La gwerz

Et dire que j’ai oublié d’annoncer l’émission sur la gwerz (autrement dit, la ballade, le genre majeur de la chanson en breton) qui a été diffusée aujourd’hui sur France-Inter

Une émission enregistrée cet été par Charlotte Perry, entre deux émissions sur la Résistance, et qui prend une présence étrange quand on comprend soudain que, pour la première fois, elle rend compte d’abord de l’immense protestation que portent ces chansons trahies par le Barzaz Breiz (j’ai déjà évoqué le cas ici à propos de Marie de France).

 Je n’avais pas du tout mesuré la force de ces chansons et l’ampleur de cette trahison ; j’avais juste trouvé merveilleux de pouvoir parler hors de toute censure d’un genre dont j’avais bien tardivement vu émerger les thèmes profonds et, premier entre tous, ce grand thème des femmes rebelles ou plus précisément de la grande injustice faire aux femmes.

La gwerz d’Anna Le Gardien que j’ai trouvée dans la collecte du père d’Anatole Le Braz, et que j’ai traduite par passion pour le répertoire des mendiantes de haute Cornouaille m’est revenue là comme non pas intacte mais magnifiée — une pure splendeur rendue à sa source par Annie Ebrel qui a trouvé une mélodie cornouaillaise mélancolique pour cette chanson de rébellion. Le plus beau est peut-être que cette émission ait été enregistrée dans l’église de Loc-Envel, où les figures des sablières répondent si merveilleusement aux paroles des longs récits chantés que je ne sais pas toujours distinguer qui vient d’un rêve, d’un lai, d’une gwerz ou d’une simple image où je retrouve un ami perdu.

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.Ce qui est surtout extraordinaire dans cette émission, c’est la présence du lieu, l’énigme de cette présence, et la manière incisive d’en finir avec le romantisme pour ouvrir la gwerz au présent : une énigme — une fois mis à part les oripeaux mystico-folkloriques dont on l’affuble — appelant à une recherche nouvelle, une forme de vie…

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Quand nous avons composé le recueil qui a fini par s’appeler Anciennes complaintes de Bretagne, j’ai cherché quelles images pouvaient illustrer ces chansons et j’ai été sidérée de voir les personnages surgir des images des chapelles…

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Ici, l’émission semble naître des personnages de l’église qui sont devenus pour moi comme des amis, perdus et retrouvés. Entre tous, le petit personnage au ventre bleu qui tient ses genoux dans ses mains et pense à la marche du monde sous son chapeau doré…

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NB : Cet article m’a valu un commentaire auquel j’ai répondu à la fin de la page consacrée à la fausse gwerz écrite par La Villemarqué à partir du « Lai du rossignol » de Marie de France.

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Tiens, mais c’est que mon article se trouve être d’une actualité frémissante : le bicentenaire de la naissance de La Villemarqué ! Surtout, ne manquez pas de regarder le film où, entre deux chants appelant à la liberté de la Bretagne, on nous expose que le vicomte de La Villemarqué (père du nationalisme breton) a transformé la révolte des paysans contre « les seigneurs » en révolte contre « les Français ». Nous n’avons pas fini de jouir des hommages au Grand Lama de la ménagerie celtique, comme le disait Luzel. 

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Melvan et Marie Le Franc

Je viens de recevoir le n° 12 de Melvan, extraordinaire revue publiée par des habitants d’Hoedic et de Houat avec la collaboration des personnes intéressées par tout sujet concernant les deux îles : l’exemple même d’un travail passionnant mené à partir de recherches sur des thèmes concrets, nouveaux, inattendus et qui font des deux îles un univers plus qu’un microcosme.

Cette année, j’ai été amenée par Pierre Butin, le directeur, à présenter l’œuvre et la personne de Marie Le Franc, un auteur auquel je m’intéressais de longue date mais dont je ne connaissais pas tous les livres. De la Bretagne au Québec et retour…  J’ai eu la chance de pouvoir travailler à partir des photos que l’arrière-petite-nièce de Marie Le Franc a eu la gentillesse de mettre à ma disposition.

