Carte blanche

Demain, nous serons au festival vo-vf pour parler des éditions Mesures où nous avons publié cette année des livres auxquels nous tenions particulièrement… même si la guerre en Ukraine ne nous a pas permis de les défendre comme nous l’aurions voulu. C’est l’occasion pour nous de leur permettre de rencontrer leurs lecteurs.

Publié dans ancien français, André Markowicz, Éditions Mesures, L'oiseau loup, La Folie Tristan, Rencontre, Traduction, Ukraine | Laisser un commentaire

Marie de France au lycée… et ailleurs

.

.

La collection Les Ateliers d’Actes Sud dirigée par Tiphaine Pelé présente à la rentrée une édition des Lais de Marie de France accompagnée d’un appareil pédagogique dû à Clara de Raigniac et d’un grand nombre d’illustrations (dont une bande dessinée due à Aurore Callias). Pour un prix modique (4,20 €), les lycéens pourront découvrir la littérature médiévale en partant d’une œuvre majeure qui pourtant parle immédiatement à ceux qui la lisent (de préférence à haute voix et si possible à deux voix). Ce n’est pas seulement un outil pédagogique mais une invitation à explorer la la littérature française à partir de ses origines et à comprendre combien malgré les apparences la poésie du XIIe siècle nous est proche. 

.

Au même moment, j’apprends que, le 18 septembre, les Fables de Marie seront dites, accompagnées d’une exposition, chez Mona, Cité audacieuse, dans le sixième arrondissement. 

.

.

De plus, j’apprends aujourd’hui qu’une édition revue et corrigée des Lais va paraître en collection Babel… et un charmant lecteur m’invite à traduire Le Purgatoire de saint Patrice. Je ne demande pas mieux ! 

La collection Les Ateliers d’Actes Sud va compléter les lais par les fables qui, pour la première fois, pourront ainsi être étudiées au collège.

Et enfin, je vous invite à aller écouter les fables de Marie à l’Hôtel de Massa…

Publié dans Traduction | Laisser un commentaire

Prix de traduction et plagiat

Remise du prix à la SACD

Constatant que nos traductions sont exploitées plus ou moins travesties par des metteurs en scène ou des auteurs qui les font passer sous leur propre nom et touchent ainsi les droits, nous avons tenté de poser le problème et de chercher des solutions. 

En 2011, nous avons rédigé une communication intitulée « Traduction théâtrale et plagiat » pour le colloque Mise en scène et droit d’auteur, sous la direction de Sophie Proust. S’en est suivi un débat lui-même suivi d’échanges avec les plus hautes instances de la SACD. Sans succès.

En 2015, un metteur en scène ayant fait passer une de nos traductions de Tchekhov sous son nom, plutôt que d’assigner et d’interdire le spectacle, nous avons préféré signer un protocole d’accord et nous avons à nouveau tenté d’alerter sur le problème du plagiat. L’article « Tchekhov-remix », publié par André Markowicz dans la revue de l’Association des Traducteur littéraires de France (ATLF) et largement diffusé, n’a provoqué aucun changement, aucune prise de conscience des tutelles, des critiques, des acteurs, des spectateurs ainsi abusés. 

Voilà peu, nous avons appris que la SACD nous décernait son prix de traduction. Or, le sujet du plagiat au théâtre est plus que jamais d’actualité car il se pratique au grand jour, en toute impunité.. Il nous a donc semblé que le moment était venu de poser publiquement le problème. La cérémonie ne s’y prêtait pas mais nous avons rédigé une lettre ouverte que nous avons décidé de remettre à la SACD, à la SGDL et à l’ATLF avant de la mettre en ligne. La voici. 

.

.

LETTRE OUVERTE À LA SACD

.

Mesdames, Messieurs, 

Nous vous remercions de nous avoir décerné le prix de la traduction et/ou adaptation de la SACD. Comme nous sommes associés pour ce prix, nous supposons qu’il récompense prioritairement notre travail de traduction du théâtre de Tchekhov. 

Nous voudrions à cette occasion vous faire part de nos observations : le fait de considérer que traduction et adaptation sont équivalents voire interchangeables est un contresens dont les conséquences sont lourdes. La traduction est tout sauf une adaptation ; elle est le contraire absolu de l’adaptation. Nous n’avons pas adapté les pièces de Tchekhov, nous les avons traduites en essayant d’être aussi précis que possible et en nous gardant de toute adaptation au goût français, au goût du public, aux convenances actuelles ou autres visées possibles visant à transformer le texte. 

