Rencontre à la librairie Les champs magnétiques

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Demain à 19 h 30, nous présenterons les livres de la saison IV des éditions Mesures à la librairie Les champs magnétiques, 80 rue du rendez-vous, dans le XIIe arrondissement, près de la place de la Nation – une librairie qui a obtenu le label Librairie indépendante de référence décerné par le CNL et le ministère de la Culture et qui, de fait, en toute indépendance soutient nos livres depuis le début. 

Le libraire a donné une synthèse des livres dont nous parlerons, et je trouve qu’ils forment une sorte de constellation improbable où tout se répond et trouve vie par ces reflets en miroir. Ils se répoondent parce qu’ils sont tous à leur manière une forme de résistance…

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Publié dans Éditions Mesures, L'oiseau loup, Les Enfants de la guerre, Librairie, Littérature, Photographie, Rencontre, Signature, Sonnets, Traduction, Yvonne Kerdudo | Laisser un commentaire

Le culte des racines

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Je viens de recevoir mes exemplaires d’auteur du « libelle » intitulé Le Culte des racines » (à quoi l’éditeur a ajouté et l’Europe des régions pour rendre la problématique plus claire) : de fait, mon propos était bien d’attirer l’attention sur l’étonnante fabrication de régions à identité dite forte, régions qui seraient vouées à prendre leur autonomie (en attendant l’indépendance) en raison même de cette « identité » qui plongerait dans des « racines » issues du substrat de la race (mais le mot race est désormais proscrit, parlons d’ethnie). 

J’avais commencé voilà déjà longtemps à me pencher sur la fabrique identitaire en Bretagne – j’avais écrit Le Monde comme si pour protester contre l’enrôlement de la littérature, de l’art, de l’histoire, de la musique, du cinéma, de la langue bretonne, de la danse, de la broderie, du pâté, que sais-je, dans une vaste croisade. Or, dans le temps même que je constatais l’impossibilité d’ouvrir le moindre débat sur ce sujet en Bretagne, je voyais en Belgique, en Espagne, en Grande-Bretagne les mêmes revendications identitaires aboutir aux mêmes résultats : le régionalisme destiné à permettre aux régions à identité de cultiver leurs racines aboutissait à l’autonomisme lequel cédait graduellement place au séparatisme…

J’avais pu constater en lisant les déclarations des militants bretons depuis les origines (ce qui n’avait pas été une partie de plaisir) que leur but était naturellement l’indépendance de la nation qu’ils entendaient libérer au nom des racines celtes qui étaient supposé lui avoir donné naissance. C’était un discours raciste, naturellement issu des sérails les plus réactionnaires (ce qui explique que le mouvement breton ait massivement collaboré avec les nazis) mais qui était repris par la gauche alliée aux autonomistes eux-mêmes alliés aux écologistes, le culte des racines unissant pour finir l’extrême gauche et l’extrême droite dans une grand-messe partout célébrée à grands frais. 

Les discours du patronat local (qui avait tout intérêt à se libérer des lois de la République) donnaient au culte des racines une signification politique assez évidente.  Mais personne ne semblait avoir le droit de la voir – là était le problème essentiel pour moi : l’éclatement de la France en ethnorégions pleines de racines fabriquées pour la célébration du culte allait de soi et ne suscitait qu’une adhésion indifférente. Qui s’y opposait n’avait pas voix au chapitre et si, d’aventure, il se faisait entendre, sa voix était aussitôt étouffée. 

Je méditais sur cette situation de consensus, de censure et de propagande en relisant le voyage en URSS de Panaït Istrati lorsque un événement est venu me montrer à quel point de gravité la situation en était arrivée : le Musée de Bretagne avait organisé une exposition intitulée Celtique ? – exposition qui en donnant la parole à des « spécialistes » engagés dans le combat identitaire aboutissait à produire une propagande officielle absolument conforme à ce que pouvait attendre le lobby politico-affairiste (dont le rôle n’était, bien sûr, jamais mentionné). Or, cette propagande ne suffisait encore pas : les nationalistes, à l’initiative d’Alan Stivell (qui, après avoir présidé glorieusement l’exposition, s’est soudain aperçu qu’elle posait des questions malvenues) ont exigé (et obtenu aussitôt) que les notices de l’exposition soient récrites. La question interdite, celle que l’exposition avait pour but de rendre plus impossible que jamais à poser, était celle de l’usage du Celte, autrement dit de la fabrique du leurre. 

Je suis sortie de cette exposition avec un sentiment de honte – voir le buste gaulois de Paule, les objets de la Tène, associés aux horreurs à triskells mauves et aux gueulements bardiques, avec l’ignoble Morvan Lebesque pour conclure le tout, donnait l’impression d’être sali. 

C’est un peu pour me nettoyer de cette crasse identitaire qu’en quelques jours j’ai écrit ce libelle, et je m’en suis trouvée rassérénée. Je suis donc heureuse qu’il soit paru et j’en remercie Antoine Böhm qui m’a soutenue amicalement et m’a donné l’impression qu’enfin, oui, il était possible de protester et d’être entendu. 

Qu’il provoque la fureur des militants, les menaces, les invectives, les habituelles calomnies et les tentatives d’initimidation, il faut s’y attendre, mais puisse-t-il éveiller la conscience de quelques personnes qui aient, à leur tour, le courage de protester.  

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Étrange coïncidence, à l’instant même où je terminais cette brève présentation, je suis tombée sur la vidéo montrant le maire de Carhaix, l’autonomiste Christian Troadec, inaugurant ce jour le Salon du livre (créé à l’initiative de terroristes du FLB) par un discours glorifiant tout à la fois l’Écosse allant vers son indépendance (modèle assigné aux Bretons) et Alan Stivell, réveilleur de la conscience ethnique des Bretons. Le tout sur fond de haine de la France, avec rendez-vous en 2032 (l’année qui effacera 1532, l’année fatale de l’union de la Bretagne à la France). Et sur fond de fierté du Nous triomphant. Nul éditeur français n’est autorisé au Salon du livre de Carhaix : seuls les éditeurs autochtones et publiant des auteurs assez serviles pour se soumettre sont admis.

