai pu travailler aux archives et montrer que le livre de Le Bris  permettait de comprendre ce qui s’était passé à Bourbriac (et cela d’autant mieux qu’il circulait au lieu d’être enfermé dans la cave du notaire avec les autres prisonniers). 

Ses dires étaient confirmés par le rapport du commissaire chargé après la Libération de l’enquête sur les événements de Bourbriac, rapport qui ne pouvait en aucun cas être mis en doute et que j’ai cité. 

Ce rapport est le suivant :

« Le 6 juillet 1944, vers 15 heures, un groupe de patriotes cerna le bourg de Bourbriac et attaqua une petite formation allemande qui y était cantonnée et composée d’un officier et de douze soldats. L’officier réussit à forcer les barrages et à se rendre à motocyclette jusque Guingamp où il donna l’alerte. Vers 18 heures, plusieurs camions venant de la direction de Guingamp sont arrivés à Bourbriac. Une opération de nettoyage fut effectuée et des coups de feu furent tirés sur toutes les personnes qui circulaient dans les rues. C’est ainsi que M. Jouan François fut grièvement atteint à la jambe droite par une balle allemande, au moment où il sortait de chez lui. Conduit à l’hôpital de Guingamp, M. Jouan y décéda le 7 juillet.

À l’arrivée des camions allemands, il n’y avait plus de patriotes, néanmoins les opérations de contrôle et de nettoyage furent faites et, à 23 heures seulement, les Allemands quittèrent les lieux. La formation qui est venue à Bourbriac est la feldgendarmerie de Guingamp qui a fait l’objet d’une précédente enquête ; cependant le responsable de la mort de Jouan n’a pas pu être identifié.

Il est à noter que c’est après cet incident qu’une vaste opération fut effectuée à Bourbriac et dans la région avec la participation du S. D. de Rennes, de la Milice Perrot et des Groupes de Combat, opération qui a fait l’objet de l’ordre d’informer n° 638 du 28 juin 1946. »

Le commissaire différencie bien les membres de ce qu’il appelle la Milice Perrot et les miliciens qu’il désigne sous le nom de Groupes de combat. 

Lorsque j’ai identifié les membres du Bezen qui étaient présents (ils étaient cinq, – le chef, Chevillotte, plus Miniou, Morvan, Jarnouen et Magré – on les retrouve à Scrignac peu après), l’historien en titre du Bezen, Kristian Hamon, est entré en fureur car, à partir de ce rapport et du livre de Guillaume Le Bris, il était facile de démontrer à quel tour de passe-passe il s’était livré. 

Voici ce qu’il écrit dans son essai sur le Bezen : 

« À Bourbriac, le 6 juillet 1944, vers 15 heures, un groupe de résistants cerne le bourg et attaque une petite formation allemande d’une douzaine de soldats, dont un officier (sic) parvient à s’enfuir sur sa motocyclette pour donner l’alerte. À 18 heures, plusieurs camions de soldats allemands arrivent de Guingamp et procèdent à une opération de « nettoyage ». Alors que les résistants ont pris la fuite, des coups de feu sont tirés sur toutes les personnes qui circulent. Un vieil homme de 70 ans, François Jouan, est abattu sur le pas de sa porte. Le lendemain, 300 Allemands et le groupe de la SSP occupent le bourg pour des représailles. Toute la région va être ratissée pendant plusieurs jours : Peumerit-Quintin, Trémargat, Kergrist-Moëlou, Plouguernével, Plounévez-Quintin, Sainte-Tréphine, Plussulien, Haut-Corlay, Canihuel, Kerpert, Lanrivain, et à nouveau Saint-Nicolas-du-Pélem. Les patriotes arrêtés sont emmenés dans la cave d’une maison réquisitionnée par les Allemands et appartenant à Monsieur Souriman (sic) notaire à Bourbriac. Les conditions de détention n’y sont guère plus enviables qu’à Uzel, les prisonniers sont gardés par « des miliciens en tenue bleu ciel d’aviateurs », autrement dit la SSP.Ce groupe est commandé par Rémy Daigre, 38 ans, surnommé « Œil-de-verre », une brute épaisse doublée d’un alcoolique. Cet ancien maître d’hôtel à Rennes avouera qu’il a fait mourir des résistants à force de coups. À son grand désespoir, il ne parle pas l’allemand, mais pour faire impression sur les victimes il fait semblant ! » (Le Bezen Perrot, p. 144)

