Vendredi à 20 h 30 au TNP, nouvelle représentation d’Avril, l’un des cinq spectacles créés aux Lieux mouvants à partir des textes de Sur champ de sable. Cette fois, comme naguère au TGP, nous bénéficions de l’aide précieuse de Jean Bellorini.
Le numéro de janvier du Matricule des anges contient un entretien au sujet des éditions Mesures à partir des questions de Philippe Savary – des questions très intéressantes qui nous ont vraiment permis de nous expliquer sur cette aventure en cours.
Par une heureuse coïncidence, tandis que le film de Vincent Jaglin La Découverte ou l’ignorance poursuit sa tournée en Bretagne à la satisfaction générale, Hélène de Günsbourg m’apprend que l’interview qu’elle m’avait demandée voilà quelque temps vient d’être mise en ligne.
Cet entretien vient à point compléter mes observations au sujet de la censure dont le film a été victime à Callac – du coup, ce petit épisode vient se placer dans un contexte plus large. Espérons qu’il appelle à réflexion.
Comme je l’ai indiqué ici dimanche dernier, le film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance bénéficie, après sept ans de censure, d’une tournée à travers la Bretagne. Avant-hier, salle comble à Lannion et débat passionnant ; hier, à Guingamp, soixante-dix spectateurs et débat non moins passionnant, hélas, interrompu au bout d’une heure par les interventions du codirecteur de l’association La Belle équipe qui a en charge la programmation du cinéma à Callac.
Le mois dernier, ce monsieur s’était opposé à la programmation du film au motif que j’y figure. Nul ne l’obligeait à se rendre à Guingamp puisqu’il avait bénéficié d’une copie du film qu’il avait pu regarder à loisir – et c’est donc en pleine connaissance de cause qu’il avait décidé de le censurer. Il l’a répété hier : ma présence n’aurait pas été supportée par les habitants de Callac. Mais, d’après lui, interdire la programmation d’un film ne relève pas du tout de la censure : les habitants de Callac doivent être protégés de ma fatale présence, voilà tout. C’est à des fins prophylactiques qu’il a agi.
Ce coprésident, détail qui n’est pas sans importance, est un instituteur qui a enseigné le breton en maternelle à Rostrenen, un instituteur donc payé par l’Éducation nationale. Alors que nul ne lui demandait rien, son refus ayant été acté, il est venu accompagné de quelques autres militants (méthode habituelle, j’en sais quelque chose).
Ce cas étant instructif, je vais m’attarder un peu sur les commentaires que j’ai reçus.
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Voilà quelque temps, Inès Léraud (qui elle-même a quelque idée de la manière dont la censure s’exerce en Bretagne), apprenant que le film allait enfin être diffusé avait suggéré à Vincent Jaglin de proposer qu’il soit projeté à Callac : d’une part, ce film n’avait jamais été projeté en Centre-Bretagne ; d’autre part, c’est l’un des hauts lieux de la Résistance dont j’évoque l’histoire dans Miliciens contre maquisards, et il se trouve que Jean Miniou, le SS du Bezen Perrot qui témoigne dans le film en mentant sans vergogne, est précisément l’un des assassins dont je retrace l’itinéraire. À parution de Miliciens contre maquisards, toutes les rencontres avec les résistants qui figuraient dans ce livre ont été annulées, interdites, rendues impossibles, et ce à tout jamais puisqu’ils ne sont à présent plus de ce monde… C’était donc l’occasion ou jamais de passer outre la censure et de libérer la parole. À Callac, ni Fouéré ni le Bezen Perrot n’ont laissé de bons souvenirs…
Au terme de longs échanges, il est apparu que le film ne serait pas diffusé dans cette ville car le coprésident de l’association La Belle équipe s’y opposait. Le réalisateur s’étant étonné de ce refus, le bureau de La Belle Équipe s’est fendu d’un long communiqué justificatif : le motif initialement exposé, à savoir ma présence, était dissimulé sous une argumentation qui est une pièce d’anthologie.
J’en cite ici la conclusion :
« Notre position n’exprime aucun jugement sur la qualité, la pertinence ou l’intérêt public de la démarche du réalisateur Vincent Jaglin. Cette dernière est très forte par la tenue de son point de vue: ce cheminement intime raconté à la première personne partant d’un lourd secret familial enfin révélé. La collaboration d’une partie du mouvement nationaliste breton avec les autorités nazies pendant l’occupation est un fait. Les enjeux qui découlent de l’écriture de cette histoire sont essentiels pour comprendre ce qu’il s’est passé, mais concernant le temps présent, cela ne doit pas se résumer par une adhésion globale du mouvement breton actuel à cette idéologie, même si dans les faits quelques rares individus puissent encore y adhérer. L’histoire de la construction de l’identité bretonne au cours du XXème siècle est complexe, et ne doit pas s’écrire avec des raccourcis.