Cette confusion entre traduction et adaptation a pour conséquence un laxisme amenant à autoriser le détournement du texte : le premier metteur en scène venu peut s’emparer d’une traduction, la mettre à sa sauce, faire jouer cette « adaptation » et percevoir les droits. C’est de cette confusion que dérive le problème que nous soumettons depuis des années, à savoir le problème de la contrefaçon. 

Au moment où nous recevons ce prix, nous sommes victimes de plagiats répétés. Faute de soutien de la SACD, nous nous sommes vus contraints de nous lancer dans une procédure. Or, et c’est ce sur quoi nous voulons attirer l’attention, la procédure pour contrefaçon au théâtre fait que, quoi qu’il advienne, le plagié sera deux fois victime : il lui faudra, en plus d’être blessé par les falsifications des plagiaires, perdre beaucoup de temps et d’argent pour établir la preuve du plagiat (payer un avocat pour qu’il soumette une requête au président du tribunal qui mandate un huissier, puis engager une procédure…). Et ce alors que les solutions pour résoudre ce problème seraient simples à mettre en œuvre. 

Nous souhaitons que la SACD, la SGDL et l’ATLF se concertent pour permettre enfin de lutter contre le plagiat. Ce serait la meilleure façon de promouvoir la traduction, de soutenir le travail des traducteurs et de nous permettre de prolonger notre travail de traduction de Tchekhov. 

Puisse ce prix être l’occasion d’alerter sur un problème qui va s’aggravant au fil des années et qui a lui-même de lourdes conséquences. 

                                                       André Markowicz et Françoise Morvan 

.

.

Publié dans plagiat, Prix, Théâtre, Traduction | Laisser un commentaire

Orée

.

.

Je viens de recevoir le lien vers l’émission de France Culture « Mon œuvre à moi » qui a été diffusée le 25 juin et a été suivie par une chronique Facebook d’André Markowicz (à laquelle je n’ai pas accès, n’ayant pas de compte Facebook). 

À la suite de cette émission de cinq minutes et de cette chronique, j’ai pu lire un grand nombre de commentaires sensibles, perspicaces et pleins d’une empathie touchante au sujet de Brumaire : étrange impression de voir la poésie se glisser dans le gigantesque chaos de l’internet comme un léger fétu sur l’océan… Et de prendre conscience de cette passion intacte alors même que tout ce qui s’apparente à la poésie semble voué aux cercles littéraires. C’était, de fait, un peu comme une orée… 

.

Publié dans Brumaire, Poésie, radio, Sur champ de sable | Laisser un commentaire

Pluie

.

.

La pluie, est-il utile de le préciser, occupe une place essentielle dans la vie de la haute Cornouaille. Personnellement, je ne m’en plains pas, et je trouve même du charme aux considérations sur les intempéries qui alimentent les conversations, offrant ainsi une base gracieuse aux échanges locaux, fût-ce sur le mode de l’invective au ciel. 

C’est après avoir évoqué le sujet avec ma cousine (autre membre du club des amateurs de pluie) que l’idée m’est venue de rassembler les textes sur la pluie qui pouvaient accompagner les volumes de Sur champ de sable (comme L’Oiseau-loup les accompagne). C’était aussi une manière de prolonger Sur champ de sable en employant le quatrain qui en est la base. 

J’ai appuyé ce volume de quatre parties de quatre fois quatre quatrains sur quatre images (la pluie vue par la lucarne du grenier de ma maison natale) à la suite de considérations que j’expose ici. Pour la première fois, je peux penser dans la continuité le texte et l’image et travailler avec l’imprimeur.

.

.

Encore une liberté que m’offrent les éditions Mesures… 

Le livre aurait dû paraître pendant les giboulées de mars mais la guerre en Ukraine en a décidé autrement. Le voilà néanmoins. 

Publié dans Éditions Mesures, Illustration, Poésie, Sur champ de sable | Laisser un commentaire

Après la Corse, la Bretagne…

.