Difficile de trouver meilleure illustration de l’instrumentalisation de la culture en Bretagne et meilleure illustration du Culte des racines.

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Rencontres à Trouville

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Vendredi 3 novembre à 19 h 30 a lieu la projection du film de Vincent Jaglin La Découverte ou l’ignorance, projection suivie d’un débat auquel je suis invitée à participer. 

Cet événement, totalement impossible, je veux dire impensable, en Bretagne où la projection même de ce film relève de l’exploit, sera suivi, le lendemain, d’une rencontre à l’excellente librairie L’usage du papier qui présente depuis longtemps les livres des éditions Mesures. Je devrais pouvoir dédicacer mon essai Le Culte des racines dont les premiers exemplaires seront alors, j’espère, arrivés en librairie (il doit paraître le 3 novembre dans la collection « Libelle » des éditions du Seuil). C’est un petit complément du Monde comme si dont la réédition est en cours aux éditions Actes Sud.

Cette rencontre résulte elle-même d’une extraordinaire rencontre car cet essai est véritablement la suite du film de Vincent Jaglin – cette suite que les chaînes bretonnes de production avaient censurée en le contraignant à couper les quelques phrases que je prononçais à ce propos. Phrases d’une actualité plus brûlante que jamais… 

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Nazis et terroristes

Ces jours derniers, j’ai relayé sur le site du Groupe information Bretagne deux courageuses protestations contre la réhabilitation de militants nationalistes bretons engagés dans la collaboration avec les nazis. 

D’abord, la protestation de deux élues de Trégastel contre l’exposition en hommage à Marcel Le Toiser, protestation qui n’a pas du tout empêché l’exposition des toiles ringardes de ce nazi et a abouti à la stupéfiante déclaration du maire de Trégastel : « Faudrait-il condamner les pamphlets de Céline ? » De Le Toiser à Bagatelles pour un massacre, toute une conception de la culture…

Ensuite, la protestation du journaliste Uki Goñi dans le Gardian contre la carrière offerte par l’Irlande nationaliste à Louis Feutren, l’un des chefs du Bezen Perrot, qui a pu en toute impunité enseigner dans un collège catholique, maltraiter ses élèves et (entre autres) se montrer glorieusement photographié en uniforme de Waffen SS. Pour la première fois, les conséquences de la rat line celtique montée par Fouéré et ses acolytes est dénoncée, et justement par l’auteur d’un essai sur la filière d’évasion mise en place par les réseaux catholiques vers l’Argentine (La Véritable opération Odessa ). C’est ce que j’avais commencé de montrer à la fin de Miliciens contre maquisards. 

Et voici que les nationalistes bretons célèbrent Pierre Lemoine qui vient de disparaître – un terroriste de la mouvance Fouéré, l’un des fondateurs du FLB (Front de Libération de la Bretagne) en relation avec les vieux nazis réfugiés en Irlande. Spécialiste du double jeu à l’instar de Fouéré, Lemoine avait réussi à se donner une image de résistant, image utile pour camoufler ses engagements à l’extrême droite (ne le voit-on pas en 1958, membre du MOB, parader avec le SS Jegaden, un membre du Bezen Perrot pas plus repenti que les autres, et  au 11e congrès d’Adsav aux côtés de Pierre Vial, le fondateur de Terre et Peuple ?). Spécialiste, lui aussi, de l’intimidation (vieille méthode des militants nationalistes), il m’avait menacée de procès lorsque j’avais rappelé les origines de la Charte des langues minoritaires, concoctée par la Fédération Peuples et Ethnies solidaires (FUEV à présent FUEN) qu’il a durablement présidée. Menaces et invectives – reprises tant par la « gauche » que par l’extrême droite nationaliste – surtout utiles pour n’avoir pas à répondre sur les faits. Il est d’ailleurs intéressant de regarder l’hommage que lui rend la Fédération Peuples et Ethnies solidaires relayant les nationalistes de l’Agence Bretagne Presse (le texte est en allemand : essayez de le lire en français, vous serez édifié sur les conceptions linguistiques de ces glottophiles militants).

Réseaux ethnistes (la FUEV), réseaux affairistes (le CELIB), réseaux nationalistes d’extrême droite (le MOB et ADSAV), réseaux terroristes (le FLB), réseaux interceltiques, le tout au service de la religion catholique et de la Celtie voulue par Dieu : une toile d’araignée qui s’est tramée au lendemain de la Libération à partir des réseaux mis en place sous l’Occupation et qui n’a pas cessé de se développer. Cette idéologie mortifère se banalise et s’impose à présent avec l’appui des institutions. Le Monde comme si appelait à vigilance : l’aveuglement est à présent la règle. Et la Bretagne le lieu de cette régression. 

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Gwenn-ha-du

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Plusieurs lecteurs m’ont adressé le scan d’un article paru dans la nouvelle revue du Conseil régional, une luxueuse revue intitulée dont j’ignorais l’existence. L’article qui les a indignés est intitulé (en majuscules) « LE GWENN-HA-DU EST UN DRAPEAU TRADITIONNEL ». L’article dit, en fait, le contraire comme on pourra le voir, mais ne nous étonnons pas, il s’agit de propagande : nous sommes dans le monde comme si du nationalisme breton.

Cet article s’inscrivait si bien dans la continuité du troisième chapitre de ma Petite chronique d’un été breton que j’ai décidé de le mettre en ligne précisément pour montrer comment procède la fabrique identitaire développée par la propagande officielle en Bretagne. 