Et c’est aussi l’occasion de découvrir le monde fascinant de l’anatife, de la balane et de la sacculine, de plonger dans les registres paroissiaux du XVIIIe, de découvrir les fortifications et le portrait d’un kabyle des deux îles — le tout aussi surprenant que possible, remarquablement informé, rédigé, présenté et illustré.

Cette revue donne une idée de ce que pourrait être une culture bretonne dégagée du poids de l’identitaire et du nationalisme. On a l’impression de respirer le souffle du large en la lisant (ou la relisant, car certains articles sont une véritable mine d’informations).

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Contes de Provence

Après les Contes de Haute-Bretagne de Paul Sébillot et les Contes de Basse-Bretagne de François-Marie Luzel, les Contes de Provence de Frédéric Mistral reparaissent en collection de poche.

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L’œuvre de Mistral est née de la parole de sa mère, de son plaisir d’écouter le provençal chanté, conté ou raconté et de lui restituer sa poésie en écrivant :  il s’est attaché tout au long de sa vie, à publier dans l’Almanach provençal des légendes, des contes facétieux et de grands contes merveilleux qui forment la plus belle collecte de Provence.

Chose étonnante si l’on considère la dévotion des militants à la cause des langues et cultures minoritaires, cette collecte avait été tout à fait négligée : indifférence à la culture populaire, indifférence à la littérature et à la vie — car Mistral est un excellent prosateur et un observateur très fin de la Provence. Le provençal, voué à disparaître sous l’occitan surunifié, si l’on tient compte du dispositif de la charte des langues régionales, a été magnifiquement servi par Mistral, et je suis particulièrement heureuse d’avoir donné la première édition de sa collecte (avec l’aide de Claude Mauron, dont la biographie de Mistral, à présent introuvable, aurait bien dû reparaître en 2014, pour le centenaire de la mort du plus grand écrivain provençal).

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La freizh (suite et peut-être pas fin)

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Voilà quelque temps, rentrant paisiblement du Théâtre du Nord, je me trouve face à une affiche parmi tant d’autres, ni plus ni moins stupide peut-être, mais supposée donner par la fraise une image de l’identité bretonne fabriquée par le lobby patronal breton (Produit en Bretagne) à partir du kit nationaliste (la fraise devient la freizh comme la Bretagne devient Breizh, conformément à l’orthographe nationale du breton, fixée sur ordre des nazis en 1941). L’affiche a été détournée par des situationnistes, les Parisiens tournent le dos à cette freizh débile qui leur est imposée comme un espoir de plaisir labellisé pur breton : je prends une photo parce qu’au moins, ça soulage.

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Et j’écris un petit article à ce sujet dans les actualités de ce site.

Qui aurait pu croire que cet article serait lu par des milliers de lecteurs ? Des nationalistes furieux, qui me valent quelques flots d’invectives de plus, bien sûr, mais aussi des lecteurs qui me soutiennent et m’apportent des commentaires, des informations, des références intéressantes.

J’ai donné la parole aux uns (les partisans de la freizh), maintenant, je donne la parole aux autres. Il va de soi que, vu le contexte, je ne peux pas indiquer le nom des lecteurs qui me soutiennent (et je ne publie jamais aucun commentaire sans avoir demandé à son auteur s’il acceptait que son nom apparaisse).

Une observation pour commencer :

« Sur la « Freizh » et l’affiche, je me permets ce petit apport : les belles fraises sont disposées comme autant de bonnets rouges… » 

Eh oui ! C’est vrai. La freizh est un produit local comme la révolte des Bonnets rouges, le logo de Produit en Bretagne se lisant sous la freizh et le bonnet.

Amenée par mes lecteurs à poursuivre mon enquête, j’ai découvert que la publicité pour la freizh Savéol pouvait être encore plus explicite. D’abord, nous avons les Bretons typiques changés en freizh : le couple parfait, coiffe, chapeau à guides, et trogne rougeaude car rustique, et puis l’alcool, c’est bien connu, est de tradition dans cette région festive…

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Nos Bretons typiques sont si vrais qu’ils méritent de figurer sous le regard des photographes venus pour faire un reportage sur les autochtones. Pure vision du couple breton éternel, tel qu’en lui-même la freizh le change…

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Qui aurait pu imaginer pareille illustration du Monde comme si  ?