Gallia ethnica

Comme il fallait s’y attendre, les autonomistes bretons, stimulés par la proposition du gouvernement d’accorder l’autonomie à la Corse, se sont mobilisés pour revendiquer le même statut. Tout était prêt de longue date : les manifestations du FLB pour faire redouter des attentats, puis les discours lénifiants des bons autonomistes appelant le gouvernement à prendre des mesures pour éviter les violences… C’est ce qui s’annonçait dès la mi-mars suite à la mort de Colonna comme je le notais ici même. Mais tout a pris une dimension nouvelle, à la fois burlesque et lamentable, avec le basculement subit du conseil régional tout entier dans le camp des autonomistes. Seul le Rassemblement national a voté contre l’autonomie – difficile, en effet, de s’appeler Rassemblement national et de prôner l’éclatement de la France en ethnorégions inéluctablement vouées à prendre leur indépendance, comme on peut le voir en Catalogne ou en Écosse – et le président du groupe d’extrême droite de manifester son étonnement : « À croire que les élus RN sont les derniers républicains de cette assemblée ». Triste constat. 

Le plus invraisemblable de ce coup de force, est que, alors que les autonomistes ont obtenu des scores dérisoires aux élections régionales, c’est Aziliz Gouez, élue sur la  liste « Breiz-a-gleiz – autonomie écologie territoires » disposant en tout et pour tout de six sièges, qui a lancé l’opération. La redoutable Aziliz Gouez que l’on a vu apporter son soutien aux pires nationalistes du Parti breton comme aux affairistes de l’Institut de Locarn tout en œuvrant à la « réunification », vœu premier du lobby patronal breton (puisque préalable nécessaire à la création d’une nation bretonne libérée de la France jacobine). Socialiste mais soutenant la Fondation Fouéré, écologiste mais faisant advenir le projet de l’Institut de Locarn

Entre Alain Glon, président de l’Institut de Locarn, et Jakez Bernard, président de Produit en Bretagne, à la fondation de l’ENA bretonne destinée à former les futures élites au management de la Bretagne autonome

Nulle opposition dans les rangs des élus. À droite, le ridicule Marc Le Fur, le « député du cochon », que l’on voyait défiler affublé d’un bonnet rouge en tête des manifestants contre l’écotaxe, appelle le retour au duché de Bretagne, aux temps heureux où le parlement de Bretagne votait ses lois et ses spécificités fiscales. Il appelle à une dérèglementation générale mais limitée à ceux qui pensent pouvoir en tirer profit car, attention, ce qui est bon pour les Corses et les Bretons n’est pas bon pour les autres. « N’ayons pas peur. Toutes les régions n’ont pas vocation à avancer dans la même direction que la nôtre ». L’égoïsme des uns suppose l’abnégation des autres… Car ce qui est demandé d’abord, c’est l’autonomie fiscale, grande revendication de l’Institut de Locarn : la Bretagne est maintenant, comme la Corse, une région riche et qui ne veut plus « payer pour Paris ». Comment donc a-t-elle fait pour devenir si prospère sous le joug de l’État jacobin ? Question à ne pas poser : fini de payer pour les banlieues pleines d’immigrés, les régions sans identité. Fin de l’égalité républicaine.

Et les élus de se soumettre. Les élus de la République en marche se congratulent naturellement. La République en marche, pour aller vers où ? La réponse se précise : sa disparition. Le président socialiste applaudit des deux mains et le premier vice-président s’exclame sur un ton liturgique : « Oui à ce supplément d’âme d’une Bretagne à cinq ! ». Nantes pour supplément d’âme d’une Bretagne attendant qu’on lui livre enfin ce qui lui fait si cruellement défaut : discours de missionnaire que même la » France colonisatrice » n’aurait jamais osé tenir ? Le supplément d’âme promis par le lobby patronal qui est ici à la manœuvre ne serait-il pas surtout le supplément de pouvoir d’élus serviles ?

Ont-ils été élus sur un programme autonomiste ? Ou les Bretons sont-ils à nouveau les dindons d’une sinistre bécassinade ?

.

NB : Dans le même registre, depuis le 1er avril, la langue des discours au conseil régional n’est plus le français mais indifféremment le français, le breton ou le gallo. Le président socialiste du conseil régional annonce que c’est une grande première en France et qu’il faut en être fier. En effet, près de dix conseillers régionaux sont plus ou moins capables de s’exprimer en breton ou en gallo et un poste de traducteur a été créé pour les traduire en français lorsque l’envie leur vient de s’exprimer dans leur idiome minorisé.

On pourra lire à ce sujet une lettre ouverte de Gérard Hamon au président du conseil régional – lettre qui, à ce jour, n’a reçu aucune réponse.

.

.

Publié dans Autonomisme, Bretagne, Corse, Ethnisme, Institut de Locarn, nationalisme, politique, Produit en Bretagne | Un commentaire

Rencontres en librairie à Lorient et Concarneau

Eh oui, tout est possible : en dépit de l’omerta de rigueur en Bretagne, deux courageux libraires ont décidé de nous inviter, André Markowicz et moi.  

