Poème pour temps de confinement

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Par vos humeurs l’État est gouverné ;

Vos seuls avis font le calme et l’orage ;

Et vous riez de me voir confiné 

Loin de la Cour dans mon petit village.

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Cléomédon, mes désirs sont contents ;

Je trouve beau le désert où j’habite,

Et connais bien qu’il faut céder au temps, 

Fuir le grand monde et devenir ermite.

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Je suis heureux de vieillir sans emploi,

De me cacher, de vivre tout à moi, 

D’avoir dompté la crainte et l’espérance.

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Et si le Ciel, qui me traite si bien,

Avait pitié de vous et de la France,

Votre bonheur serait égal au mien. 

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François MAYNARD (1582-1646)

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Vigile de décembre : lecture d’Hugues Robert

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Au moment où les librairies sont fermées, découvrir qu’un libraire continue d’accompagner les livres et de les présenter aux lecteurs dans un espace de liberté hors du temps du confinement est un véritable miracle. Hugues Robert qui codirige la librairie Charybde à Paris consacre cette semaine une magnifique note de lecture à Vigile de décembre après avoir, à parution, présenté chacun des livres de Sur champ de sableAinsi, les quatre volumes parus aux éditions Mesures ont-ils accompagné cette année si étrange, et ce signe de vie nous donne l’impression non seulement d’échapper à l’isolement mais d’avoir à poursuivre notre expérience d’édition, alors même que tout nous inviterait à la prudence et au retrait. 

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Note de lecture : « Vigile de décembre » – Sur champ de sable IV (Françoise Morvan)

POSTÉ PAR HUGUES ⋅ 15 AVRIL 2020 ⋅ POSTER UN COMMENTAIRE

Bouquet final d’un quadriptyque poétique résolument magique, un mois de décembre qui déploie toutes ses volutes noires et enchantées, dans des directions inattendues.

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Le cri du grèbe et le roseau creusé
Sur la grève ouverte ou le gravier d’eau
Comme au travers d’un cristal de sulfure
Rendent l’hiver plus tendre et plus fragile

Lorsqu’on entre à l’aube dans la maison vide
Le long souvenir des amis perdus
Forme un écran de soie tendu sur le jour
Où vont sans être vues les formes des fantômes.

Quatrième et dernier volume de l’étonnant « Sur champ de sable », succédant en douceur et sans élever le ton aux ardeurs estivales d’ « Assomption », aux somptueuses ambiguïtés de « Buée » et aux  possibilités funèbres de « Brumaire »« Vigile de décembre », publié à l’automne 2019 aux éditions Mesures, explore pour nous la fermeture d’une parenthèse potentiellement sacrée, parenthèse qui sait pourtant résonner en permanence avec le profane, au son tourmenté ou apaisé, selon les moments, d’anciens Noëls en Bretagne.

L’âme comme un coffret qui se referme
Après le sang brutal l’homme aux mains rudes
Aux lèvres gardant une odeur de vin

Le viol admis pour règle et les travaux du jour
La soumission portant sa joie diffuse
Aux serments de la vie si mal tenus

(« Silenciaires« )

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Des quatre volumes, celui-ci, arc-bouté sur sa bascule dans un hiver aux apparences toujours contrastées, à l’Ouest, est certainement le plus baudelairien, celui qui retiendrait d’abord, du « Chant d’automne », avant tout les chocs funèbres du bois retentissant sur le pavé des cours et l’écho d’échafaud qu’on bâtit de chaque bûche qui tombe. Et Françoise Morvan, alors même que se préparent en douceur les avents et les crèches, n’hésite pas à évoquer les noirceurs ordinaires et les violences domestiques acceptées qui se dissimulaient, jadis, naguère et encore récemment, derrière les volets clos et les portes soigneusement fermées.

Armoire

Pétrie d’un bois de tourbe
Plus amer et dur que le fer
Elle affronte en taureau de forge
Le froid des nuits d’hiver

Mais geint pour s’ouvrir
Mi-fourbe et faible
Feignant sa souffrance
Et sa plainte exaspère.

