Sur champ de sable (2)

Au 3e rang : Loïc Rescanière, Macha Kouznetsova, Nicole Mersey, Giulia Deline, Jean-Yves Ruf, Françoise Morvan. Au 2e rang : Lise Chevalier, Sylvain Levitte, Nina Nkundwa. Au 1er rang : Sarah Oppenheim, Stéphanie Grosjean, André Markowicz, Camille Roy, Steven Fafournoux

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Le stage se termine (hélas) vendredi soir au Théâtre des Asphodèles. Nous avons décidé de risquer, à titre d’expérience, une mise en voix du premier livre de Sur champ de sable. C’est une gageure — une histoire sans récit, sans personnages et sans narrateur qui, au moment où j’annonce ce spectacle sans spectateurs, durera on ne sait pas combien de temps. Peut-être une heure, peut-être une heure et demie…

En tout cas, ça commence à 15 heures vendredi au Théâtre des Asphodèles, rue Saint-Eusèbe, dans le troisième arrondissement de Lyon. Tous les amis sont conviés, ainsi que les inconnus.

Il s’agissait, d’après l’intitulé du stage, de « sortir du poème » : si l’expérience est réussie, on n’aura pas du tout besoin d’y revenir, on aura juste une manière de mettre en résonance des images qui viennent du fond de l’enfance et qui sont à tous.

La poésie est très prétentieuse parce qu’on en fait un mauvais usage, et que des cercles autorisés l’amènent à s’écarter de plus en plus loin de ce qui lui donne vie, mais elle peut aussi en s’effaçant laisser surgir des formes nouvelles, et c’est ce que le travail d’acteur, porté sur un terrain qui ne lui est pas habituel, peut permettre. Voilà en quoi consiste cette expérience, selon moi, vraiment vitale.

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Un immense merci aux stagiaires qui m’ont donné l’un des plus grands bonheurs de ma vie. Alors que nous étions tous à nous dire que rien n’était prêt, qu’il y avait une lenteur,  une raideur, une manière convenue de dire la poésie qui montrait qu’il nous aurait fallu encore deux semaines de travail, soudain, eh oui, soudain, nous avons vu éclore un spectacle où tout était fluide, où chacun donnait le meilleur de soi et restait à l’écoute des autres, un vrai travail choral d’où les textes sortaient comme neufs, lustrés de vie. Nous étions tous émerveillés, aussi bien Jean-Yves, à qui ce miracle doit beaucoup, que Nathalie, qui dirige les Chantiers nomades, et André, qui a consacré deux chroniques sur Facebook à cet événement… et qui en parle bien mieux que moi.

 

 

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Sur champ de sable (1)

 

 

Et voici les Chantiers nomades commencés au Théâtre des asphodèles… phrase qui, à elle seule semble ouvrir sur les arrières-fonds mystérieux de cette expérience de poésie hors de la poésie.

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La manière dont les acteurs donnent à entendre ces textes en les posant dans le temps de la parole comme on graverait sur l’eau est un vrai miracle.

 

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Le songe d’une nuit d’été

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Le songe d’une nuit d’été se joue à Ivry, dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau dont la première a eu lieu l’été dernier au Théâtre du peuple de Bussang. Chose exceptionnelle, des journalistes mentionnent la traduction… C’est toujours une heureuse surprise de découvrir que le texte est pris en compte

Lors de la première, j’avais retrouvé un article que j’avais écrit sur ce travail de traduction, et je l’ai un peu corrigé.

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Les mistoufles (4)

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Après Les mistoufles 1 (petits soucis)

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Les mistoufles 2 (chansons douces)

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Les mistoufles 3 (chansons atroces)

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…voici Les mistoufles 4 (animaux rares, animaux bizarres)

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Le premier volume des Mistoufles a été enregistré par les élèves de CM2 de l’école Jean Macé de Villefranche-sur-Saône.

Le deuxième volume a été enregistré par les élèves de CE1/CE2 de l’école Charles Faroux de Compiègne.

Le volume 3 a été enregistré par les élèves de CM2 de l’école Madeleine Rebérioux de Chambéry…

et le volume 4 par les élèves de CM1-CM2 de l’école Charlie Chaplin de Redon.