Les nationalistes fulminaient contre Bécassine, la Bretonne qui n’a pas de bouche : Produit en Bretagne fait mieux, pas de bouche et surtout rien pour voir et pour entendre. Les Bretons freizhifiés peuvent être dispensés de sentir les odeurs de lisier, c’est leur récompense, pas besoin de sentir.

Un autre message :

« Tout à fait d’accord avec vous. De plus, on ne répètera jamais assez que, comme une grande partie des productions de fruits et légumes Savéol, « Prince de Bretagne » et compagnie, la fraise « de Plougastel » pousse hors sol et est gorgée de pesticides, engrais, et autres délicieuses friandises chimiques, vraisemblablement siglées Monsanto ou équivalent multinational… 

Bonjour le terroir !! 

Bonne continuation, et bon courage. » 

Et, peu après l’avoir reçu, je découvre un appel au préfet à classer la commune de Plougastel en « site pollué ».

« Après avoir été introduit, au début des années 60 sur la commune de Plougastel-Daoulas, le film plastique à usage agricole, dit de paillage, présente aujourd’hui toutes les caractéristiques d’une pollution généralisée. C’est à des fins de productivité accrue de l’activité de maraîchage en pleine terre et d’amélioration des conditions de travail que son usage a explosé, couvrant jusqu’à 600 ha de terres agricoles rien que pour la culture de fraises... »

Le plastique ne se dégrade pas mais se délite, se mêle à la terre et à l’eau…

Une lectrice m’adresse des références montrant que Le canard enchaîné dénonce depuis longtemps mais en vain les ravages de l’agriculture industrielle en Bretagne.

« A propos de freizh et tomates Savéol, voici quelques « conflits de canard » instructifs relatifs à l’agriculture bretonne … « de terroir », bien sûr ! :

* 12 juin 2013 : sur l’utilisation d’insecticides non autorisés

https://app.box.com/s/60yd388clld9oskv5m86

* 8 avril 2015 : sur les subventions européennes à Savéol

https://app.box.com/s/uve96kmiy9rv17dn7wae2n6bdvds0224

* 18 juin 2013 : Résultat de cette agriculture intensive : les algues vertes

https://app.box.com/s/xi398y4e4qxitzjqdcos

* 18 mars 2015 : La Cooperl et « ses » bactéries :

https://app.box.com/s/ab6264u90ip39j5f3lda2mnk8ilpedm7

* 19 décembre 2012 : le faux lait frais de lactalis

https://app.box.com/s/mhnihovnd25jifu6isl3

Et j’en oublie certainement … Bref, voici comment transformer un « tas de caillou » (géologiquement parlant) en région n°1 de l’agroalimentaire … »

L’histoire aussi peut être enfreizhée : le dolmen Savéol a quelque chose de guerrier, le clan freizh s’unissant pour porter le glorieux chef à feuillette en casque gaulois. Ouvert en deux mais toujours fringant, sous la caution des hermines.

 

 

Un lecteur m’écrit, ayant bien compris le problème de fond :

« Bravo pour vos analyses et votre courage face à la bêtise et la brutalité des identitaires de « gauche » (??????) comme de droite ». 

La question est bien celle de la gauche avec kyrielle de points d’interrogation.

Et un autre, qui sait bien que la freizh n’est qu’un symptôme :

 « Attendez vous à entendre parler, chère Françoise Morvan, de « Breizh Creative » (sans accent sur le e, voyons !). C’est le futur site internet, annoncé pour la fin de l’année, de la création audiovisuelle bretonne. Après la « Breizh touch »… »

Il va de soi que la freizh s’inscrit dans une entreprise globale de mise en coupe réglée de la Bretagne, l’identitaire destiné à faire vendre étant le vecteur d’une américanisation à marche forcée.

Il me reste à apporter une nouvelle petite pierre à l’édifice, une expérience toute personnelle : faisant mes courses en urgence et cherchant un dessert qui me dispense d’effort culinaire, je tombe sur une pile rutilante de boîtes de fraises agréablement disposées pour que chacun semble y puiser comme à un bienfait allant de soi et requis pour la saison. Arrivée à domicile, je découvre que ma rutilante acquisition, c’est la freizh.