Comme on peut le voir, K. Hamon a repris le rapport du commissaire (sans mention de source, bien sûr) et s’est servi du témoignage de Guillaume Le Bris pour remplacer le Bezen par la SSP (la Selbstschutzpolizei) que le commissaire désignait du nom de « groupes de combat ». Le tour de passe-passe est simple : du fait que Le Bris est le seul à voir les miliciens de la Selbstschutzpolizei en uniforme bleu clair, alors qu’ils étaient en bleu marine, nous savons que K. Hamon s’est servi de son livre mais en se gardant de le citer et même de le mentionner : il s’agissait bel et bien de dissimuler la présence du Bezen à Bourbriac. Telle est sa façon d’écrire l’histoire.

Les miliciens de la SSP qui accompagnaient le Bezen.

Les cinq membres de la SSP agissaient de concert avec les cinq membres du Bezen.  Or, l’un des membres de la SSP, Hocquart, avoue :

« Nous sommes allés à Bourbriac où nous avons été chargés, entre autres, de garder des prisonniers dans la maison d’un notaire. Au cours de ce séjour, j’ai été mis de garde à un carrefour à l’entrée du village. Les Allemands avaient emmené en camion cinq ou six détenus. De l’endroit où j’étais de garde, j’ai assisté à leur exécution. En passant plus tard à proximité du lieu, il m’a été donné de voir les corps dans le fossé. » 

Comment Hocquart aurait-il pu inventer le fait que la maison du notaire de Bourbriac avait été changée en prison ? Comment aurait-il pu évoquer les assassinats de Garzonval sans y être ? Il explique que les deux groupes sont ensuite partis à Scrignac – j’ai retracé leur itinéraire avec assez de précision pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté. La SSP et le groupe du Bezen sont passés de Bourbriac à Scrignac pour des raisons dont les archives rendent compte clairement.

J’ai également recueilli des témoignages sur place et, entre autres, celui de mon oncle René qui, lui aussi, avait échappé à la rafle :

« À Garzonval, tiens, juste après le massacre de nos copains, un paysan qui conduisait une charrette sur la route a été pris à partie par les SS… Ils remontaient sur Plougonver et ils lui ont crié en breton : « Gare-toi de là ou t’es fait ! ». C’est le paysan lui-même qui nous l’a dit la première fois qu’on est allé à Garzonval après la guerre… Des SS qui parlent breton pour se faire obéir d’un plouc, supposé incapable de comprendre le français… il n’en revenait pas.   » 

Certains SS du Bezen Perrot parlaient breton, dont Chevillotte, le chef du groupe présent à Bourbriac qui, par haine de la France, s’astreignait à ne parler que breton ou allemand.  Par la suite, j’ai rencontré sur place d’autres témoins qui se souvenaient d’avoir entendu parler de ce qu’ils appelaient des « SS bretons ». Mémoire orale, mémoire peu fiable ? Elle confirme pourtant le rapport du commissaire qui, lui, était parfaitement clair.

Il y a aussi la carte envoyée de Bourbriac par Jarnouen, l’un des cinq membres du Bezen qui s’y trouvait avec la SSP. Silence à ce propos. 

Et puis la femme du notaire, qui avait été chassée par l’occupant pour changer sa maison en centre de tortures et venait tous les jours, évoque « quinze miliciens et deux officiers allemands ». Au nombre des miliciens, dit-elle, il y en a deux qui avaient « un bonnet de police avec la tête de mort », donc deux SS du Bezen puisqu’il ne s’agissait pas d’officiers.

