Poésie sur les ondes

 

 

Et voici les actes du colloque Poésie sur les ondes publiés aux Presses universitaires de Rennes sous la direction de Pierre-Marie Héron, Marie Joqueviel-Bourgea et Céline Pardo. Le volume est accompagné de deux CD, ce qui, chose rarissime, m’a permis de faire entendre un extrait de la première émission de Poésie sans passeport, une série d’émissions écrites par Armand Robin, réalisées par Claude Roland-Manuel et diffusées de 1951 à 1953 par le Club d’essai de la radiodiffusion française. Ma communication présentait l’expérience de Poésie sans passeport, extraordinaire expérience de poésie par les ondes consistant à faire entendre les poèmes étrangers en appuyant la traduction sur les sons des langues étrangères (arabe, russe, hongrois, italien, breton, néerlandais…).

Faute de pouvoir éditer ces émissions avec un CD, je les avais publiées en 1990…

 

 

…mais le volume est devenu introuvable sauf en bibliothèque, et le malheureux Robin a été réduit à la pitoyable image de poète sorti du volume Le Monde d’une voix appuyé sur une édition tronquée de Ma vie sans moi. Comme je m’en explique assez longuement ici, inutile d’épiloguer. Je suis en train de rédiger un essai qui rende compte de ces mésaventures.

Il faut être reconnaissants aux organisateurs du colloque, et notamment à Pierre-Marie Héron, d’avoir accordé une place à cette expérience si peu et si mal connue.

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Équivalences

 

 

Le dernier numéro de la revue de traduction et de traductologie Équivalences (très intéressante revue publiée par le Département de traduction et d’interprétation de l’Université libre de Bruxelles) est paru sous la direction de Françoise Wuilmart. Il est entièrement consacré à la traduction théâtrale. J’y ai publié (avec André Markowicz) un article intitulé « Sur deux répliques de La Mouette ou de l’importance de traduire le style » et (toute seule) un article intitulé « Traduire le théâtre anglo-irlandais », lui aussi consacré à souligner l’importance primordiale de traduire le style.

Lorsque Françoise Wuilmart m’a demandé un article sur ma traduction du théâtre de Synge, j’ai eu la surprise de découvrir que cette traduction était, depuis près d’un quart de siècle, l’objet d’attaques systématiques de la part d’un éminent collègue, ulcéré sans doute que sa traduction du Baladin du monde occidental ait été concurrencée par ma transposition, je dois le dire jubilatoire, de l’anglo-irlandais en franco-breton. À l’en croire, la langue française est par nature hostile aux sociolectes, et il est malvenu d’en donner des équivalents qui ne sont pas rédigés en bon français (vu que les originaux sont fort éloignés eux-mêmes du bon anglais). Au demeurant, toujours d’après lui, le franco-breton n’a jamais existé (il fait pourtant son apparition dans La farce de maître Pathelin, que j’ai traduite voilà quelques années). Je ne vais pas m’étendre sur ce que sont l’anglo-irlandais (l’anglais parlé en Irlande par des personnes qui se traduisent du gaélique) et le franco-breton (le français parlé en Bretagne par des personnes qui se traduisent du breton) vu que je m’en suis déjà expliquée ici, Voir aussi à ce sujet les questions qui m’ont été posées par une étudiante en traductologie au sujet de ma traduction du théâtre de Synge.

Les présupposés idéologiques qui sous-tendent ses allégations sont intéressants car ils révèlent ce qui, de fait, oriente la traduction en France : la réduction à la norme donnée pour allant de soi, et le refus de la forme, du style, de la prosodie, bref, de la poésie. La transgression n’est pas admise : il faut, comme on le conseille pour l’agrégation, réduire le texte à son sens premier, supposé exister hors de la forme qui l’a pourtant construit. C’est ainsi que ce traducteur normalise Shakespeare selon la méthode de la version d’agrégation et cette normalisation représente, de fait, désormais la norme.

Le plus intéressant, en l’occurrence, est cette polémique menée depuis si longtemps sans que j’en aie eu connaissance et la soumission de mon travail à cette censure exercée par le biais des institutions, avec une certaine efficacité.

On pourra consulter, par exemple, l’article qui m’est consacré sur Wikipedia (article qui a été rédigé par un contributeur anonyme soucieux de mettre fin au déchaînement des nationalistes bretons sur cet article — il faut rappeler que j’étais alors sur Wikipedia l’auteur français le plus contesté au monde, mon essai Le monde comme si ayant déplu aux militants bretons — ce simple fait montre d’ailleurs à quel point les fantasmes des nationalistes s’imposent par une pratique fanatique de la censure, ce que je montrais justement dans Le monde comme si). L’article de Wikipedia, supposé caractériser mon travail, donne pour vérité ultime celle de mon contradicteur :