Ne reculant ni devant la palinodie ni devant la contradiction, je goûte la freizh, je sers la freizh, avec chantilly, sucre glace et citron. Non seulement elle a un goût médiocre mais elle est souvent creuse.

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Luzel : Contes de Basse-Bretagne

Les Contes de Basse-Bretagne de Luzel viennent de m’arriver en format de poche. Heureuse nouvelle car j’avais passé l’année 2007 à donner une édition des contes de Basse-Bretagne et de Haute-Bretagne pour la collection « Les grandes collectes ». Je n’avais pas mesuré la difficulté du travail dans le cas de Luzel et Sébillot — il fallait relire des centaines de contes, choisir parmi des dizaines de variantes de contes types et ne pas risquer de lasser le lecteur en donnant des contes dont les personnages et les motifs pouvaient sembler trop proches.

Il en est résulté quatre volumes, les Contes de Haute-Bretagne de Sébillot, les Contes de Basse-Bretagne de Luzel et deux volumes auxquels je tiens particulièrement, Fantômes et dames blanches (la collecte de contes fantastiques de Luzel) et Fées des houles, sirènes et rois de mer (l’étonnante collecte de Sébillot sur la côte nord de la Bretagne, la saga des fées des grottes de la mer — une collecte unique au monde…). Les deux derniers volumes sont chroniquement épuisés. Les deux premiers l’étaient aussi. Plutôt que de les réimprimer, l’éditeur a décidé de les faire passer en collection de poche.

Les Contes de Haute-Bretagne ont reparu cet hiver.

J’attendais avec impatience les Contes de Basse-Bretagne car les deux volumes sont complémentaires. Lorsque j’ai étudié ces deux collectes, j’ai été frappée par la différence de  traitement pour les mêmes contes types dominants et j’ai donc composé les volumes en miroir.

Les Contes de Basse-Bretagne sont une introduction à l’édition des œuvres de Luzel en 17 volumes que j’ai donnée aux Presses universitaires de Rennes : la base de données qui figure à la fin permet de retrouver les contes dans les 12 volumes de contes de cette édition. C’est une introduction et un outil de travail mais aussi un livre qui donne des chefs d’œuvre du conte. Même après avoir édité les contes de Luzel,  je n’avais pas assez pris en compte l’importance des grands contes merveilleux. Cela, je l’ai mieux saisi en publiant les Contes et légendes des régions de France. L’œuvre de Luzel est vraiment exceptionnelle. Celle de Sébillot aussi d’ailleurs : la différence est que j’ai donné une édition méthodique de la collecte de Luzel, ce qui m’a valu l’exécration des nationalistes, et que celle de Sébillot est en déshérence. Un fait qui, à soi seul, en dit plus long que de longues démonstrations.

J’avais déploré la reparution en collection de poche des volumes de la collection « Les grandes collectes » et, finalement, les livres sont tout aussi lisibles, plus légers, avec une maquette plus élégante : un exploit de Laurence Morvan, de Thierry Jégu et de la CPI Firmin-Didot (et je suis reconnaissante à mon éditeur de faire travailler un imprimeur français, et l’un des héritiers de la grande tradition de l’imprimerie).

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Contes des régions de France

Je viens de recevoir le premier exemplaire des Contes et légendes des régions de France, un livre magnifique, tout argenté.

Quand les éditions Ouest-France m’ont commandé ce livre, j’ai trouvé intéressante cette proposition de partir des régions où des collectes  folkloriques avaient été effectuées  pour faire un tour de France par les contes et les légendes. Je ne mesurais pas à quel point les régions diffèrent…

C’était l’occasion de prolonger la collection « Les grandes collectes » (qui est en train de passer peu à peu en format de poche) et, pour moi, d’aborder quelques collectes que je n’ai pas encore éditées (les contes du pays basque, de Corse, du Berry) en les mettant en relation avec les autres et en orientant les lecteurs vers les éditions qui existent.

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Molières : merci, Emmanuelle !

Premier jour de répétitions : après le travail à la table...

Tout le monde m’écrit pour me faire savoir qu’Emmanuelle Devos a reçu le Molière de la meilleure comédienne pour son interprétation du rôle de la Générale dans Platonov mis en scène par Rodolphe Dana et qu’elle a fait applaudir les traducteurs… Incroyable mais vrai, eh oui, pourtant !