Enfin, Vincent Jaglin, qui a interrogé Jean Miniou, l’un des membres du Bezen les plus retors, a obtenu confirmation de sa présence à Bourbriac. Mais, bien sûr, comme tous ses collègues, Miniou assurait n’avoir rien fait – juste, de temps à autre, garder quelques camions… 

Soucieux de faire passer directement le Bezen de Trébrivan à Scrignac, le sénateur a soin d’oublier la déposition du secrétaire de mairie de Trébrivan que je cite pourtant dans sa totalité :

« Le 29 juin 1944, une opération de police fut effectuée à Trébrivan par des Allemands stationnés à Maël-Carhaix avec la participation des membres de la Milice Perrot[…] Les Allemands qui ont opéré à Trébrivan ont cantonné dans le Morbihan et ont quitté Maël-Carhaix pour aller à Bourbriac»

Comment le sénateur et ancien maire de Bourbriac s’y prend-il pour nier la présence du Bezen à Bourbriac ? La méthode offre un bon exemple de la pratique des néo-historiens bretons.   

III. L’EMBROUILLAGE

Dans un premier temps, il reprend (sans mention de source) les informations que j’ai données sur les événements qui ont précédé la présence du SD à Bourbriac. Ensuite, passant totalement sous silence le rapport du commissaire, par trop explicite, il se perd dans les diverses déclarations de Guillaume Le Bris en ne gardant que ce qui lui semble confus. 

Le Bris déclare dans un rapport que l’exécution des sept détenus de Bourbriac est due « à Max et au groupe Perrot », ce qui semble exact et clair, mais cette déclaration ne vaut rien selon le sénateur car Max est le nom d’un officier qui dirige la SSP et pas « directement les gours » : et pourquoi cela ne confirmerait-il pas justement les dires de Le Bris qui mentionne et les membres du Bezen et l’officier de liaison entre le SD et la SSP (Max Jacob Oscar) ? 

Le Bris écrit dans Échos du silence qu’il y avait à Bourbriac des « membres appartenant à la Gestapo, à la milice et à la milice Perrot », ce qui semble également exact mais, toujours d’après le sénateur, ce ne sont pas là des « éléments factuels » : il aurait fallu, à l’en croire, que Le Bris demande le nom des SS du Bezen et qu’il les note bien soigneusement pour pouvoir les dénoncer ensuite. 

Autre argument : au cours d’une enquête sur l’un des chefs du Bezen, le sinistre Malrieu, on demande à Le Bris s’il le reconnaît ; il répond que non puisque Malrieu n’a jamais mis les pieds à Bourbriac. Pour le sénateur, c’est la preuve que Le Bris n’a vu aucun membre du Bezen qui donc n’était pas là.

Des dépositions des personnes présentes à Bourbriac, le sénateur a soin d’éliminer celle de la femme du notaire.  Censure par élimination : ne restent que les témoins jugés utiles puisqu’ils se servent à rien. 

Autre exemple de censure par élimination : le sénateur cite les déclarations du milicien Hocquart mais en ayant soin de couper tout le début qui concerne Bourbriac, comme on l’a vu. De sa déposition il ne reste que la fin :

« Les Allemands avaient emmené en camion cinq ou six détenus. De l’endroit où j’étais de garde, j’ai assisté à leur exécution. En passant plus tard à proximité du lieu, il m’a été donné de voir les corps dans le fossé. »

Après avoir mentionné le fait que la présence du Bezen a été « argumentée » (non pas démontrée) avec renvoi à Miliciens contre maquisards, le sénateur réduit mes recherches à néant grâce à cette preuve selon lui irréfutable : Miniou a dit avoir passé à Scrignac « presque tout le mois de juillet » ! Nous savons parfaitement que c’est faux puisque c’est seulement à partir du 18 juillet que le SD et les miliciens sont arrivés à Scrignac. J’ai consacré plusieurs pages à cet épisode en prenant soin de citer les rapports les plus précis mais le sénateur les passe sous silence. Il va jusqu’à placer les exactions de Scrignac avant celles de Bourbriac au motif que « la date de son arrivée [de l’arrivée du Bezen] dans la localité n’est pas déterminée avec certitude » ! Nous disposons, là encore, d’un rapport précis du commissaire de police judiciaire chargé de l’enquête et de témoignages divers – d’ailleurs K. Hamon, même si, s’embrouillant comme de coutume, il se trompe d’un jour et remplace la SSP par le Kommando de Landerneau, indique que « le 19 juillet, la troupe allemande, dirigée par Roëder du SD de Brest, un groupe du Bezen et le Kommando de Landerneau investissent le bourg » [le bourg de Scrignac] (Le Bezen Perrot, p. 145). Tout ça ne sert à rien. Seul Miniou est fiable – il est tellement fiable qu’il parle de Serignac au lieu de Scrignac mais c’est lui qui permet au sénateur de jeter le doute sur des faits bien établis : il a donc raison.

