Rencontre à la librairie Charybde

Ce soir, à 19 h 45, rencontre à la librairie Charybde pour parler de la traduction du Maître et Marguerite (parue hier) et des éditions Mesures.

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Librairie Charybde

81 rue du Charolais
75012 Paris
09.54.33.05.71

M° Gare de Lyon

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C’est pour moi l’occasion de rencontrer enfin Hugues Robert qui est le seul critique à avoir accompagné la parution des quatre livres de Sur champ de sable — belle occasion aussi de rassembler ses articles qui, lus ensemble, ses articles ne se contentent pas d’éclairer ces quatre livres à lire en miroir mais prennent une profondeur nouvelle, comme de reflets en reflets.

Assomption

Buée

Brumaire

Vigile de décembre

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Rencontre à la librairie du Canal

Ce soir, à 19 h 30, rencontre à la librairie du Canal dans le Xe arrondissement, pour évoquer en compagnie d’André Markowicz la traduction du Maître et Marguerite et la deuxième saison des éditions Mesures.

La Librairie du Canal

3 rue Eugène Varlin 75010 Paris
Tel : 01 42 08 72 78
Email : lalibrairieducanal[@]gmail.com

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Le monde comme si à Nantes

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J’ai reçu une lettre remarquable adressée par un courageux lecteur nantais au maire de Nantes suite à la campagne de bretonnisation des noms de lieu qui est en cours. 

Ce qui pourrait passer pour ridicule folklore est, en fait, essentiel pour appuyer le projet de « réunification », prélude à l’autonomie, puis à l’indépendance de la Bretagne, le modèle proposé étant celui de l’Écosse et de la Catalogne. Tel est le projet du lobby patronal de l’Institut de Locarn, appuyé par le conseil régional et, à présent, par le président de la République dont le « pacte girondin » est si chafouinement passé sous silence.  

Voici cette lettre (vu les déchaînement de haine auxquels il faut s’attendre, j’ai effacé son nom). 

Pour mieux comprendre les enjeux de cette bretonnisation des noms de lieux, je vous invite à lire l’article « Violence toponymique en Bretagne » qui a été publié dans une revue canadienne mais n’aurait jamais pu trouver droit de cité en France : n’oublions pas que ce sont les pouvoirs publics qui organisent cette fabrique du cadastre sur base ethnique fantasmée.

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Le maître et Marguerite

Ça y est, nous avons enfin tout à fait fini de corriger les épreuves du Maître et Marguerite… Après le confinement, les épreuves et la canicule, nous nous plaçons sous la protection de saint Livertin pour attendre la parution le 16 septembre.

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France Inter au marché de Rostrenen

Chaque jour, pendant l’été, de 11 heures à midi, France Inter s’arrête sur le marché d’une ville de France. Le marché de Rostrenen qui a lieu (comme chacun sait) le mardi a été l’occasion d’une rencontre très intéressante qui sera diffusée le 4 août.

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L’émission peut être écoutée en ligne

Une bonne partie de ce je disais a été coupée, ce qui donne un résultat un peu bizarre, mais enfin, c’est la première fois depuis 2002 (c’est-à-dire depuis la parution du Monde comme si ) qu’une radio me donne la parole en Bretagne.

https://www.franceinter.fr/emissions/rendez-vous-place-du-marche/rendez-vous-place-du-marche-04-aout-2020

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La fille du capitaine

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En plein temps de confinement a paru la nouvelle édition de La Fille du capitaine, nouvelle traduction, nouvelle édition, suivie de Pouchkine et Pougatchov de Marina Tsvétaïéva.

Au début, j’ai été très surprise par l’illustration de couverture proposée par Actes Sud et il m’a fallu du temps pour comprendre qu’en effet, elle correspondait aussi à une nouvelle lecture du texte. Personnage en creux, celle qui est désignée comme la fille du capitaine est bien l’héroïne du roman, et sa dignité mélancolique rappelle celle de Tatiana, qui renvoie Eugène Onéguine à sa légèreté et à son vide. Griniov, le narrateur, loin d’être un héros, est loin aussi d’être le benêt balloté par les événements qu’il observe, et qu’il observe comme cet adolescent en arrière-plan, avec acuité.