Le disque peut être entendu sur le site de la compagnie L’unijambiste et j’ai rédigé une page sur cette expérience, page que je complète au fur et à mesure que l’expérience avance.

Voici ce qu’indique le dossier qui a été préparé par Pascale, l’institutrice en charge des deux classes :

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Cette fois-ci, toute l’école s’était associée pour participer au projet, même les petits de maternelle qui s’étaient pris de passion pour le souricate, le pleurodèle, le grizzly du Canada et l’oryx algazelle.

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Les grands, non contents de mettre mes poèmes en musique, avaient réalisé de véritables tableaux à partir de ces animaux étranges, et ils avaient même réalisé à partir de leurs modelages un film d’animation.

Le disque, l’exposition de leurs travaux et le film étaient l’occasion d’inviter tous les élèves et leurs parents au théâtre de Redon pour une rencontre suivie d’un goûter — belle occasion d’ouvrir l’école au théâtre et le théâtre à l’école.

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Je dois dire que je me suis bien amusée. Et le plus beau moment pour moi a été celui où l’un des élèves est venu me dire qu’il me remerciait pour les poèmes… C’était dit avec timidité et résolution, avec surtout beaucoup de délicatesse.

Une rencontre avec les élèves avait été prévue et les questions étaient remarquablement organisées. Elles portaient surtout sur cet étrange métier d’écrivain qui n’en est pas un, sur ma manière d’écrire, et sur, en somme, ma bizarre carrière d’amateur d’animaux bizarres.

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En fait, ce qui a été bien perçu par les petites filles qui ont mis en musique la chanson de l’oryx algazelle, c’est que j’avais écrit ces textes pour montrer la disparition des animaux sur la planète, l’extinction d’espèces qui n’existent plus que dans les zoos (c’est le cas de l’oryx algazelle)… Il s’agissait de montrer sous forme de fable un monde étrange et vrai, plus vrai que les histoires de Tom et Jerry, et plus cruel aussi parce que sans happy end. Du fait que les textes qui accompagnaient les chansons n’étaient pas présents, les chansons avaient l’air juste drôle et entraînant, ce qu’elles étaient mais pour dire autre chose… Dommage que je n’aie pas pu rencontrer l’institutrice et les enfants avant la remise du disque. D’autant que tous sans exception savaient par cœur ces poèmes qui pouvaient passer pour difficiles.

Tout ça ne rend que plus touchant le travail graphique effectué à partir des poèmes…

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Et le travail de recherche… par exemple, sur les cichlidés du lac Victoria, un poème mélancolique qui a été illustré par une longue fresque dont l’image centrale est vraiment magnifique, et je le dis après avoir revu le film d’Hubert Sauper, Le cauchemar de Darwin, qui a été à l’origine de ce texte.

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Il est, en fin de compte, sans doute heureux que les sens seconds de ces fables pas vraiment joyeuses aient été mis à distance et que les allusions affleurent où l’on veut les mettre : « La maclotte du lombric » a trouvé avec les élections présidentielles une actualité que je n’avais pas pu prévoir et certains s’écroulent de rire à l’idée d’y voir un portrait d’un candidat dont la rivale se voit aussi dépeinte — sans parler des doubles sens attribuables aux uns et aux autres.

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Marie de France à la Comédie française

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Plusieurs lecteurs m’ont signalé que le lien vers l’enregistrement des Lais et des Fables de Marie de France à la Comédie française était désormais inactif.

L’émission devait être rediffusée, ce qui m’aurait permis de rétablir le lien et surtout de la télécharger, ce que j’avais malencontreusement omis de faire, mais, en fin de compte, j’ai eu l’autorisation de mettre cette émission en ligne sur mon site. Merci à France culture (et d’abord à Blandine Masson).

On pourra l’écouter sur la page que j’ai consacrée à Marie de France, mais je ne résiste pas au plaisir de mettre l’enregistrement en ligne ici même.

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Le prix Libbylit

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Un lecteur me signale que La fenêtre de Kenny a reçu le prix Libbylit. Ou plutôt que les trois premiers albums de Sendak que j’ai traduits ont reçu le prix Libbylit (j’en ai traduit sept en sept mois et, à mon avis, le meilleur est le dernier, Ouvrir la porte aux papillons). Enfin, tout ça s’est sans doute décidé à l’automne.