Censure par travestissement : une seule phrase d’un SS efface toute une démonstration. Il n’est pas inutile de rappeler que, dans Miliciens contre maquisards, j’avais longuement cité les dépositions mensongères de Miniou qui avait été élevé chez les bons pères et faisait preuve d’un jésuitisme remarquablement exercé.

Censure par détournement : à en croire le sénateur, quand Christian Guyonvarc’h, l’un des membres du Bezen à la mémoire particulièrement exercée, déclare que le Bezen était à Bourbriac, il ment forcément puisque Bourbriac est écrit Bourgbriac… 

Conclusion : rien dans l’ensemble du livre, pourtant supposé évoquer tous les lieux d’intervention du Bezen, ne figure sur les séances de torture à Bourbriac et les assassinats de Plougonver. Censure par occultation : ultime offense aux jeunes résistants assassinés voilà 80 ans, les Chevillotte, Miniou, Morvan, Jarnouen, Magré sont donnés pour innocents. Braves garçons, pas SS, juste un peu SD et incapables de se battre en batailles rangées comme devraient le faire de vrais « gours »… Ils l’ont pourtant fait lors de la bataille de La Pie, elle aussi passée sous silence. 

Effacement total d’un côté, surabondance de l’autre : il est permis de se demander pourquoi le sénateur consacre cinq pages à ce non-épisode (puisque le Bezen n’est pas concerné) quand chacun des autres lieux de tortures et d’exactions du Bezen mérite au plus quelques maigres paragraphes dans son livre.

Si ces cinq membres du Bezen n’étaient pas là, où étaient-ils ? Le sénateur ne le dit pas – pas plus que les autres historiens. J’ai pourtant pris la peine de reconstituer les itinéraires des groupes du Bezen. Aucune importance : l’essentiel est d’effacer leur présence à Bourbriac et, surtout, bien plus essentiel encore, de passer sous silence leur rôle après-guerre : ces militants bretons qui ont servi sous uniforme SS ont continué de militer pour une Bretagne libre, c’est-à-dire libérée de la France républicaine. À la Mission bretonne, dans les cercles celtiques, les maisons d’édition nationalistes, le MOB de Fouéré, la Ligue celtique, les mouvements druidiques, les partis nationalistes recréés après-guerre, les scouts Bleimor si ardemment  aimés par Alan Stivell, les revues comme celles de Per Denez, de Grall, de Glenmor et de vieux nazis comme Alan Louarn, dans les écoles Diwan, l’Institut culturel de Bretagne, Skoazell Vreizh, le FLB…

L’essai du sénateur vient illustrer ce que j’ai montré dans Le Culte des racines : c’est l’allégeance des socialistes au mouvement breton, infime numériquement et idéologiquement, qui a abouti à la situation où nous nous trouvons en Bretagne. L’histoire falsifiée sert un projet politique (inutile de rappeler que c’est celui du lobby patronal breton, commanditaire de L’Histoire de Bretagne en bandes dessinées qui a fait scandale sans toutefois cesser d’être diffusée).  

IV. LA CENSURE

La falsification sert à faire passer mes recherches à la trappe sur cet événement précis, je pense que la chose est claire – mais, au-delà ce mince événement (et d’ailleurs d’autant plus tragique que mince et qu’il est d’autant plus odieux de travestir sous couvert d’écrire l’histoire) c’est, bien sûr, autre chose qui est en jeu. 