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Ce texte a été produit par une nouvelle instance créée par le Conseil régional, décidément très porté sur les initiales : BCD (pour Culture Bretagne Diversité). Cet organisme a naturellement pour fonction d’éliminer toute diversité. C’est une sorte de ministère de l’Identité qui délivre la vérité sur tout sujet ayant trait à la Bretagne. Laisser s’exprimer une voix dissidente : jamais ! Tout est hermétiquement verrouillé. Entre le Conseil culturel et BCD (où souvent siègent les mêmes) la Bretagne est prise sous une chape de propagande faussement aimable voire versatile qui s’alourdit de jour en jour. 

Il m’a semblé intéressant de rendre public cet article du dogme tel qu’édicté par la Voix du Pouvoir et de le mettre en relation avec la vérité des faits tels qu’elle peut être énoncée par un observateur étranger au culte du fétiche national.   

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Celtitude

Pour faire suite à la dernière  « Petite chronique d’un été breton », je reproduis ici l’article qui est paru ce mois-ci dans le journal Bretagne-Île-de France (dont il faut souligner le courage), puis l’article du rédacteur en chef qui le prolonge. 

Au moment où le conseil régional de Bretagne réclame l’autonomie au nom d’ « une identité spécifique » qui se serait « enracinée » « au carrefour des mondes celtique, latin et anglo-saxon », il n’est pas inutile de remettre les pendules à l’heure. Surtout face à la propagande de plus en plus envahissante…

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Après le Festival vo-vf, rencontre à la librairie Le Failler

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©Michel Gheude

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Salle comble hier pour entendre en anglais (dits par Matthew Vanston), en français et en russe (dans la traduction de Samouil Marchak) les sonnets de Shakespeare que nous avons traduits et publiés, André Markowicz et moi, aux éditions Mesures… 

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La chose était d’autant plus étonnante qu’au même moment se tenait à côté une conférence de Cédric Villany. Et nous étions d’autant plus certains d’avoir un auditoire restreint que le Festival vo-vf avait annoncé une rencontre au sujet des Juifs d’Evguéni Tchirikov que nous avons aussi publié cette année, non une lecture des sonnets… Mais le public était là, toujours aussi attentif, aussi fervent. 

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En Bretagne, les rencontres sont pour nous très rares et il nous faut d’autant plus remercier des libraires qui nous invitent. Ainsi, mercredi prochain, la librairie Le Failler

La rencontre se tiendra à la librairie, rue Saint-Georges, à 18 heures. Les libraires souhaitent que l’on réserve (à cette adresse : lefailler@gmail.com).

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Si nos éditions peuvent vivre, on ne le soulignera jamais assez, c’est grâce à nos abonnés mais aussi grâce aux libraires indépendants qui ont encore la possibilité de choisir les livres qu’ils veulent défendre. 

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Petite chronique d’un été breton (3) : le règne du Celte

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La Celtie selon Creston

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J’avais bien l’intention de rédiger une chronique qui fasse le point sur la ridicule exposition Celtique ? présentée l’an passé par le Musée de Bretagne à Rennes, sur l’hilarante polémique qu’elle a suscitée et sur la fulminante vengeance des Celtes organisée cet été au Festival interceltique de Lorient, mais je n’ai pas le temps de m’attarder. Je vais donc donner ici une brève synthèse de l’affaire. 

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Celtique ? 

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L’objet de cette polémique qui a mobilisé pendant des mois le ban et l’arrière-ban des militants, des universitaires et des journalistes bretons était le point d’interrogation substitué au point d’exclamation qu’il faudrait mieux appeler point d’enthousiasme naturellement inclus dans le terme celtique lui-même aux yeux des militants bretons fiers de leurs gènes.

La celtitude, telle qu’inventée au XIXpar des illuminés trop heureux de trouver dans les mânes de leurs ancêtres l’ultime raison de combattre la France républicaine (tel ce faussaire de La Villemarqué) n’est qu’une fabrication, généralement grotesque, qui devrait, plutôt que de se soumetre au règne du Celte, inciter à relire Bouvard et Pécuchet. Mais le kit néoceltique est absolument nécessaire pour enrôler la Bretagne dans le grand bal des ethnies appelées à prendre leur indépendance. Pour le plus grand profit du néolibéralisme, ce qui explique les sommes colossales mobilisées pour forger le mythe et alimenter la foi  : Dieu l’a voulu, Locarn l’aura fait. Avec l’appui des élus et sur fonds publics… 

En effet, cette polémique se développait sur le fond de la demande d’autonomie formulée par le conseil régional de Bretagne, à la suite de la Corse. Le rapport officiel remis le 19 septembre, comme par hasard juste avant le grand discours de Macron proposant l’autonomie aux Corses, expose que le statut demandé – non par les Bretons car ils n’ont pas été consultés à ce sujet mais pour la Bretagne – se justifie par une « histoire plus que millénaire qui a façonné une identité spécifique au carrefour des mondes celtique, latin et anglo-saxon » ? Une fois la celtitude placée en tête, exit le monde franc honni, surgit le monde anglo-saxon, si utile pour renforcer « l’identité culturelle enracinée » dont la Bretagne doit coûte que coûte bénéficier (ou subir). 

L’idée de cette exposition était venue de la directrice du Musée de Bretagne, conservatrice en chef du patrimoine et présidente de la Fédération des écomunsées et des musées de société, une certaine Céline Chanas. Débarquant en Bretagne, éblouie par la perspective de donner à découvrir cette terre pleine d’autochtones à racines, elle se met en devoir, associant la bibliothèque des Champs libres, d’aller droit au cœur de la celtitude et de mobiliser des spécialistes : ainsi assemble-t-elle une troupe de spécialistes engagés dans le combat breton, les uns thuriféraires de La Villemarqué, les autres du breton surunifié, de l’histoire, de la préhistoire (des Celtes), le tout sous la présidence du barde Alan Stivell. 

