En arrivant dans des librairies amies, j’ai constaté à plusieurs reprises que les deux collections des Éditions MeMo auxquelles je travaille depuis des années (et qui sont si bien présentées à la médiathèque de Rostrenen en ce moment) ne sont pas identifiées par les libraires et passent inaperçues dans le nombre des nouveautés.
Voilà donc deux dépliants qui peuvent être reproduits sans peine et qui dispensent de longues explications.
Ils sont aussi intéressants car ils permettent de rapprocher écriture personnelle et traduction, ce qui n’arrive pas souvent.
Je comptais, bien sûr, rendre compte ici de l’exposition «Les enfantines » à Rostrenen que j’ai découverte lors du vernissage vendredi soir mais André Markowicz a rédigé aussitôt une chronique sur Facebook, et, une fois n’est pas coutume, je me contente de la reprendre ici pour ceux qui, comme moi, ne « sont pas sur Facebook ». Il a placé sa chronique sous le signe de la bienveillance, et je trouve que, par les temps qui courent en Bretagne, il a eu raison de souligner ce mérite si rare et qui explique aussi l’impression de luminosité que laisse l’exposition.
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De la bienveillance
« Enfantines », à Rostrenen
Ce qui s’est passé hier, pour moi, à Rostrenen, ça tient comme du miracle. Depuis l’été, nous savions que la Médiathèque de Rostrenen (Centre Bretagne) travaillait sur un projet élaboré par Jean-Luc Le Naour, le responsable de la Médiathèque, et Magali Le Gall, et, ce projet, c’était de réaliser une exposition sur le travail de Françoise : sur son travail pour les enfants, et plus particulièrement son travail aux Éditions MeMo, de Nantes, parce que Magali Le Gall est amoureuse des Éditions MeMo, et du travail de Françoise. Une exposition qu’ils ont appelée : « Enfantines ». On comprend bien ce que c’est, d’élaborer une exposition aujourd’hui, par temps de pandémie, avec toutes les fermetures, les empêchements, les pass et j’en passe qui font que les lieux de culture se dépeuplent. Mais voilà, pendant des mois, jour après jour, ce travail s’est poursuivi. Et imaginez qu’ils n’avaient pas demandé à Françoise, au début : juste, ils voulaient le faire, parce qu’ils pensaient que c’était important, et, pour Jean-Luc Le Naour, c’était, il le disait, sa dernière exposition — il fait valoir ses droits la retraite, là, maintenant, à la fin de l’année. Il voulait, absolument, absolument, qu’avant sa retraite, il y ait un hommage à Françoise dans sa ville natale, et pas un hommage posthume, non, un hommage, là, maintenant, et un hommage à cette partie tellement, on pourrait croire, non vue de son travail, — celui qu’elle fait sur la poésie destinée aux enfants, et même pas un hommage, d’ailleurs, non : que ce travail, dans son ensemble, ait un lieu, dans cette Médiathèque, dans sa ville natale, sachant que, je l’ai déjà dit souvent, pour Françoise, tout part de sa ville natale, et tout y revient, que cette ville natale, c’est comme le foyer de son travail dans son ensemble, celui de toute sa vie.
Si vous êtes dans la région, sérieusement, allez voir cette exposition. Les malheureuses photos que j’ai prises ne donnent pas l’ombre de l’idée de la splendeur de ce que c’est. — D’abord, parce que tout y est rassemblé : le travail avec MeMo depuis dix-huit ans. Les traductions — je ne sais pas combien de livres de Maurice Sendak, plus d’une quinzaine, mais plein d’autres, de l’anglais et du russe, et les livres écrits par Françoise — sur des motifs de contes, comme, par exemple, Alionouchka, ou Le Kraspek, et puis les livres, fondamentaux, de poésie pour les enfants de la collection Coquelicot, — les cinq titres.
Et pas que ça. Il y a aussi, — j’en ai parlé à chaque fois ici, — Les Mistoufles, ces disques réalisés par David Gauchard et la compagnie l’Unijambiste, avec des enfants, à partir des poèmes écrits par Françoise. Parce qu’il s’agit de donner aux enfants la sensation de la plénitude de la langue et de la beauté de la forme : la fantaisie, la joie de l’émotion concentrée par la langue, par le son et la rime. Tout est là, dans cette exposition.