Nous serons…

le vendredi 8 avril à 19 h à la librairie À la ligne, 11 rue Auguste Nayel, à Lorient…

.

.

… et le samedi 9 avril à la librairie Albertine, 5 rue des écoles, à Concarneau.  

.

.

Il est heureux que nous puissions parler des livres que nous publions aux éditions Mesures au moment où se déchaîne un véritable racisme interdisant tous les auteurs russes, y compris ceux qui ont passé leur vie à affronter le pouvoir comme ceux que nous avons publié, Harms, Iliazd, Tsvétaïeva, et, ce mois-ci, Kari Unksova qui a été assassinée par le KGB… Face à la montée de ce fanatisme qui vient de faire interdire un festival de cinéma russe à Nantes, l’esprit de résistance est plus précieux que jamais. Mais nous ne parlerons pas que des auteurs russes… 

Publié dans André Markowicz, Bretagne, Éditions Mesures, Librairie, Poésie, Poésie russe, politique, Russie, Signature, Sur champ de sable, Traduction, Ukraine | Laisser un commentaire

Rencontre à la librairie Bisey à Mulhouse

Ce soir à 18 h 45, nous serons à Mulhouse à la librairie Bisey où nous pourrons présenter les éditions Mesures que les événements rendent, hélas, plus actuelles que jamais dans leur inactualité même (puisque les auteurs russes que nous avons publiés offrent tous l’exemple d’une résistance héroïque au pouvoir). Mais nous répondrons surtout aux questions des lecteurs… 

Publié dans André Markowicz, Éditions Mesures, Rencontre | Laisser un commentaire

Indécence

.

.

Tandis que les armées de Poutine bombardent l’Ukraine qui, peuplée par une ethnie slave, doit selon lui rejoindre le giron de la mère patrie, qu’elle y consente ou non, car Dieu l’a voulu, la Bretagne est parallèlement le lieu d’un combat mené contre la France au nom des gènes d’une ethnie opprimée, une ethnie celte vouée à rejoindre le giron de la mère patrie, la vaste celtitude éclatée en nations appelant à prendre leur indépendance. 

*

Le 19 mars, pour faire pièce à l’ouverture du château de Villers-Cotterêts et à la semaine de la langue française et de la francophonie, les militants bretons organisent un colloque intitulé « Ethnocides, un tabou français ». Ce colloque peu tabou puisqu’il se tient officiellement à l’université de Vannes est subventionné par le Conseil régional de Bretagne, l’Institut culturel de Bretagne (connu de longue date pour ses dérives nationalistes et sa promotion de collaborateurs des nazis) et Kevre Breizh. 

Qu’est-ce que Kevre Breizh ? Ne cherchez pas sur Internet : le site (kevrebreizh.bzh) est en maintenance et les informations éparses çà et là obscures. C’est un réseau, comme l’association Produit en Bretagne créée par l’Institut de Locarn pour fédérer les entreprises bretonnes autour d’un projet apparemment apolitique et plein de bons sentiments identitaires, un réseau créé par le Conseil culturel de Bretagne (double de l’Institut culturel également créé par Giscard d’Estaing sous la pression des nationalistes, le tout formant une sorte de ministère de l’Identité) en vue de fédérer vingt-sept associations dites « culturelles ». Il va de soi que l’alibi culturel prête apparence bénigne à un projet éminemment politique, comme l’indique le choix du président, le militant nationaliste Tangi Louarn, frère de la militante nationaliste Lena Louarn, ex-vice-présidente du Conseil régional, et oncle de la chanteuse nationaliste Gwennyn Louarn qui intervient également dans ce colloque. Lena Louarn n’a jamais manqué de rendre hommage à son père, Alain, dit Alan, Louarn, collaborateur des nazis condamné à la Libération et militant nationaliste acharné jusqu’au bout à poursuivre son combat. 

Kevre Breizh a donc été créé par le Conseil régional de Bretagne présidé par Jean-Yves Le Drian, alors socialiste. Comme l’indiquent les statuts, pourtant rédigés dans un charabia assez flou pour abuser, le but de l’association est « la défense des droits culturels des bretons (sic) et le soutien mutuel à ses membres (sic) dans le cadre de ses principes fondamentaux ». Quels « principes fondamentaux » ? Édictés par qui ? Et quels « droits culturels des Bretons » ? Définis comment ? Par qui ? Le but affiché est de permettre la représentation des associations ainsi fédérées « auprès des institutions à tous les niveaux et en particulier au niveau des 5 départements bretons, de la région de Bretagne, des institutions de la république française, de l’union européenne, du conseil de l’Europe et des nations unies », donc de faire advenir la « réunification » de la Loire Atlantique, considérée comme département breton, préalable nécessaire à l’autonomie, en attendant l’indépendance. 

