Luzel : Contes de Basse-Bretagne

Les Contes de Basse-Bretagne de Luzel viennent de m’arriver en format de poche. Heureuse nouvelle car j’avais passé l’année 2007 à donner une édition des contes de Basse-Bretagne et de Haute-Bretagne pour la collection « Les grandes collectes ». Je n’avais pas mesuré la difficulté du travail dans le cas de Luzel et Sébillot — il fallait relire des centaines de contes, choisir parmi des dizaines de variantes de contes types et ne pas risquer de lasser le lecteur en donnant des contes dont les personnages et les motifs pouvaient sembler trop proches.

Il en est résulté quatre volumes, les Contes de Haute-Bretagne de Sébillot, les Contes de Basse-Bretagne de Luzel et deux volumes auxquels je tiens particulièrement, Fantômes et dames blanches (la collecte de contes fantastiques de Luzel) et Fées des houles, sirènes et rois de mer (l’étonnante collecte de Sébillot sur la côte nord de la Bretagne, la saga des fées des grottes de la mer — une collecte unique au monde…). Les deux derniers volumes sont chroniquement épuisés. Les deux premiers l’étaient aussi. Plutôt que de les réimprimer, l’éditeur a décidé de les faire passer en collection de poche.

Les Contes de Haute-Bretagne ont reparu cet hiver.

J’attendais avec impatience les Contes de Basse-Bretagne car les deux volumes sont complémentaires. Lorsque j’ai étudié ces deux collectes, j’ai été frappée par la différence de  traitement pour les mêmes contes types dominants et j’ai donc composé les volumes en miroir.

Les Contes de Basse-Bretagne sont une introduction à l’édition des œuvres de Luzel en 17 volumes que j’ai donnée aux Presses universitaires de Rennes : la base de données qui figure à la fin permet de retrouver les contes dans les 12 volumes de contes de cette édition. C’est une introduction et un outil de travail mais aussi un livre qui donne des chefs d’œuvre du conte. Même après avoir édité les contes de Luzel,  je n’avais pas assez pris en compte l’importance des grands contes merveilleux. Cela, je l’ai mieux saisi en publiant les Contes et légendes des régions de France. L’œuvre de Luzel est vraiment exceptionnelle. Celle de Sébillot aussi d’ailleurs : la différence est que j’ai donné une édition méthodique de la collecte de Luzel, ce qui m’a valu l’exécration des nationalistes, et que celle de Sébillot est en déshérence. Un fait qui, à soi seul, en dit plus long que de longues démonstrations.

J’avais déploré la reparution en collection de poche des volumes de la collection « Les grandes collectes » et, finalement, les livres sont tout aussi lisibles, plus légers, avec une maquette plus élégante : un exploit de Laurence Morvan, de Thierry Jégu et de la CPI Firmin-Didot (et je suis reconnaissante à mon éditeur de faire travailler un imprimeur français, et l’un des héritiers de la grande tradition de l’imprimerie).

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Contes des régions de France

Je viens de recevoir le premier exemplaire des Contes et légendes des régions de France, un livre magnifique, tout argenté.

Quand les éditions Ouest-France m’ont commandé ce livre, j’ai trouvé intéressante cette proposition de partir des régions où des collectes  folkloriques avaient été effectuées  pour faire un tour de France par les contes et les légendes. Je ne mesurais pas à quel point les régions diffèrent…

C’était l’occasion de prolonger la collection « Les grandes collectes » (qui est en train de passer peu à peu en format de poche) et, pour moi, d’aborder quelques collectes que je n’ai pas encore éditées (les contes du pays basque, de Corse, du Berry) en les mettant en relation avec les autres et en orientant les lecteurs vers les éditions qui existent.

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Molières : merci, Emmanuelle !

Premier jour de répétitions : après le travail à la table...

Tout le monde m’écrit pour me faire savoir qu’Emmanuelle Devos a reçu le Molière de la meilleure comédienne pour son interprétation du rôle de la Générale dans Platonov mis en scène par Rodolphe Dana et qu’elle a fait applaudir les traducteurs… Incroyable mais vrai, eh oui, pourtant !

Alors que le Molière de la traduction a été supprimé (je dois dire que nous l’avons eu, pour Platonov justement) et que les critiques de théâtre omettent le plus souvent le nom des traducteurs, une telle attention est une sorte de miracle, un signe de reconnaissance,  et qui ne nous concerne pas seulement nous, mais tous les traducteurs.