Il s’agit, d’une part, de faire en sorte qu’il soit impossible de comprendre le rôle de ceux qu’il appelle des « gours » et leurs liens avec le reste du mouvement nationaliste breton, les Roparz Hemon, Fouéré et autres propagandistes grassement payés par les services allemands. Ainsi le sénateur évoque-t-il le SS Antoine Le Roy en dissimulant soigneusement le fait qu’il était l’amant de Roparz Hemon avec qui il s’est enfui en Allemagne et qu’il a suivi en Irlande en continuant de militer pour la cause. Doux militant breton dévoué à la grammaire d’un côté, tortionnaire nazi de l’autre : rien à voir. Le plus scandaleux est la manière dont il réhabilite Fouéré, agent de la Gestapo et patron de presse payée par les nazis ; c’est Fouéré qui mit sur pied la filière de « vrais faux passeports » destinée à permettre la fuite des SS vers l’Irlande et leur recyclage dans le combat qu’il poursuivit quant à lui par le terrorisme et la propagande ethnonationaliste. Dans le souci de réhabiliter l’un des membres du Bezen, Esnol, qu’il présente comme un doux poète, le sénateur socialiste ose écrire :

« Il entre en contact avec le journal La Bretagne dont le directeur est Yann Fouéré. Il vend à cette publication des articles sans tonalité politique portant sur « les scènes de la vie bretonne ». La ligne politique de ce journal est régionaliste et anti-autonomiste, en opposition donc avec L’Heure bretonne organe du PNB. » (p. 55).

Fouéré anti-autonomiste ! La Bretagne régionaliste ! Des articles sans tonalité politique dans un journal de propagande nazie ! Voilà plus de vingt ans que j’ai démontré comment Fouéré et les dirigeants de L’heure bretonne organisaient ensemble leurs campagnes de presse, comment l’antisémitisme le plus abject a été développé par La Bretagne et comment les mêmes auteurs passaient d’un journal à l’autre. Les faits sont d’ailleurs rappelés dans Milciens contre maquisards que le sénateur n’a pas manqué de lire pour nier la présence du Bezen dans sa commune. Voici un bref extrait ouvrant sur un chapitre montrant comment Fouéré a permis le recyclage des SS du Bezen :

« Jean-Adolphe, dit Yann, Fouéré a, sous l’Occupation, fondé et dirigé un journal fasciste, La Bretagne. Ce journal, présenté comme modéré par rapport à L’Heure bretonne, organe du PNB, en était, en fait, le strict complément : Fouéré, membre du Kuzul Meur, le Grand Conseil secret, s’était accordé avec les responsables du PNB (Parti national breton) pour jouer la carte pétainiste, L’Heure bretonne jouant la carte allemande. Il suffit de parcourir les rubriques de l’un comme de l’autre en disposant de la table des pseudonymes de leurs collaborateurs communs pour s’en apercevoir — encore est-ce dans La Bretagne que se trouvent les articles les plus racistes jamais écrits en breton. […] C’est Fouéré qui, condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité et enfui au pays de Galles avec un faux passeport, organise la filière qui permet aux membres du Bezen de poursuivre leurs jours en paix. Il ne s’en cache pas, bien au contraire : il consacre tout un volume de ses mémoires à exposer par le menu comment tous ont pu s’en sortir à moindres frais. » (Miliciens contre maquisards, p. 311).

Le sénateur socialiste cite les mémoires de Fouéré sans rien y voir à redire. Il omet de signaler les liens de certains membres du Bezen avec les réseaux de Fouéré — de toute façon si anodins, anti-autonomistes et si aimablement régionalistes… Son but est bien d’abuser les lecteurs en interdisant toute réflexion sur les origines du mouvement nationaliste breton, sur l’inscription des SS du Bezen dans une mouvance, depuis longtemps mise en place (contre l’opinion des Bretons qui haïssaient ceux qu’ils appelaient les Breiz Atao) d’où est sortie la Formation Perrot. Pas un mot, bien sûr, sur le rôle délétère de l’abbé Perrot, sur son itinéraire, sur ses écrits : rien. Subitement, sans qu’on sache pourquoi, un nommé Célestin Lainé a décidé de créer le Bezen Perrot. Il était séparatiste, voilà tout. L’histoire vue du petit bout de la lorgnette pour empêcher de la mettre en contexte et de la comprendre…