Alors que le Molière de la traduction a été supprimé (je dois dire que nous l’avons eu, pour Platonov justement) et que les critiques de théâtre omettent le plus souvent le nom des traducteurs, une telle attention est une sorte de miracle, un signe de reconnaissance,  et qui ne nous concerne pas seulement nous, mais tous les traducteurs.

Merci, Emmanuelle !

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La découverte ou l’ignorance

Je reçois un message qui m’apprend que le film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance, sera diffusé pour la première fois sur TVRennes, Tébéo et TébéSud demain jeudi 30 avril à 20 h 35.

Le film a eu le Grand Prix du documentaire historique 2014.

C’est un document tout à fait exceptionnel sur un sujet  tenu dans l’ombre.

Vincent Jaglin évoque l’histoire de ses grands-oncles, militants nationalistes bretons engagés au Bezen Perrot, et ouvre une réflexion sur l’idéologie du mouvement nationaliste breton.

La dernière partie du film ayant été coupée à la demande des producteurs, un débat organisé après le film était supposé permettre d’aborder l’actualité du sujet.

Vincent Jaglin a refusé d’y participer, les  « spécialistes » invités au débat étant Christian Bougeard, l’un de ses étudiants et Jean-Michel Le Boulanger : depuis des années, Christian Bougeard minimise les responsabilités du mouvement nationaliste breton et Jean-Michel Le Boulanger  les réduit à une peau de chagrin. Ce dernier, vice-président du conseil régional en charge de la Culture, écrit, dans son essai, Être breton ? que la « collaboration de quelques-uns » a fâcheusement jeté l’« opprobre sur tout le mouvement breton » innocent de toute compromission... C’est tout dire.

Dans la catégorie « débat breton » (autrement dit, débat permettant de court-circuiter toute possibilité de débat réel sur un sujet breton) nous avons donc toute chance d’avoir un document intéressant.

Le film a donné la parole à l’historien autonomiste Kristian Hamon qui a eu le mérite de reconnaître que le mouvement breton dans sa totalité avait collaboré. Il est vrai qu’il a reconnu aussi la présence du Bezen à Bourbriac, dans un élan de franchise qu’il a par la suite déploré, lançant à ce propos une polémique qui n’est pas sans intérêt non plus pour comprendre le mouvement breton actuel.

En tout cas, il fallait du courage pour mener à bien un tel film, et rompre l’omerta en une période où la réécriture de l’histoire devient la norme.

Voilà quelques informations supplémentaires telles que je les ai reçues…

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DATES DE REDIFFUSION
(et en replay sur les sites de chaînes)


Jeudi 30 avril : 20h45 et 23h15
Samedi 2 mai : 21h30
Dimanche 3 mai : 15h00
Mardi 5 mai : 15h00, 20h45, 23h15
Samedi 16 mai : 15h00


Vendredi 1er mai : 11:00 et 23:00
Samedi 2 mai : 14h30


Vendredi 1er mai : 14h00
Samedi 2 mai : 18h30
Dimanche 3 mai : 14h30

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PETIT AJOUT À TITRE DE CONCLUSION

Le film a été présenté enlisé dans un pseudo-débat visant à en court-circuiter le sens. La censure s’est donc doublement exercée :

  1. Par suppression dans le film de la conclusion originale qui faisait le lien avec l’actualité et, entre autres, avec la promotion du nationalisme breton par le lobby patronal soutenu par les élus (sept coupes ont été exigées par les chaînes TVRennes, Tébéo et TV Sud — notamment au motif qu’étant sponsorisées par Produit en Bretagne, elles ne pouvaient pas critiquer ce lobby…).
  2. Par travestissement des faits, à savoir l’habituel travestissement de la doxa autonomiste : le présentateur a commencé par indiquer qu’une infime partie du mouvement breton avait collaboré, minimisation qui interdit toute réflexion sur les faits  réels ; le discours pontifiant des historiens, précédant et suivant le film, ainsi soumis à  la lecture prophylactique des vraies autorités, est venu, comme il fallait d’y attendre, assurer que l’actuel mouvement breton n’a rien à voir avec ce regrettable épiphénomène, le tout aboutissant pour finir à promouvoir l’essai de Jean-Michel Le Boulanger, Être breton ? — lequel dit, en somme, l’exact contraire du film.