Les amateurs de danses bretonnes, de dentelle ou de biniou se rendent-ils compte qu’ils s’inscrivent dans un combat politique pour des droits et des principes dont ils ne savent rien ? Kevre Breizh se vante de rassembler 75 000 membres (ailleurs, 50 000). Elle est subventionnée par le conseil régional mais obtenir les comptes n’est pas simple… Quoi qu’il en soit, en sont membres Diwan (qui reçoit chaque année plus d’un million d’euros), Stumdi (plus de six cent mille euros), Bodadeg ar sonerion plus de quatre cent mille euros comme le Festival interceltique, sans oublier Kendalc’h, la maison d’édition nationaliste Skol Vreizh et autres associations grassement subventionnées, soit des dizaines de millions ainsi investis dans le combat breton. La fabrique identitaire se tient là, dans ce réseau tissé pour emprisonner tout ce qui touche à la culture et qui s’effondrerait s’il n’était plus sous perfusion. 

Le colloque organisé pour « réexaminer les pratiques ethnocidaires de la France vis-à-vis de ses minorités culturelles ou des peuples dont elle refuse de reconnaître les droits fondamentaux en Alsace, en Corse, au Pays basque, en Bretagne, en Occitanie, en Catalogne, en Flandre, en Savoie, dans les territoires d’outre-mer » assemble la fine fleur des autonomistes bretons avec la participation de militants des ethnies opprimées par la France (Haizpea Abrisketa pour le Pays basque,  Micheli Leccia pour la Corse, Pierre Klein pour l’Alsace, Elin Haf Gruffydh Jones pour le Pays de Galles et les langues celtiques persécutées… et le redoutable Louis-Georges Tin qui, après avoir été radié du non moins redoutable CRAN pour malversations, se présente comme Premier Ministre de l’État de la Diaspora Africaine (je respecte les majuscules) pour « légiférer sur l’ethnocide » (tel est le titre de sa communication). Il est à noter que l’État de la Diaspora Africaine a été créé en 2018 par Tin qui s’est autoproclamé Premier Ministre, suscitant ainsi diverses protestations, dont celle du CRAN qui qualifie cet État fictif d’« imposture ». La promotion de L.-G. Tin est, depuis des années, assurée par RT, chaîne de propagande poutinienne à présent interdite par l’Union européenne (et il va de soi que l’invitation de Tin à ce colloque n’est pas un hasard dans les circonstances actuelles). 

Au moment où paraît le très remarquable livre de Philippe Brunet, Itinéraire d’un masque, évoquant l’interdiction de sa mise en scène des Suppliantes d’Eschyle à la Sorbonne par L.-G.Tin et les militants du CRAN, il n’est pas sans intérêt de marquer l’intrusion du wokisme en Bretagne par le biais des autonomistes subventionnés par le Conseil régional. 

Les militants bretons retenus pour illustrer l’ethnocide qu’ils ont subi sont l’autonomiste Jean-Jacques Monnier, spécialiste de la réhabilitation des nationalistes collaborateurs des nazis (voir son essai Résistance et conscience bretonne assimilant Résistance et combat breton), Rozenn Milin, qui fut la directrice de TVBreizh fondée par Patrick Le Lay, et l’autonomiste Paul Molac, élu député grâce à l’appui de Jean-Yves Le Drian – Molac qui fut président du Conseil culturel de Bretagne et vice-président de Kevre Breizh. Ainsi la boucle est bouclée. 

L’idéologie qui sous-tend ce colloque est la haine de la Révolution française et de la République accusée de s’être rendue coupable d’une « politique ethnocidaire » identique « depuis la Terreur » et la « Troisième République colonialiste de Jules Ferry ». Le fait de critiquer l’enseignement dit « par immersion » pratiqué par Diwan est assimilé à la « politique ethnocidaire de la Terreur ». 