Alarmée à l’idée d’avoir à participer à des cérémonies d’attribution de prix, je consulte la page à quoi mène le lien qu’il m’indique. La nouvelle, de fait, apparaît dans Le Monde :

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« Pourquoi choisir entre les merveilles qu’a déjà exhumées MeMo parmi ces albums ignorés de Maurice Sendak (1928-2012) qu’on ne saurait réduire au cultissime Max et les Maximonstres (1963) ? Aussi ce sont trois titres qu’a distingués la Foire du Livre de Bruxelles dans son palmarès Libbylit : Un trou c’est pour creuser, ce « premier livre de définitions premières » où Sendak se contentait d’apporter son humour graphique aux textes élaborés par Ruth Krauss et les enfants qu’elle avait sollicités pour ces réjouissantes formules explicatives (« La figure, c’est bien pour faire des grimaces » ou « une fête, c’est pour rendre les enfants heureux ») ; Loin, très loin qui anticipe la fugue de Max, lorsque le petit Martin, en conflit avec ses parents, part à l’aventure le temps d’apprendre la patience ; mais aussi La Fenêtre de Kenny, premier album dont le créateur new-yorkais signe à la fois le texte et l’image en 1956. Un jardin nocturne, sept énigmes à résoudre posées par un coq perché sur un train, qui sont autant de pistes initiatiques pour faire la part de l’intime et de l’universel. Pionnier et déjà magistral.

P-J. C.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Morvan, éditions MeMo/Les Trésors de Sendak, 72 pages, 17 €. »

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Apparemment, c’est la Foire du Livre de Bruxelles qui a attribué la mention spéciale du prix Libbylit à La fenêtre de Kenny, Loin, très loin et Un trou, c’est pour creuser.

 Le prix Libbylit semble être un prix assez important, d’après Ricochet, site spécialisé dans ce qu’on appelle la « littérature jeunesse ».

Mon éditeur est-il au courant ?

Je vais voir sur son site. Eh oui ! C’est écrit :

« MeMo primé à Bruxelles pour sa réédition de l’œuvre de Maurice Sendak »

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Bizarre, l’illustration est extraite de Funambule, un livre qui ne figure pas dans la sélection  du jury et le texte invite à venir rencontrer à la foire du livre de Bruxelles… Mélanie Rutten qui signera ses livres.

Le spectre de la cérémonie s’étant éloigné, je profite de l’occasion pour faire un petit tour sur le site de l’éditeur, et je constate que les trois livres primés sont présentés sans mention de traducteur.

 

 

 

 

J’avais déjà signalé ce problème, car l’ATLF (l’Association des traducteurs littéraires de France) a obtenu que les éditeurs fassent figurer les noms des traducteurs sur leurs sites au même titre que les noms des auteurs.

Par un hasard que les surréalistes nantais auraient qualifié d’objectif, je venais de recevoir un questionnaire d’une doctorante sur « l’intraduction au sein des éditions MeMo ».

Le questionnaire était le suivant :

  • Que pensez-vous de la politique de traduction des éditions MeMo ?
  • Combien de titres avez-vous traduit pour le compte de la maison ?
  • Pouvez-vous nous décrire votre travail avec cet éditeur ? Comment naissent les projets ?
  • Vous arrive-t-il de proposer des projets de traduction ?
  • Diriez-vous que les livres que vous traduisez répondent à une fonction patrimoniale ? En quoi ?
  • La politique de traduction de MeMo (dans le cadre des collections « Classiques étrangers pour tous » et « Les grandes rééditions ») se situerait-elle du côté de la réédition, de la réinvention, ou de l’hybridité ?
  • Nous savons que plusieurs éditions de Baba Yaga ont été faites en France, de par son caractère patrimonial. En quoi cette nouvelle traduction est-elle différente de celles proposées par d’autres éditeurs français ?
  • Plusieurs des intraductions sont des contes. Quelle est votre stratégie pour faire ressortir l’oralité d’un conte à travers une traduction ?
  • Quel est le rapport de la maison avec les traducteurs ?
  • Un des ouvrages a-t-il une particularité dont vous souhaiteriez nous parler ?