Malheureusement nous pensons que les conditions sereines d’un débat équitable et constructif ne sont pas réunies. Il ne faudrait pas qu’au-delà des qualités du film de Vincent Jaglin, sa programmation l’éclipse au profit de polémiques stériles car devenues dialogues de sourds. Et que le débat accompagnant la projection devienne le théâtre d’un règlement de comptes. Nous ne montrons pas un film pour l’instrumentaliser à des fins partisanes ou idéologiques. Nous regrettons qu’un tel climat confusionniste nous ait fait prendre cette décision. »
Voici la réponse du réalisateur :
« Force m’est de constater que les arguments que vous avancez pour justifier votre refus sont en contradiction avec les échanges téléphoniques que j’ai pu avoir avec Sylvie Lagrue. Les accusations de « raccourcis », « polémiques stériles », ne répondent pas du tout à mon film mais déplacent le problème vers un hypothétique débat que vous semblez craindre. Mais les documentaires sont faits aussi pour libérer la parole et ouvrir des débats. C’est ce qui s’est passé, et très bien passé, à Redon, comme le rappelle Inès Léraud… La « polémique », il me semble, c’est vous qui la créez avant même qu’elle n’ait lieu, en interdisant aux spectateurs de votre ville de découvrir mon travail.
D’autre part, ce que Sylvie Lagrue a exposé lors de nos échanges téléphoniques, c’est que la présence de Françoise Morvan dans mon film posait problème au vice-président, M. Philippe Le Guern. D’où ma surprise aussi à la lecture de votre long argumentaire où ce motif décisif est totalement effacé.
Je vais donc redire ici ce que je vous ai dit au téléphone et ce que j’ai dit publiquement lors du débat à Redon… Le temps de parole entre les trois historiens à qui je la donne dans le film est à peu près équivalent et cependant j’assiste depuis plus de dix ans à un véritable travail de censure autour de la seule présence de Françoise Morvan dans ce film. Censure que j’avais dénoncée dès la sortie du film en 2014-2015 (cf PJ) S’attaquer ainsi à une personne est une manière bien facile de déplacer le problème pour fuir tout débat. Débat que, de fait, vous censurez à présent et solidairement. »
J’ai trouvé extraordinaire que, pour dissimuler la véritable raison de la censure, à savoir la fatwa lancée contre moi et à laquelle tout militant se doit d’obéir, les membres de la Belle équipe se soient mis en devoir de mettre au jour les arguments qui, depuis la parution du Monde comme si, aboutissent à interdire tout débat :
1. Refus de l’histoire :
« La collaboration d’une partie du mouvement nationaliste breton avec les autorités nazies pendant l’occupation est un fait »
Le problème que pose le film de Vincent Jaglin (après Le Monde comme si) est bien que la collaboration n’a pas été le fait « d’une partie du mouvement nationaliste » mais du mouvement nationaliste breton dans sa totalité, à de très rares exceptions près, et les rebelles furent victimes de dénonciations… Ce n’est d’ailleurs même pas moi qui le dis dans ce film mais l’historien autonomiste Hamon qui, lui, a droit partout à la parole. Pas question de réfléchir aux raisons de cette adhésion massive au national-socialisme : les faits sont niés d’avance.
2. Refus de mettre l’histoire en relation avec le présent :
« Les enjeux qui découlent de l’écriture de cette histoire sont essentiels pour comprendre ce qu’il s’est passé, mais concernant le temps présent, cela ne doit pas se résumer par (sic) une adhésion globale du mouvement breton actuel à cette idéologie, même si dans les faits quelques rares individus puissent (sic) encore y adhérer. »
L’incohérence de la formulation désigne le point aveugle et maintenu coûte que coûte aveugle de l’idéologie du mouvement breton : la mise en place du kit de Breiz Atao par le lobby patronal breton est sans passé, sans lien avec l’histoire. Il y a eu quelques nazis mais ces « rares individus » ont si peu d’importance : tout ça n’est rien.