Pourtant, dans le froid et la nuit, et sans que le lien avec la lueur religieuse de l’étable célébrée puisse être directement établi, une magie particulière vient s’immiscer dans le trouble redouté. Jouant d’un mystère du dedans et du dehors qui pourrait évoquer aussi bien les plus beaux haïkus de ruisseaux gelés que les somptueuses transmutations d’un Charles Sagalane, ce sont tout à coup Circé et Ovide, les gnomes et les frères Grimm, profitant d’une neige sur les hauts de Rostrenen, qui s’invitent à une fête curieusement inattendue., comme si une nuit de Walpurgis devait s’orchestrer soigneusement, quatre mois à l’avance. Que ce soit, aux côtés de François Maynard, le Théophile Gautier du « Château du Souvenir » qui vienne jouer officiellement les poètes invités de cette « Vigile de décembre » (Gérard de Nerval aurait sans doute pu y prétendre aussi) s’inscrit ainsi en toute logique secrète.

Et les mots anciens des prières se répondent
Levant avec lenteur du fond de la mémoire
Comme on descend dans les abysses
Docile et suivant le propre du temps.
(« Abysses » )

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Holle

On se souvient des journées silencieuses
La fée à sa croisée faisant neiger
Sur les ombres des mondes chancelants
Et qui aurait pensé qu’elle y fondrait ses jours

Si les travaux et les jours, minuscules et paradoxalement grands, s’associent à une prégnance de la religion et d’un doux mysticisme venant s’inscrire d’abord, dieux lares contrariés, dans les objets du quotidien, sous le signe de Joseph plus que de tout autre saint, les rituels à l’œuvre ne sont pourtant peut-être pas, en plus d’une occasion, ceux que l’on croit. « La pierre endormie dans la boue » ou « l’eau qui claudique au bord de l’évier », alors, deviendraient bien les marqueurs occultes du moment du feu dans l’âtre, du moment où la flamme prend tout son sens, de l’étrange heure de la salamandre.

Armure

La terre est dans sa vieille armure
La lampe éclaire un jour violâtre
Tu viendras me voir dit l’aveugle
Au retour de l’église avant la nuit

Et c’est ainsi que Françoise Morvan achève en toute beauté et en toute magie son singulier offertoire d’une poésie ancrée dans un terroir et dans une mémoire pour mieux s’affranchir de ce qui aurait pu l’y tirer vers le cliché, et prendre son essor vers un universel quasiment chamanique dans sa ruse et dans sa résonance.

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Signe de vie

Une image d’Évelyne Girardon

Tel est le message qui, tout au début du confinement, m’a été transmis par des amis qui sont sur Facebook. 

Avec ce post d’Évelyne Girardon pour viatique, je me suis lancée dans une recherche qui s’inscrit dans la suite de Sur champ de sable et je me suis souvenue de notre rencontre à Clamecy. 

C’était en 2000. La FAMDT organisait un colloque en hommage à Achille Millien, immense folkloriste qui avait été en relation avec François-Marie Luzel. J’émergeais tout juste de l’Affaire Luzel, des procès, de la thèse soutenue sous haute protection, des éditions poursuivies à un rythme effréné avec la concurrence de mon ex-directeur de thèse et de ses affidés, poseurs de bombes et autres. 

Le colloque s’intitulait De l’écriture d’une tradition orale à la pratique orale d’une écriture, et je ne mesurais pas à quel point cette problématique allait être celle de mon propre travail. Je savais simplement que, pour la première fois, l’occasion d’exposer ce qui avait été à l’origine de l’Affaire Luzel m’était offerte. Pour la première fois aussi, le débat que les procès, menaces et autres avaient tenté d’interdire avait une chance d’être ouvert, et, cette chance, j’étais bien décidée à la saisir.  

J’avais intitulé ma communication « Luzel ou le mythe de la fidélité ». Il s’agissait pour moi de montrer que la doxa faisant de Luzel (le chercheur scientifique) la caution de La Villemarqué (l’esthète) était une construction à visée politique : les nationalistes, devant, coûte que coûte, légitimer les productions de La Villemarqué à la gloire de Dieu et de la nation bretonne, ont réussi à mettre à son service celui qui avait été son adversaire le plus tenace. 