L’exposition s’ouvre. Alan Stivell en gloire rayonne. Une vidéo au cœur de l’exposition le montre développant le discours ethniste habituel, sur un mode nationaliste pas plus ridicule que d’habitude mais plus redoutable parce que donné pour l’ultima ratio de cette exposition qui a mobilisé des fonds publics considérables. Elle se termine sur une phrase de Morvan Lebesque, qui s’en étonnera. 

Soudain, des nationalistes plus sourcilleux, et peut-être tenus à l’écart du projet, produisent des discours furibonds pour des motifs que j’aurais plaisir à énumérer mais allons droit au but : ils se ramènent tous au point d’interrogation.

Brusquement ramené à la réalité perfide qui, sous la fumée des honneurs, lui avait échappé, Alan Stivell rend son tablier de président, sans toutefois aller jusqu’à protester contre le fait qu’il reste présent au cœur de l’exposition avec sa vidéo, ses chansons bardiques et son kit ethnique.

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Celtique ! 

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À la suite de Stivell, les nationalistes exigent que les panneaux de l’exposition soient réécrits. Pas de problème : la directrice du Musée obtempère et les panneaux sont réécrits selon les directives des militants qui savent ce qu’il est bon d’écrire et surtout de ne pas écrire. 

Par exemple, pour en revenir au cœur de la doctrine, voici la présentation de La Villemarqué (le faussaire dénoncé par Luzel qui, lui, est effacé, alors qu’il est à tout jamais le plus grand collecteur de la littérature populaire de basse Bretagne – preuve que le Celte est le pire ennemi du Breton) : 

Texte original :

Le Barzaz-Breiz est un recueil de chants que l’auteur prétend avoir collecté auprès de la population de Basse-Bretagne. 

Texte corrigé :

Le Barzaz-Breiz est l’ouvrage d’un auteur qui illustre ses sensibilités par des chants populaires bretons. 

Le propre du nationalisme breton est son indéfectible fidélité à ses origines : même chez le druide ou l’athée convaincu reste quelque chose de l’esprit curé qui l’a imprégné depuis la chouannerie (et dont La Villemarqué est le parangon). Ainsi ce dernier n’est-il plus un faussaire qui prétend avoir collecté des chants bretons mais un auteur qui a fait le choix d’« illustrer ses sensibilités » par le recours à ces mêmes chants.  

Au théâtre, nous avons affaire à des metteurs en scène qui illustrent leurs sensibilités, si délicieusement foisonnantes, en reprenant mot pour mot nos traductions  de Tchekhov et en les faisant passer sous leur nom. C’est une manière de nous rendre hommage, comme La Villemarqué a su rendre hommage au peuple breton, et nous devrions leur être reconnaissants, mais, rien à faire, nos sensibilités restent rétives à l’illustration.

Plusieurs membres des Amis du Musée de Bretagne ont demandé à avoir communication des changements ainsi introduits. Interdit. 

Censure et jésuitisme. 

Le Celte s’exprime. Sous contrôle.

Pour moi, tout avait d’ailleurs inopinément commencé par la censure. J’avais appris que les étudiants de Celtique de l’université de Rennes étaient, préalablement à leur visite à cette exposition, invités à NE PAS lire Le Monde comme si et à aller trouver leurs informations au sujet de ce livre tabou sur un site nationaliste lié à l’extrême droite. 

La censure avait eu tout au moins l’avantage de m’inciter à aller voir l’exposition AVANT réécriture ce qui, APRÈS réécriture, m’a permis de mesurer l’ampleur du redressement idéologique. Je l’étudierai en détail quand j’en aurai le temps. 

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À titre d’exemple, et pour que je compreniez en bref la teneur de la propagande dont l’exposition Celtique ! était le lieu (et est d’ailleurs toujours le lieu puisque le site est en ligne), je vous  invite à aller sur le site de l’exposition à et à tester vous-même votre « profil celte ».

Ayant fait le test à deux reprises, j’ai pu sans peine évaluer mon « degré de celtitude ». 

Dans un premier temps, j’ai accumulé toutes les « mauvaises » réponses proposées (c’est-à-dire, somme toute, les réponses exactes) : j’ai déclaré que les Celtes sont un peuple dont on ne sait pas grand-chose,  que dans mon enfance je pensais que la magie n’existe pas, que je rapportais de mes vacances n’importe quoi sauf un triskell etc etc jusqu’à éliminer au profit de Tabarly les trois vrais Celtes qui incarnent la Bretagne, à savoir… Alan Stivell, Nolwenn Leroy et Mona Ozouf. 

Une fois connu mon désastreux résultat, on m’a réconfortée : je suis « celtosceptique » mais ça se soigne, et puis quand même, forcément, j’aime la Bretagne. Non, plus précisément : j’aime « la Bretagne et ses paysages » car la Bretagne est une entité tout à fait indépendante de sa réalité physique, sa géographie, ses paysages. Et puis, comme jadis au sortir d’une confession particulièrement douloureuse, on me rassure, on sait que mon cœur est pur, que mon attachement est « sincère » et que la Providence qui veille sur moi me fera trouver la vraie Foi.

Dans un deuxième temps, j’ai accumulé toutes les « bonnes » réponses : j’ai déclaré que les Celtes sont les habitants de Bretagne, de Galice, etc,  que dans mon enfance mon personnage préféré était Merlin l’enchanteur, que je rapportais de mes vacances un triskell en argent acheté dans une boutique de souvenirs bretons, que mon tatouage était un triskell, que le breton est une langue celtique et que le Celte qui incarne la Bretagne est Alan Stivell. 

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Heureux de saluer ce score parfait, on m’a félicitée… Bravo ! Je suis « celte expert-e ! » 

« Vous êtes une personne captivée par l’histoire des Celtes et de la Bretagne. Passionnée d’histoire et d’archéologie, vous savez faire la distinction entre les clichés et la réalité. » 

La distinction entre les clichés et la réalité quand la réalité consiste en clichés imposés comme la réalité, la vraie, la seule, la celte !