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Après avoir découvert que je faisais de l’intraduction et que j’étais supposée avoir une stratégie pour faire ressortir l’oralité des contes à travers mes intraductions à fonction patrimoniale hybride, j’ai surpris le démon de la farce en train de me souffler des réponses aussi surréalistes que ces questions et j’ai réussi, non sans peine, à le faire taire. Je venais juste d’indiquer que je ne voyais pas que répondre lorsque j’ai appris que mes intraductions à fonction patrimoniale avaient bénéficié du prix Libbylit, ou plutôt avaient, dans une bien modeste mesure, permis à mon éditeur de bénéficier du prix Libbylit.

Voilà donc de quoi apporter une réponse concrète au questionnaire.

Et je précise que MeMo est l’un des meilleurs éditeurs de livres pour enfants non seulement en France mais en Europe.

Un grand merci au lecteur qui m’a informée de l’attribution du prix Libbylit !

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À la suite de cet article, les éditions MeMo ont fait figurer le nom du traducteur sur la présentation des livres…

 

 

 

Pour être objective, je dois noter que le nom du traducteur figurait déjà sur la notice de l’un des livres de la série.

 

 

 

 

 

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Marie de France à l’université

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Joyeuse rencontre autour des Lais de Marie de France : ce qui devait être une conférence à la Maison des sciences de l’homme de Rennes s’est changé en rencontre improvisée avec les étudiants de première année car, ayant omis de demander confirmation de la date de la conférence, j’avais prévu tout à fait autre chose. Mais c’était sans doute mieux : découvrant à 9 heures que je devais intervenir à 11 heures, j’ai oublié toute érudition et cela m’a permis d’être beaucoup plus ouverte aux interrogations des étudiants. Certains étaient déjà de vrais spécialistes, capables d’évoquer Wace et Geoffroy de Monmouth. Les autres, dans leur immense majorité, n’avaient aucune opinion et ne connaissaient rien à la littérature médiévale. Je pensais qu’ils avaient passé l’année à étudier les Lais mais non, le livre faisait partie d’un cursus intitulé Poésie et narration et qui rassemblait sous cet intitulé, aussi étrange que cela puisse paraître, Marie de France, La Fontaine, Hugo et Perros. La Fontaine aurait peut-être apprécié cette alliance de la carpe et du lapin mais là n’était pas la question. En fait, ce qui justifiait ma présence, c’est que Nathalie Rannou, qui avait pris ce cours en charge, avait été surprise de découvrir que la traduction des Lais proposée pour un cours sur Poésie et narration était la traduction universitaire du Livre de poche qui était assurément utile pour déchiffrer les Lais mais qui privait le texte de toute poésie.

Petit exemple qui m’a été demandé, le début du « Lai du rossignol » :

« Une aventure vus dirai

dunt li Bretun firent un lai

l’Aüstic a nun, ceo m’est vis

si l’apelent en lur païs

ceo est russignol en franceis

et nihtegale en dreit Engleis »

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Traduction de Laurence Harf-Lancner :

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« Je vais vous raconter une aventure

dont les Bretons ont tiré un lai

qu’ils nomment Le laüstic, je crois,

dans leur pays,

c’est-à-dire Le rossignol en français

et The nightingale en bon anglais. »

;

C’est, selon la méthode française, de la prose mais présentée en allant à la ligne car le texte original est en vers.

Et voici ce que j’en avais tiré, selon ma méthode, consistant à garder du texte médiéval tout ce que je pouvais, pourvu que l’octosyllabe à rimes plates soit conservé, et le sens immédiatement accessible :

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« Une aventure vous dirai

Dont les Bretons firent un lai

Le “Laüstic”, ce m’est avis,

L’appellent-ils en leur pays,

Soit dit “Rossignol” en français

Et “Nightingale” en bon anglais. »

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Loin de moi l’idée de blâmer la traduction de Laurence Harf-Lancner, mais, en l’occurrence, il ne s’agissait pas de donner un cours d’initiation à la littérature médiévale. Les étudiants, amenés à découvrir les Lais tels que je les avais traduits avaient été soudain touchés par une sorte de grâce (qui est celle de Marie et qui peut toucher même des enfants très jeunes, comme l’a montré le film d’animation réalisé à partir du « Lai du bisclavret ») et l’idée leur était venue de m’inviter. Ce qui était extraordinaire était la manière dont les questions des étudiants, focalisées sur le problème de la traduction (je ne l’avais pas du tout cherché) touchaient juste.