« Marie-Sylvine Müller considère la traduction de Françoise Morvan comme « un exemple heureux de […]correspondance entre dialectes ». En revanche, Jean-Michel Déprats, l’auteur d’une précédente traduction du même texte, y voit « une entreprise [qu’il dirait] militante », dont le projet serait « de faire entendre sur le théâtre une langue populaire élevée au rang de langue poétique. ». Si cette traduction « séduit par le choix heureux d’expressions colorées, imagées, qui donnent la sensation d’une langue populaire, juteuse, « aussi pleine de suc qu’une pomme ou qu’une noix » (pour reprendre les mots de Synge dans sa préface) », il lui reproche, sur le plan syntaxique, « une volonté de prosaïsation, d’alourdissement, de surenchère, qui [l’] amène souvent […] à rendre comme marqué un tour qui n’est pas nécessairement marqué dans l’original »

L’article de la revue Équivalences, soumis à plusieurs relectures pointilleuses, a eu l’immense mérite à mes yeux de me permettre de montrer à quel point cette ultime affirmation est absurde puisque la « volonté de prosaïsation, d’alourdissement, de surenchère » est celle même que l’on reproche à Synge et qu’elle est illustrée par un « tour pas nécessairement marqué dans l’original » qui est non seulement un tour stylistiquement marqué dans l’original mais un tour récurrent et donc un motif à transposer d’une pièce à l’autre avec le plus de rigueur possible. La phrase complète est, en effet, « une volonté de prosaïsation, d’alourdissement, de surenchère, qui amène souvent la traductrice à rendre comme marqué un tour qui n’est pas nécessairement marqué dans l’original (avec des calques syntaxiques du genre ; “le plus drôle des hommes sur pied que j’ai mis les yeux dessus”) ».

Or, Synge écrit :

« PEGEEN. I’m thinking you’re an odd man, Christy Mahon. The oddest walking fellow I ever set my eyes on to this hour today.  »

L’expression se retrouve ensuite en miroir dans la pièce :

 « CHRISTY (clinging to Pegeen). Oh, glory ! It’s late for knocking, and this last while I’m in terror of the peelers and the walking deads.  »

La bonne traduction, à en croire mon censeur, serait pour  « the oddest walking fellow I ever set my eyes on »  « l’être vivant le plus étrange sur qui j’aie posé les yeux », ce qui fait parler la fille du bistrotier comme une bourgeoise du XVIe arrondissement, et pour « this last while I’m in terror of the peelers and the walking dead » «ça fait un moment que j’ai la terreur des gendarmes et des morts qui marchent » (ce qui, de toute façon, est une traduction fausse car les peelers ne sont pas des gendarmes et this last while ne veut pas dire ça fait un moment).

En conséquence, si je reprends cette phrase et si je tiens compte du rythme, c’est à dire de la structure profonde du texte qui relève de la poésie, je pense avoir donné un équivalent de la phrase de Pegeen :

« I’m thinking you’re an odd man// Christy Mahon. // The oddest walking fellow // I ever set my eyes on // to this hour today. »

« J’ai idée que vous êtes un drôle d’homme, // Christy Mahon. // Le plus drôle de tous les hommes sur pieds // que j’ai mis mes yeux dessus // jusqu’à l’heure d’aujourd’hui. »

C’est ce que j’aurais pu entendre au café du Lion d’or à Rostrenen ou dans n’importe quel bistro de village aux alentours, et c’est une langue qui correspond à ce que cherchait Synge — comme en témoigne une actrice que Synge avait guidée pendant les répétitions au Théâtre de l’Abbaye : « Les paroles avaient une sorte de rythme musical, absolument différent de tout ce que j’avais pu entendre auparavant… J’ai découvert que je devais couper les phrases — qui étaient inhabituellement longues — en sections, les scandant, lentement d’abord, puis plus vite au fur et à mesure que les mots me devenaient familiers. » C’est exactement de cette façon que les comédiens se sont approprié la traduction chaque fois que j’ai travaillé avec eux.

Bref, si mes modestes efforts pour transposer l’anglo-irlandais se sont heurtés depuis tant de temps à tant d’hostilité, c’est qu’il y a là une expérience qui dérange, comme celle de Synge dérangeait, et je suis très heureuse qu’il m’ait été offert une occasion de m’expliquer enfin à ce propos.

Je me suis beaucoup amusée à traduire Synge, auteur totalement réfractaire à la cuistrerie, et je suis en train de rédiger un essai sur son théâtre qui m’amène à faire toutes sortes de trouvailles pleines de charme.

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Fervent hommage à un SS breton

 

 

 

Avec Jean, dit Yann, Miniou disparaît, à 95 ans, l’un des derniers membres du Bezen Perrot, formation regroupant des nationalistes bretons sous uniforme de la Waffen SS. Le Bezen Perrot fut créé en 1943 après l’exécution de l’abbé Perrot (autre nationaliste fanatique) par la Résistance.

