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Mon palmier (enfin, le palmier du voisin) sous la neige, ah, quel beau symbole pour cette nouvelle année…
Symbole d’espoir, même si, bien sûr, la glace et les frimas…
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J’allais mettre cette image en ligne quand j’ai pensé que je devais aller chercher les colis qui m’attendaient à la poste.
Et, là, j’ai découvert que, de poste, il n’y en avait plus.
La poste Saint-Hélier, à Rennes, présentée, telle qu’on peut encore la voir, sous un jour moderniste, était tout simplement supprimée.
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Fini : rayée de la carte.
Mes colis,pour le moment, je pouvais aller les chercher à la poste centrale, dite Rennes République, mais par la suite, je devrais aller les prendre dans un magasin.
— Un magasin ? Quel magasin ?
Un papier aux couleurs de la Poste (je veux dire au jaune omelette adopté voilà quelques année pour rendre la Poste commercialisable) présentait la chose sous un jour avenant.
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Ce n’était pas écrit mais il fallait comprendre qu’U Express, c’était maintenant le nom du Carrefour City sinistre où je ne mets jamais les pieds sans me sentir coupable à l’égard des commerçants qui font la vraie vie du quartier. U Express, variante locale de Système U, membre de Produit en Bretagne, émanation du lobby patronal breton.
— Quoi, le service public vendu à la grande distribution ? Allons donc, impossible !
— Mais vous devez savoir que ce sont sept bureaux de poste qui ferment à Rennes…
— Sept bureaux de poste ? Sans manifestations, sans grèves, sans ombre de protestation ?
— Si, il y a eu des manifestations à l’appel de SUD PTT, de la CGT et du PC ainsi qu’une pétition soumise à signature sur les marchés.
— Et ça n’a servi à rien ?
— On vous dit que c’est fait.
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C’était fait.
Je me suis rendue à la poste centrale, le bureau de Rennes République, un bureau longtemps conservé tel qu’il avait été pensé à l’origine, avec ses marbres, ses mosaïques, et son ambiance si paisible que la philatélie en devenait une forme atténuée de poésie zen… Tout avait été flanqué en l’air voilà quelques années, ce bureau de poste ayant été promu au rang de bureau expérimental : plastique jaune, présentoirs, distributeurs de tickets d’attente, automates, habitacles des conseillers financiers occupant les trois quarts de l’espace, cartes postales et gadgets en promotion occupant le reste. Je n’y allais plus jamais : la bêtise du ravage et le malheur des employés me mettaient hors de moi.
Je n’avais pas prévu que j’allais devoir subir non seulement l’attente, mais le triomphe des nationalistes bretons, car tout dans ce bureau de poste était traduit en breton surunifié, novlangue régnant, oui, à Rennes, en plein pays gallo. Il a suffi que trois pelés et deux tondus organisent une « votation citoyenne » après avoir rameuté les copains pour que la direction de la Poste refasse toute sa signalétique. Au total, une centaine de personnes a voté (178 est-il dit dans un élan d’euphorie — car, comme de coutume, la presse régionale a couvert d’abondance ce glorieux événement) : l’affaire était dans le sac.
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Pourquoi un groupuscule a-t-il pouvoir de légiférer sur la présence du breton surunifié comme langue officielle quand le service public est ainsi bradé ?
La réponse est simple : le breton est là pour faire comme si.
Et puis, le capitalisme local aime beaucoup le breton…
Sur ce, je reçois les vœux de la mairie : tout en breton surunifié, sans un seul mot de gallo, ça va de soi.
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Celtisation et receltisation de la Bretagne gallèse pour l’inclure d’office dans la nation bretonne : c’est le projet de Breiz Atao qui s’accomplit. Privatisation et bretonnisation : le projet de Breiz Atao rejoint le programme du lobby patronal de Locarn (dont, bien sûr, fait partie U-Express via Produit en Bretagne).
Nous le voyons mis en œuvre sous nos yeux.
Qui se souvient qu’en 2009 une “votation citoyenne” contre la privatisation de la Poste avait rassemblé près de deux millions de votants ? Ce combat avait fédéré toute la gauche, comme le rappelait alors triomphalement Libération.
Non à la destruction du service public, c’était le mot d’ordre. Et voici où nous en sommes.
Trugarez ! Bloavezh mat ! Ha degemer mat e Carrefour !
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Mais le palmier survit sous la neige…