Nous partions d’un texte du XIIe siècle porté par une forme musicale. Or, comment pouvait-on imaginer traduire le sens en laminant la forme qui était constitutive du sens ? L’étudiante candide qui m’a dit hésiter à poser cette « question bête » (c’est ainsi qu’elle l’a qualifiée elle-même) pouvait-elle imaginer qu’elle mettait au jour la question essentielle, à laquelle je me suis longtemps efforcée de répondre en traduisant — mais, comme André Markowicz, dans une espèce de vide sidéral, et la mesure de ce vide est d’ailleurs donnée par le fait que, depuis cinq ans, ce cours était donné sans susciter la moindre interrogation.

J’ai découvert que l’université de Rennes 2 avait consacré un cursus et même une soirée poétique à Marie de France qui, par ailleurs, a bénéficié d’une rue près de l’université. Il est, en effet, possible d’acheter un petit pavillon rue Marie de France, tout à côté de la rue de la Fée Viviane, à l’angle de la rue de Brocéliande, un peu plus bas que la rue de l’Enchanteur Merlin. C’est une sorte de lotissement qui est bordé, je l’ai découvert à cette occasion, d’une très longue rue Joseph Martray. Difficile de trouver mieux comme illustration du Monde comme si. Les militants bretons me reprochent de voir des nazis partout : avec Joseph Martray nous avons un bel exemple de collaborateur des nazis, qui a poursuivi jusqu’au bout, aux côtés de Yann Fouéré, son combat en faveur d’une Europe des ethnies. Je ne l’ai pas cherché mais, hélas, je suis bien obligée de le voir — et de voir que Martray, ainsi promu par une municipalité socialiste, fait bon ménage avec l’imaginaire arthurien, lequel plonge aussi dans les émanations méphitiques de la celtomanie. Marie de France mise au service de cette idéologie, eh oui, hélas encore… C’est justement pour m’opposer à cette exploitation de son œuvre que je l’ai traduite. On ne risque pas de m’inviter à faire part de mes travaux.

Il fallait du courage pour organiser cette rencontre à la Maison des sciences de l’homme, je ne m’en rendais pas vraiment compte. J’en suis d’autant plus reconnaissante à Nathalie Rannou, Jeanne Vauloup et Romain Courapied qu’en prévision de cette rencontre j’avais demandé à France culture la copie de l’émission consacrée aux Lais et aux Fables à la Comédie française et que je l’ai obtenue, avec l’autorisation de la diffuser sur ce site.

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POST SCRIPTUM

Puisque ce texte est lisible en ligne, je ne saurais trop recommander la lecture hilarante de la communication arthurienne d’un érudit venu d’Oklahoma disserter à l’université de Rennes de ce que cet éminent médiéviste appelle un « objet », à savoir un tumulus. Le mot « hoge » employé par Marie est un mot d’origine normande. Problème : comment faire pour le celtiser ? La méthode est simple : compter les tumuli, les cairns et les allées couvertes de basse Bretagne. Conclusion : « La forte concentration de ces objets dans le monde celtique de l’ouest de la France invite à supposer que Marie a pu visiter cette région ». Le raisonnement est, évidemment, un peu difficile à suivre car le fait qu’il « survit en Côtes d’Armor seules environ 140 sites mégalithiques » (qui ne sont, à trois exceptions près, pas des tumuli) ne signifie pas que Marie ait fait le tour des sites mégalithiques pour écrire « Le lai d’Yonec »… Y compris parmi les celtomanes, qui pense encore que ces « objets » sont celtiques ? Mais, ça ne fait rien, exit la « hoge », surgit le Celte.

