Noël en Bretagne

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Éditant les contes de Luzel et de Sébillot, je m’étais interrogée sur la profonde différence entre les veillées de Noël telles qu’on les imagine aujourd’hui comme typiquement bretonnes et la manière dont elles sont rapportées par les folkloristes de basse ou de haute Bretagne : loin d’être une occasion de festivités, le temps de Noël était un temps fragile ouvert à la Mort qui « se promène la nuit de Noël » comme le note Sébillot…

Lorsque le rédacteur en chef du magazine Mythologies m’a demandé un article à ce sujet, je me suis donc plongée dans l’étude du légendaire de Noël à partir de questions qui s’étaient déjà posées à moi de longue date. Il en est résulté un article en trois parties : la veillée comme genre littéraire, la nuit de Noël, le légendaire de Noël (plus un texte sur Noël et la mort, et deux veillées, l’une de Luzel, l’autre de Sébillot).

Recevant reçu la revue, j’ai constaté qu’elle avait changé de titre et était devenue  Contes et légendes (on en voit ici la couverture). Le milieu de mon article était paru suivi du début mais sans la fin qui donnait sens à l’ensemble. Bizarrement, le rituel si sobre de la veillée en Trégor se trouve illustré par une danse de noce à Quimper  et par une aquarelle de Van Gogh montrant des femmes bretonnes en plein été. Du fait que l’un des épisodes de la nuit de Noël, lui aussi en voie de disparition au XIXe siècle, est le rituel des torches que l’on fait tourbillonner dans la nuit, un tableau d’un peintre flamand du XVIIe montre Jésus devant Caïphe éclairé par une bougie. À quel point l’iconographie change le sens d’un texte, il est impressionnant de le constater.

La revue est consacrée au « Noël de nos provinces » mais bien des provinces sont oubliées, notamment la Picardie, le Poitou et la Normandie qui ont pourtant donné des textes intéressants. En revanche, on y trouve des articles sur Newgrange, le Caravage et les superstitions russes.

Même si mon article est paru écourté, c’est un début qui m’a donné l’idée de poursuivre cette recherche sur les anciens Noëls, tant le légendaire me semble riche d’une poésie étrange et peu connue, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

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L’histoire de Bretagne comme arme politique

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Le Comité de Vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH) m’a invitée à donner une conférence jeudi dernier au Lieu-dit, 6 rue Sorbier, 75020 Paris. Le titre, « l’histoire de Bretagne comme arme politique » n’était pas de nature à réjouir les nationalistes bretons mais nous avons pu débattre sans fascistes bretons ni fanatiques de service — ce qui, bien sûr, aurait été impossible en Bretagne.

Comme l’a constaté Aurore Chéry, qui vient de republier Les Historiens de garde aux éditions Libertalia, « les problématiques rejoignent, à un niveau local, celles pointées dans Les Historiens de gardemais elles sont souvent mal connues en dehors de la Bretagne » : oui, c’est vrai, les problématiques se rejoignent et elles sont mal connues, mais elles sont, je dois le dire, tout aussi mal connues en Bretagne qu’ailleurs.

Mon exposé a consisté à montrer comment les historiens de garde ont été suscités par l’institution pour court-circuiter les protestations contre la réécriture de l’histoire en Bretagne. C’est une synthèse qui m’a demandé beaucoup de travail puisque j’ai repris tous les travaux produits à la suite de l’Affaire Luzel et de la création du Groupe Information Bretagne, mais je pense que ce travail était nécessaire en un temps où l’instrumentalisation de l’histoire appelle plus que jamais à vigilance.

En attendant de développer cette synthèse, j’ai mis en ligne une page qui sera peut-être utile à ceux qui n’ont pas idée de ce qui est en cours en Bretagne.

 

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Parole interdite (suite et sans doute pas fin)

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Aussi incroyable que cela puisse paraître, voici que s’ajoute un sixième épisode à la décidément très instructive opération commando menée par les nationalistes bretons à Guingamp.

À la tête du ce commando qui entendait m’interdire de parole et remplacer la poésie d’Armand Robin par une apologie d’un collaborateur des nazis du nom de Monjarret se trouvait un nommé Kerlogot, ex-élu écologiste passé à droite.

Loin d’être blâmé par le conseil départemental qu’il représentait, il bénéficie d’une merveilleuse récompense, l’octroi d’une « délégation sur mesure » , une « délégation aux langues et cultures bretonnes et gallèses » toute faite pour lui permettre de promouvoir la culture Monjarret.