Merci, Emmanuelle !

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La découverte ou l’ignorance

Je reçois un message qui m’apprend que le film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance, sera diffusé pour la première fois sur TVRennes, Tébéo et TébéSud demain jeudi 30 avril à 20 h 35.

Le film a eu le Grand Prix du documentaire historique 2014.

C’est un document tout à fait exceptionnel sur un sujet  tenu dans l’ombre.

Vincent Jaglin évoque l’histoire de ses grands-oncles, militants nationalistes bretons engagés au Bezen Perrot, et ouvre une réflexion sur l’idéologie du mouvement nationaliste breton.

La dernière partie du film ayant été coupée à la demande des producteurs, un débat organisé après le film était supposé permettre d’aborder l’actualité du sujet.

Vincent Jaglin a refusé d’y participer, les  « spécialistes » invités au débat étant Christian Bougeard, l’un de ses étudiants et Jean-Michel Le Boulanger : depuis des années, Christian Bougeard minimise les responsabilités du mouvement nationaliste breton et Jean-Michel Le Boulanger  les réduit à une peau de chagrin. Ce dernier, vice-président du conseil régional en charge de la Culture, écrit, dans son essai, Être breton ? que la « collaboration de quelques-uns » a fâcheusement jeté l’« opprobre sur tout le mouvement breton » innocent de toute compromission... C’est tout dire.

Dans la catégorie « débat breton » (autrement dit, débat permettant de court-circuiter toute possibilité de débat réel sur un sujet breton) nous avons donc toute chance d’avoir un document intéressant.

Le film a donné la parole à l’historien autonomiste Kristian Hamon qui a eu le mérite de reconnaître que le mouvement breton dans sa totalité avait collaboré. Il est vrai qu’il a reconnu aussi la présence du Bezen à Bourbriac, dans un élan de franchise qu’il a par la suite déploré, lançant à ce propos une polémique qui n’est pas sans intérêt non plus pour comprendre le mouvement breton actuel.

En tout cas, il fallait du courage pour mener à bien un tel film, et rompre l’omerta en une période où la réécriture de l’histoire devient la norme.

Voilà quelques informations supplémentaires telles que je les ai reçues…

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DATES DE REDIFFUSION
(et en replay sur les sites de chaînes)


Jeudi 30 avril : 20h45 et 23h15
Samedi 2 mai : 21h30
Dimanche 3 mai : 15h00
Mardi 5 mai : 15h00, 20h45, 23h15
Samedi 16 mai : 15h00


Vendredi 1er mai : 11:00 et 23:00
Samedi 2 mai : 14h30


Vendredi 1er mai : 14h00
Samedi 2 mai : 18h30
Dimanche 3 mai : 14h30

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PETIT AJOUT À TITRE DE CONCLUSION

Le film a été présenté enlisé dans un pseudo-débat visant à en court-circuiter le sens. La censure s’est donc doublement exercée :

  1. Par suppression dans le film de la conclusion originale qui faisait le lien avec l’actualité et, entre autres, avec la promotion du nationalisme breton par le lobby patronal soutenu par les élus (sept coupes ont été exigées par les chaînes TVRennes, Tébéo et TV Sud — notamment au motif qu’étant sponsorisées par Produit en Bretagne, elles ne pouvaient pas critiquer ce lobby…).
  2. Par travestissement des faits, à savoir l’habituel travestissement de la doxa autonomiste : le présentateur a commencé par indiquer qu’une infime partie du mouvement breton avait collaboré, minimisation qui interdit toute réflexion sur les faits  réels ; le discours pontifiant des historiens, précédant et suivant le film, ainsi soumis à  la lecture prophylactique des vraies autorités, est venu, comme il fallait d’y attendre, assurer que l’actuel mouvement breton n’a rien à voir avec ce regrettable épiphénomène, le tout aboutissant pour finir à promouvoir l’essai de Jean-Michel Le Boulanger, Être breton ? — lequel dit, en somme, l’exact contraire du film.

Ainsi, une fois de plus, la censure a-t-elle interdit tout débat sur le problème que le film visait pourtant à poser, à savoir la promotion actuelle sur fonds publics d’une idéologie fondamentalement inchangée et qui a conduit des jeunes gens fanatisés à s’enrôler sous uniforme SS, en relation avec l’ensemble du mouvement nationaliste, avec le soutien des prétendus régionalistes modérés qui ont poursuivi leur combat après-guerre à leurs côtés.