Enfin et surtout, après avoir fait l’histoire de la rafle, j’ai montré ce qu’étaient devenus les personnages en présence. C’est bien ce que le sénateur s’est mis en devoir de faire disparaître : le nommé Miniou, il a continué de militer, dans les cercles nationalistes bretons et catholiques, jusqu’à sa mort ; le fils de Malrieu, Patrick, s’est retrouvé à la direction des institutions dites culturelles mises en place pour distribuer les subventions ; Joseph Morvan a poursuivi le combat en liaison avec Mordrel et autres nazis ; Bouëssel du Bourg, dont j’ai longuement étudié l’itinéraire, est présenté comme un brave garçon, pas vraiment au Bezen, juste peut-être un petit peu à côté : rien sur son rôle sous l’Occupation, puis à l’Institut culturel de Bretagne, ses regrets exprimés naguère dans une revue nationaliste quant aux chances perdues par Hitler. Polig Monjarret ? Il a été acquitté. Pas de séjour en Allemagne avec le Bezen, pas de propos racistes : on peut lui faire des statues. Les faits établis passent massivement à la trappe. Et ce brave Alan Heussaff, secrétaire de la Ligue celtique, qui trouvait que Faurisson avait raison, et Feutren, devenu professeur de français (quelle forfaiture !) en Irlande et qui martyrisait ses élèves, et la famille Péresse, et Jégaden qui paradait à Skoazell Vreizh,  et Joseph Hirgair revenu militer après un séjour en Irlande… 

C’est au sujet de Joseph et Pierre Hirgair que le sénateur s’embrouille le plus et que sa volonté d’occulter l’histoire qu’il est supposé raconter est le plus évidente car il a soin de passer sous silence le film La Découverte ou l’ignorance – Histoire de mes fantômes bretons qui évoque précisément l’itinéraire des cousins Hirgair – Joseph, qui s’était donné le nom bucolique de « Skao » (Sureau) et son cousin Pierre qui, lui, s’était non moins bucoliquement baptivé Ivarc’h (Chemin creux) et qui a été tué lors de la fuite du Bezen en Allemagne alors que son cousin bénéfiait, comme tant d’autres membres de Bezen, de la « rat line » bretonne vers les frères celtes d’Irlande. Le film qui a eu le grand prix du documentaire historique à Blois lors de sa première diffusion a été l’objet d’une censure constante en Bretagne, au point d’être interdit de programmation à Callac, sans même parler, bien sûr, de Bourbriac. 

Au cours du film, K. Hamon avoue que le Bezen était bien à Bourbriac : on conçoit qu’il ne soit pas question de le mentionner.  Ce parangon de fiabilité (d’après son émule) explique dans son essai Les Nationalistes bretons que Joseph Hirgair fut « tué en opération » (apparemment près de Branderion) et, dans son essai Le Bezen Perrot, qu’il fut tué « lors du mitraillage d’un train dans le Jura souabe »). » Il s’agit de Pierre, non de Joseph, mais quelle importance ? Lorsque nous lisons sous la plume du sénateur l’éloge de l’histoire du Bezen écrite par K. Hamon, n’oublions pas l’introduction de cette histoire déplorant, elle aussi, l’engagement de ces pauvres jeunes gens: 

« Qui dira le mal constant fait à la culture bretonne depuis 1945, du fait de la répression organisée par les tenants d’un nationalisme français présentant des caractères identiques à celui du Bezen puisque provenant des mêmes sources ? » (Le Bezen Perrot, p. 9).

La coupable, c’est la France républicaine. Il faut, comme l’écrit le sénateur socialiste, surtout dénoncer « les conséquences dévastatrices pour l’ensemble du mouvement politique nationaliste breton » de l’engagement des « gours ». 