Ainsi, une fois de plus, la censure a-t-elle interdit tout débat sur le problème que le film visait pourtant à poser, à savoir la promotion actuelle sur fonds publics d’une idéologie fondamentalement inchangée et qui a conduit des jeunes gens fanatisés à s’enrôler sous uniforme SS, en relation avec l’ensemble du mouvement nationaliste, avec le soutien des prétendus régionalistes modérés qui ont poursuivi leur combat après-guerre à leurs côtés.

Ils récoltent à présent les fruits de ce pseudo-combat breton, et tel est bien le problème qu’il s’agissait d’occulter.

Opération réussie — à cela près que le débat était si ennuyeux que la plupart des téléspectateurs ne l’ont pas suivi ou n’en ont rien retenu. Mais la production massive de discours serviles sert à empêcher que soient posées les vraies questions, et tel était d’abord le but poursuivi.

Censure par suppression, censure par enlisement : rien que d’ordinaire désormais en Bretagne.

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Réécriture de l’histoire en Bretagne

 

De l’extrême droite à l’extrême gauche, le même discours, la même apologie de nationalistes collaborateurs des nazis qui se sont fait passer pour résistants…

Et l’on voit un autonomiste comme Kristian Hamon attaquer le film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance, nier les crimes du Bezen Perrot à Bourbriac et Plougonver, reprendre sans fin les mêmes polémiques pour discréditer des recherches authentiques sur la Seconde Guerre mondiale et se faire élire au Comité directeur de l’ANACR et de l’ADIRP, associations de défense de la mémoire de la Résistance !

Oui, l’ANACR 35 qui s’associait naguère à la protestation contre l’attribution du nom du collaborateur Paul, dit Polig, Monjarret au collège de Plescop élit à son Comité directeur…  Hamon — qui s’était chargé de blanchir Monjarret !

Et ce même Hamon fait publier dans Le Peuple breton, journal autonomiste qui se proclame de gauche, un texte qui nie le racisme des militants de Breiz Atao, leur dérive nazie, le soutien apporté par les Allemands sous l’Occupation, et, tout étant bon dans le nationalisme et le capitalisme breton,  nie dans la foulée l’ultralibéralisme du lobby patronal de l’Institut de Locarn… Ce texte mérite d’être lu comme expression de l’idéologie de la gauche autonomiste

Pauvre Résistance ! 

Pour illustrer ce cynisme dans le confusionnisme, nous avons aussi l’indépendantiste Mervin qui accuse mensongèrement l’un des  jeunes résistants assassinés avec les camarades de mon père le 16 juillet 1944 — et l’indépendantiste Lemoine qui n’a jamais vu de nazis mais fraternise avec les SS du Bezen Perrot.  La même apologie de Lemoine se trouve sur le site Breiz Atao et sur le site 7Seizh, « gauche » et extrême droite unies.

Il me semble important de décrypter le discours nationaliste au moment où la mainmise du mouvement breton sur la culture ne fait que s’alourdir : c’est à l’autonomiste Monnier  (qui s’était chargé avec Hamon de réhabiliter Polig Monjarret — voir la protestation de la Ligue des Droits de l’Homme au sujet de la censure exercée à ce propos — et qui est l’auteur d’un scandaleux essai assimilant Résistance et combat breton) que le conseil régional socialiste a commandé un film sur l’histoire de la Bretagne, film actuellement diffusé dans les écoles sur fonds publics et destiné à être mis en ligne sur le site du conseil régional. Et c’est encore sur fonds publics, subventionné par le Musée de Bretagne, Rennes Métropole et l’Institut culturel de Bretagne, que paraît l’énorme et coûteux ouvrage  Les Bretons, l’esprit valeureux et l’âme fière, luxueusement imprimé (en Chine), véritable outil de propagande identitaire selon Locarn, destiné à être diffusé dans toutes les écoles. L’esprit du Club Érispoë, voué à former les élites de la nation bretonne — telle que Patrick Le Lay et le lobby de Institut de Locarn la conçoivent. Et, bien sûr, Wikipédia est une arme de tout premier choix pour ces militants : l’histoire de Bretagne n’est plus que l’histoire telle que l’écrivent les nationalistes, avec pour uniques sources autorisées les productions des autonomistes.