Ce refus de l’histoire est à penser en situation puisque le cinéma de Callac a récemment projeté le film à la gloire de ce militant nationaliste et authentique nazi que fut Polig Monjarret. Ce médiocre documentaire a été diffusé à Callac et dans toute la Bretagne sans susciter la moindre opposition – et il continue sa tournée.
3. Déni assumé au nom de l’« identité »
L’identité, concept creux, est manipulé de manière à en faire l’argument ultime, le deus ex machina supposé tout expliquer et tout absoudre. Le ton sermonneur sert d’abord à donner des leçons pour faire oublier le tour de passe-passe : substituer l’identité à l’histoire.
« L’histoire de la construction de l’identité bretonne au cours du XXème siècle est complexe, et ne doit pas s’écrire avec des raccourcis. »
Alors que le film apporte témoignages, documents et preuves à l’appui, le réalisateur est accusé de se rendre coupable de « raccourcis », ce qui permet de faire passer la substitution : exit l’histoire , reste « l’histoire de la construction de l’identité bretonne ».
On construit l’identité des Bretons ? Oui, et c’est positif : la sacro-sainte Identité sert à effacer l’histoire et légitimer la censure. Nous sommes dans le règne de la foi.
4. Censure prophylactique
C’est sur ce fond que s’inscrit le dernier paragraphe de l’argumentation développée pour justifier l’interdiction : les « conditions sereines d’un débat équitable et constructif ne sont pas réunies. » À en croire La Belle équipe, le débat n’aurait pu être qu’un « dialogue de sourds – entre qui et qui ? À quel sujet ? Nul sujet : il ne s’agirait que de « polémiques stériles » et de « règlements de comptes ». De règlements de comptes entre qui et qui ? Le réalisateur n’ayant aucun compte à régler avec quiconque, il aurait été supposé assister à des batailles de factieux décidés à « instrumentaliser le filmà des fins partisanes ou idéologiques ». Des fins partisanes ou idéologiques visant à quoi ?
Comme on peut le voir, le confusionnisme caractéristique du mouvement breton aboutit in fine à faire du confusionnisme la cause de la censure : vu le « climat confusionniste », les habitants de Callac ne doivent pas avoir à essayer d’y voir clair ; ils risqueraient de se poser les questions interdites.
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Bref, le mieux pour éviter un « dialogue de sourds » est de rendre tout le monde muet.
…et, si le débat interdit peut malgré tout avoir lieu, et se déroule à la satisfaction générale, de venir le polluer par des « polémiques stériles » et des « règlements de comptes » sans objet, sauf à vouloir « instrumentaliser le filmà des fins partisanes ou idéologiques ».
Inutile de se voiler la face (même si, bien sûr, c’est leur vœu le plus cher), il faut du courage pour oser affronter les ayatollahs.
Quoi qu’il en soit, la première manière de résister à la censure est d’en mettre au grand jour les procédures. À ce titre, ce dernier exemple peut être considéré comme un progrès.
J’ai déjà expliqué ici en quelques occasions combien le sort fait au film de Vincent Jaglin, La Découverte ou l’ignorance, me semblait révélateur du règne de la censure qui s’exerce en Bretagne.
La découverte après l’ignorance ?
Je l’ai expliqué en 2015 lors de la diffusion du film, précédé et suivi de commentaires qui en travestissaient le sens, et, en 2018, lorsque le journal Bretagne-Ile-de-France (dont il faut saluer le courage) a publié une longue interview de Vincent Jaglin dénonçant cette censure.
La chape de silence est retombée puis, tout récemment, ce jeune réalisateur a été invité à présenter une projection de son film à Redon. Cette présentation a été si appréciée que des personnes présentes dans la salle ont décidé de voir s’il était possible de procéder à des projections ailleurs. Le film est remarquable et non moins remarquable est le problème qu’il pose, à savoir la (non) réception dont il a été l’objet depuis sept ans en Bretagne.
Or, voici qu’enfin des cinémas acceptent de le projeter : le 10 janvier à Lannion, le 11 à Guingamp, le 12 à Saint-Brieuc, le 13 à Pontivy, le 15 à Paimpol, le 16 à Pont-l’Abbé, le 18 à Quimper, le 19 à Brest…
À partir du 7 janvier, La Cerisaie mise en scène par Tiago Rodrigues est reprise au Théâtre de l’Odéon. Le spectacle a déjà voyagé depuis la Cour d’honneur en Avignon et a sans doute bien évolué mais les données essentielles seront inchangées. Elles sont bien exposées par Tiago dans un entretien qui sert d’ouverture au spectacle et, chose bien rare quand la plupart des critiques la passent totalement sous silence (comme je l’avais noté ici après la première), mentionne la traduction. Nous avons, de fait, partagé des moments exceptionnels lors du travail à la table, et le texte est à présent publié dans sa forme définitive, incluant toutes les modifications introduites depuis des années au fil des répétitions. Le sérieux apporté par Isabelle Huppert à l’étude du rôle de Lioubov et au moindre de ses mots n’était pas le moins touchant de cette expérience qui me laisse le souvenir d’un travail non seulement choral mais amical.