Bref, nous sommes très loin du roman d’aventures pour la jeunesse qu’invitent à voir les autres éditions. Comme j’avais trouvé des illustrations de couverture qui, à mon avis, pouvaient convenir, j’avais cru devoir les comparer avec celles qu’avaient retenu les éditeurs. Et voilà ce que donnait un bref repérage…

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D’où il résultait que nous ne traduisions pas du tout le même texte. Ce qui me semblait essentiel était la figure de Pougatchov, comme le dit Marina Tsvétaïéva — figure de la rébellion face au pouvoir mais figure noire et maléfique, face à celle de la fille du capitaine, victime désignée et qui ne consent pas au rôle de victime. Il fallait se laisser porter vers les arrières-fonds du texte, avec une attention d’autant plus en éveil que légèrement distraite, comme on se penche sur un cours d’eau limpide pour discerner ses profondeurs.

Je cherchais une image qui dise cette attention flottante, et l’éditeur l’a fait porter sur le visage du personnage apparemment le plus effacé, et qui a pourtant, selon la volonté de Pouchkine, donné son titre au roman.

Belle expérience de travail d’édition poursuivi en collaboration avec la directrice éditoriale, Sophie Duc, et les graphistes : une traduction ouvre sur une nouvelle perception d’un texte et appelle à ce qui est pour un éditeur une prise de risque. Ce livre ne ressemble à rien de connu et, bizarre, énigmatique, il appelle à se pencher sur l’énigme qui fait de lui un adieu. Après l’avoir écrit, Pouchkine est allé vers sa mort. Encore fallait-il rendre à ce roman qui est d’abord un poème sa valeur testamentaire.

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Mesures : deuxième saison

J’ai un peu tardé à annoncer la parution des livres de la deuxième saison des éditions Mesures mais le passage à la librairie-café Le Temps qu’il fait de Mellionnec m’en donne l’occasion. Élise fait partie des trois libraires qui, en Bretagne, ont pris l’ensemble de nos livres (et qui ont demandé à plusieurs reprises des réassorts).

Cette année, nous avons choisi de publier quatre livres traduits du russe et un livre de contes en hommage à Luzel et à sa sœur Perrine.

Notre maison d’édition fonctionne aussi sur abonnement et nous avons déjà plus de cent abonnés. Il s’agit encore cette année de livres numérotés, signés, et qui peuvent être dédicacés à la demande.

On peut les trouver sur le site des éditions Mesures, dans les librairies amies qui sont répertoriées sur le site ou dans toutes les librairies, où il suffit de les commander.

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Seront-ils sauvés ?

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Je pensais que les deux derniers volumes de la collection Coquelicot étaient parus juste le jour du confinement, mais non, ils sont parus deux jours avant : Noémie, qui est responsable du « rayon jeunesse » de la librairie Le Failler à Rennes en apporte la preuve, miracle, ils existent ! 

Ce sont les livres centraux de cette collection que les éditions MeMo font vivre depuis quelques années — non sans mérite, car publier de la poésie n’est déjà pas simple mais publier de la poésie dite pour enfants relève de l’exploit. Surtout en essayant de sortir des stéréotypes du genre et en ayant décidé de ne pas séparer poésie et traduction (cette collection est le cœur des livres pour enfants que j’ai publiés, et ouvre sur les traductions de Marchak, de Mani Leib, de Silverstein, sur les albums de Sendak et les livres de contes dont ils reprennent les thèmes). 

J’étais triste de penser qu’ils étaient parus et disparus en même temps, et surtout triste pour Pierre Favreau qui a fait un travail d’illustration remarquable en un temps très restreint. 

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La Berceuse du marchand de sable et autres chansons douces et La Gigue du père Fouettard et autres chansons atroces forment un diptyque dont les thèmes sont repris en miroir et il fallait que les deux volumes se répondent, ce qui était loin d’être simple. Pierre Favreau a tenu la gageure. Et, mieux encore, ses illustrations s’accordent avec celle des trois premiers volumes. Il aurait été vraiment triste que les livres disparaissent : ç’aurait été tout un ensemble qui aurait été déconstruit. Seront-ils sauvés pour autant ? Je touche du bois. 

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Stupeur ! Je reçois un message des éditions MeMo avec, en pièce jointe, une affiche… Non seulement les livres sont arrivés dans la Somme mais il s’est trouvé (pendant le confinement) des conseillers pédagogiques qui ont pris le temps de choisir des livres et qui, plus stupéfiant encore, ont choisi un recueil de poésie… Et c’est La Gigue du père Fouettard !

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Hommage à Jean Le Dû

J’ai appris avec un grand chagrin la disparition de Jean Le Dû, éminent professeur de breton, hostile à l’instrumentalisation du breton à des fins politiques qui en en fait une novlangue insipide. Il avait eu le courage de faire partie de mon jury de soutenance lorsque j’avais été traduite en justice par Pierre Denis (Per Denez), ex-directeur du département de Celtique de Rennes, pour avoir osé dire la vérité (comme le tribunal l’a établi). Cette thèse sur Luzel était devenue un enjeu non seulement politique mais judiciaire. La soutenance était à haut risque, les nationalistes ayant prévu de mener une opération commando. 