Il y a, rien que de livres pour enfants, je ne sais pas, une quarantaine de titres. Avec des panneaux qui les présentent. Et nous, quand nous les avons vus, nous avons été bouleversés par leur beauté, par le travail de mise en valeur — de mise en regard — qu’ils représentent, ces panneaux. Comment, à chaque fois, l’encadrement de bois clair met en valeur l’image, et comme le fond, la feuille de papier sur laquelle le panneau est fixé, par sa couleur, répond aux couleurs de l’image, toujours pour s’effacer et les mettre en valeur, elles. Il y a là quelque chose de tellement méticuleux, de tellement sensible. Il y a quelque chose qui tient de la bienveillance. Et d’une bienveillance modeste, active, sans paroles. Pendant des mois et des mois, Jean-Luc Le Naour et Magali Le Gall, puis Magali Le Gall, puis, enfin, la jeune remplaçante de Jean-Luc, Clara Thabard, ils ont travaillé. Ils ont composé les tableaux, rédigé les notices.
Et vous verrez, sur le site, le diaporama qui présente l’ensemble du travail de Françoise pour ces « Enfantines »… et encore pour Les Mistoufles. Rien que ça, le travail que c’est. Et pour tout cela, quand, moi, très ému, je me suis confondu en remerciements, Magali n’a eu qu’une réponse : « J’ai fait mon travail de bibliothécaire ». Mais oui, absolument, et ce travail, c’est aussi une œuvre.
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Une œuvre réalisée pour faire connaître une œuvre, et pour que les enfants de Rostrenen et des communes environnantes aient accès à ces textes, — pour qu’ils lisent. Et je dois dire que j’ai été très sensible aux propos du nouveau et jeune maire, Guillaume Robic, qui disait, en inaugurant l’exposition qu’il était attaché à la lecture, et à la lecture des enfants, des plus jeunes — et que c’était un des axes de la politique de la municipalité. Françoise a raconté comme, tout enfant, une institutrice de maternelle lui a fait entendre un poème de Verlaine, qui a décidé, finalement, de sa vie, « Dame souris trotte ». Elle a apporté pour l’exposition son cahier de récitations, en CM1, dans lequel elle avait recopié un poème de Robert Desnos. Tout se joue là — quand les enfants découvrent ça, la beauté toute simple de la langue, et quand, d’eux-mêmes, ils apprennent des poèmes, quand les poèmes les accompagnent dans leur vie.
Il n’y avait pas que le travail avec MeMo, — il y avait aussi, rassemblés, sur un grand rocher qui est placé au milieu de la Médiathèque, une cinquantaine, peut-être, des livres « pour adultes » de Françoise, — en même temps. Le fonds de la Médiathèque de Rostrenen. Les livres sont là.
Tout était lumineux, simple. Tout était gai et concentré. Ce qu’il y avait là, c’était quelque chose à quoi, et surtout en Bretagne, nous sommes peu habitués : la bienveillance. La joie de faire des choses toutes simples et belles, et pas pour faire plaisir à quelqu’un, pas pour flatter ou que sais-je. Non, juste parce que, ce travail, si riche, si impressionnant (près d’une centaine, au total, de livres exposés), il est fait pour les gens. Et oui, c’est simple comme bonjour. Mais que de travail pour y arriver, à ce bonjour-là. Que de passion.
PS. Et Yves Mestrallet, l’un des coéditeurs de MeMo avec Christine Morault, était venu, de Nantes, malgré la tempête, et il repartait le soir. Et ça aussi c’était beau.
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J’ajouterai une chose qui n’est pas sans importance : le travail de la médiathèque est relayé à Rostrenen par la Maison de la presse qui est une vraie librairie, où Sandrine et Éric, des lecteurs passionnés, ne présentent pas seulement mes livres pour enfants mais ont héroïquement maintenu la présence du Monde comme si depuis des années et comptent au nombre des trois libraires de Bretagne qui, dès le début, ont donné vie aux Éditions Mesures. C’est assez exceptionnel pour mériter d’être souligné.
Depuis plusieurs mois, le responsable de la médiathèque de Rostrenen, Jean-Luc Le Naour, et Magali, son adjointe, préparaient une exposition destinée à mettre en lumière mon travail dans le domaine de la littérature pour enfants – et principalement dans le domaine de la poésie. Or, il faut le rappeler, les Éditions MeMo de Nantes sont les seules à avoir créé une collection de poésie contemporaine pour les enfants, la collection Coquelicot, qui, normalement, devait compter aussi bien des poèmes que j’écrivais et des poèmes que je traduisais (ces poèmes, d’ailleurs, étaient souvent des chansons – et des chansons mises en musique par des enfants : la collection Coquelicot se prolonge par les sept disques des Mistoufles…).