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Le lecteur bretonnant qui m’adresse cet article s’indigne de l’instrumentalisation du breton par ces militants, mais ce qui, à mon avis, rend cet épisode intéressant, c’est surtout le fait que ce militant est mis en place par le conseil départemental en vue d’imposer sous couvert de langue et de culture le kit de Breiz Atao incarné par Monjarret : bagad, breton surunifié, pipe band, néoceltisme, culte des racines celtes (et pas françaises), tout le bazar nationaliste est désormais recyclé tant par la droite que par la gauche pour être promu comme culture officielle.

Après l’hommage rendu à Fouéré par le Centre culturel breton dont le président participait à l’opération commando en compagnie de Kerlogot, voici donc, prime à la censure, la  délégation « sur mesure » à la langue et à la culture bretonnes.

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De mieux en mieux !

Qui pourrait le croire ? Le feuilleton continue !

À peine avais-je mis en ligne cette actualité que je trouve un courriel d’un lecteur m’adressant copie d’un article du Télégramme paru ce matin même comme pour venir illustrer ma petite chronique.

Kerlogot, toujours présenté sous un jour avenant par cette gazette, y reprend son combat contre tout ce qui n’est pas culture locale, issue des « artistes du cru ». Et il est soutenu par l’avocat Pasquiou qui, au nom de la droite, soutient à fond la culture du peuple, car le peuple, ce qu’il veut, c’est la culture Kerlogot, la culture Monjarret, la culture du cru. « Que demande le peuple de Guingamp ? Le peuple, il n’en a que foutre de votre culture ! » déclare Pasquiou. Que demande le peuple ? Ce n’est pas dit mais on devine que ce qu’il lui faut, c’est des racines, des racines guingampaises plongeant dans le fond du cru.

Cependant, ma petite expérience de conférence interdite apporte la preuve que tout ça n’est que du flan car, bien sûr, je conçois que Kerlogot ait jugé qu’Armand Robin, né à Plouguernével, à 44 kilomètres de la Place du Centre de Guingamp, était un artiste odieusement exotique, mais, pour ma part, bien que je ne l’aie jamais revendiqué, je suis le parangon des auteurs du cru : non seulement, une bonne partie du Monde comme si se déroule à Guingamp mais j’ai édité le plus grand folkloriste du cru et je peux fournir des preuves de guingampitude remontant à des générations… Je suis en train de numériser mon album de famille et j’ai, parmi des centaines d’autres, en plus du portrait de mon arrière-arrière-arrière-grand-mère photographiée par Le Cun, la photographie de mon arrière-arrière-grand-père, commandant des pompiers de Guingamp, en grand uniforme, et photographié par Cauville, 10 rue Saint-Michel, maison de confiance, fondée en 1896. Kerlogot lui-même  pourrait-il en dire autant ?

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Or, Kerlogot, qui mouline contre tout ce qui n’est pas du cru, prend la tête d’un commando visant à interdire une conférence d’un auteur du cru, et ce en vue de défendre un nazi totalement haï par les gens du cru, et qui ont organisé une protestation suivie par les élus (comme d’ailleurs elle a été suivie par les élus du Morbihan qui, sommés de baptiser un collège Monjarret ont préféré, après avoir pris conscience du traquenard qui leur était tendu, le baptiser collège Anne Frank).

La culture Monjarret défendue par Kerlogot, c’est la culture du trou de souris mais un trou de souris où seules ont droit de s’exprimer les souris qui pensent comme il faut. C’est donc comme un hommage à George Orwell que je donne à lire le spécimen de prose journalistique qui suit. Il est lire, bien sûr, dans la suite de celui qui relayait les invectives de Kerlogot à mon endroit (voir le troisième épisode du feuilleton).

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« La réhabilitation de l’ancienne prison et la place qu’y occupera GwinZegal, centre d’art dédié à la photo, a encore donné lieu à un joli clash, hier soir, au conseil municipal. Des propos qui flashent et qui figent plus que jamais le bras de fer entre le maire et Yannick Kerlogot.

« Fixette » politicienne ou fermeté dans les convictions ? Hier soir, chacun avait son opinion après la nouvelle charge virulente de Yannick Kerlogot contre le chantier de réhabilitation de l’ancienne prison de Guingamp. À l’heure de se prononcer sur le financement de la deuxième phase de travaux (*), le conseiller départemental a entrepris – peut-être plus que jamais – de jeter une lumière sombre sur le projet de la majorité.