Je me suis trouvée amenée à suivre l’itinéraire de Miniou (alias « Braz »), car, comme je l’ai montré en travaillant aux archives, il faisait partie du groupe du Bezen qui, à Bourbriac, puis à Scrignac, fut chargé d’assister les nazis : Jean Miniou compta, entre autres, au nombre des SS responsables de l’assassinat de sept jeunes gens à Garzonval. Il fut donc l’un des tristes héros de Miliciens contre maquisards.

Le personnage est représentatif de ce que le mouvement breton a pu produire de pire au nom de la Bretagne et de la foi : un tortionnaire défendu par les bons pères, prêt à tout, et toujours plein d’une onction jésuitique. Il a servi de caution aux nationalistes les plus engagés dans la collaboration, et surtout aux pires assassins du Bezen car, alors même qu’il avait été parfaitement identifié parmi les SS en opération à Scrignac et avait été condamné à mort par contumace en janvier 1946, puis s’était enfui en Allemagne avec le Bezen et avait alors fait partie d’un commando chargé de revenir faire de l’espionnage en France, arrêté par hasard à Rennes en août 1946 avant d’avoir pu gagner l’Irlande, il bénéficie du soutien efficace des prêtres de sa paroisse et des magistrats : sa condamnation à mort est transformée en six ans de travaux forcés… Son dossier contient des lettres interceptées par les gardiens : « J’espère que Papa pourra s’arranger avec les magistrats», écrit-il, par exemple, et il prend bien soin de mentionner son ami Bouëssel du Bourg dont le père est un magistrat sympathisant ; ainsi, bien assisté, parvient-il à se faire passer pour un pieux jeune homme, hélas trop timide, entraîné par de mauvais camarades dans une formation dont il ignorait tout (lui qui avait fait partie du dernier quarteron des acharnés regroupés en Allemagne pour continuer le combat contre la France).

Grande victoire pour les nationalistes qui purent clamer partout, comme Yann Fouéré, que les membres du Bezen condamnés à mort étaient d’innocentes victimes du jacobinisme français : certains étaient injustement condamnés à mort alors qu’ils méritaient tout au plus quelques années de travaux forcés, le cas Miniou le prouvait. Et les nationalistes bretons, alertant les nationalistes gallois et irlandais, entreprirent de dénoncer les exactions de l’odieuse France contre les Celtes persécutés.

Miniou joue donc un rôle plus important qu’on ne pourrait le penser : comme les autres, il reprend immédiatement le combat. On le trouve au nombre de ceux qui militent à la Mission bretonne, à Ker Vreizh, aux côtés des Louarn, Delalande et autres collaborateurs des nazis exilés pour indignité nationale : après les scouts Bleimor rattachés aux scouts d’Europe, ce sera Diwan…

Interrogé en 2012 par Vincent Jaglin pour son film La découverte ou l’ignorance, Miniou assurait que le Bezen avait été une manière de défendre la culture bretonne. Un brave vieillard, un militant dévoué à la cause si chère au cœur des Bretons, jurant qu’il n’avait participé à aucune action militaire, juste gardé quelques camions sans trop savoir ce qui se passait dans les environs…

Enfin, il est intéressant parce qu’il nous permet de comprendre comment le mouvement breton a réussi à réécrire son histoire. Nous disposons d’un tout récent spécimen de novlangue produit à son sujet par l’indépendantiste Mervin qui, en 2009, lui a fait rencontrer Georges Ollitrault, un ancien maquisard, afin de démontrer que miliciens et maquisards pouvaient communier dans la même vision œcuménique du combat breton. En ce temps-là, Mervin dissimulait Miniou sous le nom de code BF3 ; désormais il le nomme et son éloge funèbre nous offre un bel exemple du double langage pratiqué par le mouvement breton.

 

 

Pour ne pas être accusé d’être antibreton et de voir des nazis partout (car un SS breton n’est pas un nazi), ne dites pas :

« Jean Miniou fut un militant nationaliste fanatique enrôlé par les frères de l’école catholique de Guiscriff dans une nouvelle chouannerie contre la France républicaine, ce qui amena ce futur séminariste à militer au PNB nazi ».

Dites :

« Jean Miniou fait partie de cette génération à qui l’Éducation nationale française a interdit de parler sa langue maternelle à l’école. Si tous furent meurtris, Jean Miniou fut de ceux qui ne l’acceptèrent jamais. »

Ne dites pas :

« Jean Miniou s’engage sous uniforme SS dans la formation dite Bezen Perrot pour combattre la Résistance et exécuter les basses œuvres des nazis, information, infiltration des maquis, tortures et assassinats. »

 Dites :

 « Jean Miniou s’engage dans une unité militaire bretonne qui cherche à protéger les nationalistes bretons contre diverses agressions. »

Ne dites pas :