Tout dans cette exposition était à l’avenant… Je passe sur les questionnaires des petites machines à délivrer la vérité sur tous les sujets qui importent au Breton : « Le gwenn-ha-du, celte ou pas celte ? » « La galette saucisse, celte ou pas celte ? », « La langue bretonne, celte ou pas celte ? » Cling, la machine vous délivrait sur ticket de caisse la vérité à connaître. Dans le genre ludique, la vitrine consacrée à la dérive nazie des militants bretons relevait du genre cache-tampon, pas vraiment drôle quand on savait ce qui était passé à la trappe (ou ainsi inclus dans ce grand quiz ludique).

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Par la suite, un luxueux catalogue (transformant en une sorte de cube le point d’interrogation hérétique, ajoutant en sous-titre La Bretagne et son héritage celtique et rappelant tous les lieux communs de la doxa néoceltique, avec illustrations des Seiz Breur et autres horreurs) avait été publié. 

Ayant obtenu toute satisfaction, les militants de la celtitude allaient-ils s’en tenir là ? 

Nullement ! 

La polémique avait permis de faire flamber la foi, de ranimer le feu qui couvait et de mettre au grand jour les vertus de la celtitude. 

Le festival interceltique a été cette année l’occasion de mener à bien une grande opération publicitaire rassemblant des Celtes de tous horizons : le colloque international intitulé Bretagne… celtique !  avec un point d’exclamation doré était ouvertement donné comme une réponse à l’exposition Celtique ? Alan Stivell bombardé (sans jeu de mots) « grand témoin »  tenait en ouverture un discours plus délirant encore que d’habitude. Se succédaient l’un après l’autre les tenants serviles du Celte qui fait vendre (selon la formule de l’ex-président du Festival interceltique).

En l’absence de la directrice du Musée de Bretagne, la directrice des Champs libres, invitée à venir s’excuser, l’a fait. En acceptant d’être renvoyée pour céder la parole à ces messieurs qui se succédaient sans craindre d’être interrompus, eux, car les spectateurs devaient être munis de bracelets pour avoir le droit d’entrer.

Le colloque qui ouvrait le Festival servait aussi d’ouverture à l’« Interceltic Business Forum » dont Jean-Yves Le Drian était le « parrain » (c’est le terme qui était employé). Il en a profité pour célébrer le Forum celte qui venait de se conclure par un traité baptisé « Déclaration de Rennes » signé entre sept « nations celtiques » dont la Bretagne.

Illégal puisque les régions ne peuvent pas signer des traités avec des États ? Allons donc ! L’ex-ministre des Affaires étrangères s’en est gaussé : « Ce n’est pas tout à fait normal juridiquement et va sûrement tordre le bras des conseillers juridiques du Quai d’Orsay ». Mais quelle importance et quoi de plus simple pour un Celte que de tordre un bras et surtout un faible bras jacobin ? 

Le règne du Celte ne fait que commencer.

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Petite chronique d’un été breton (2) : les Seiz Breur ou le fascisme à l’honneur

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C’est par un tract glissé dans ma boite à lettres que j’ai appris qu’une grande vente célébrant le centenaire des Seiz Breur avait eu lieu à Rennes. Qui a pu vouloir ainsi m’informer ? L’anonyme distributeur était-il un militant nationaliste jubilant ou un indigné m’appelant à protester à sa place puisque je suis, moi, supposée avoir le courage requis ? 

Que figure au juste cette allégorie, me suis-je d’abord demandé. Elle montre une bonne femme en béret de style militaire brandissant un drapeau brun et noir dans le dos d’une bonne femme en coiffe, le tout inséré au milieu de symboles néoceltiques enchevêtrés. Avec une mouette en prime puisqu’il s’agit de faire breton. 

Après un moment de perplexité face à cet embrouillamini, je me suis dit que, sans le vouloir, l’auteur du tract avait finalement bien saisi ce qu’étaient les Seiz Breur : un groupe combattant, et combattant sous drapeau  fasciste, dans le dos du peuple qui n’avait rien de mieux à faire que de le fuir, et la mouette aurait symbolisé cette évasion si elle n’avait piqué droit sur le motif. Nulle évasion possible. Vous y aurez droit. 

De fait. 

Voilà vingt ans, ce groupe raciste (l’article 1 des statuts de la confrérie indiquait que pour adhérer il fallait être « de sang breton ») avait fait l’objet, d’une exposition au Musée de Bretagne, alors dirigé par un militant autonomiste (une fois de plus, un militant de l’UDB, théoriquement de gauche, faisait un travail digne de l’extrême droite). 

Cette exposition était financée par la mairie socialiste de Rennes dont le maire, Edmond Hervé, s’est acharné à promouvoir les pires nationalistes (y compris éditeurs de textes antisémites comme Per Denez) et la pire laideur identitaire (voir la statue de Glenmor au Thabor). 

Nous avions alors, le critique d’art Jean-Marc Huitorel et moi, écrit des articles pour protester, et nous avions eu l’appui de la LDH, du MRAP et de divers journaux, dont Bretagne Ile de France qui avait eu le courage de publier une double page à ce sujet. 

L’article de Jean-Marc Huitorel (« Un point de vue ethniciste ») est toujours en ligne. 

Le mien aussi (« Art national breton et art totalitaire »). 

Par la suite, écrivant Le Monde comme si, j’ai pu replacer les Seiz Breur dans le mouvement Breiz Atao et, plus tard encore, écrivant Miliciens contre maquisards, j’ai pu suivre l’itinéraire des fondateurs du groupe (le redoutable Creston, la sinistre Malivel et sa collaboratrice du Guerny (C. Danio), délatrice exécutée par la Résistance, plus quelques agents de la Gestapo comme Marchal lui-même, Mordrel et son cousin Bricler. 