*

Tandis que « les Bretons » (puisque les nationalistes bretons s’arrogent le droit de parler au nom du « peuple breton », ce qu’ils font, de fait, sur fonds publics, comme on peut le voir) s’élèvent contre l’ethnocide qu’ils subissent, « les Corses » promettent de mettre l’île à feu et à sang afin de rendre justice à un assassin, Yvan Colonna, emprisonné pour avoir abattu avec une ignoble lâcheté le préfet Érignac. 

Colonna qui faisait de la musculation avec un islamiste fanatique détenu pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme », a trouvé intelligent de le provoquer et notamment, d’après le procureur antiterroriste Jean-François Ricard, de déclarer au djihadiste que, pour sa part, il « crachait sur dieu ». Le 2 mars, pour venger ce blasphème et gagner le paradis d’Allah, l’islamiste se jette sur lui par derrière et tente de l’étrangler. Colonna, bien que secouru par les surveillants, sombre dans le coma. 

S’il s’agissait d’une minable bagarre entre détenus, d’aucuns penseraient que la violence des uns attise la violence des autres et que le fanatisme attise le fanatisme – mais nous sommes en Corse : résultat du crachat sur dieu, des milliers de Corses défilent derrière des banderoles proclamant « Gloire à toi, Yvan » et « État français assassin ». 

En quoi l’État français est-il responsable de l’assassinat de Colonna (assassinat potentiel puisqu’il est toujours en vie)  ? La réponse des nationalistes est que la prison d’Arles n’est pas à la hauteur de leurs attentes, qu’elle est trop loin de Corse et que les voyages coûtent trop cher. Les familles des autres assassins du préfet, Alessandri et Ferrandi, en profitent pour demander leur incarcération en Corse. 

Des lycéens et étudiants de Corte (petite ville où se trouve une université qui a été une conquête des nationalistes) organisent des émeutes… 67 blessés, des incendies… L’autonomiste Gilles Siméoni,  ex-avocat de Colonna et actuel président du conseil exécutif de Corse, en profite pour souffler sur les braises : « Le peuple corse tout entier est mobilisé contre l’injustice » – quelle injustice ? Aucun journaliste ne pose la question – et « pour une véritable solution politique entre l’État et la Corse ». Quelle solution ? La question n’est pas posée non plus puisqu’elle va de soi : les Corses sont corses et doivent donc être corses, libérés de l’État qui ne leur veut que du mal et fait assassiner leurs chers assassins qu’il aurait fallu veiller avec amour et vigilance en évitant qu’ils ne subissent les conséquences de leurs gracieux propos.  

Réponse de l’État assassin : Colonna, Alessandri et Ferrandi (qui sont des détenus DPS, particulièrement surveillés) sont libérés de leur statut et autorisés à être incarcérés en Corse ; la peine de Colonna est suspendue – son avocat, ne l’oublions pas, était le sulfureux garde des sceaux Dupont-Moretti. Et voilà le non moins sulfureux Gérald Darmanin qui accourt à Ajaccio et propose tout de go un statut d’autonomie à la Corse. 

Le 26 novembre dernier, suite aux émeutes contre le passe sanitaire, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu s’était, de même, précipité aux Antilles pour proposer franco l’autonomie à la Guadeloupe. Mais c’est qu’en 2003, consultés au sujet de la création d’une collectivité territoriale administrée par une assemblée unique, les Guadeloupéens avaient répondu non à 72, 98 %. Allait-on leur forcer la main pour les décider à accepter la liberté qui leur était proposée contre leur opinion si clairement exprimée ? C’est ce qui s’est passé en Corse où, en dépit d’un vote négatif, la collectivité territoriale unique a été imposée, amenant au pouvoir les nationalistes. 

*

Il va de soi qu’en de telles circonstances, et au moment d’ouvrir la seconde partie du colloque sur les ethnocides, Paul Molac triomphe : enfin, l’État ethnocidaire offre l’autonomie à l’ethnie corse. « C’est un changement de mentalité de la part de l’État qui avait quasiment banni ce terme par le passé », jubile-t-il. Fin de l’égalité républicaine : « Il faut laisser les territoires s’organiser. » 

Chaque reculade du gouvernement est présentée comme une avancée. 

Une avancée vers quoi ? 

Une Europe des ethnies. 

Caractérisées par quoi ? 

Une identité fabriquée pour servir de décor et permettre à l’État de ne plus assumer son rôle. L’essentiel est qu’il se désengage et disparaisse le plus possible. 

Le colloque du 19 mars est une petite pièce dans un dispositif d’ensemble. 