Le plus comique (pour ceux toutefois qui sont amateurs de comique universitaire) est que  « Le lai d’Yonec » est un lai situé : l’action se passe à Caerwent, Marie le précise dès le début et le redit à la fin ; pour mieux situer l’action dans le lieu et dans le temps, elle note que le seigneur se rend à Caerleon pour la saint Aaron — donc à neuf miles de là pour le 1er juillet (saint Aaron était honoré à Caerleon). Elle donne même le nom de la rivière de Caerwent…  Oui, mais elle la nomme la Duëlas et aucune rivière nommée Duëlas ne passe à  Caerwent. Ô joie pour les tenants des voyages de Marie en Basse-Bretagne, il ne peut s’agit que de la Daoulas et Caerwent serait une ville bretonne à découvrir, nouveau mystère, nouvel exploit !

Mais non, j’apporte ici la réponse à cette énigme qui a fait couler tant d’encre dans les eaux de la Duëlas : le mot (en breton daou laz) signifie deux courants,  deux affluents ; or le nom ancien de la ville de Winchester est Caerwent et la caractéristique principale de la ville est de se situer à la jonction de deux bras d’une rivière à présent appelée l’Itchen. Marie s’est donc renseignée et a attribué à Carwent en Galles la caractéristique de la ville de Caerwent alias Winchester.  Cela montre qu’elle travaillait à partir d’écrits et ne se croyait pas tenue d’aller courir les tumuli.

Tout se passe au sud du pays de Galles, comme elle l’indique, et le terme « hoge »  a été choisi intentionnellement pour son côté mystérieux afin d’évoquer le royaume des morts. Le mot apparaît quatre fois dans le lai mais nulle part ailleurs dans toute l’œuvre de Marie (certains copistes l’ont transposé en « cave » ou « haie » parce qu’ils ne le comprenaient pas).

.Je note d’ailleurs que Laurence Harf-Lancner traduit le mot « hoge »par « colline », ce qui est une erreur car ce que Marie désigne, c’est une butte, un tumulus, lieu mystérieux associé à la mort depuis la préhistoire. Cette erreur est intéressante puisqu’elle montre que le fait de respecter la forme du poème n’induit pas d’imprécision, comme on le pense généralement.

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Babel heureuse

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Le lancement de la nouvelle revue poétique Babel heureuse a eu lieu. Et l’on peut y entendre Incandescence, tout en lisant les textes à partir desquels j’avais écrit le spectacle

Affaire à suivre car je prépare la suite pour l’été prochain. 

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Eugène Onéguine

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Une fois de plus, j’interprète le rôle de Tatiana. Cette fois, c’est pour le CD qui vient de paraître aux éditions Thélème ; Daredjan Markowicz, qui connaît pas cœur les six mille cinq cents vers du roman de Pouchkine, dit le texte en russe, et André dit sa traduction en venant s’appuyer sur les sonorités du russe.

C’est une belle expérience, et qui s’inscrit à point nommé dans les polémiques actuelles sur la traduction : reprenant sans fin la même vieille argumentation, des traducteurs que l’on pourrait dire institutionnels assurent que les textes en vers doivent être transposés en prose ou en vers libre (lequel vers libre n’est que de la prose) car respecter la forme du texte original ne serait qu’une singerie contraire au bon goût français. Il suffit d’écouter le CD pour constater que c’est faux.

.Le 

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La tâche poétique du traducteur

 

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Et voilà terminé le colloque que les organisateurs ont eu le courage d’ouvrir « à partir d’Armand Robin », et qui s’est tenu à l’Hôtel de Lauzun, puis à l’université Paris-Diderot (stupéfiant passage des ors de Pimodan aux fumées d’usine sur le ciel de Paris). C’était remarquablement organisé  et intéressant parce qu’on assiste désormais à un vrai travail pour sortir de la mystique de la poésie et de traduction (les communications de Valery Kislov, qui a traduit La disparition de Pérec, de Georges-Arthur Goldschmidt et d’Olivier Mannoni, entre autres, avaient le mérite de nous faire entrer dans l’atelier du traducteur). Ce que j’ai essayé de rappeler « à partir d’Armand Robin », c’est que l’opposition entre le Poète et le traducteur, comme entre le génie et le tâcheron, l’artiste et l’artisan, est totalement artificielle, et qu’elle repose sur une absence de prise en compte du travail du texte comme travail de poésie qui induit des conséquences désastreuses (telles que le plagiat, toléré, voire encouragé — ce qui a été  à l’origine de cette communication).

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