En fin de compte, tout s’est bien passé mais, après avoir soutenu cette thèse avec les félicitations à l’unanimité, je n’étais pas encore au bout de mes peines car Pierre Denis, étant du dernier bien avec la responsable du service des thèses, avait réussi à faire qualifier cette thèse de « doctorat sur travaux », ce qui permettait d’en interdire la publication. Il m’avait alors fallu demander l’aide de Jean Le Dû et des membres de mon jury pour présenter une requête au ministère et faire requalifier cette thèse, ce qui a été fait après de longs mois. Autant de temps gagné pour les nationalistes… Sa gentillesse et sa disponibilité à cette occasion m’avaient beaucoup touchée.

Par la suite, nous avons continué d’échanger ; il avait, en tant que linguiste, condamné la Charte des langues régionales et avait dû essuyer, lui aussi, injures et invectives ; il m’avait écrit après la parution du Monde comme si ; en 2016, il avait eu le courage de venir à Tréguier participer à une conférence qui m’avait été demandée sur la fable de l’interceltisme et l’exploitation des Pâques irlandaises par les nationalistes bretons, conférence plus actuelle que jamais et que nous disions toujours vouloir prolonger. Hélas, nous n’en aurons plus l’occasion. 

Avec Jean Le Dû, c’est un monde qui disparaît, pas seulement un savant scrupuleux, un connaisseur hors pair de la langue bretonne et un homme honnête et généreux. 

Une fois n’est pas coutume, je vais reproduire ici la chronique publiée par André Markowicz sur Facebook comme dernier hommage. 

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POUR JEAN LE DÛ

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Jean Le Dû vient de mourir, d’un arrêt cardiaque. 

Quand on le voyait, on n’avait pas besoin de se dire beaucoup de choses. Il y avait en lui je ne sais quoi d’apaisant et de souriant. Et de toujours très drôle, mais en sourdine, je veux dire que si je le voyais rire, c’était toujours d’un rire comme en retrait, de ce rire dont on sait qu’il est celui d’une pudeur fondatrice. 

Il venait, on aurait cru, d’un double désastre. D’abord, d’un monde bretonnant, dans lequel, donc, la langue bretonne était première, —où elle était liée à la vie de tous les jours, et à la vie de gens pauvres, de gens dont le but pour leurs enfants n’était pas de transmettre leurs « racines », le breton, et, n’est-ce pas, cette « langue celtique opprimée par les colonisateurs français », mais de leur donner une éducation, et de leur permettre ainsi de sortir de la misère. Parce que le breton, même s’il porte des mondes, comme toutes les langues, ce n’est pas la langue elle-même qui les porte, ces mondes, mais juste des gens, qui vivent, et qui parlent une langue parce qu’ils ont besoin de se faire comprendre par les gens à qui ils parlent. Et ses parents, je crois, lui ont légué l’envie d’apprendre, pas seulement le français, loin de là, mais plein de langues, l’anglais, l’allemand, et le turc, et l’espagnol, et le russe — oui, il lisait le russe, il comprenait tous mes sous-entendus, — et plein d’autres langues encore, comme l’irlandais et les différents créoles des Antilles.


Et puis, il était communiste. — Je ne sais pas, à vrai dire, s’il l’était toujours, et nous n’en avons jamais parlé. Mais là encore, moi-même fils et petit-fils de militants communistes, moi qui ai passé mon enfance entouré des camarades de cellule de mon père, je comprends parfaitement ce qui l’a poussé, et cette générosité que sous-tendait cette appartenance, et ce désir de transformation sociale. Et il ne se faisait aucune illusion — lui qui, donc, lisait parfaitement le russe — sur la nature du régime soviétique, et sur cette espèce de naufrage collectif qu’a été le communisme au siècle dernier. Mais un naufrage qui n’était pas qu’un naufrage, pour les gens qui, en France, ne cherchaient pas à faire carrière, mais pensaient juste que la vie qu’ils vivaient, et que vivaient les gens autour d’eux, était injuste, inacceptable, — et que cette injustice, ce scandale, ils demeurent, naufrage ou pas, toujours aussi inacceptables.