«Jean Miniou participe aux exactions du Bezen Perrot en divers points de la Bretagne, notamment à Bourbriac, où sept jeunes gens sont emprisonnés, puis torturés avant d’être assassinés ; il avoue avoir participé à plusieurs opérations et s’être enfui en Allemagne avec le Bezen Perrot pour faire de l’espionnage radio contre la France… »

 Dites :

 « Jean Miniou a l’occasion de demander au chef du Parti national breton (PNB) s’il serait possible de se rapprocher des Alliés pour éviter de combattre un jour des cousins gallois. »

Ne dites pas :

« D’abord condamné à mort, Jean Miniou bénéficie d’une étrange clémence de la part des magistrats et n’est condamné qu’à six ans de travaux forcés, ce qui ne l’empêche pas de devenir un redoutable affairiste et de reprendre le combat en embauchant des militants bretons. »

Dites :

« Après la Libération, et quelques années de travaux forcés, Jean Miniou retourne à la vie civile et, assez rapidement, crée une entreprise de travaux publics et de promotion immobilière en région parisienne. Mais il n’est pas motivé par la réussite matérielle. Selon une devise « discrétion et efficacité”, Jean Miniou préfère venir en aide aux associations bretonnes, en particulier celles qui œuvrent pour la langue bretonne, comme les écoles Diwan.»

Ne dites pas :

« Il milite à la Mission bretonne, pépinière de nationalistes, et se signale lors de la sinistre affaire du presbital kozh à Landeleau par une rapacité qui provoquera une action en justice . »

 Dites :

« Il participe à l’aménagement des nouveaux locaux de la Mission bretonne » et a « très largement contribué à la restauration du manoir de Landeleau. »

Ainsi, vous aurez le portrait d’un vrai chrétien, d’un bon Breton et d’un ami de la Résistance, pour peu qu’elle soit représentée par un vaillant FTP prêt à copiner avec un aimable SS.

Et vous aurez l’un des héros de la nation bretonne telle que les militants s’emploient à la faire advenir.

 

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Prix Ibby international

 

Je reçois le prix Ibby pour ma traduction de La fenêtre de Kenny écrit et illustré par Maurice Sendak.

 

 

Ibby est une organisation internationale qui distingue chaque année pour chaque pays un auteur, un illustrateur et un traducteur. J’ai donc été la traductrice élue pour la France.

 

 

 

 

J’en suis d’autant plus contente que c’est, pour moi, une agréable vengeance car l’agent qui gère les droits de Sendak interdit de faire figurer le nom du traducteur sur la couverture (comme on peut le voir) et, pour mon éditeur, la non moins agréable certitude de voir trois mille exemplaires du livres envoyés de par le vaste monde.

 

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Les fils prodigues

 

 

Première au Théâtre du Maillon à Strasbourg du diptyque imaginé par Jean-Yves Ruf sous le titre Les fils prodigues.

Il est toujours émouvant de voir soudain surgir les personnages que l’on a imaginés en écrivant ou traduisant une pièce… Depuis le travail à la table, voilà déjà plusieurs mois, je ne savais pas ce que devenaient les deux pièces que j’avais traduites. Et tout devient tout à coup vivant, étrange, et l’on entend à neuf ce qu’on croyait connaître. Beau travail sur la solitude, et surtout sur ce moment que tout le monde attend, le moment de crête où tout est possible, tout peut encore réussir et l’instant d’après le temps se déchire…

La première pièce de Conrad, One Day More, que j’ai traduit par Plus qu’un jour après avoir longtemps hésité (il s’agit d’un leitmotiv du texte) a été écrite en 1904 d’après la nouvelle « Tomorrow » et a été représentée à Paris en 1909. C’est une épure de cette nouvelle et une pièce ténue, fragile, à laquelle Conrad tenait beaucoup.

Tout à l’opposé, La corde est une pièce de jeunesse  (représentée pour la première fois en 1918) où O’Neill expérimente ce qui fera la force de Désir sous les ormes, à savoir l’emploi de l’anglo-irlandais et les inclusions de citations bibliques. C’est une farce noire, brutale, tragique, tramée sur le chaos des langues. Normaliser le style ou le réduire à un patois vulgaire reviendrait à en faire un drame néorural quand tout repose sur le rythme, ciselé à la syllabe près. L’anglo-irlandais que j’ai transposé en franco-breton se heurte ici à l’argot de marin du fils prodigue, et l’on peut admirer la manière dont les acteurs passent de la langue de Conrad à celle d’O’Neill (véritable tour de force, que j’aurais aimé voir marquer en donnant un accent plus prononcé aux personnages d’O’Neill, mais Jean-Yves Ruf ne le voulait pas parce que la tradition française tend à faire de l’accent le signe même de la ruralité).

On pourra lire le beau compte rendu de Véronique Hotte, toujours sensible et attentive.