Précisons tout de suite que la doxa est plus étouffante que jamais et que cette communication n’a été suivie d’aucune autre, ma thèse étant passée sous silence et l’édition de Luzel ayant disparu (inutile d’épiloguer, voir le chapitre Censure). 

En route, alors que nous faisions halte sur une aire de repos, le téléphone avait sonné : c’était une invitation de l’Élysée d’avoir à nous rendre à un dîner avec Poutine et le président de la République. Nous avons décidé de refuser, et le colloque de Clamecy nous est apparu comme une excuse suffisante.   Il allait surtout nous donner l’occasion de découvrir les chansons collectées par Millien et, plus encore que ce disque extraordinaire, Le Pommier doux, publié en hommage à Millien (dont j’étais loin de me douter alors que je publierais le meilleur de sa collecte de contes), le répertoire d’Évelyne Girardon, parmi tant d’autres qui interprètent les vieilles chansons françaises que Nerval aimait tant. Ainsi, trésor parmi tant d’autres, « Montagne que tu es haute »…

Après avoir commencé d’explorer le répertoire de la chanson française, tel que le promettaient les disques édités par Évelyne Girardon, je me suis rendue chez mon disquaire pour lui demander ce que je pouvais trouver en complément. Il m’a conduite devant un mur couvert de productions néoceltiques, Tri Yann, Stivell, Dan ar Braz, cantiques, musiques sacrées, bombardes et orgues, tambours bretons, bagadou, bals bretons. J’ai dit que ce que je demandais, c’étaient des chansons françaises traditionnelles. Le vendeur m’a regardé d’un air supérieur :

— C’est ce qu’y a de mieux en trad. Et puis d’ailleurs… 

Et, là, le mot fatal :

— Yaksa. 

J’ai alors compris que le combat de Luzel était un combat plus actuel que jamais et que les recherches, les concerts, les disques d’Évelyne Girardon étaient un trésor qui faisaient de ce combat politique un combat pour la simple beauté, accessible à tous, dans sa fragilité. 

C’est grâce à des soutiens comme celui d’Évelyne que nos livres peuvent vivre. 

Et, en plus, elle a accepté d’enregistrer juste comme ça cette chanson que j’aime particulièrement.

Je l’avais naguère transmise à Pierre Meunier pour son spectacle contre la lourdeur des choses…

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Les trois sœurs demain

Demain, à 20 h 30, sur le site de la Comédie française, sera diffusée la captation de la mise en scène des Trois sœurs par Alain Françon, mise en scène mémorable et qui n’a jamais été égalée…

J’ai un peu évoqué ici le travail de traduction mais il aurait surtout fallu parler du travail à la table, avec la découverte du personnage de Macha, et cette extraordinaire interprétation du rôle d’Irina par Georgia Scalliett qui, tout juste sortie de l’ENSATT, avait là son premier rôle, un rôle qui allait lui valoir un Molière…

Nous ne savions pas qu’une captation avait été effectuée et nous ne l’avons pas vue mais c’est une soirée à ne pas manquer, même si, bien sûr, une captation n’est jamais qu’un pis aller. En tout cas, une belle occasion d’échapper au confinement.

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La gigue du père Fouettard et la berceuse du marchand de sable

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Deux livres qui paraissent le jour où, sur ordre du gouvernement, toutes les librairies ferment, qui aurait cru vivre cette aventure ?

Les deux livres les plus importants de la collection Coquelicot sont pourtant parus, et j’ai même eu la chance de recevoir mes exemplaires d’auteur dans le dernier colis qui me soit parvenu.