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Je ne sais pas grand-chose de la carrière universitaire de Jean Le Dû. Il a été le directeur du département de breton à l’Université de Brest. Il a été un des animateurs du CRBC (Centre de Recherche bretonne et celtique), installé à Brest (et, je dois le dire, c’est lui, et non sans insister, qui a fait acheter par le CRBC les quatre livres publiés par Françoise, chez Mesures, qui forment Sur champ de sable) — Et, j’en profite pour le dire, quand la librairie Dialogues, de Brest, m’a téléphoné pour commander les quatre volumes, et que je leur ai demandé s’ils n’en voulaient pas un autre, non pour la bibliothèque du CRBC mais pour leur librairie elle-même, la dame au téléphone m’a dit « ah non, certainement pas » (car c’est ainsi que nous vivons en Bretagne).


Il est l’auteur d’un dictionnaire, de mille pages, du breton de sa commune natale, Plougrescant, et il est l’un des maîtres d’œuvre de l’Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne — il connaissait le breton dans toutes ses variantes, et rares, je crois, sont ceux, parmi les gens qui tiennent le haut du petit pavé du petit monde des études bretonnes qui en savaient autant que lui. Mais j’apprends, en lisant l’hommage que vient de lui rendre Fañch Broudic, qu’il avait aussi participé à l’Atlas des langues des Petites Antilles », parce qu’il était l’un des grands connaisseurs des dialectes créoles de St Barthélémy, de la Guadeloupe et de la Martinique. Et il est aussi l’auteur, avec son ami Yves Le Berre, d’une histoire de la littérature bretonne — aujourd’hui, comme presque tout le reste, totalement inaccessible, introuvable (elle n’est, par exemple, ni au catalogue des Champs Libres, à Rennes, ni au catalogue de la Bibliothèque interuniversitaire. )

Parce que, Jean le Du, avec son air affable, en fait, il était — non, non, il est, et il sera toujours — l’objet d’une haine mortelle de la part des nationalistes bretons, lesquels nationalistes, dits de gauche, ou dits de droite, dès qu’ils parlent de lui, le présentent comme un traître, à sa nation, pour ne pas dire à sa race. La moindre des injures à son égard était « fossoyeur du breton ». Jean Le Du refusait, par exemple, l’orthographe aujourd’hui majoritaire du breton, parce qu’il en connaissait l’histoire, et il ne pouvait s’empêcher de sourire — avec ce sourire triste dont j’ai parlé au début — de la langue enseignée et parlée par ces gens qui affirment aujourd’hui parler au nom de la Bretagne elle-même, ces gens qui hurlent qu’on attaque la Bretagne et les Bretons sitôt qu’on met en doute leur prononciation, calquée sur le français, et leur culte païen des symboles, du drapeau blanc et noir, brandi partout, — un drapeau qu’il avait vu brandir, lui, quand il était enfant, pendant la guerre, par des gens qui se sentaient des ailes avec l’aide des nazis — et toute cette pacotille, plus que rentable, des triskells et autres BZH. Il faisait le constat, lui, que les gens — je ne dis pas « le peuple », je dis les gens — étaient, en une génération, passés du breton au français, et que ce passage avait été senti, pour la plupart, naturellement, comme une libération, comme une chance de sortir de la misère. C’était tragique, évidemment, mais c’était comme ça. Et lui, ce « fossoyeur », il enseignait le breton à l’Université de Brest, et il formait des générations d’élèves bretonnants, en se basant non pas sur le fantasme d’une nation à reconstruire, mais juste sur la vie des gens. Sur la vie, et sur leurs mots. Et il était, de ce point de vue-là, indestructible. Parce qu’il ajoutait à l’étude de la langue les études sociales. Je mets un lien du GRIB sur une étude de Jean Le Du et Yves Le Berre : Devoir et nécessité : à quoi sert le breton à ceux qui le parlent ? — et vous verrez l’ampleur, et l’acuité de leur analyse. Et la tragédie qu’elle recouvre. 

Si Jean Le Dû était tellement haï, reste tellement haï, c’est que, comme Françoise, comme toutes ces personnes qui, contre la foi, essaient de regarder les faits, il casse le jeu. Il empêche la joie simple de la foi immanente, qui est bien celle qui est à l’œuvre dans tout nationalisme, comme dans tout fanatisme religieux. À propos de ces jeunes, et à qui on enseigne une langue normée, calquée sur le français haï, il écrivait à Françoise, en décembre dernier : « Ce qu’on appelle breton désormais n’est qu’une caricature. Que des jeunes choisissent de parler cette guimauve me laisse pantois. Je suis allé l’autre jour pour le CRBC au salon du livre de Carhaix. Inimaginable. Il y avait là l’ancienne représentante des Palestiniens en France qui visiblement s’est laissée embarquer dans cette soi-disant amitié entre peuples opprimés. Mais la région avec Le Drian et son parti sont à fond dans la future Bretagne à 5 départements, enfin débarrassée du jacobinisme…»