« Effet Trump »

Des services culturels qui seraient « sous l’emprise de GwinZegal » et « sous l’influence de La Libre Pensée » ; une majorité municipale qui, « face à la désespérance sociale » des Guingampais, ferait le choix d’une culture « élitiste, loin des préoccupations » des administrés ; un maire qui dépenserait « sans compter » et en faisant fi des artistes du cru… Comme à chaque fois, depuis le début du mandat, Yannick Kerlogot, ancien de la gauche plurielle devenu le plus fidèle opposant au maire Philippe Le Goff, a dézingué le travail de médiation culturelle de ses opposants politiques aussi sûrement qu’il s’est interrogé sur celui de Charles Fréger ou de Claude Batho, photographes dernièrement mis en valeur par GwinZegal. Un réquisitoire qui, bien que pas nouveau, a piqué les yeux du maire et de sa majorité. Pour Philippe Le Goff qui dit militer pour une culture d’ouverture « et non d’opposition », une culture qui serait qui plus est tout terrain (« C’est, entre autres, le cas quand on fait programmer Les petites scènes en ville ou la Culture du coeur »), Yannick Kerlogot ne devrait pas invoquer de la sorte quelque chose de « pernicieux », quelque chose qui ne serait « pas loin de la théorie du complot ». « Il n’y a aucune machination de la Libre Pensée qui viendrait décapiter la culture bretonne », a appuyé le maire, mettant en garde contre tout « populisme ». Un discours que Philippe Conan, adjoint à la culture, n’est pas long à rapprocher d’un « effet Trump ». « Vous avez tort de vous focaliser ainsi sur GwinZegal » a soufflé l’élu se montrant passablement agacé de cette énième mise au point.

Raspoutine en mairie ?

En verve et en phase avec Yannick Kerlogot, Pierre Pasquiou a lui aussi mitraillé sec. « GwinZegal est devenue la Raspoutine du conseil municipal ! Que demande le peuple de Guingamp ? Le peuple, il n’en a que foutre de votre culture ! » a lancé l’ancien avocat sur un ton de procureur décomplexé. Le genre de formule prompte à faire bruire la majorité et amener Mona Bras à souligner que le ministère de la Culture ne soutenait pas (financièrement) à la légère la réhabilitation de la prison, et que la Ville de Saint-Brieuc, de son côté, attendait GwinZegal « à bras ouverts ».

La députée « inquiète »

Pour la députée Annie Le Houérou, suspecte d’être la grande ordonnatrice du chantier contesté, « l’expression culturelle, c’est la liberté d’expression ! Je suis très inquiète par les propos de Yannick Kerlogot ». Lequel répondra d’un clic, ou plutôt du tac au tac, qu’« il y en aura d’autres ». Autrement dit, qu’à l’approche des élections à la nouvelle agglo, comme aux législatives de juin 2017 ou aux municipales 2020, il y aura suffisamment de rendez-vous à se mettre sous l’objectif… Dans une ambiance électrique et fleurant bons les paroles d’avant scrutins, le maire ne tremble pas à l’heure du vote : 21 pour la poursuite du projet, les sept voix de la minorité contre. Philippe Le Goff en profite pour annoncer que « les travaux démarreront le 5 décembre ; j’espère qu’ils ne donneront d’urticaire à personne ». Pas sûr que Yannick Kerlogot, qui donne rendez-vous au maire « dans trois ans », n’ait pas, tel Knock, la tentation de chatouiller ou grattouiller un peu d’ici-là. 

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* Après avoir décidé, l’an dernier, d’investir 1,72 M€ dans la réhabilitation du bâti très dégradé (78 % de subventions), la Ville est prête à engager maintenant 1,4 M€ (montant des subventions non encore connu) dans la construction d’un espace d’expo et de bureaux. À terme, le projet évolutif, envisagé en cinq phases étalées sur deux mandats, pourrait représenter un investissement d’environ 6,5M€ HT.
© Le Télégramme

http://www.letelegramme.fr/cotes-darmor/guingamp/ancienne-prison-un-clash-qui-flashe-et-qui-fache-15-11-2016-11292514.php#uux81UIZadqc6xoL.99

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Tout cela s’inscrit dans un contexte plus général : à Quimper, c’est le même poujadisme identitaire qui a provoqué la fermeture du centre d’art contemporain : ni la pétition dénonçant le retour de Quimper à son sommeil de « belle endormie » repliée sur son « ADB breton » ni la mobilisation citoyenne ni l’appui du ministère de la Culture n’y ont rien fait…

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Le maire de Quimper n’a-t-il que mépris pour la culture comme l’écrit le journaliste indigné ? Allons donc, il entend au contraire servir la culture authentiquement bretonne.