« Bonne et heureuse année ! », voilà ce que disaient mes vieilles tantes sitôt le seuil franchi, et elles ne manquaient pas d’ajouter : « … et surtout la santé ! » avec l’air de faire chaque fois une nouvelle découverte. Et tout le monde d’approuver : « Oh, oui, la santé avant tout ! ». Vœux plus d’actualité que jamais, même si, au détour du siècle, la formule a changé : on ne vous souhaite plus une bonne année mais une belle année, comme si tout espoir qu’elle puisse être bonne étant mis de côté, l’esthétique devait, malgré tout, primer. Comme je reste optimiste, je souhaite à tous une bonne et heureuse année en espérant aussi qu’elle soit belle.
Cette photo de circonstance s’explique par le fait que j’ai terminé la vieille année en brûlant des livres, chose jusqu’alors impensable pour moi et qui s’est pourtant imposée car, si soigneux que soit l’imprimeur des livres des éditions Mesures, il lui arrive, par exemple, de coller la couverture à l’envers. Que faire de ces livres ni vendables ni offrables ? Un feu de Noël.
C’est aussi l’occasion d’annoncer que L’Oiseau-Loup, qui est le cœur de Sur champ de sable,est paru et qu’il est arrivé pour Noël chez nos abonnés (sans couverture à l’envers). Sauf confinement, le texte sera dit au TNP le 29 janvier. Il devait l’être l’an passé mais nous avions dû nous contenter d’un travail avec les élèves comédiens de l’IRIS – stage mémorable, dans le théâtre désert, qui avait abouti à deux magnifiques représentations pour une poignée de spectateurs masqués… La lecture dirigée par Jean Bellorini pourra-t-elle avoir lieu malgré le covid ? Un vœu de plus à ajouter au grand sac de vœux d’où les miens s’échappent… « Bonne et heureuse année… et surtout la santé ! ».
Au fil des années et des répétitions, nous avons apporté un grand nombre de corrections à nos traductions de Tchekhov. Hélas, les tirages des pièces se succédaient avant que nos corrections aient été prises en compte et, lors des répétitions, nous étions obligés de faire reporter au crayon les modifications apportées…
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Cette fois, ça y est, les titres vont être réédités avec intégration de ces modifications, parfois très importantes. Viennent de paraître ensemble La Cerisaie, Oncle Vania et les deux Ivanov. Il faut remercier les comédiens et les metteurs en scène qui ont collaboré à cette traduction sans cesse remise sur le métier, mais aussi Sophie Duc qui, en tant que responsable de la collection Babel, a entrepris ce vaste chantier de révision. Ce n’était pas une mince affaire, mais, cette fois, il s’agit de la version définitive ! À moins que…
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NB : Ces rééditions, soigneuses, précises, mises en œuvre par notre éditrice sont d’autant plus importantes qu’elles s’inscrivent dans le contexte d’une exploitation de ces textes par des plagiaires qui les travestissent pour toucher les droits. Je vous invite à relire ici la page Tchekhov-remix, plus actuelle que jamais.
Après avoir soutenu une thèse sur Armand Robin en vue de montrer que ses textes avaient été volés pour être édités sous la forme d’une véritable falsification (à savoir Le Monde d’une voix), puis avoir soutenu une thèse sur François-Marie Luzel pour montrer comment les nationalistes bretons avaient trahi l’œuvre du plus éminent folkloriste de Bretagne et tenté par tous les moyens possibles de m’empêcher d’en donner une édition méthodique, un ami m’ayant dit « jamais deux sans trois » , l’horrible perspective de retomber dans le piège de la thèse m’a amenée à en rédiger une préventivement tout en exerçant une délicieuse vengeance contre mon ex-directeur de thèse et ses acolytes.