Ils sont très beaux, doux, légers, fins, illustrés avec soin et je peux dire qu’il faut rendre hommage à Pierre Favreau qui, en plus, comble d’ironie et encouragement à la flemme, avait travaillé comme un fou pour rendre ses images à temps… 

Depuis des années, Christine Morault, qui dirige avec Yves Mestrallet les éditions MeMo, cherchait un illustrateur pour ces deux livres écrits en miroir. Il fallait que cet oiseau rare soit sensible à la poésie, capable de s’inscrire dans la suite des trois premiers livres (illustrés par Florie Saint-Val, Irène Bonacina, Julia Woignier qui toutes avaient donné le meilleur de leur talent) et, plus difficile encore, capable de rendre tout à la fois la douceur des berceuses et l’humour féroce des chansons atroces… 

Encore tout cela n’était-il rien : une illustratrice tchèque avait été élue, puis récusée, car il fallait d’abord et avant tout être capable de rêver à partir de personnages et de thèmes qui hantent l’imaginaire des enfants de France, sans même qu’ils s’en doutent, et ce qui importait dans la représentation de ces personnages était ce qui n’était pas dit. 

Plus difficile encore, du père Fouettard au marquis de Carabas, ces personnages que tout le monde connaît sans les connaître supposaient que l’illustrateur accepte la part d’angoisse des rêves d’enfant et jongle avec l’humour. Et là était bien l’essentiel…

Enfin, Pierre Favreau s’y est risqué et, pour la première fois, alors que d’habitude l’auteur a juste à constater quel illustrateur a été choisi et comment il a interprété son texte, j’ai été consultée… De cette expérience unique de concertation libre entre l’éditeur, l’auteur et l’illustrateur sont nés ces livres qui sont vraiment ceux auxquels je tiens le plus. 

Hélas, ils existent sans exister. 

Ne les commandez pas sur amazon, attendez qu’une vraie librairie rouvre…

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Étranges aveux

Achevons notre parcours dans les eaux glauques du nationalisme breton par les hommages rendus à Patrick Le Lay qui sont autant d’aveux.

Ainsi Charlie Grall, le terroriste devenu l’éminence grise et le thuriféraire du maire de Carhaix, Christian Troadec, salue-t-il en Patrick Le Lay un vrai Breton, toujours prêt à soutenir financièrement les « prisonniers politiques bretons » du FLB. Il sait de quoi il parle et s’exprime en tant que président de Skoazell Vreizh, le Secours breton, créé pour venir en aide aux terroristes et à leurs familles.

Un autre militant nationaliste, un certain Le Touze, salue « un Breton au service de son pays » qui a voulu avec TV Breizh faire « un super truc pour la Bretagne », mais s’est heurté aux « anti-Bretagne », à savoir Télérama et moi, qui, à nous seuls, avons réussi à faire capoter l’opération — mais, attention, à cause aussi de la « nullité du petit milieu audiovisuel breton totalement à la ramasse », de la « nullité des élus bretons » (à l’exception de Le Drian) et de la morgue de l’équipe de TV Breizh, « grisée par le pouvoir de TF1 ». Ainsi s’explique enfin ce plongeon collectif.

L’Institut de Locarn dont Patrick Le Lay a été l’un des premiers et des plus fervents soutiens, avec Patrick Poivre d’Arvor, garde une prudente réserve, mais, pour en savoir plus, vous pouvez lire l’article du Groupe Information Bretagne qui, certainement, ne risque pas d’être repris ailleurs.

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Réédition de « Miliciens contre maquisards »

Comme une étrange suite de l’affaire Drezen, voici la sixième édition de Miliciens contre maquisards… plus actuelle que jamais, au moment pourtant où toutes les librairies sont fermées.

Il est rassurant de voir que ce livre poursuit son petit bonhomme de chemin malgré la censure et la réécriture de l’histoire officialisée en Bretagne.

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Affaire Drezen : après la déculottade, la déculottée

En plein cœur de la campagne pour les élections municipales, le fils de Youenn Drezen se fait filmer à Quimper pour dénoncer le maire de Pont-l’Abbé qui a décidé de débaptiser la rue Youenn Drezen après lecture des textes racistes et antisémites par lui publiés sous l’Occupation dans la presse nazie. 

Le fils de Youenn Drezen trouve que les textes de son père ne sont ni racistes ni antisémites. Il a le soutien du président du Conseil culturel de Bretagne et de l’historien autonomiste Kristian Hamon. La polémique enfle, relayée par la presse régionale. 