Et, de même, « face à la désespérance sociale des Guingampais », Kerlogot entend « dézinguer » tout ce qui n’est pas la vraie culture bretonne, apte à remédier à la désespérance sociale grâce à ses vertus toniques.

Cette culture, du fait qu’il l’a lui-même définie dans le communiqué publié dans L’Echo de l’Armor et de l’Argoat pour interdire ma venue à Guingamp, il n’est pas difficile de savoir en quoi elle consiste : « bagadoù, cercles celtiques, écoles bilingues, signalétique, office de la langue bretonne ». Ajoutons hommages à Monjarret pour que le tableau soit complet.

Tel est le programme du personnage qui bénéficie d’une « délégation sur mesure » faite pour lui permettre de se consacrer « aux cultures bretonnes et gallèses ». On aimerait savoir en quoi consistent « les cultures bretonnes et gallèses » supposées être plurielles. Les cultures bretonnes qu’il a promues jusqu’à présent se limitent à une seule, la culture Monjarret.

Autrement dit, le kit nationaliste promu sur fonds publics.

Et visant à « dézinguer » tout ce qui ne lui est pas inféodé, comme il en fait la démonstration.

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Il serait dommage de ne pas rappeler pour conclure que Kerlogot, passé d’Europe-Écologie-les-verts à droite, puis recyclé par la République en marche, a été élu député. Il est intéressant de noter son activité (ou sa non-activité) à l’Assemblée.

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Le massacre de Creney

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Tandis qu’à Guingamp, on s’apprêtait à rendre hommage à Yann Fouéré,  j’évoquais à Troyes le massacre de Creney : 49 jeunes résistants extraits de la prison de Troyes par les SS du Bezen Perrot pour être assassinés à la veille de la Libération. Un crime de guerre laissé impuni.

C’était la suite de Miliciens contre maquisards (à la tête des assassins de Troyes se trouvait d’ailleurs Chevillotte, le responsable du groupe qui sévissait à Bourbriac). La rencontre était d’autant plus émouvante que se trouvaient dans l’assistance des enfants des résistants fusillés — et aussi la fille du prisonnier miraculeusement épargné, le cinquantième prisonnier laissé dans sa cellule car son nom avait été mal prononcé…

Ici, Jean Lefèvre, président de l’association qui m’invitait, devant l’arbre planté à la mémoire de son oncle assassiné à Creney et le mémorial où a lieu tous les ans une cérémonie.

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Une telle conférence serait, bien sûr, impossible en Bretagne (ce qui, d’ailleurs, suffit à donner une idée du poids de la censure) mais, comme la parole n’est pas interdite sur ce site, j’ai mis en ligne, sous le titre « Un crime de guerre impuni », une brève synthèse de cette conférence.

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Parole interdite (suite et peut-être pas fin)

Le 16 avril dernier, un commando de militants bretons emmené par le président du Centre culturel breton de Guingamp avait tenté d’interdire ma conférence sur le poète Armand Robin car il fallait honorer à la place un nationaliste (et collaborateur des nazis) du nom de Monjarret.

Par la suite, les événements se sont succédé et comme le feuilleton m’a semblé un peu difficile à suivre au fil des actualités de ce site, j’en ai rassemblé les épisodes en un chapitre. Il ne s’agit après tout que d’un exemple de censure parmi tant d’autres, et c’est cet exercice de la censure qui me semble intéressant.

Nous en étions au quatrième épisode du feuilleton, épisode qui me semblait conclusif… mais non, il est toujours possible de faire mieux et il nous restait à découvrir le bouquet final (qui ne sera d’ailleurs peut-être pas final). Au stade où nous en étions, nous savions que les nationalistes entendaient m’interdire de m’exprimer sur le sol breton quel que soit le sujet : cet oukase venait des « humanistes démocrates bretons » de la Fondation Fouéré qui se trouve aussi à Guingamp ; non seulement aucun militant breton dit de gauche n’avait protesté contre cet exercice de la censure mais aucun n’avait protesté contre la promotion de collaborateur des nazis comme Monjarret et Fouéré. Et la presse régionale s’était révélée inféodée au lobby breton — rien d’original mais encore fallait-il le montrer à partir d’exemples concrets.