L’invention de l’ethnie bretonne, fiction aussi dérisoire que l’État inventé par Tin pour se bombarder Premier Ministre et participer à l’une des pires chaînes de propagande poutinienne, se situe là, dans l’organisation sur fonds publics d’une cérémonie destinée à mettre en œuvre la propagande à quoi chacun sera amené à croire – une propagande officielle, comme on peut le constater. L’ethnisme, qui n’est qu’une variante de fiction raciste, s’inscrit dans un projet global

Et, bien sûr, dans la foulée, le FLB s’empresse de demander (au nom du peuple breton ethnocidé) un référendum sur l’autonomie ou l’indépendance de la Bretagne (la Bretagne « réunifiée » naturellement, puisque la « réunification  » est le préalable de l’autonomie, elle-même préalable de l’indépendance, comme le montre bien Benjamin Morel).

À l’aune de la guerre qui se déroule en Ukraine, les événements de Corse et le colloque contre l’État français ethnocidaire apparaissent comme les deux faces d’un combat qui se caractérise par la même indécence.

;

Publié dans Autonomisme, Bretagne, Corse, Ethnisme, monde comme si, nationalisme, Propagande, Ukraine | Laisser un commentaire

Armand Robin ou le mythe du Poète (nouvelle édition)

.

.

Voici en livre de poche l’édition abrégée et actualisée de ma thèse – autrement dit le résultat d’un long combat pour tenter de sortir Armand Robin de la lourde gangue de lieux communs et de mensonges dans laquelle il était enlisé. Un combat perdu, il faut le dire, puisque la gangue s’est remise en place, plus lourde que jamais. Encore fallait-il montrer comment la tentative menée pour chercher une voie nouvelle par une expérience visant à échapper à la poésie conventionnelle a été trahie, travestie, abêtie, de manière à faire de Robin un poète digne de figurer au panthéon des poètes maudits.

Il m’a semblé intéressant (quoique, bien sûr, totalement inutile) de revenir sur l’itinéraire de Robin pour faire pièce aux falsifications qui continuent de triompher partout et d’exposer aussi précisément que possible la manière dont ces falsifications servent à construire un mythe tissé de lieux communs admis comme invariants auxquels toute pensée doit se soumettre (sans qu’ils puissent être pensés puisqu’ils sont là avant même d’avoir été là, constitutifs d’un magma donnant sa cohésion au mythe). 

Ceux qui ne se soumettent pas et qui, chose rare, opposent une résistance concrète sont inéluctablement repoussés hors du champ, écrasés par les mécanismes de la censure et, pour finir, enlisés sous l’envahissante gangue. C’est ce qui s’est passé pour Armand Robin et c’est ce qui s’est passé pour moi puisque, pour donner à lire les textes qui témoignaient de l’expérience de la « non-traduction » visant à lui permettre d’échapper à l’enfermement dans ce qu’il appelait la  « poésie pour poètes », j’ai publié ces Écrits oubliés, ces émissions de Poésie sans passeport et ces Fragments qui ont à présent disparu. Pour en finir, encore fallait-il montrer comment le mythe enlise les textes eux-mêmes et les réduit à l’inexistence. 

*

Le cas d’Armand Robin offre un point paroxystique dans la forgerie puisque nous sommes en présence d’un auteur qui s’était voulu sans existence et s’est trouvé post mortem nanti d’une existence tissés de lieux communs souvent inventés constituant une parfaite biographie de Poète. Or, montrer la fabrique de la mythobiographie ne sert à rien, les ingrédients du mythe étant constitutifs de l’objet dont on parle, l’objet Robin. Cet « objet Robin » sans rapport avec ses textes, son travail, ses volontés exprimées a été, autre point paroxystique, créé à partir d’une invraisemblable falsification, à savoir une œuvre de poète conventionnel construite de bric et de broc à l’aide des manuscrits recueillis après sa mort, rassemblés, taillés à coups de ciseaux et publiés sous le titre Le Monde d’une voix. 

Ces manuscrits, déposés aux éditions Gallimard, avaient été volés par un certain Léon, dit Alain, Bourdon. Avec l’aide de Robert Gallimard et des personnes qui avaient recueilli ces textes, j’ai obtenu qu’ils soient restitués (ou, du moins, ce qui  en restait) et j’ai découvert qu’Alain Bourdon avait démantelé un manuscrit intitulé Fragments, manuscrit que j’ai publié après avoir procédé à l’archivage du fonds pour le compte des éditions Gallimard.