Où sont les historiens qui protestent ?

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La freizh (suite)

Après les petits radis, la freizh… Eh oui, dommage, mais il faut bien prendre les choses comme elles se présentent.

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Mes commentaires sur la fraise de Plougastel changée en freizh par le lobby ultralibéral de Produit en Bretagne ont connu un succès spectaculaire : des milliers de lecteurs. Et tout ça pour quelques lignes sur un sujet à peu près totalement passé sous silence (si j’excepte, bien sûr, la propagande omniprésente pour Produit en Bretagne) et sur un site personnel surtout voué à la poésie et, qui plus est, sous des formes non académiques (la freizh, c’est un combat, c’est de la poésie brute, et à quoi bon écrire si ce n’est pour combattre l’écrasement de l’esprit sous la propagande ?).

Mon articulet n’a pas manqué de mettre les militants  bretons en fureur car, qu’ils soient de gauche ou de droite, la freizh leur est chère, ils l’aiment, elle correspond à leur goût et ils se reconnaissent absolument dans la freizh industrielle qui défile sous hermine. Le seul défaut de l’affiche, à leurs yeux, c’est qu’elle manque un peu de drapeau (mais, je vais me faire l’avocat du diable, à mon avis, trois hermines valent un gwenn-ha-du).

Quelle belle démonstration !

Et quelle merveilleuse illustration du déni de réalité sur lequel vivent ces militants !  Ce qui les a mis en fureur, ce n’est pas du tout l’évocation de l’affiche, la labellisation ridicule du moindre produit sur base néobretonne, l’asservissement d’une région à un lobby ultralibéral — pour eux, pas de problème, c’est bon c’est breton, on englobe tout dans le pack et vogue la Breizh : j’ai eu tort de ne pas l’apprécier mais ça ne tire pas vraiment à conséquence. Ce qui a provoqué la fureur, c’est (comme de coutume mais je n’en finis pas de m’en étonner) une phrase, une seule, une unique phrase, tout à la fin, rappelant l’origine de Breizh, dans l’orthographe fixée en 1941.

La leçon est claire et nette  : il ne faut surtout pas écrire que l’orthographe bretonne a été surunifiée en 1941. C’est un fait historique, d’ailleurs fièrement rappelé par Roparz Hemon et par Yann Fouéré (lesquels étaient, il faut tout de même le rappeler, des agents de la Gestapo) et c’est Roparz Hemon lui-même qui a écrit que l’orthographe avait été surunifiée « sur ordre des Allemands ». Mais il ne faut pas le mentionner. Pourtant, la fraise s’appelle la freizh par analogie avec Breizh, forme résultant de la surunification du breton sur ordre des nazis… Explication interdite. Pourquoi ? La réponse, elle aussi, est claire et nette : le mouvement breton dans sa quasi-totalité a collaboré sous l’Occupation : ce qui fait la spécificité de la Bretagne, c’est la présence d’un groupe organisé formant une toile d’araignée sur la région. Le mouvement breton a collaboré et s’est attiré, ce faisant, la haine des Bretons. S’il s’efforce coûte que coûte d’occulter le passé, c’est qu’il entend désormais parler au nom des Bretons, et qu’il le fait. C’est bien cette usurpation que je dénonce.

Les commentaires ne sont intéressants dans leur ensemble que par leur grossièreté machiste — vieille caractéristique héritée du passé du mouvement breton. Cependant,  l’un d’entre eux me semble digne d’être lu. Contrairement à l’usage des militants bretons, son auteur se nomme : dans la vie réelle, il vend des pizzas, produit peu breton qu’il s’est néanmoins efforcé de rendre identitaire en le plaçant sous le label Pizz ar Breizh Mad. Ce nom montre qu’il n’est pas même capable d’écrire correctement le breton surunifié, langue de sa nation, mais ça ne fait rien, il récite le parfait catéchisme du militant de base. Et la manière dont il retourne l’histoire mérite d’être prise en compte car cette inversion se change en lieu commun que je vois désormais partout réitéré (y compris par des élus, et l’endoctriné de base fait-il autre chose que répéter le credo ?).