Peu après, le Centre culturel breton de Guingamp s’était donné pour secrétaire Gaël Roblin, un militant nationaliste d’extrême gauche naguère condamné pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Gaël Roblin allait ensuite inviter Jean-Marc Rouillan au Dibar de Plougonver : ex-terroriste d’Action directe, J.-M. Rouillan a été condamné le 7 septembre à huit mois de prison pour apologie d’un acte de terrorisme : il avait jugé « courageux » les djihadistes assassins du Bataclan.

Le 15 octobre, le Centre culturel breton de Guingamp associé à la Fondation Fouéré honore un personnage qui a eu le mérite d’arborer les deux casquettes : fasciste comme Monjarret, puisque agent de la Gestapo et patron de presse sous l’Occupation, il a repris du service pour le FLB ; terroriste, il a publié un essai à ce propos aux Nouvelles Éditions latines (éditions d’extrême droite, comme on le sait). Pour célébrer Yann Fouéré, il y aura Yves Mervin, lequel entend démontrer que la Résistance a fait plus de tort aux Bretons que les Allemands (d’excellents Allemands, d’après lui, tout à fait bien éduqués : cet indépendantiste explique qu’un enrôlement sous l’uniforme SS du Bezen Perrot était un gage de « circonspection et de rigueur intellectuelle »). Et les militants d’extrême gauche du Centre culturel breton trouvent ça très bien.

Fouéré, qui œuvrait avec les nazis à la revue Peuples et frontières, savait d’entrée de jeu que du magma identitaire naît le pouvoir des droites extrêmes. Elle peuvent englober la gauche et l’extrême gauche.

Le Centre « culturel » breton est subventionné par la municipalité socialiste de Guingamp.

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Platonov à Lorient

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Première de Platonov  au théâtre de Lorient dans la mise en scène de Rodolphe Dana (qui joue le rôle de Platonov) et avec Emmanuelle Devos dans le rôle de la Générale (rôle qui lui a valu l’an passé le Molière — bien mérité — de la meilleure comédienne).

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En chinois

 

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La Saga des petits radis vient de paraître en chinois !

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Sendak : Loin, très loin

 

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Et voici l’autre album de Sendak, paru ce mois-ci — une fable mélancolique qui était toute faite pour me plaire car elle raconte l’histoire d’un petit garçon qui s’enfuit de chez lui (enfant, j’avais tendance à pratiquer l’art de la fugue). Je ne vais pas raconter l’histoire mais comme les éditions MeMo n’ont pas conservé la note de l’éditeur américain, la voici :

« MAURICE SENDAK a reçu en 1964 la médaille Caldecott pour Max et les maximonstres. Il a aussi reçu en 1970 la médaille Hans Christian Andersen de l’illustration, et il était le seul Américain à avoir reçu cette distinction internationale ; il a reçu en 1983 le Prix Laura Ingall Wilder de l’Association des libraires américains, et, en 1996, la médaille nationale des arts. En 2003, il a reçu le premier Prix du Mémorial Astrid Lindgren, prix international de littérature jeunesse créé par le gouvernement suédois. »

Very Far Away est paru en 1957. Il s’agit du deuxième album de Maurice Sendak, et il est très intéressant de le comparer avec La fenêtre de Kenny (album paru chez MeMo en juin dernier).

Un article paru sur ce livre mentionne la traduction, chose peu courante, surtout dans le domaine de la littérature dite pour enfants.

Grâce au catalogue des éditions Little Urban, nous disposons d’images préparatoires (et qui, à mon avis, sont plutôt complémentaires) qui montrent le héros du livre découvrant l’horrible bébé qui vient de faire son apparition chez lui.

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Ah, quel souvenir que l’arrivée  de l’intrus !

Merveilleuse image aussi que celle du petit garçon qui se venge en dessinant…

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Et qui décide de s’enfuir en s’étant nanti d’une moustache et d’un chapeau…

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Il rencontre un moineau, un chat et un cheval qui ont aussi décidé de partir loin, très loin…  J’aime particulièrement l’image du moineau qui regrette l’heureuse époque où il picorait les miettes de personnes si distinguées…

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Hélas, la bonne entente ne dure pas.