On m’accuse d’avoir traduit « yuzevien » (les juifs) par « youtres » : je fournis la page où Drezen se moque des youtres (« yourdou ») et le texte qui figure en face d’une caricature antisémite. Cela ne sert à rien : le « monde comme si » imposant sa loi au militant nationaliste, placé devant cette page, le fils de Youenn Drezen n’y voit rien à redire.

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Il se garde bien de préciser qu’il est lui-même un militant autonomiste qui se présente sur la liste Rennes-Bretagne-Europe du rockeur Franck Darcel (le nom même du parti résume son programme, la Bretagne devenant une nation d’Europe libérée de la France). L’essentiel est de faire passer Drezen pour un « bouc émissaire » dans une campagne « antibretonne » et d’empêcher le maire d’être élu. 

Résultat : le maire est élu au premier tour, la liste « de gauche » qui comptait Yves Canevet, défenseur de Drezen, est éliminée et la liste de Darcel fait un score lamentable (1, 9%) à Rennes. 

Enfin, une prise de conscience commence à se faire jour à gauche  : en témoigne le bel article écrit à ce propos comme un appel à vigilance. Merci aux lecteurs qui me l’ont signalé. 

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Affaire Drezen : déculottade

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Au beau milieu de la polémique déclenchée par le fils de Youenn Drezen qui nie l’antisémitisme de son père, l’historien autonomiste Kristian Hamon se fend d’une « lettre ouverte » à moi adressée. 

Cette « lettre ouverte » assez comique par le ton employé (on croirait ces dialogues de la comtesse de Ségur où l’on s’échange des « Madame » « Môssieur » sur un ton ulcéré — mais bon, nous ne sommes pas là pour étudier le style des nationalistes bretons) avait surtout le mérite incongru d’appeler à lire ce qu’il avait lui-même écrit dans son premier livre au sujet de l’antisémitisme de Drezen. 

La réponse était : rien. 

Mieux encore, il y présentait en conclusion les déchaînements racistes, antisémites, antifrançais de Drezen, Hemon, Eliès, Langlais et tant d’autres dans la presse nazie comme « quelques dérapages littéraires du plus mauvais effet ». 

Mortifié d’avoir à relire sa prose, Kristian Hamon, qui a la mémoire courte, ce qui est dommageable pour un historien, répond par une nouvelle déculottade : puisque c’est comme ça, je retire ma « lettre ouverte ». 

Habituée aux méthodes des nationalistes, j’avais pris soin de la donner en PDF ; les lecteurs peuvent donc en prendre connaissance en même temps que de ma réponse. 

Cela augmentera le nombre des 76 000 lecteurs qu’à l’en croire, je lui ai fournis. 

On observera que le militant nationaliste, face à une femme qui ose lui opposer des arguments factuels, se dispense de répondre : il dispose d’un argument massue, à savoir qu’elle agit par amour pour lui. Soit c’est de la haine, soit c’est de l’amour, et le charme du militant étant forcément très grand, la conclusion s’impose. 

En 2012, après avoir subi pendant deux ans ses attaques sur le Forum de la Seconde Guerre mondiale, j’avais fini par répondre. Incapable d’opposer le moindre argument en réponse, il s’était, de même, retiré (je reprends son mot) — ainsi ma réponse avait-elle été censurée et tout débat interdit

Ses attaques ayant repris, j’ai pu démontrer qu’il avait volontairement dissimulé la présence des tortionnaires du Bezen Perrot à Bourbriac en recopiant deux documents sans mention de source après avoir coupé les passages qui évoquaient la présence du Bezen.  

Le problème est bien que ces militants — mis en place par le mouvement breton pour occulter les recherches qui risquaient d’avoir lieu lorsque les archives s’ouvriraient — font autorité, quelle que soit la médiocrité de leurs productions. 

L’affaire Drezen aura eu aussi le mérite de montrer le machisme du mouvement breton, cet indécrottable machisme hérité de Breiz Atao, cet humour gras et pontifiant qui était précisément celui de Drezen.