Au cours de mon combat contre ces nationalistes bretons poseurs de bombes et autres, je m’étais aperçue en éditant les textes de Luzel que ses recherches sur les lutins prêtaient un charme inédit à ses notes de terrain souvent bien académiques et que le lutin était, sous la plume d’érudits archivistes, objet d’hilarantes controverses dans les revues savantes.
D’une part, il y avait là pour moi une lointaine énigme à résoudre car, dans mon enfance, j’imaginais des lutins de fontaine batifolant autour de la source et du lavoir de mon jardin ; d’autre part, ces enquêtes me ramenaient à la question qui m’avait amenée à me pencher sur l’œuvre de Luzel, à savoir le folklorisme et la manière dont la culture populaire est détournée pour devenir objet de science ou de littérature. Le lutin était objet de travestissements particulièrement intéressants en Bretagne dans la mesure où, dès les origines du nationalisme, s’était mise en place la fabrique d’un imaginaire celte supposé supérieur au plat imaginaire latin tué par la raison raisonneuse. C’est sur cette base éminemment raciste que se développent les essais qui prolifèrent partout, enlisant la littérature orale transmise tant bien que mal par les folkloristes sous une chape d’autant plus dangereuse qu’elle adopte des dehors bénins.
En partant des revues savantes, j’ai donc étudié les peuplades de lutins identifiées sur le sol breton, montré comment le korrigan, incarnation supposée de la mythologie celtique, se mêlait aux lutins du pays gallo, et, donnant mes références en notes de bas de page, montré comment l’invention du korrigan, élément du décor néoceltique fabriqué par les militants, était étrangère à la culture populaire, pleine d’un charme incongru, fantasque, imprévisible, et tellement plus drôle que les stéréotypes à présent partout imposés.
Cet essai sous forme de thèse a été immédiatement pillé et mis au service des productions celtomaniaques. Il n’empêche que ce petit volume de la collection Babel a connu bon nombre de tirages et de rééditions.
Le service graphique des éditons Actes Sud m’ayant proposé des images de couverture que j’avais repoussées avec horreur, au bout d’un certain temps, je me suis mise en quête d’illustrations figurant des lutins bretons. Or, constatation achevant d’illustrer ma démonstration (faute de figurer mes lutins), au terme de longues heures dans les bibliothèques, je n’ai trouvé que des espèces de créatures à bonnets, des trolls à oreilles pointues, rien que des abominations folklorisées pour répondre à des stéréotypes répondant aux lieux communs que précisément j’avais voulu fuir.
Sachant que je ne trouverais aucune illustration, j’ai pris mes pinceaux et je me suis mise en devoir de fournir une image de couverture. J’ai d’abord vu paraître le livre sous cette forme…
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Puis sous celle-ci…
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Et voici la dernière réédition, tout juste parue…
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Peu après, les éditions Librio qui m’avaient demandé un livre sur les lutins du territoire français m’ont proposé d’illustrer moi-même la couverture du livre, ce que j’ai fait.
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Hélas, Lutins et lutines, après avoir connu des ventes massives, a disparu sans que je puisse en acheter un seul exemplaire… C’est entre autres pour fuir l’édition pilonneuse que nous avons créé les éditions Mesures, André Markowicz et moi (ce qui me permet d’ailleurs de poursuivre ce travail d’illustration). Remercions Actes Sud qui ne détruit pas les livres et espérons rééditer Lutins et lutines en édition illustrée avec enregistrement audio comme pour les Contes de Bretagne. Ce serait une belle revanche.
Le DDV, le journal en ligne de la LICRA dirigé par Emmanuel Debono vient de mettre en ligne un article que j’ai consacré à un problème qui se pose de longue date en Bretagne et qui est constamment passé sous silence, à savoir la réécriture de l’histoire consistant à minimiser les faits de collaboration et l’antisémitisme du mouvement nationaliste breton issu de Breiz Atao.
Je m’emploie à étudier un cas précis, particulièrement probant, je pense, puisque, pour avoir osé traduire des textes antisémites de Roparz Hemon, Xavier de Langlais, Youenn Drezen et alii, je suis traitée d’ « antiyoudomicrologophile », à savoir amatrice de microscopiques petites phrases antisémites disséminées dans l’innocente presse nationaliste bretonne subventionnée par les services de propagande nazis.
Ce n’est, bien sûr, qu’un exemple parmi tant d’autres mais il m’a semblé intéressant de décrypter à partir d’un exemple précis la méthode employée par ces militants.
Cet article s’inscrit, bien sûr, dans la continuité du travail que j’ai commencé ici.