Ils récoltent à présent les fruits de ce pseudo-combat breton, et tel est bien le problème qu’il s’agissait d’occulter.

Opération réussie — à cela près que le débat était si ennuyeux que la plupart des téléspectateurs ne l’ont pas suivi ou n’en ont rien retenu. Mais la production massive de discours serviles sert à empêcher que soient posées les vraies questions, et tel était d’abord le but poursuivi.

Censure par suppression, censure par enlisement : rien que d’ordinaire désormais en Bretagne.

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Réécriture de l’histoire en Bretagne

 

De l’extrême droite à l’extrême gauche, le même discours, la même apologie de nationalistes collaborateurs des nazis qui se sont fait passer pour résistants…

Et l’on voit un autonomiste comme Kristian Hamon attaquer le film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance, nier les crimes du Bezen Perrot à Bourbriac et Plougonver, reprendre sans fin les mêmes polémiques pour discréditer des recherches authentiques sur la Seconde Guerre mondiale et se faire élire au Comité directeur de l’ANACR et de l’ADIRP, associations de défense de la mémoire de la Résistance !

Oui, l’ANACR 35 qui s’associait naguère à la protestation contre l’attribution du nom du collaborateur Paul, dit Polig, Monjarret au collège de Plescop élit à son Comité directeur…  Hamon — qui s’était chargé de blanchir Monjarret !

Et ce même Hamon fait publier dans Le Peuple breton, journal autonomiste qui se proclame de gauche, un texte qui nie le racisme des militants de Breiz Atao, leur dérive nazie, le soutien apporté par les Allemands sous l’Occupation, et, tout étant bon dans le nationalisme et le capitalisme breton,  nie dans la foulée l’ultralibéralisme du lobby patronal de l’Institut de Locarn… Ce texte mérite d’être lu comme expression de l’idéologie de la gauche autonomiste

Pauvre Résistance ! 

Pour illustrer ce cynisme dans le confusionnisme, nous avons aussi l’indépendantiste Mervin qui accuse mensongèrement l’un des  jeunes résistants assassinés avec les camarades de mon père le 16 juillet 1944 — et l’indépendantiste Lemoine qui n’a jamais vu de nazis mais fraternise avec les SS du Bezen Perrot.  La même apologie de Lemoine se trouve sur le site Breiz Atao et sur le site 7Seizh, « gauche » et extrême droite unies.

Il me semble important de décrypter le discours nationaliste au moment où la mainmise du mouvement breton sur la culture ne fait que s’alourdir : c’est à l’autonomiste Monnier  (qui s’était chargé avec Hamon de réhabiliter Polig Monjarret — voir la protestation de la Ligue des Droits de l’Homme au sujet de la censure exercée à ce propos — et qui est l’auteur d’un scandaleux essai assimilant Résistance et combat breton) que le conseil régional socialiste a commandé un film sur l’histoire de la Bretagne, film actuellement diffusé dans les écoles sur fonds publics et destiné à être mis en ligne sur le site du conseil régional. Et c’est encore sur fonds publics, subventionné par le Musée de Bretagne, Rennes Métropole et l’Institut culturel de Bretagne, que paraît l’énorme et coûteux ouvrage  Les Bretons, l’esprit valeureux et l’âme fière, luxueusement imprimé (en Chine), véritable outil de propagande identitaire selon Locarn, destiné à être diffusé dans toutes les écoles. L’esprit du Club Érispoë, voué à former les élites de la nation bretonne — telle que Patrick Le Lay et le lobby de Institut de Locarn la conçoivent. Et, bien sûr, Wikipédia est une arme de tout premier choix pour ces militants : l’histoire de Bretagne n’est plus que l’histoire telle que l’écrivent les nationalistes, avec pour uniques sources autorisées les productions des autonomistes.

Où sont les historiens qui protestent ?

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La freizh (suite)

Après les petits radis, la freizh… Eh oui, dommage, mais il faut bien prendre les choses comme elles se présentent.

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Mes commentaires sur la fraise de Plougastel changée en freizh par le lobby ultralibéral de Produit en Bretagne ont connu un succès spectaculaire : des milliers de lecteurs. Et tout ça pour quelques lignes sur un sujet à peu près totalement passé sous silence (si j’excepte, bien sûr, la propagande omniprésente pour Produit en Bretagne) et sur un site personnel surtout voué à la poésie et, qui plus est, sous des formes non académiques (la freizh, c’est un combat, c’est de la poésie brute, et à quoi bon écrire si ce n’est pour combattre l’écrasement de l’esprit sous la propagande ?).