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Affaire Drezen : les mensonges ont la vie dure

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Le journaliste du Télégramme qui avait donné la parole au fils de Youenn Drezen assurant que son père n’avait été ni raciste ni antisémite m’a invitée à répondre à quelques questions, ce que j’ai fait, en donnant à l’appui la page de L’Heure bretonne où figure l’article de Drezen sur les « bobards des youtres », en face d’une caricature antisémite. C’était la première fois depuis vingt ans que l’on me donnait la parole dans la presse régionale, ce qui mérite en soi d’être noté.

Surprise : cet entretien est publié mais bien écourté, et la page de L’Heure bretonne est remplacée par un portrait de Drezen. 

Plus surprenant encore : le maire de Pont-l’Abbé, qui était pourtant concerné au premier chef puisque c’est lui qui a pris la décision de débaptiser la rue Youenn Drezen, n’a droit qu’à quelques lignes. 

Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises : alors que le maire évoque le caractère « pro-allemand et aussi pro-fasciste » des écrits de Drezen, figure en face un témoignage intitulé « Aucune sympathie pour les idées fascistes ». 

Et ce témoignage émane d’André Buanic, le professeur d’allemand qui, comme je le rappelais, avait traduit un florilège de textes illustrant le racisme et l’antisémitisme Drezen lors de la polémique provoquée par l’hommage rendu à Drezen en 1999. 

« Le Lesconilois André Buanic fut le premier à avoir provoqué une polémique en traduisant, il y a vingt ans, les écrits de Youenn Drezen sous l’Occupation ». C’est totalement faux. L’hommage à Drezen par la mairie de Pont-l’Abbé a eu lieu les 17-18-19 septembre 1999. 

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Une protestation d’associations laïques, basée sur la traduction des textes de Drezen que j’avais rédigée pour m’élever contre la réédition de ces textes par le professeur Per Denez a eu lieu début septembre 1999. Le 10 décembre (suite à une interview de deux des organisateurs de l’hommage à Drezen avouant qu’ils avaient eu tort de ne pas mieux s’informer) la polémique a éclaté. Un militant nationaliste a lancé des accusations très violentes, à quoi les personnes qui avaient protesté contre l’hommage à Drezen ont répondu. Ce n’est que le 24 décembre, donc au milieu de la polémique, qu’André Buanic a publié des traductions d’écrits de Drezen, venant à l’appui de ceux que j’avais remis et qui avaient été utilisés pour étayer la protestation. Ses traductions et ses commentaires étaient excellents et je n’ai pu que me réjouir de voir que la responsable de la rédaction avait le courage de les publier.

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André Buanic semble à présent avoir oublié la teneur de ses traductions.  Drezen n’avait « aucune sympathie pour les idées fascistes ou nazies », déclare-t-il.

Pas de sympathie pour les idées fascistes ? C’est lui-même qui évoque l’éloge de Mussolini par Drezen le 15 août 1943. 

Pas de sympathie pour les idées nazies ? C’est lui-même qui commente la collaboration de de Drezen au « journal pro-nazi L’Heure bretonne » et conclut, blâmant ceux qui refusent de voir la vérité : « On pourrait qualifier ce genre d’attitude de révisionniste : négation ou atténuation délibérée du passé hitlérien ». 

À présent, il explique qu’« aujourd’hui encore certains [lui] tiennent rigueur » d’avoir osé traduire des textes de Drezen. De fait, nombreuses sont les personnes qui ont osé protester et qui ont ensuite, face à la terreur exercée par les militants bretons, préféré oublier ce qu’elles avaient dit. Nous en avons un triste exemple. Mais les écrits restent.   

Les traductions d’André Buanic sont tout à fait probantes. Sur la traduction de « yourdou » par « youtre », qui m’a été reprochée par le fils de Drezen, il est parfaitement clair.   

Même si la polémique a duré jusqu’en mars, la conclusion a été, je pense, formulée par la maire lors des vœux : « Si j’avais été informée, la ville n’aurait pas honoré la mémoire de l’écrivain comme elle l’a fait et le conseil général n’aurait pas financé cette opération. » 

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Vingt ans après, le maire n’a fait que prendre acte des informations connues depuis 1999. 

Les mensonges ont la vie dure. 

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