Voici comment un professeur de breton, descendant d’un membre du Bezen Perrot, célèbrait le 14 juillet l’an passé, aussitôt approuvé par des militants, souvent payés par l’État français  :

Qui ose protester ? Qui ose résister ?

À Garzonval, où un beau travail de mémoire a pourtant été fait avec les habitants, pas un mot sur le Bezen lors des cérémonies de commémoration. À Rostrenen, les quatre-vingts ans de la rafle seront, soyons-en bien certains, passés sous silence. Pauvre Torquéau, pauvres héros assassinés pour tant de mensonges et de lâcheté. Du moins ne sera-t-il pas dit que je n’aurai pas protesté. En vain mais pas pour rien.  

*

On trouvera ici quelques commentaires sur la dernière cérémonie de Garzonval et un court article de synthèse.

*

Ce triste épisode a le non moins triste mérite de mettre en lumière le système de propagande instauré en Bretagne par les médias liés au lobby patronal de Produit en Bretagne : si toutes les productions autonomistes diffusées par la Coop Breizh bénéficient d’un traitement de faveur, le sénateur, lui, bénéficie d’un traitement de faveur redoublé. Il est intéressant de suivre cette promotion qui fait du Bezen l’accompagnement breton du quatre-vingtième anniversaire de la Libération.

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Les sonnets de Shakespeare au lycée Edouard Herriot

En janvier dernier, nous avons travaillé au TNP avec des élèves du lycée Édouard Herriot. Les professeurs, et d’abord Anne Robardel qui était à l’origine du projet (elle avait fait partie du groupe d’enseignants qui avaient fait un stage sur la traduction en 2023 et m’avaient permis de tester l’adaptation que j’en avais faite pour la Scala – merci à eux !), avaient choisi de rassembler des élèves de tous les niveaux : oui, de la seconde à la khâgne – et pas n’importe quels khâgneux : d’éminents anglicistes qui avaient les Sonnets au programme du concours. C’était extraordinaire. À aucun moment les différences de niveau ne se sont senties ; chacun lisait, en anglais ou en français, et faisait en sorte de rendre le texte audible et sensible. La lecture finale était merveilleuse et les petits de seconde n’étaient pas les derniers à s’imposer. 

Ce sont les élèves qui ont demandé à poursuivre l’expérience tout au long de l’année, jusqu’à donner un spectacle. Et, malgré examens, concours et travaux prenants, le spectacle va avoir lieu demain. 

Voici un message adressé par Anne Robardel… 

« Cher André,

quelle aventure ! Nous travaillons d’arrache-pied depuis une dizaine de jours pour monter une récitation à la hauteur de la lecture que Françoise et vous nous avez offerte au TNP. Les récitations s’avèrent acrobatiques car les récitants sont éparpillés dans plusieurs classes différentes et il a donc fallu faire preuve de beaucoup d’imagination pour arriver à créer une forme correspondant à ce que nous souhaitions raconter, afin d’être fidèles à l’esprit de la partition dessinée par Françoise et vous … Depuis quelques jours, les pentamètres et les décasyllabes résonnent donc dans tous les coins du lycée Edouard Herriot et nous sommes tous en état de grande effervescence poétique.

Puis, pour couronner le tout, nous avons appris avant-hier que 4 de nos sonnets étaient admissibles aux oraux de la rue d’Ulm, ce qui nous a conduit à revoir le casting à la dernière minute…


Bref, tout cela est considérablement acrobatique mais aussi plein de vie, de joie, de créativité et de liberté. J’espère que le résultat vous plaira.

Je vous mets en PJ nos affiches. » 

Quatre admissibles sur une seule classe au très redoutable concours de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm ! Tous mes vœux les accompagnent. Ils ont fait preuve d’une telle modestie lors de notre lecture collective des sonnets qu’ils semblaient avoir tout à apprendre des autres. C’est peut-être le secret de la réussite…

À dire vrai, nous sommes très fiers d’avoir suscité cette expérience. Et nous admirons l’enthousiasme de ces professeurs passionnés par leur métier, par la poésie, par la vie. 

Publié dans André Markowicz, Poésie, Shakespeare, Sonnets, Spectacle, Traduction | Laisser un commentaire