Mon articulet n’a pas manqué de mettre les militants  bretons en fureur car, qu’ils soient de gauche ou de droite, la freizh leur est chère, ils l’aiment, elle correspond à leur goût et ils se reconnaissent absolument dans la freizh industrielle qui défile sous hermine. Le seul défaut de l’affiche, à leurs yeux, c’est qu’elle manque un peu de drapeau (mais, je vais me faire l’avocat du diable, à mon avis, trois hermines valent un gwenn-ha-du).

Quelle belle démonstration !

Et quelle merveilleuse illustration du déni de réalité sur lequel vivent ces militants !  Ce qui les a mis en fureur, ce n’est pas du tout l’évocation de l’affiche, la labellisation ridicule du moindre produit sur base néobretonne, l’asservissement d’une région à un lobby ultralibéral — pour eux, pas de problème, c’est bon c’est breton, on englobe tout dans le pack et vogue la Breizh : j’ai eu tort de ne pas l’apprécier mais ça ne tire pas vraiment à conséquence. Ce qui a provoqué la fureur, c’est (comme de coutume mais je n’en finis pas de m’en étonner) une phrase, une seule, une unique phrase, tout à la fin, rappelant l’origine de Breizh, dans l’orthographe fixée en 1941.

La leçon est claire et nette  : il ne faut surtout pas écrire que l’orthographe bretonne a été surunifiée en 1941. C’est un fait historique, d’ailleurs fièrement rappelé par Roparz Hemon et par Yann Fouéré (lesquels étaient, il faut tout de même le rappeler, des agents de la Gestapo) et c’est Roparz Hemon lui-même qui a écrit que l’orthographe avait été surunifiée « sur ordre des Allemands ». Mais il ne faut pas le mentionner. Pourtant, la fraise s’appelle la freizh par analogie avec Breizh, forme résultant de la surunification du breton sur ordre des nazis… Explication interdite. Pourquoi ? La réponse, elle aussi, est claire et nette : le mouvement breton dans sa quasi-totalité a collaboré sous l’Occupation : ce qui fait la spécificité de la Bretagne, c’est la présence d’un groupe organisé formant une toile d’araignée sur la région. Le mouvement breton a collaboré et s’est attiré, ce faisant, la haine des Bretons. S’il s’efforce coûte que coûte d’occulter le passé, c’est qu’il entend désormais parler au nom des Bretons, et qu’il le fait. C’est bien cette usurpation que je dénonce.

Les commentaires ne sont intéressants dans leur ensemble que par leur grossièreté machiste — vieille caractéristique héritée du passé du mouvement breton. Cependant,  l’un d’entre eux me semble digne d’être lu. Contrairement à l’usage des militants bretons, son auteur se nomme : dans la vie réelle, il vend des pizzas, produit peu breton qu’il s’est néanmoins efforcé de rendre identitaire en le plaçant sous le label Pizz ar Breizh Mad. Ce nom montre qu’il n’est pas même capable d’écrire correctement le breton surunifié, langue de sa nation, mais ça ne fait rien, il récite le parfait catéchisme du militant de base. Et la manière dont il retourne l’histoire mérite d’être prise en compte car cette inversion se change en lieu commun que je vois désormais partout réitéré (y compris par des élus, et l’endoctriné de base fait-il autre chose que répéter le credo ?).

Voici ses observations  :

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« Groupe de bretons nationalistes ralliés aux nazis, combien ? moins de 80 … contrairement aux français qui donnèrent la france, les juifs aux nazis.
Qui plus est, la Bretagne n’est qu’une colonie française et la france n’a aucun droit sur elle.
Dons, la Bretagne est toujours sous occupation française, c’est du droit, il n’y a aucun traité d’union et s’il existe …. ce qui me fait doucement rire par avance, que vaudrait la validité de ce traité ? rien, que dalle, il n’a jamais été respecté, dons la france dehors et Breizh debout et non pas marcher droit devant nos bons maîtres imposés et encore moins devant les collabos bretons dont vous faites partie. »
 
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Il ne faut pas considérer qu’il s’agit là du délire d’un zombie frappé  du « coup de Breizh », cette illumination qui change un citoyen lambda en militant breton prêt à tout pour sauver sa mère patrie opprimée par la marâtre France : cette réécriture de l’histoire est en voie de se banaliser.