Reste à savoir quand je pourrai publier toutes ces traductions de théâtre… Combien de pièces d’O’Neill et d’O’Casey mises en scène et toujours interdites de publication…

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La découverte ou l’ignorance

 

 

 

Le journal Bretagne-Ile-de-France publie cette semaine un entretien que m’a accordé Vincent Jaglin, le réalisateur du film La découverte ou l’ignorance. J’ai mis cet article en ligne car il me semble que ce film, qui a obtenu le prix du meilleur documentaire d’histoire à Blois, montre bien comment s’exerce la censure en Bretagne : il a subi des coupes avant diffusion, il a été diffusé enlisé dans un débat qui en faussait le sens, puis la censure s’est exercée par le silence (pas une seule projection en Bretagne) et par l’invective (comme de coutume appuyée sur une accumulation de considérations historico-politiques biaisées).

Le film de Vincent Jaglin — qui, ayant découvert que ses grands-oncles s’étaient enrôlés dans les rangs du Bezen Perrot, a mené une enquête minutieuse —,  est  remarquablement courageux ; le journal Bretagne-Ile-de-France est, lui aussi, remarquablement courageux de poser le problème de la censure tel qu’il se pose en Bretagne, où les rares voix qui s’élèvent pour protester contre la propagande identitaire omniprésente sont réduites au silence — encore faut-il montrer comment s’exercent les mécanismes de censure :  le film de Vincent Jaglin en offre un bon exemple…

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P.O.L.

 

 

 

La disparition de Paul Otchakovsky-Laurens me fait une grande peine : un éditeur qui était à tout moment prêt à vous répondre, et qui pouvait mener un projet en payant de sa personne pour déblayer les obstacles, sans se soucier de rentabilité financière, en un temps où les directeurs éditoriaux ne vous parlent plus que « produits  », c’est si rare que Paul était une sorte de miracle vivant. Hélas, un miracle qui n’est plus vivant…

C’est lui qui, un jour, m’avait demandé de faire une édition des œuvres de Danielle Collobert. Pourquoi moi ? Pourquoi elle ? Il y tenait : c’était comme ça. Je lui ai dit que François Bon pouvait faire cette édition, mais François Bon préférait me laisser m’en occuper. Je lui ai dit que l’édition serait difficile car les manuscrits laissés par Danielle à sa mort n’étaient pas accessibles : il s’est occupé de les faire déposer à l’IMEC où j’ai pu travailler en tant que chercheur associé, aussi longtemps que je souhaitais, et avec l’appui d’Albert Dichy, toujours prêt à me faciliter la tâche (qui était loin d’être simple). Enfin, je lui ai dit que l’édition des œuvres d’un auteur aussi peu connu risquait de ne pas lui rapporter d’argent, mais l’honneur d’un éditeur est de savoir prendre des risques, m’a-t-il dit. Lorsque je lui ai annoncé, après quelques mois de travail, qu’il fallait, selon moi, publier en un seul volume les textes publiés par Danielle de son vivant, et les présenter comme un long poème, puis consacrer un second volume au journal, aux pièces radiophoniques et aux inédits, loin de refuser et de m’opposer l’argument du coût, il a accepté.

Au cœur de ce second volume, pour ouvrir sur les œuvres en collaboration avec Uccio Esposito-Torrigiani, j’avais retenu un magnifique récit d’Uccio —récit que Paul m’a dit vouloir supprimer. Après un long débat, il a cédé, et, plus tard, lors d’une soirée à l’IMEC consacrée à Danielle Collobert, il est venu me dire à l’oreille qu’il avait eu tort et que ce texte était essentiel. Quel éditeur se serait seulement souvenu de ce débat ? Et quel éditeur aurait eu la générosité d’avouer qu’il s’était trompé ?

En dépit de tous ses efforts pour faire connaître ces deux volumes, cette édition s’est heurtée à une indifférence quasi-totale, et je lui ai fait part de ma déception, comme si j’étais coupable de cet échec — mais ce n’était pas du tout un échec pour lui : certains livres connaissent une diffusion souterraine, m’a-t-il dit, l’essentiel est de les laisser frayer leur voie.

De fait, je reçois des messages de lecteurs qui me remercient. Cette édition a changé ma vie, m’ont dit plusieurs inconnus, rencontrés au hasard, et j’ai reçu de très beaux messages sur ce site.

Lors de l’hommage à Danielle Collobert organisé à l’IMEC, j’avais rédigé un spectacle à deux voix, partant de la pièce radiophonique que Danielle avait, toute sa vie, reprise. C’était une belle rencontre, et la présence de Paul Otchakovsky-Laurens m’apparaît à distance comme un présent amical, discret, fait pour vous accompagner même après sa disparition.