Nos protestations ne sont pas totalement restées lettre morte même si tout débat à ce propos a été rendu impossible. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai écrit Le Monde comme si. 

« Celtisme, ethnicité, revendication identitaire : l’art néo-breton développé par les Seiz Breur aurait pu inciter à une réflexion sur les relations de l’art et de la pensée totalitaire. Au lieu de cela, tant le luxueux catalogue que le dossier pédagogique et le livret pédagogique le donnent pour exemple de la modernité bretonne. Une « modernité » très orientée : le livret pédagogique remis aux enfants épingle diverses phrases grotesques et ringardes qu’il s’agit de replacer dans la bouche de Bretons d’opérette. Exemple de phrase ringarde… “La Bretagne fait partie de la France” ».

Voilà ce que j’écrivais alors.

Le luxueux tract à la gloire des Seiz Breur disait simplement que le travail de réflexion auquel nous avions invité n’avait servi à rien et que le prétexte du centenaire, comme dans le cas du gwenn-ha-du, n’avait pour but que de renforcer la propagande ethniste dont la Bretagne est désormais le lieu. 

Les Seiz Breur ne m’intéressent absolument pas – ou plutôt ils ne m’intéressent que dans la mesure où le règne de la laideur qui accompagne toutes les entreprises idéologiques dévoyées me semble mériter une étude mettant en relation ces productions avec celle d’une langue moche, morte, sans saveur, sans accent, le breton mis au point par Roparz Hemon en haine du peuple, Gwalarn et les Seiz Breur n’étant que des prolongements de Breiz Atao. Mais jamais aucun chercheur n’aura le courage de s’y consacrer, vu le contexte. 

Néanmoins, une fois de plus résignée au sacrifice, je suis allée voir sur Internet de quoi il retournait. 

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©FR3

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Les Seiz Breur au Parlement

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Un « événement culturel incontournable », la vente aux enchères de 300 « objets d’art » exposés au Parlement de Bretagne, telle était l’annonce. Et l’on pouvait voir défiler le catalogue de l’exposition ou le télécharger, lire des entretiens, voir des émissions ou des vidéos promotionnelles, tous les médias étant mobilisés pour assurer le triomphe de l’opération…

Extraordinaire vision que celle des productions de ces militants séparatistes au milieu du Palais de Justice… le tout accompagné de visites guidées au cours desquelles le catéchisme nationaliste était officialisé sous couvert d’amour de l’art, un art celtique supposé droit issu des gènes des Bretons sous la forme de spires, de volutes, de triskells, bref de copies serviles de motifs exploités par les militants irlandais du « Celtic revival ». Ces motifs plaqués sur des meubles lourdauds aboutissaient à des salles à manger, des salons, des bureaux de petits bourgeois fiers d’avoir l’air tout à la fois bretons et modernes : ameublement de notaires ou, comme dans le cas de Yann Sohier, le père de Mona Ozouf (lui-même membre des Seiz Breur), d’instituteurs doublés de militants de Breiz Atao. On peut d’ailleurs encore voir un buffet associant la faucille et la croix gammée (dite hevoud) dessiné selon les plans de Sohier et Andouard (le redoutable Loeiz Andouar, directeur d’Arvor sous l’Occupation) dans la grande période nationale-socialiste du programme SAGA (soutenu par Sohier). 

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Le grand légendaire breton

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Toute une part de l’exposition était consacrée à ce que les commissaires appelaient le « Grand légendaire breton ».  

Il s’agissait de gravures de René-Yves Creston destinées (nous disait-on) à illustrer une histoire de la Bretagne due à René Cruchon (alias Ronan Pichery), histoire qui devait paraître en 1942… Hélas, la publication avait été malheureusement retardée et, pour d’inexplicables raisons, rendue un peu difficile après-guerre. Ainsi nous offrait-on, miraculeusement retrouvé, ce sublime « Grand légendaire breton », œuvre majeure de l’art breton.  

À en croire les non-dits du catalogue, Cruchon était un grand historien qui, sous l’Occupation, s’était mis en devoir de fournir au fondateur des Seiz Breur la matière d’un nouveau chef d’œuvre… On le trouve pourtant présent dans Miliciens contre maquisards (p. 247), ce René Cruchon (Abroc’hell de son nom de druide), un vieux militant indépendantiste et agent de la Gestapo  qui avait chargé des membres du Bezen Perrot d’adhérer au groupe Collaboration. Membre du PNB nazi, collaborateur, comme Creston, de son organe, L’Heure bretonne, il produisit un opuscule intitulé Réflexions sur la politique dans le but d’inciter le PNB (qu’il jugeait un peu mou) à « former une nouvelle organisation qui se fera le champion des doctrines nationales-socialistes » et « développer les relations interceltiques pour favoriser les mouvements d’émancipation des peuples celtiques des îles britanniques » dans le cadre du Reich, car grandes sont les vertus de l’interceltisme.

Le simple fait que Creston travaillait avec lui après avoir infilté le Réseau du Musée de l’Homme et, revenu en Bretagne, publié dans la presse nationaliste nazie tout en poursuivant ses activités politiques amène à regarder cette exposition de gravures militantes non comme une production artistique mais comme ce qu’elle est, à savoir une arme idéologique exploitant tous les clichés de l’historiographie nationaliste pour les mettre au service du national-socialisme et combattre la France : depuis le paradis celtique jusqu’à la misère de la Bretagne en passant par les saints, les bardes, Nominoé (le grand héros, le symbole de l’indépendance), l’expulsion des Juifs (lot 85), les misères de la pauvre Anne de Bretagne mariée contre son gré à un roi de France, le Barzaz Breiz, le camp de Conlie, tout y est. C’est, en pire, L’Histoire de notre Bretagne de Jeanne du Guerny (alias Danio) illustrée pat Jeanne Malivel. Sous l’Occupation, mettre en œuvre cette propagande séparatiste était en soi un acte de collaboration. 