Voici ses observations  :

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« Groupe de bretons nationalistes ralliés aux nazis, combien ? moins de 80 … contrairement aux français qui donnèrent la france, les juifs aux nazis.
Qui plus est, la Bretagne n’est qu’une colonie française et la france n’a aucun droit sur elle.
Dons, la Bretagne est toujours sous occupation française, c’est du droit, il n’y a aucun traité d’union et s’il existe …. ce qui me fait doucement rire par avance, que vaudrait la validité de ce traité ? rien, que dalle, il n’a jamais été respecté, dons la france dehors et Breizh debout et non pas marcher droit devant nos bons maîtres imposés et encore moins devant les collabos bretons dont vous faites partie. »
 
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Il ne faut pas considérer qu’il s’agit là du délire d’un zombie frappé  du « coup de Breizh », cette illumination qui change un citoyen lambda en militant breton prêt à tout pour sauver sa mère patrie opprimée par la marâtre France : cette réécriture de l’histoire est en voie de se banaliser.

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Je pensais m’en tenir à ce commentaire mais, finalement, les autres sont aussi captivants pour qui s’intéresse au syndrome de la freizh. Un lecteur, qui se désigne, lui aussi, par son nom (pratique étrangère au militant breton), un certain Jean-Charles Le Corre, éprouve le besoin de se pencher sur mon cas, et de m’inviter à me soigner car un Breton qui n’aime pas la freizh n’est pas un Breton normal, et, si c’est une Bretonne, elle a besoin d’une psychanalyse en règle pour se guérir de son absence de goût pour la freizh (ce qui se dit en langage brittophile « sortir de son merdier »). Après quoi, elle aimera la freizh et pourra « finir l’âme en paix ». Ce pieux vocabulaire est l’illustration exacte de ce que je n’ai fait que constater depuis que je me penche sur le problème : le mouvement breton est né dans les sacristies, de l’esprit de revanche contre la Révolution française, la Bretagne s’associant à la religion dans une espèce de bigoterie prête à resurgir à tout moment. La freizh aura été utile pour en donner un exemple.

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« Ah Mme Morvan!…Mme Morvan!… Z’êtes vraiment trop forte! Quelle digression! Partir d’une affiche vantant les mérites de la fraise de Plougastel pour en arriver aux collabos de l’an 40, moi je dis chapeau!… Grand à dû être le traumatisme Mme Morvan, hein? Devez pas rigoler tous les jours… Une petite analyse…pensez pas que ça vous ferait du bien? Essayer de vous sortir de ce merdier? Tâcher de finir l’âme en paix ? »
 
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Un commentaire anonyme mérite qu’on s’y arrête aussi : on me demande si, moi qui suis si hostile à l’« identité bretonne », je serais d’une égale férocité avec les autres « identités », dont l’« identité française ».

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« L’esprit critique et le recul que vous avez vis à vis de l’identité bretonne s’applique t-il aux autres identités? par exemple, vis à vis de l’identité française? »

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Pour ces personnes soumises depuis des années à la propagande identitaire véhiculée par les médias bretons, l’identité bretonne, c’est donc la freizh mondialisée : adhésion totale à la propagande de l’Institut de Locarn, triomphe du « monde comme si »…

Qu’est-ce que l’identité bretonne ? La freizh !

Et l’identité française ? La freizh !

Car c’est dans le XIIIe arrondissement, sur un quai de métro, que mon identité s’est brusquement manifestée par un cliché antifreizhien que j’ai ensuite accompagné des quelques lignes qui devaient être partagées par tant de lecteurs.

Qu’ils en soient remerciés.

L’identité, pour moi, c’est comme la race : un concept creux. La freizh.

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Comme le débat continue, voir « La freizh (suite et peut-être pas fin) ».

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Publié dans Autonomisme, Bretagne, histoire, Institut de Locarn, Le monde comme si, nationalisme, Poésie, résistance, Traduction, ultralibéralisme | Marqué avec , , , , | Laisser un commentaire