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Je pensais m’en tenir à ce commentaire mais, finalement, les autres sont aussi captivants pour qui s’intéresse au syndrome de la freizh. Un lecteur, qui se désigne, lui aussi, par son nom (pratique étrangère au militant breton), un certain Jean-Charles Le Corre, éprouve le besoin de se pencher sur mon cas, et de m’inviter à me soigner car un Breton qui n’aime pas la freizh n’est pas un Breton normal, et, si c’est une Bretonne, elle a besoin d’une psychanalyse en règle pour se guérir de son absence de goût pour la freizh (ce qui se dit en langage brittophile « sortir de son merdier »). Après quoi, elle aimera la freizh et pourra « finir l’âme en paix ». Ce pieux vocabulaire est l’illustration exacte de ce que je n’ai fait que constater depuis que je me penche sur le problème : le mouvement breton est né dans les sacristies, de l’esprit de revanche contre la Révolution française, la Bretagne s’associant à la religion dans une espèce de bigoterie prête à resurgir à tout moment. La freizh aura été utile pour en donner un exemple.

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« Ah Mme Morvan!…Mme Morvan!… Z’êtes vraiment trop forte! Quelle digression! Partir d’une affiche vantant les mérites de la fraise de Plougastel pour en arriver aux collabos de l’an 40, moi je dis chapeau!… Grand à dû être le traumatisme Mme Morvan, hein? Devez pas rigoler tous les jours… Une petite analyse…pensez pas que ça vous ferait du bien? Essayer de vous sortir de ce merdier? Tâcher de finir l’âme en paix ? »
 
…;.

Un commentaire anonyme mérite qu’on s’y arrête aussi : on me demande si, moi qui suis si hostile à l’« identité bretonne », je serais d’une égale férocité avec les autres « identités », dont l’« identité française ».

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« L’esprit critique et le recul que vous avez vis à vis de l’identité bretonne s’applique t-il aux autres identités? par exemple, vis à vis de l’identité française? »

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Pour ces personnes soumises depuis des années à la propagande identitaire véhiculée par les médias bretons, l’identité bretonne, c’est donc la freizh mondialisée : adhésion totale à la propagande de l’Institut de Locarn, triomphe du « monde comme si »…

Qu’est-ce que l’identité bretonne ? La freizh !

Et l’identité française ? La freizh !

Car c’est dans le XIIIe arrondissement, sur un quai de métro, que mon identité s’est brusquement manifestée par un cliché antifreizhien que j’ai ensuite accompagné des quelques lignes qui devaient être partagées par tant de lecteurs.

Qu’ils en soient remerciés.

L’identité, pour moi, c’est comme la race : un concept creux. La freizh.

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Comme le débat continue, voir « La freizh (suite et peut-être pas fin) ».

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La vraie vie du livre

Faire vivre une collection de poésie pour enfants n’est pas simple par les temps qui courent et n’était déjà par simple du temps de Robert Desnos, qui passait pour un branquignol, ce qu’il est peut-être encore d’ailleurs aux yeux des poètes en place. Mais voir arriver les enfants qui demandent ce livre, et pas un autre, et qui vous récitent tout le début du livre, un livre qu’ils veulent avoir pour savoir le poème jusqu’au bout…

La saga des petits radis est une fable sur les enfants cachés — je l’ai écrite après avoir écouté l’histoire d’un vieux monsieur juif qui avait fui la rafle du Vel d’Hiv’ — mais il n’est pas utile de le savoir : c’est juste une fable.

Le merveilleux, le grand sérieux des enfants, qui vous écoutent…

Ils sont capables de tout comprendre sans mots et les mots justes les rassurent, leur donnent une assurance qui permet d’aller plus avant.

Merveilleuse expérience que le salon du livre de Saint-Loubès où j’ai pu retrouver beaucoup d’enfants qui avaient demandé à leurs parents de venir.

Et quel plaisir de voir Florie, l’illustratrice rêvée pour ce livre, dessiner des radis pour que chaque enfant se souvienne non seulement du livre mais des expositions, des enregistrements, des jeux, de la pièce de théâtre, sans parler du lexique des petits radis et des devinettes…

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… la vraie vie du livre.