Les bons Bretons chassant les Juifs et combattant les Français

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Voir cette histoire de Bretagne présentée comme « grand légendaire breton » sous les ors de la République, au cœur de la Cour d’appel de Rennes, avait de quoi glacer le sang.

Et ces militants de gauche qui s’opposent à la résurgence de l’extrême droite ? 

Et ces universitaires si nombreux à Rennes, ces professeurs, ces historiens, ces sociologues, ces ethnologues que le cas de Creston devrait intéresser ? 

Rien. Pas un mot. Pas une protestation. 

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Un projet politique

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Tout ça se passe, comme de coutume, sous habillage festif : les commissaires priseurs déguisés en Bretons, tels Molac ou Bolloré en gilet glazik, nous invitent à venir communier en bretonnitude et modernité.

Carole Jézéquel, commissaire-priseur, fait à présent partie du Conseil culturel : elle pense comme il faut et elle est prête à servir la cause ; elle fait partie de la commission « Transmission culturelle et création en Bretagne » placée sous la direction de Rozenn Le Roy et de Jean-Marie Goater, l’éditeur de Jean-Michel Le Boulanger, militant autonomiste, ex-vice-président à la Culture au conseil régional et auteur d’un essai préfacé par Jean-Yves Le Drian appelant à la fabrication d’une identité bretonne destinée à permettre aux Bretons de devenir, qu’ils le veuillent ou non, bretons. 

Les Seiz Breur ont mis en œuvre ce projet et sont très utiles, non comme artistes mais comme chevilles ouvrières d’un projet idéologique. Qui est une offense au sens du travail modeste et bien fait que mettent à mal les productions des Seiz Breur : difficile de voir les meubles de Malivel sans avoir le rouge au front quand on a connu les meubles anciens qui à présent sont bradés dans les entrepôts où ils ne trouvent pas preneur. 

Je devrais assurément être d’abord indignée par la réhabilition de nationalistes collaborateurs des nazis comme Creston et Cruchon mais, en réalité, la laideur des productions des Seiz Breur m’indigne autant, comme composante d’une entreprise d’avilissement. Les œuvres de Jeanne Malivel, actuellement objet d’une propagande orchestrée au nom du féminisme, du communautarisme et de la celtitude opprimée (voir l’exposition qui lui est consacrée à la bibliothèque Forney) sont imprégnées de la même médiocrité : quoi qu’elle touche, elle le vulgarise avec la même application sectaire. Et l’on trouve encore à prôner ses illustrations de L’Histoire de la Bretagne de Jeanne du Guerny, qu’elle-même avait reniée comme expression d’une haine de la France qui passait toute limite… De fait, la haine de la France allait se manifester sans limites chez Jeanne du Guerny dont le château hébergeait sous l’Occupation les manœuvres des Waffen SS du Bezen Perrot. L’histoire de Bretagne de Cruchon s’inscrit dans la même ligne.  

Jetant pour finir un coup d’œil aux visites commentées et fimées mises en ligne sur Facebook, j’ai aperçu, après le fils de Creston, le fils de Youenn Drezen, lui-même militant nationaliste breton, et qui, récemment encore, avait fait scandale en niant l’antisémitisme de son père. Je me suis fait ici l’écho de cette longue polémique. Youenn Drezen antisémite ? D’après son fils, allons donc, pour quelques petits propos sans importance, « y a pas mort d’homme ». Donner la parole à ce militant est un acte politique. 

Lui succède un autre militant en extase devant la gravure de Creston montrant le chouan Cadoudal (valeureux héros breton, supposé incarner tout à la fois la religion, la haine de la Révolution et le nationalisme breton) et  Bonaparte. 

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Tout vibrant d’euphorie ethniste, le thuriféraire de Creston voit là quelque chose de prodigieux, la rencontre d’un vrai Breton et d’un vrai Corse… digne conclusion de cette exposition prônant avec un art ethniste bien fait pour connaître son heure de gloire sous l’Occupation. 

Cela se passe à Rennes, au Parlement de Bretagne, avec l’approbation unanime des médias, de la mairie socialiste et du conseil régional socialiste. 

Et à Callac, ville jadis communiste, les responsables  de l’association La Belle Équipe qui avaient interdit la projection du film de Vincent Jaglin La Découverte ou l’ignorance projettent un film à la gloire de Jeanne Malivel (Jeanne Malivel, un soleil se lève) et, digne complément, un film à la gloire d’Anne de Bretagne (Anna Vreizh 1514-2014). 

N’avaient-ils pas déjà projeté le ridicule film célébrant ce nazi que fut Polig Monjarret ?

Censure et propagande, les deux versants du même. 

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.Les bons Bretons chassant les Juifs et et comLes bons Bretons chassant les Juifs… battant les Françaiscombattant les Françaet combattant les FrançaisLes bons Bretons chassant les Juifs… Voir cette histoire de Bretagne présentée comme «  » sous les ors de la République, au cœur de la Cour d’appel de Rennes avait de quoi glacer le saPlus glaçant encore le silence des avocats, des magistrats, des élus, qui, voyant ainsi l’espace de la Justice détourné au profit d’une telle opération n’ont, sans même parler de chasser les marchands du temple, ni cherché à savoir ni protesté. 

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Petites chroniques d’un été breton (1). Le culte du drapeau

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Après le Festival d’Avignon, le retour en Bretagne, sous d’agréables averses que l’on aurait pu espérer faites pour chasser le touriste, semblait de nature à laisser un sentiment de paisible fraîcheur. Hélas, il n’en a rien été. Plus brûlant que jamais, le déferlement de propagande identitaire à base ethniste a pris une ampleur véritablement effrayante cet été en Bretagne. 