Parce qu’avec le temps, là encore, il y a eu un naufrage. La seule voix qu’on entend aujourd’hui, c’est celle qui est portée par la Région Bretagne, dont les instances politiques sont totalement inféodées aux thèses (s’il s’agit de thèses) nationalistes : une langue, une nation… Et la nation bretonne supposée victime de la nation française, et différente, j’allais dire, par la race. Dans une nation bretonne portée par les grands vents du large et du libéralisme à la Locarn, à quoi bon étudier la façon dont les gens parlent, ou parlaient ? Tout ça ne sert rien. Parce que la langue étudiée et enseignée par Jean Le Du, contre vents et marées, et même si la majorité des quelques milliers de personnes qui apprennent le breton apprend la langue dite « de Rennes », langue qui se veut nationale et unie, c’était, entendait-on, la langue des ploucs.

Et qu’il l’aimait, cette langue de ploucs. Et qu’il aimait aussi cette langue entre les langues, cette espèce de créole franco-breton, qu’on entendait dans les campagnes — qu’on entend, de moins en moins aujourd’hui. Cette langue qui, pour Françoise, a été le terreau de son travail sur les pièces d’O’Neill et surtout celles de Synge. Et comment ne pas rappeler ici ses livres publiés chez Rivages, Anthologie des expressions de basse-Bretagne, et ses Proverbes et dictons de basse Bretagne, parus en 1985 (et disparus depuis, je crois). 

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Nous ne nous voyions que rarement. Il avait suivi « l’affaire Luzel », qui nous a ouvert les yeux sur le mouvement breton, et dont Françoise parle mieux que je ne saurai le faire dans Le Monde comme si(aujourd’hui chez Babel Actes Sud). Il avait participé à son jury de thèse (c’est là que nous l’avons connu). À propos du Monde comme si, justement, « c’est la première fois », écrivait-il bien plus tard, « qu’on comprend ce qui est en jeu : le breton, instrumentalisé par les nationalistes, eux mêmes instrumentalisés par le capitalisme ». 


Pour moi, quand je le voyais, nous échangions en russe, quelques petites phrases.
On se suivait, ici, sur Facebook. Il lisait, je crois, toutes mes chroniques. Toutes, enfin, je ne sais pas, mais beaucoup. De temps en temps, il m’envoyait un message privé, souriant ou plus triste, mais toujours bienveillant. 


La dernière fois, c’était quand, il y a exactement un mois, le 6 avril dernier, j’ai fait une chronique sur les objets que je gardais de ma mère et de ma grand-mère, et que j’avais publié une photo d’une « avoska » (un réticule pris « au cas où »). Il écrivait en commentaire : « En breton de mon coin (Plougrescant) il y a l’équivalent d’« avoska»:  « pitigoûd » (beteg goûd : jusqu’à savoir). Quand on faisait des robes aux jeunes mariées, on laissait du tissu en plus autour de la taille, qu’on pouvait relâcher en cas de grossesse : on lui a mis du pitigoûd ! »

Jusqu’à savoir… c’est le sens littéral de l’expression, et ça veut dire « à tout hasard, on ne sait jamais ». Parce que c’est quand « on ne sait jamais », finalement, qu’on peut savoir — savoir, envers et contre tout, et voir le monde, non pas tel qu’il faudrait qu’il soit, mais tel qu’il est.

André Markowicz

7 mai 2020

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J’ai cherché en vain sur Internet le portrait de Jean Le Dû qui était paru dans Libération en 1996. Je donne donc ici le lien qui permet de le lire.

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Poème pour temps de confinement

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Par vos humeurs l’État est gouverné ;

Vos seuls avis font le calme et l’orage ;

Et vous riez de me voir confiné 

Loin de la Cour dans mon petit village.

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Cléomédon, mes désirs sont contents ;

Je trouve beau le désert où j’habite,

Et connais bien qu’il faut céder au temps, 

Fuir le grand monde et devenir ermite.

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Je suis heureux de vieillir sans emploi,

De me cacher, de vivre tout à moi, 

D’avoir dompté la crainte et l’espérance.

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Et si le Ciel, qui me traite si bien,

Avait pitié de vous et de la France,

Votre bonheur serait égal au mien. 

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François MAYNARD (1582-1646)

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