Jean-Luc Le Naour a eu l’idée de rassembler mon travail pour MeMo et de mettre ainsi en lumière le travail poursuivi sur la durée par un auteur et un éditeur – un petit éditeur d’abord soucieux de qualité et de respect du lecteur. Depuis quelques années, nous poursuivons parallèlement une autre aventure au long cours, la traduction des albums inédits de Maurice Sendak. Au total, même si je ne m’en étais pas rendu compte, j’ai publié une trentaine de volumes aux éditions MeMo.
Cette exposition est aussi pour moi l’occasion de poser un regard nouveau sur ce travail généralement si peu pris en considération. J’ai vraiment été émerveillée par le soin apporté à la présentation, l’intelligence apportée au choix des livres présentés (je l’ai découvert lors d’une visite à la médiathèque cet été) et le côté joyeux et lumineux de l’ensemble.
Nombreuses sont les classes invitées à partager cette exposition et ces livres : autant dire que cela ne pouvait pas mieux prolonger l’entreprise de faire entrer naturellement la poésie dans les petites classes.
Un immense merci donc à Jean-Luc qui a poursuivi ce travail avec un réel héroïsme, à Magali qui l’a accompagné avec un enthousiasme communicatif et à Clara qui a pris le relais.
Le vernissage aura lieu le 26 novembre à 18 h 30 à la médiathèque, comme indiqué sur la belle affiche qui accompagne l’exposition.
Magnifique rencontre dans un magnifique endroit, la Maison CFC, sur une magnifique place, la place des martyrs à Bruxelles… Organisée par Muriel Verhaegen et dirigée par Françoise Nice, la présentation des Éditions Mesures a été pour l’occasion d’une vraie découverte puisque nous étions amenés à élucider des points essentiels de notre travail que nous n’aurions jamais pensé aborder : un immense merci à Muriel qui a maintenu cette rencontre (annulée à deux reprises depuis bientôt deux ans pour cause de covid) et à Françoise qui a effectué un extraordinaire travail de préparation et a fait une présentation si chaleureuse de Sur champ de sable qu’il n’est pas resté un seul des exemplaires en vente.
La librairie est aussi une maison d’édition qui vient cette semaine même de publier la première biographie de Bruegel l’ancien… encore une vraie découverte.
C’est le 18 novembre à 9 h 30 que s’ouvre le colloque international sur les Fables de Marie de France. Il se tiendra à la Faculté des Lettres de l’université Paris-Créteil sous la direction de Jeanne-Marie Boivin et Baptiste Laïd, comme je l’ai déjà indiqué ici.
Sous sa couverture rouge, Le Maître et Marguerite qui vient tout juste de reparaître en collection de pochea un petit côté fringant qui lui donne un charme nouveau.
J’en profite pour faire ici la synthèse des articles qui ont été consacrés à cette nouvelle traduction. Nous pensions être l’objet des habituelles fureurs dues à la l’éprouvante modernité de notre texte, à la traduction des noms des personnages, au respect des motifs, des récurrences et tutti quanti – mais il n’en a rien été. Au contraire…
Après la première page du Monde des livreset l’article de Florence Noiville complétant celui de François Angelier, Le Maître et Marguerite a poursuivi son parcours dans la presse et bénéficié d’articles vraiment chaleureux, témoignent d’une attention bienveillante et d’un véritable intérêt non seulement pour le roman mais, chose vraiment rare et digne d’être notée, pour la traduction.
Il faut aller chercher au 14 novembre 2020 la vidéo enthousiaste et rigolote de Canal+ découverte « 21 cm de + » qui, à présent, semble inaccessible mais, si, on peut la retrouver.
Nous avons pu lire ensuite un bel article de Christian Mouze sur le site d’« En attendant Nadeau » (ah, oui, s’il pouvait revenir, Nadeau !)
Un article de L’Autre Quotidien était très intéressant aussi mais a aussitôt disparu — si je comprends bien, il faut s’abonner pour le lire.
Une note de lecture d’Elena Salougamian pour Ventilo est parue ensuite, ainsi qu’une interview d’Élisabeth Philippe pour Le Nouvel Observateur intitulée « Le Maître et Markowicz ».
Annick Morard pour Le Tempsa, elle, tenu compte de mon existence, de même que Geneviève Simon pour La Libre Belgique
Et pour témoigner de l’agréable consensus qui a accueilli cette traduction, nous avons une pleine page d’Alexie Lagadec pour Royaliste, une pleine page encore d’Alain Nicolas dans L’Humanitédu 24 décembre et un long article de Mathieu Roger-Lacan dans Le Grand Continent (25 décembre 2020).