Jadis, les fêtes folkloriques montrant des Bretons déguisés en Bretons en train de danser pour les touristes suscitaient quelques protestations d’autochtones indignés d’être ainsi présentés comme vestiges de tribus pittoresques. Rares protestations, il est vrai, car les hordes de touristes profitaient au commerce et ces distrayantes exhibitions sur fond de biniou (et de sonneries de tiroirs-caisse) semblaient ne relever que du folklore. Nous n’en sommes plus là. Ces divertissements sont désormais le prétexte de conférences, de rencontres, de forums, de projections, de débats, de commémorations voire (la chose est nouvelle) de séances de redressement idéologique comme il en existait à l’époque soviétique.  

Entendons-nous bien : il s’agit là de conférences et autres événements « culturels bretons » où ne s’expriment que des militants nationalistes, de forums consacrés au business identitaire tel que conçu par le lobby patronal breton et de rencontres interceltiques organisées dans le but de promouvoir la libération des nations celtes. Jusqu’alors, craignant sans doute qu’une opposition se fasse jour malgré la censure, les organisateurs faisaient preuve d’une certaine retenue. Ce n’est plus le cas. 

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Le culte du drapeau

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Pour commencer, quel que soit l’événement, folklorique ou pas, sportif ou pas, breton ou pas, il importe de comprendre qu’il est voué à servir le culte du drapeau, le gwenn-ha-du, ce drapeau noir et blanc dont on célèbre officiellement le centenaire cette année (bien qu’il n’ait pas été, notons-le au passage, inventé en 1921, mais quelle importance ? Nous sommes dans la fabrique du consensus par une sorte de ministère de l’Identité aux consignes partout servilement relayées). 

Les drapeaux, il faut aussi le savoir, sont distribués pour être brandis par le peuple festif… À Carhaix, par exemple, où le maire autonomiste, Christian Troadec, a décidé cette année de prolonger les festivités des Vieilles Charrues par le Motocultor, un festival de hard rock dit heavy metal, « le Motocultor avait invité les festivaliers à afficher le gwenn-ha-du partout sur le site », indique Le Télégramme du 19 août (journal qui s’ouvre par une stupéfiante prosopopée du rédacteur en chef à la gloire du gwenn-ha-du). 

Hélas, déclarent les spécialistes de heavy metal auxquels la rédaction a fait appel, «avouons-le : la consigne ne semble pas avoir été tout à fait entendue par les metalleux qui ont été peu nombreux à arborer le drapeau breton. » 

Tout n’était pourtant pas perdu : « La plaine de Kerampuilh pourrait néanmoins se draper de noir et de blanc plus tard dans la soirée. 300 gwenn-ha-du seront distribués au début du concert de Brieg Guerveno, breton d’origine… » De fait, on voit les metalleux agiter docilement le drapeau qui leur a été mis en main… 

Et qu’auraient-ils fait si le maire RN de la ville leur avait distribué des drapeaux français à brandir ? Encore une question qu’il est interdit de poser. Le nationalisme breton est bon, le nationalisme français est mauvais : article 1er du credo. Toute protestation relève de l’hérésie, et l’hérésiarque, immédiatement mis au ban, est accusé de pathologie mentale. J’en ai offert ici même un exemple qui n’est pas sans intérêt car l’article « Blanche hermine, noir drapeau » montre à quel point la situation s’est aggravée en quelques années.

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L’image des metalleux sous gwenn-ha-du est une belle image de propagande nationaliste qui va pouvoir courir le monde et jouer son rôle, sauf que les mêmes journalistes, faisant preuve d’une sincérité peu commune en telle matière, avouent en dépit de l’euphorie martiale de rigueur que les metalleux vite lassés se sont, en fait, contenté de quitter la salle, laissant là leurs bannières.  

Ce mince exemple est instructif car il montre que le culte du drapeau, loin d’être une manifestation spontanée du penchant vexillogique inné des Bretons, résulte d’actions concertées elles-mêmes inscrites dans une propagande de plus en plus obsédante : défilés folkloriques, courses cyclistes, festival du film ou du chant de marin, tout est désormais ouvertement et d’abord politique, sous drapeau. Le conseil régional incite les internautes à (je cite) « inonder les réseaux sociaux en partageant leurs plus belles photos de vacances,un drapeau breton à la main ».  

Ainsi chaque touriste breton de passage dans un pays étranger est-il invité à se changer en propagandiste de la foi en la nation bretonne : ce drapeau, conçu dès l’origine comme antifrançais et antirépublicain par Maurice, dit Morvan, Marchal, un druide séparatiste (qui s’est signalé sous l’Occupation par sa luxueuse revue druidique antisémite subventionnée par les services de propagande allemands) est présenté comme la toute mignonne « mascotte » du Breton. Quant à son inventeur, c’était, à en croire la propagande officielle du conseil régional, un « architecte moderniste » (ses productions sont d’une ringardise sans nom), un « militant breton » (doux euphémisme pour ce nationaliste fanatique), un « membre du courant artistique des Seiz Breur » (groupe raciste)… C’était aussi un agent de la Gestapo, comme plusieurs des membres des Seiz Breur, je l’ai rappelé dans Miliciens contre maquisards, mais il est interdit de mentionner cette référence : elle est aussitôt effacée sur Wikipedia et, bien sûr, passée sous silence par les historiens nationalistes (qui seuls ont voix au chapitre) ;  il est, de même, impossible de rappeler les écrits racistes et antisémites de Youenn Drezen, autre membre des Seiz Breur, quoique je les aie de longue date traduits et que la réhabilitation de Drezen ait fait l’objet de nombreuses protestations

Sans le moindre effet. 

Là est le point essentiel : le conseil régional est informé, les historiens ne peuvent ignorer les faits et l’enrôlement de la population sous une bannière conçue par des militants racistes en haine de la France devrait faire scandale. 

Mais non. 

Le culte du drapeau s’inscrit dans un ensemble et j’en ai eu, à peine de retour, un autre exemple : le centenaire des Seiz Breur prolongeant le centenaire du gwenn-ha-du. 

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(À suivre)

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