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Pour la nouvelle année

 

 

 

Pour la nouvelle année, voici un mur, un magnifique mur : c’est le mur qui séparait ma maison natale de la cour de la maison voisine. Je dis « qui séparait » car, un matin d’été, au retour de la cérémonie de Garzonval en hommage aux jeunes résistants bretons assassinés par les nazis, j’ai trouvé les frères de la voisine en train de le démolir. J’ai protesté, mais en vain : ce mur leur déplaisait, ils avaient l’intention de le démolir pour faire à la place un bâtiment bien bétonné, et c’est ce qu’ils ont fait en proclamant que ce mur était mitoyen et qu’ils avaient donc le droit de le faire disparaître. Intéressante expérience qui voit surgir tout un ballet d’étranges personnages ligués pour soutenir la destruction du mur ou lui dénier toute existence.

Tel est l’objet de mon prochain livre, qui sera une suite du Monde comme si : le thème du Monde comme si était la destruction d’une culture remplacée par un artefact ; la banlieusardisation et la bétonnisation s’accompagnent d’une haine tout à la fois de la beauté et du passé, à éliminer pour assurer le règne de l’artefact. Démonstration du désastre par le cadastre…

Et pour bien commencer l’année, comme j’ai retrouvé un cahier de notes prises auprès d’un vieux paysan qui construisait des murs autour de sa maison dans la forêt (et ses murs ressemblaient à celui qui a été détruit), je lui donne la parole :

 

« À force de faire, on apprend le sens de la pierre. Vous regardez telle pierre, et tout de suite vous voyez comme elle ira se mettre, pas besoin de terre, pas besoin de ciment ni rien. Il suffit de regarder juste et les pierres s’assemblent.

C’est un peu comme la famille du village ici où les personnes étaient ensemble. Les unes pouvaient être biscornues, les autres droites, et toutes tant qu’elles étaient, elles se soudaient dans quelque chose qui, en fin de compte, était beau.

Si vous voyez le mur tel qu’on l’a reconstruit autour de l’église, vous voyez un bloc dur qui part d’ici pour aller là et entre les deux tout obéit à la règle d’être n’importe comment. Et la pierre est coulée dans un paquet de ciment qui l’étrangle. Un ciment jaune, qui fait qu’on ne voit que ça. Tout ce qu’on fait maintenant veut être vu, alors qu’autrefois tout tenait à l’art de la discrétion. 

Les gens heureux n’ont pas d’histoire, les pierres des murs bien faits non plus, elles sont juste à leur place, elles ont pris place dans un milieu qui leur va bien, elles sont posées comme on respire.

Quand vous le sentez dans vos mains et dans votre corps, le mur vous vient, il vous va et vous avez plaisir à venir le voir.

Avec l’âge, les pierres sont devenues pour moi comme un loisir. Je les prends quand j’en trouve, je les pose sur le mur et je les laisse là le temps de s’apprivoiser. Je les laisse aller vers leur couleur avec la pluie qui les lave, le vent qui les sèche et le vert des mousses.

J’ai bâti le mur avec des pierres apprivoisées. Vous avez du plaisir à le voir et vous y appuyer parce que tout est fait avec une douceur d’âme. »

 

 

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Vigile de décembre

 

 

C’est une immense chance, quand on pense que l’essentiel est de chercher des voies de traverses, de se voir offrir la possibilité de frayer une voie nouvelle, à partir d’expériences qui ne se seraient pas assemblées autrement : en 2016, des livres qui composent Sur champ de sable, j’avais extrait quelques textes qui avaient donné lieu à un spectacle évoquant à partir de l’Assomption, l’enfance, la moisson, la fête foraine, le moment où le soleil bascule dans la nuit et où les brasiers s’allument dans la nuit d’août, le rouge, le feu, l’ouverture à la vie. La voix d’Annie Ebrel, la contrebasse d’Hélène Labarrière et les poèmes de Pasternak dits par André Markowicz permettaient de composer un paysage sonore où le breton et le russe se répondaient. Ce n’était pas du tout un spectacle poétique, c’était tout sauf un spectacle poétique : Incandescence était un moment de partage.

Nouvelle chance incroyable : l’invitation à donner, cette année, en décembre, un spectacle qui soit la face inverse et complémentaire d’Incandescence. La dernière partie de Sur champ de sable dit le retour dans la maison d’enfance que l’on va quitter pour toujours, la neige, l’hiver, le blanc, l’âge et le passage à l’année nouvelle comme un adieu. Je l’ai intitulée Vigile de décembre parce que l’arrière-fond religieux est présent comme une évidence, même une fois dépassée la croyance. Or, du début jusqu’à la fin, nous avons eu l’impression de voir se resserrer les thèmes comme s’ils surgissaient de la trame même des chansons populaires bretonnes (aussi bien « Le Noël de Brigitte » que la complainte du vieux merle ou les autres chansons) et du poème de Pasternak donné en contrepoint (nous avions fini par nous limiter à un seul poème, « L’étoile de Noël », un poème du Docteur Jivago).  Extraordinaire expérience, mais le plus extraordinaire est que des personnes qui n’auraient certainement jamais pensé écouter de la poésie, des médecins, des infirmiers, des malades, des personnes qui venaient d’assister à un colloque sur la manière d’apprivoiser la douleur sont restés écouter, puis nous rencontrer comme des amis de longue date… C’était hier, à l’invitation de l’AUB SANTÉ (et du médecin coordinateur, Jean-Michel Hoarau), à la chapelle de la clinique Saint-Laurent, à Rennes.