Il faut remercier ces critiques car ils ont assuré la survie du livre en plein confinement, alors que les librairies étaient fermées et les rencontres annulées.
Cette belle affiche annonce le premier colloque consacré aux Fables de Marie de France – manière de réparer une injustice, car ces Fables ont été bien étrangement oubliées au bénéfice des Lais considérés comme émanation de l’âme celte. Elles offrent, au contraire, l’occasion de se pencher sur des textes venus de sources diverses, arabes, juives aussi bien que gréco-latines. Lorsque je les ai traduites, j’ai été constamment frappée par leur humour, leur rapidité incisive et leurs moralités qui, mises en relation avec les Lais, offrent un sujet de réflexion passionnant.
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J’en profite pour signaler la toute récente parution de l’article de Clara de Raigniac sur le bisclavret, le fameux loup-garou de Marie.
Enfin, le voici paru, ce troisième livre de la troisième saison des Éditions Mesures… Pour moi, c’est un livre important car il met fin à mes traductions de l’ancien français en faisant la synthèse d’une expérience que j’ai commencée à la Sorbonne, un été que, m’étant inscrite trois fois aux mêmes certificats, je me trouvais trois fois licenciée sans l’être : on m’avait fait savoir qu’il fallait que je fasse de l’ancien français et de l’anglais pour être dans les cordes. C’est alors que j’avais découvert (grâce à Albert Pauphilet, à présent impitoyablement chassé de la Pléiade où il régnait), cette Folie Tristan et les Lais de Marie de France.
La question qui, d’ores et déjà, se posait à moi était : comment pouvait-on traduire en lourde prose ces poèmes où l’octosyllabe offrait un cadre à la fois léger et strict aux rimes et aux récurrences, si importantes puisque ces poèmes étaient faits pour être portés par la voix…
Il était naturel, bien sûr, de donner aux étudiants une version ligne à ligne expliquant le texte mais cette visée pédagogique laissait place à un exercice qui, tout en se donnant pour traduction, n’en était pas et tendait, qui plus est, à se substituer au texte original, au motif que l’octosyllabe n’était rien de plus qu’une forme vétuste appelant la mise en prose.
Lorsque j’ai traduit La Trilogie de Pathelin puis les Lais et les Fables de Marie de France, j’ai constaté que le respect de la forme permettait, contrairement à ce que veut la tradition française, de mieux respecter le sens. Je me suis donc efforcée de le démontrer en accompagnant cette Folie Tristan de notes sur cette expérience de traduction.
Il m’a semblé que ce texte (qui met en scène Tristan déguisé en fou pour voir Yseult prisonnière) se prêtait au théâtre, et ce sont d’ailleurs de jeunes comédiens qui, pour la première fois, lui ont donné voix au TNP. En janvier, l’expérience va se poursuivre, et il est d’ailleurs heureux que ce travail soit mis en relation avec Avrilet L’Oiseau-loup. Voies de traverse qui ouvrent la littérature médiévale à l’écriture contemporaine en passant par le théâtre…
À l’imprimerie, dernières mises au point des images de Pluie, le livre qui doit paraître pour la troisième saison des Éditions Mesures. Cette fois, nous avons décidé d’accompagner les quatre chapitres du livre de photographies que j’ai prises par temps de pluie à Rostrenen (ville hautement recommandable à qui souhaite goûter les charmes de la pluie) dans la maison qui est le sujet principal de Sur champ de sable (dont Pluie est le complément). Emmanuel, le virtuose de Média Graphic, procède aux ajustements de couleurs et ce n’est pas simple…
La première année j’avais fait des aquarelles pour illustrer les couvertures, la deuxième année j’avais retravaillé des portraits et, cette année, j’ai peint des images allusives mais encadrées de pastel légèrement écrasé comme si l’image s’arrachait à la page.
Les couvertures de Pluie et d’Orbe, le recueil de poèmes d’André Markowicz se répondent.
Voici la couverture d’Orbe… dommage que la teinte délicatement ivoirée du papier semble ici bizarrement jaune.
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Et la couverture de Pluiedans son état préparatoire…
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C’est un livre tout simple qui raconte une année d’enfance à partir d’instants de pluie : quatre fois seize quatrains, le quatrain étant en quelque sorte une manière de pratiquer le haïku à la française.
Et maintenant, je prépare l’édition de La Folie Tristan, édition bilingue, beaucoup moins simple mais tout aussi passionnante…