Le livre ne correspondait pas du tout à la doxa. Il constituait un obstacle, mince assurément, mais gênant. Comme d’ailleurs l’auteur lui-même l’avait été de son vivant – mais ce n’était pas un transfuge qu’il fallait : il fallait un poète pour poètes, le plus maudit possible, et le fait d’être mort suite à une arrestation était un attribut si merveilleusement valorisant pour étayer les arrière-fonds christiques constitutifs du mythe qu’il fallait coûte que coûte en revenir au Monde d’une voix et à la biographie concoctée par Alain Bourdon. 

En 2006, les Fragments ont été pilonnés et Le Monde d’une voix a été republié tel quel. Le poète André Velter qui dirigeait la collection Poésie chez Gallimard avait besoin d’un Poète : il l’a donc promu, ou plutôt repromu, et ce alors même que l’éditeur possédait les manuscrits, leur édition validée par un jury dont l’un des principaux responsables de la maison d’édition était membre, et que ce même jury avait constaté que Le Monde d’une voix était une falsification. 

Plus étonnant encore, si l’on s’en tient au domaine des faits, Le Monde d’une voix était précédé d’une édition tronquée de Ma vie sans moi, le premier livre d’Armand Robin, constitué pour moitié de traductions ; or, les traductions avaient été supprimées au motif qu’elles ne relevaient pas de l’œuvre du Poète. Exemple, encore une fois paroxystique, des effets de la normalisation mythificatrice (et mystificatrice) : un auteur qui avait fait de la traduction le moyen de faire de la poésie autrement, et d’échapper par là à l’enfermement dans une œuvre de Poète, était castré de ce qui, en effaçant la limite entre écriture personnelle et traduction, aurait pu remettre en cause le statut (et la statue) du Poète. 

Trahison du texte, de l’œuvre, de l’auteur : trahison officielle, officialisée, faisant de Robin un faire-valoir de poètes pour poètes au service d’un mythe profitable : en fin de compte, la mort tragique d’Armand Robin fait partie du chic poétique valorisable dans les cercles de poètes avec prix, salons et médailles. 

C’est contre cette indécence que j’ai, dès l’adolescence, voulu protester. Robin avait été privé de ce qui avait fait sa force vive et sa liberté. C’est au nom de cette force vive et de cette liberté que j’ai protesté en menant à bien ces éditions qui ont disparu et cette thèse qui avait pour but de leur donner statut objectif contre les falsifications : il m’a fallu revenir de ces illusions mais, lorsque mes recherches ont été pillées pour être mises au service du mythe et que j’ai dû engager une procédure pour plagiat, j’ai décidé de réagir et considéré comme une chance de pouvoir actualiser ces recherches et d’en tirer les conclusions. Merci donc d’abord à Catherine Coquio qui m’a offert cette chance. 

*

Lorsque cet essai est paru en édition de grand format, j’ai attendu avec curiosité de voir ce que deviendrait le mythe ainsi mis à nu. La réponse est bien simple – rien. Le plus étonnant, si toutefois il est encore possible de s’étonner en pareille matière, a tout de même été l’hommage rendu à ma longue quête en vue de rendre justice à ce grand Poète breton que fut Robin, frère en poésie de Xavier Grall et Anjela Duval (autrement dit deux poètes nationalistes bretons, deux incarnations de la pire ringardise poétique, celle que Robin avait voulu fuir).

Tout ça pour rien ? 

Non, pas pour rien. 

Il n’est pas inutile de montrer que l’illecture est la condition nécessaire de la fabrique, de la consolidation et du maintien du mythe. L’illecture ou l’art de lire sans lire, de lire pour en pas lire, de lire pour en lire que ce qu’on veut lire, l’illecture appuyée sur la vieille technique partisane caractéristique du discours nationaliste  : la décontextualisation. Les faits, les citations, les images extraits de leur contexte sont mis en flottaison libre et sont ainsi rendus modulables, exploitables à loisir pour finalement servir le lieu commun attendu – en l’occurrence, une figure de Poète aussi conventionnelle que possible, avec œuvre poétique trafiquée. 

Les récentes publications le montrent : impossible d’échapper à la gangue proliférante.  

C’est tout de même ce qu’Armand Robin avait tenté de faire. 

Et c’est aussi ce que j’ai essayé – en nageant à contre-courant vers une eau que j’espérais plus claire. 

Le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne l’était pas, et qu’elle n’est pas allée s’éclaircissant. 

.

Publié dans Armand Robin, Critique littéraire, monde comme si, Poésie, Traduction | 2 commentaires