Cette fois-ci, j’ai pu dire mes textes, et nous nous sommes rendus compte du fait qu’il y avait bien quatre voix, à faire entendre distinctement. Pouvoir poursuivre l’expérience inaugurale était encore une immense chance…

Et je dois dire que Ronan Le Corre nous a bien aidés car les échos de la chapelle Saint-Laurent étaient redoutables — mais nous avions, par une coïncidence due au lieu et au temps, une vraie crèche pour décor, en sorte que mes petites allusions aux souvenirs cassés des anciens décors de Noël trouvaient là une illustration quasiment miraculeuse.

 

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Atelier de traduction

 

 

 

Pour terminer l’année, Olivier Mannoni, qui dirige l’École de traduction littéraire (ETL) du Centre national du Livre (CNL), nous avait proposé de diriger un atelier de traduction comme nous l’avions déjà fait en 2013 pour la promotion précédente, André Markowicz et moi.

Nous avions alors choisi de travailler sur le début de La Mouette et sur un poème pour enfants de Samouil Marchak.

Nous voulions trouver quelque chose de nouveau et qui permette de mettre en lumière des problèmes de méthode. Or, ce qui m’avait frappé quand nous avions donné à traduire le poème de Marchak, c’est que les traducteurs respectaient le schéma des rimes mais ne s’intéressaient pas au rythme. J’ai, par la suite, rencontré le même problème lorsque des étudiants de l’université de Brest m’ont proposé des traductions sur des poèmes de Shel Silverstein : ils voyaient bien le schéma des rimes mais ignoraient le schéma rythmique, en sorte que la rime flottait sans nécessité au gré d’un ensemble dont la construction n’apparaissait pas.

Le problème est qu’il n’y a aucune tradition de respect de la forme en France (on peut même, sans que cela pose problème, traduire un sonnet en vers libres…) et que les traducteurs sont invités à transposer le sens en ignorant la forme.

Nous avions d’abord pensé prendre des exemples dans les nursery rhymes, car, lorsque les poèmes doivent s’adapter à une musique, le respect de la forme apparaît tout de suite comme une nécessité, puis il nous a semblé plus intéressant de prendre un texte de chanson bretonne, ce qui avait l’avantage de mettre tout le monde à égalité puisque aucun des stagiaires n’avait aucune notion de cette langue. Vu la période de l’année, c’est « Le Noël de Brigitte » qui s’est imposé, d’autant que nous sommes en train de répéter avec Annie Ebrel pour Vigile de décembre, le spectacle du 19 décembre, qui comporte une version bretonne et française de cette chanson que j’ai traduite voilà déjà longtemps (on la trouvait dans nos Anciennes complaintes de Bretagne).

« Le Noël de Brigitte » est une gwerz légendaire dont il existe plusieurs variantes. Il n’est pas utile que je mette en ligne celle que nous avons donnée aux stagiaires avec un mot à mot, puisqu’on peut en trouver une version recueillie à Sainte-Tréphine. La mélodie est très belle (au risque de mettre une fois de plus les militants nationalistes en ébullition, je précise qu’il s’agit de l’air d’un noël français du XVIIIe siècle —  mais, de toute façon, l’idée même de chanter en français et en breton suffirait à les mettre en ébullition, et puis, c’est bien connu, les nationalistes n’aiment pas la gwerz — raison de plus pour se donner le plaisir de mettre « Le Noël de Brigitte » à l’honneur). La  légende aussi est très belle : la nuit de Noël, lorsque Marie est prise des douleurs de l’accouchement, Joseph cherche abri pour elle et frappe à toutes les portes ; on lui propose l’étable d’une auberge ; Marie demande une fille de l’auberge pour l’aider, mais seule reste à veiller près du feu une aveugle qui n’a pas de mains ; elle vient, donne tout ce qu’elle a pour langer l’enfant et retrouve la vue tandis que des mains lui poussent.

Pour nos défuntes Complaintes j’avais trouvé des images que je trouvais très belles aussi, les statues des chapelles venant illustrer la chanson populaire…

 

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Koefoù Berc’hed diwar he fenn

Zo bet laket d’o’r lianenn.

Da’ñjer Berc’hed diwar he barlenn

Zo bet laket d’o’r mezelenn.

 

N’eo ket ’n ur gwele kourlinet

Emañ ganet Salver ar bed,

Met war un dornad plouz ha foenn,

’Tre un ejen hag un azen.
Brigitte a pris sa coiffe usée

Pour panser l'enfant nouveau-né,

Elle a pris son vieux tablier

Pour le vêtir et le langer.