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Ces dessins préparatoires rendent le texte plus présent et lui donnent une profondeur mélancolique. Ils forment d’ailleurs à eux seuls une sorte de livre parallèle qui éclaire la version définitive.

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Un trou, c’est pour creuser

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Je viens de recevoir le premier exemplaire du deuxième album de Maurice Sendak que j’ai traduit pour les éditions MeMo (le premier, c’était La fenêtre de Kenny, qui est paru juste avant l’été).

Cette fois, il s’agit d’un petit album, très soigné, très joli, qui, en fait, à mon avis, n’est pas d’abord un livre mais un outil pour amener les grandes personnes à poursuivre l’expérience et faire elles-mêmes leur album avec les enfants de leur entourage : Ruth Krauss a demandé à des enfants de choisir un objet ou un sujet quelconque et de le définir par son usage.

Exemple : « Un trou, c’est pour… ? »

Elle a gardé les définitions qui lui semblaient les plus percutantes, les plus poétiques, les plus inattendues, et Maurice Sendak a illustré l’ensemble en lui donnant une tonalité joviale qui m’a rappelé les livres que je trouvais dans le grenier de ma grand-mère : on pourrait croire d’ailleurs que ces petits personnages sortent de son carnet de devinettes. Ils ont une présence revigorante.

Un universitaire a consacré un article assez drôle à cette expérience.

Si vous croyez que c’est facile à traduire, essayez un peu…

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Résidence

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Je suis en résidence à la maison Julien Gracq. Personne ne m’a demandé de lire ou relire Julien Gracq mais c’est une sorte d’envie qui s’impose, et lire un auteur à l’endroit même où il a pu rêver, et devant la Loire qui a été pour lui plus qu’un personnage, donne une nouvelle compréhension de son œuvre : j’ai surtout été frappée par cet itinéraire qui mène du Château d’Argol aux Eaux étroites, autrement dit du cliché romantique à cette poésie de la géographie remémorée qui rend ses dernières œuvres, ni roman ni poésie, si passionnantes pour moi.

Il est par ailleurs très curieux de voir à quel point la Bretagne le ramène irrésistiblement au stéréotype — pas seulement la Bretagne mythiquement conventionnelle d’Argol, même la Bretagne visitée, vue par un géographe venu d’ailleurs. Il serait intéressant d’essayer de voir pourquoi.

J’avais beaucoup aimé La Littérature à l’estomac ­­ — pamphlet contre la foire aux prix littéraires qui n’a pas beaucoup vieilli ­— et j’ai redécouvert Le Rivage des Syrtes en me souvenant que j’avais été reçue à l’agrégation grâce à (ou à cause de) Julien Gracq… Au moment de partir en Bretagne, les vacances enfin arrivées, nous avons eu l’idée de nous arrêter au Quartier latin pour voir à tout hasard si j’étais admissible — ça ne faisait qu’un petit détour… Et oui, j’étais sur la liste. Plus de Bretagne : il fallait savoir en quoi consistaient les épreuves de l’oral. J’avais suivi tout ça de très loin mais des amies normaliennes étaient sur le chantier de l’aube à la nuit.

— Ah, mais, me dit l’une d’elle, tu es admissible mais tu n’es pas allée tirer un numéro.

— Un numéro ?

— Un numéro de passage.

— Mais, me dit l’autre, si, je crois que quelqu’un a pris un numéro à ta place.

Eh oui, j’avais un numéro. Et, par chance, je commençais par l’épreuve libre, autrement dit l’épreuve qui ne demandait aucune révision : il fallait juste expliquer un texte pris au hasard. C’était Le Rivage des Syrtes.

Ça se passait à Paris, dans un lycée tout écrasé de chaleur, et, après l’épreuve, comme le concierge passait les murs au jet pour rafraîchir la cour, je m’étais installée sous une fenêtre. De là, j’ai entendu le jury délibérer sur mon cas. Le Rivage des Syrtes m’a donné le courage de continuer au lieu de partir respirer l’air pur de la forêt de Duault.

J’ai tenté de relire Le Rivage des Syrtes mais je passe aux Lettrines et j’ai l’impression que Gracq a trouvé sa voix en sortant du genre romanesque.

 

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