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Rencontre au Théâtre Gérard Philipe

 

 

 

 

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Dimanche 12 avril à 18 heures au Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis, rencontre au sujet des Trois sœurs avec Jean-Yves Ruf et les comédiens (après le spectacle qui commence à 15 h 30).

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La Saga des petits radis

 

Rencontre au salon Lis tes ratures en compagnie de Florie Saint-Val avec les  enfants qui ont travaillé toute l’année sur La Saga des petits radis,  leurs parents et leurs amis.

C’est aussi l’occasion de leur donner la copie de leurs poèmes avec les photos dédicacées de leur classe…

et de présenter la collection Coquelicot.

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Un monde en partage : Tchekhov

Je reçois avec quelque retard la copie d’une interview demandée par La Croix sur Tchekhov.

Miracle, le texte publié me semble conforme à celui que j’avais envoyé, alors même qu’on m’avait demandé des modifications, des éclaircissements, des notes explicatives, et ainsi de suite…

Quel soulagement, il est là dans son état natif, tout bête, tout simple, et disant tout uniment ce que j’avais envie de dire…

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« Voilà maintenant bientôt un quart de siècle que nous traduisons Tchekhov, André Markowicz et moi.

Cher Anton Pavlovitch, pas une minute d’ennui, pas une ombre de déception, un humour plein de délicatesse, un art de vous réserver des surprises et des trouvailles inattendues, même après vingt-cinq ans, qui dit mieux ?

Un auteur sans vanité, un compagnon aux ressources inépuisables, un trésor de sagesse, capable de vous faire un petit pied de nez au détour d’une réplique et d’amener des metteurs en scène à ne pas chercher depuis plus d’un siècle le chant du butor étoilé qu’il a pourtant mis au cœur de La Cerisaie… Menus signes de complicité, sans importance et pourtant jamais dénués d’importance, donnant au fil du temps une impression de compagnonnage…

Au moins en cette vie avons-nous eu la chance de traduire Tchekhov – nous devrions penser chaque jour à l’en remercier et à nous mettre enfin à rassembler les nouvelles que nous avons laissées çà et là éparses, à traduire ses lettres sans nous borner à celles qui éclairent les pièces. En fait, le théâtre de Tchekhov est un monde en soi et nous avons l’impression de l’avoir parcouru en partant de Platonov en 1990 pour arriver à Platonov, qui a mis fin en octobre 2014 à notre traduction de son théâtre complet, un peu comme on fait le tour du monde, remettant chaque œuvre sur le métier, affinant les traductions au fil du travail avec les metteurs en scène.

Tout ce que nous apprenait une pièce nous permettait de mieux voir les autres, et de mieux entendre les comédiens qui leur donnaient vie : c’est en traduisant et en retraduisant La Cerisaie en 1992 que nous avons compris que la version originale de la pièce, la version rédigée par Tchekhov et non revue à la demande de son metteur en scène, nous semblait plus intéressante que la version définitive ; c’est en traduisant et en retraduisant La Mouette trois ans plus tard que nous avons décidé de donner la version originale et la version académique de chaque pièce (c’est-à-dire le texte original remis par Tchekhov à la censure, texte jusqu’alors inconnu en français, et le texte définitif revu à la demande des metteurs en scène) ; et c’est, pour finir, ce qui nous a amenés à donner la version intégrale de Platonov, pièce sur laquelle nous revenions pour la quatrième fois : le jeune Tchekhov avait tenté de supprimer tout ce qu’il pouvait de ce monstre de dix heures pour le rendre jouable, mais ce qui avait été coupé était passionnant, apportait un éclairage nouveau sur l’ensemble – trésor où puiser pour un metteur en scène, détails pleins d’intelligence, à supprimer peut-être mais à garder en mémoire pour orienter le jeu de l’acteur…

Lorsque nous avons été invités à proposer une traduction de Tchekhov pour clore le cursus de la première promotion de l’École de traduction littéraire du Centre national du livre, nous avons d’abord pensé donner trois scènes d’amour à traduire aux stagiaires, puis une seule scène d’amour et, pour finir, nous avons passé quatre heures à ne pas traduire mais simplement essayer de rendre sensibles les miroitements intérieurs des premières répliques de La Mouette – une scène d’amour complètement ratée, six ou sept répliques, mais si riches, si complexes, si fines dans leur légèreté, ouvrant chacune sur un monde… C’est ce monde que nous avons eu l’immense chance de parcourir. Puissions-nous encore le donner en partage ! »

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