 

Ce n'est pas dans un lit d'atours

Que le Sauveur a vu le jour

Mais sur de la paille et du foin

Entre un gros bœuf, un âne brun.

Annie Ebrel avait enregistré pour nous la version bretonne pour que les stagiaires puissent l’entendre et la réentendre afin de guider leur traduction ; elle avait aussi enregistré la version française qu’elle chantait pour la première fois.

Ce qui était passionnant était de voir à quel point chacun prenait au fur et à mesure conscience des règles à respecter, et ce juste à partir d’un petit exemple, la première strophe, toute simple.

Pa oe Jozeb ha Maria

O-daou é troeiñ dre ar bed-mañ,

Jozeb a yae a di da di

Da glask loñjeriz da Vari.

Mot à mot :

Quand étaient Joseph et Maria

Tous deux à aller de par ce monde,

Joseph allait de maison en maison 

Pour chercher logis pour Marie. 

(le mot à mot change en charabia ce qui est beau par sa simplicité : on voit Joseph et Marie, tout seuls mais ils sont deux, qui vont de par le vaste monde, puis Joseph, cette fois tout seul, qui va de porte en porte comme un mendiant, chercher un abri pour Marie. Il faut donc que le style soit tout simple, limpide, sans rien qui accroche).

Des octosyllabes et des rimes plates…

Rien de plus simple ?

Ce qui est prodigieux quand on confronte les traductions est le fait que personne ne prend le problème par le même bout — mais, et de là vient l’intérêt de confronter les expériences, chaque erreur de l’un étant profitable aux autres.

Première tentative (je les prends au hasard) :

Tandis que Joseph et Marie 

Allaient tous deux de par le monde

Joseph, lui, allait à la ronde

En quête d’un lit pour Marie

 

Le rythme est remarquablement transposé mais ça ne va pas car il est impossible d’employer des rimes embrassées pour la poésie populaire.

Un jour que Joseph et Marie 

Allaient de pays en pays,

De porte en porte Joseph allait,

Le gîte pour Marie demandait. 

 

Le schéma des rimes est bon mais les inversions rendent le style trop compliqué : ça ne va encore pas.

Joseph et Marie s’en allaient,

De par le monde ils cheminaient,

Joseph de logis en logis

Cherchait un abri pour Marie. 

Là, tout y est, le rythme, les rimes et la possibilité de mettre les paroles sur la mélodie…

Je passe sur les autres tentatives, toutes passionnantes à des titres divers : en moins d’une heure, tout le monde avait compris la méthode, et les progrès étaient spectaculaires ; les autres strophes ont été traduites avec une précision croissante, y compris d’ailleurs en anglais :

— Leun eo ma zi ha ma c’hamproù

A dudjentil, a varonoù,

A dudjentil, a varoned —

C’hwi zo paour, ’vihet ket loñjet.

 

— Ma maison et mes chambres sont pleines

De seigneurs et de barons,

De seigneurs et de barons (autre forme de pluriel)

Vous êtes pauvre, vous ne serez pas logé.

 

— Full up is my inn — there’s no board ! 

I’ve many a gentleman and a lord,

Many a gentleman and a peer —

You’re rather poor, you shan’t stay here. 

 

 

Voilà une expérience que nous aimerions bien poursuivre. Je vais demander à Annie Ebrel de nous enregistrer le début de la chanson en breton et en français pour que mes explications soient un peu plus claires… et je vais refaire ma traduction, qui comporte des faiblesses. Je l’avais faite dans un contexte bien particulier, en urgence, pour une soirée français-breton-russe-tchouvache organisée par André pour et avec le poète Guennadi Aïgui qu’il avait fait inviter par la mairie de Rennes (en ce temps-là, c’était encore possible). Le président Mitterrand cherchait Aïgui partout jusqu’au fond de la Tchouvachie pour le recevoir en grande pompe et le décorer (il était alors question de lui attribuer le prix Nobel). Quelle n’a pas été sa surprise de découvrir qu’Aïgui était logé à l’auberge de jeunesse de Rennes. Une fois le poète découvert, la municipalité socialiste a voulu lui offrir une résidence de luxe pour ses hôtes de marque, mais Aïgui a refusé de quitter son auberge de jeunesse car, a-t-il déclaré, il se plaisait dans une ambiance juvénile accordée à son tempérament.  Lorsque la Tchouvachie a déclaré son autonomie, le principal journal de la capitale a publié triomphalement « Le Noël de Brigitte » et « Marie Madeleine », une autre gwerz  traduite par Aïgui de manière magistrale…

 

 

Telle est l’histoire de cette traduction, une histoire que notre atelier de traduction nous a encore rappelée hier.

 

 

Publié dans adaptation, André Markowicz, Bretagne, chanson, gwerz, Luzel, Poésie, Traduction | Laisser un commentaire